Cour d'appel de Bordeaux, 16 mai 2013, n° 11/07690

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Bordeaux, 16 mai 2013, n° 11/07690
Juridiction : Cour d'appel de Bordeaux
Numéro(s) : 11/07690
Décision précédente : Tribunal de grande instance de Bordeaux, 11 octobre 2011, N° 09/09024

Texte intégral

COUR D’APPEL DE BORDEAUX

PREMIERE CHAMBRE CIVILE – SECTION B


ARRÊT DU 16 MAI 2013

(Rédacteur : Madame Catherine FOURNIEL, Président)

N° de rôle : 11/07690

LA S.A.R.L. X Y

XXX

c/

LA SOCIETE LACROUTS MASSICAULT

Nature de la décision : AU FOND

Grosse délivrée le :

Décision déférée à la cour : jugement rendu le 12 octobre 2011 (R.G. 09/09024 – 7e chambre civile -) par le Tribunal de Grande Instance de BORDEAUX suivant déclaration d’appel du 22 décembre 2011,

APPELANTES :

1°/ LA S.A.R.L. Z X Y, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social, sis XXX,

2°/ XXX, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social, sis XXX,

Représentées par la S.C.P. Michel PUYBARAUD, Avocat au barreau de BORDEAUX, et assistées de Maître Emilie LEMIERE, Avocat au barreau de BAYONNE, substituant Maître Nicole BENZEKRI, Avocat au barreau de TOULOUSE,

INTIMÉE :

LA SOCIETE LACROUTS MASSICAULT, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social, sis XXX,

Représentée par Maître Stéphane MILON, membre de la S.C.P. Pierre LATOURNERIE – Stéphane MILON – David CZAMANSKI – Julien MAZILLE, Avocats Associés au barreau de BORDEAUX,

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 786 et 912 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 5 mars 2013 en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Monsieur Louis-Marie CHEMINADE, Président, et par Madame Catherine FOURNIEL, Président, chargés du rapport,

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Monsieur Louis-Marie CHEMINADE, Président,

Madame Catherine FOURNIEL, Président,

Monsieur Patrick BOINOT, Conseiller,

Greffier lors des débats : Madame Marceline LOISON

ARRÊT :

— contradictoire

— prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile.

EXPOSE DU LITIGE

La SARL Z X Y ( SARL Y ) a confié à la SA Lacrouts Massicault, suivant contrat du 14 décembre 2006, la maîtrise d’oeuvre d’une opération de réhabilitation et de construction d’un ensemble immobilier situé aux 114 et XXX et XXX à Bordeaux.

Par lettre recommandée du 24 avril 2009, la SA Lacrouts Massicault a réclamé à la SARL Y les honoraires censés correspondre à l’état d’avancement de sa mission.

Il a été répondu à cette demande, par courrier du 5 mai 2009 émanant du conseil de la SNC Les Couteliers, disant venir aux droits de la SARL Y, que ces honoraires n’étaient pas dus et que la dégradation des relations entre les parties justifiait qu’il soit mis un terme à leur collaboration.

Cette résiliation a été confirmée par la SARL Y dans une lettre du 4 juin 2009.

La SA Lacrouts Massicault, après avoir réitéré sa demande de règlement d’honoraires et avoir sollicité le paiement d’une indemnité contractuelle de rupture anticipée par lettre recommandée du 26 juin 2009, a fait assigner la SNC Les Couteliers puis la SARL Y à l’effet de voir constater la résiliation aux torts exclusifs des défenderesses du contrat de maîtrise d’oeuvre du 14 décembre 2006, et obtenir leur condamnation au paiement d’un solde de factures, de l’indemnité conventionnelle de rupture anticipée et de dommages et intérêts pour résistance abusive, outre une indemnité sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Suivant jugement en date du 12 octobre 2011, le tribunal de grande instance de Bordeaux a :

— dit n’y avoir lieu à annulation de l’assignation délivrée à la SARL Z X Y ;

— condamné in solidum la SARL Z X Y et la SNC Les Couteliers à payer à la SA Lacrouts Massicault les sommes suivantes :

*36.478 euros au titre des honoraires de la troisième tranche, avec intérêts au taux légal à compter du 24 avril 2009 et capitalisation des intérêts par année entière à compter du 2 septembre 2009 ;

*1.500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

*sur justificatif, les frais de recouvrement de l’huissier compétent pour exécuter le jugement dans la limite des sommes versées à cet huissier au titre du droit de recouvrement de l’article 10 du décret n°96-1080 du 12 décembre 1996 ;

— condamné in solidum la SARL Z X Y et la SNC Les Couteliers aux dépens ;

— rejeté le surplus des demandes.

La SARL Z X Y et la SNC Les Couteliers ont interjeté appel de ce jugement par déclaration en date du 22 décembre 2011 dont la régularité et la recevabilité n’ont pas été discutées.

Par conclusions du 13 février 2013, elles demandent à la cour :

— de débouter la société Lacrouts Massicault de sa demande en paiement d’honoraires, en faisant valoir que la mission confiée à l’architecte était suspendue par le recours déposé contre le permis de construire dont ce dernier a été informé le 18 juin 2007, que cette demande survient deux ans après l’émission de la facture, que l’architecte ne rapporte pas la preuve de ce qu’il les a informées de l’exécution de sa mission au moment de la facturation, et qu’aucun justificatif n’a été communiqué lors de la communication de la facture d’envoi, ni lors des mises en demeure de payer ;

— à titre subsidiaire, de constater que celle-ci ne justifie de l’accomplissement de sa mission que dans le cadre de la présente instance et quatre ans plus tard.

Elles concluent à la confirmation du jugement en ce qu’il a débouté la société Lacrouts Massicault de sa demande d’indemnité de résiliation, en soutenant que le contrat de maîtrise d’oeuvre a été résilié en raison de la défaillance de l’architecte et du recours de tiers, causes de résiliation prévues contractuellement, qu’il existait entre les trois contrats de maîtrise d’oeuvre conclus avec la SA Lacrouts Massicault une interdépendance telle que la dégradation des relations contractuelles dans deux programmes ont nécessairement engendré une perte de confiance, et que cette situation constitue une motif légitime de résiliation sans indemnité.

Les sociétés appelantes sollicitent en toute hypothèse la condamnation de la société Lacrouts Massicault à payer à chacune d’elles la somme de 3.000 euros pour procédure abusive, et la somme de 2.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens tant de première instance que d’appel, dont distraction pour ces derniers au profit de la SCP Michel Puybaraud.

Aux termes d’écritures en date du 16 mai 2012, la SA Lacrouts Massicault conclut à la confirmation du jugement, sauf à constater la résiliation aux torts exclusifs de la SNC Les Couteliers et de la SARL Z Y du contrat de maîtrise d’oeuvre du 14 décembre 2006, et les condamner in solidum à lui payer la somme de 73.200 euros correspondant à l’indemnité conventionnelle de rupture anticipée avec intérêts au taux légal à compter du 26 juin 2006, date de la mise en demeure et ce avec capitalisation conformément à l’article 1154 du code civil, en faisant observer :

— qu’elle a bien remis le descriptif des travaux au maître de l’ouvrage, et que la prestation facturée a été intégralement effectuée,

— que les conditions contractuelles de l’application de l’indemnité pour rupture anticipée sont réunies,

— qu’à aucun moment elle n’a manifesté sa volonté d’accepter de mettre un terme à sa relation de travail avec les sociétés défenderesses, et que la rupture des relations contractuelles résulte exclusivement de la décision unilatérale de ces sociétés,

— que les sociétés appelantes ne l’ont jamais informée du sort réservé au recours formé par des tiers contre le permis de construire,

— que les conventions signées entre elle et la société Z X Y sont indépendantes et qu’il ne peut être valablement fait état de prétendus manquements commis dans l’exécution d’une convention pour justifier la résiliation d’une autre, et que ces manquements ne résistent pas à l’examen.

La SA Lacrouts Massicault sollicite en tout état de cause la condamnation in solidum de la SARL Z X Y et de la SNC Les Couteliers à lui payer la somme de 5.000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, et aux dépens avec distraction au profit de la SCP Latournerie-Milon-Czamanski, ainsi que leur condamnation in solidum à lui rembourser, sur justificatif, les frais de recouvrement de l’huissier qui pourrait être appelé à exécuter toutes décisions concourant à son indemnisation, dans la limite des sommes versées à cet huissier au titre du droit de recouvrement de l’article 10 du décret n° 96-1080 du 12 décembre 1996.

* * *

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la demande en paiement d’honoraires

L’article II du titre II du contrat d’architecte signé le 14 décembre 2006 prévoit que les honoraires seront versés selon l’échelonnement suivant :

Avant projet détaillé :

— au dépôt du permis de construire : 10 %

— à l’obtention du permis de construire après purge du recours des tiers : 20 %

Etudes de projet :

— à la remise du descriptif des travaux : 10 %

Assistance contrat de travaux :

— à la signature des marchés de travaux : 10 %

Direction des travaux :

— versement par situation mensuelle jusqu’à la réception des travaux : 45 %

Réception des travaux :

— à la visite de pré-réception : 2, 5 %

— à la levée des réserves : 2, 5 %

La première tranche d’honoraires a été réglée par la SNC Les Couteliers qui n’a pas contesté la réalité de la prestation correspondante.

Le permis de construire a fait l’objet d’un recours gracieux de tiers, ce dont la SA Lascrouts Massicault a été informée par télécopie du 18 juin 2006, et celle-ci n’a pas réclamé la deuxième tranche d’honoraires.

Cependant il n’a pas été demandé au maître d’oeuvre d’attendre la purge du recours pour continuer sa mission, et la SARL Lascrouts Massicault verse aux débats des documents détaillés attestant qu’elle a réalisé l’intégralité des études de projet , en ce compris le descriptif des travaux.

Les honoraires dont il est demandé paiement ont fait l’objet de deux factures, l’une émise en septembre 2007 et l’autre en novembre 2007.

Il ne peut être déduit du fait que les documents produits sont datés du 17 octobre 2007 que les prestations correspondantes ont été réalisées postérieurement à la première facturation du mois de septembre.

La société d’architectes intimée verse également au dossier des copies de courriers datés du 15 octobre 2007 adressés à différentes entreprises, dont il n’est pas démontré qu’ils ont été établis pour les besoins de la cause, et se référant aux plans ainsi qu’au descriptif, en vue de la soumission des offres.

Aucun formalisme particulier n’est prévu dans le contrat d’architecte pour la remise des pièces techniques par ce dernier au maître de l’ouvrage, lequel n’a émis aucune contestation sur leur existence lorsque les factures lui ont été adressées.

La SARL Y est la signataire du contrat de maîtrise d’oeuvre, et la SNC Les Couteliers, qui a dit venir aux droits de la SARL Y, a réglé la première tranche d’honoraires.

Le premier juge a considéré à juste titre que les accords passés entre ces deux sociétés étaient inopposables aux tiers, et qu’elles étaient l’une et l’autre tenues au paiement des honoraires réclamés.

Il convient en conséquence de confirmer le jugement en ce qu’il a condamné in solidum la SARL Z X Y et la SNC Les Couteliers à payer à la SA Lascrouts Massicault la somme de 36.478 euros au titre des honoraires de la troisième tranche, avec intérêts au taux légal à compter du 24 avril 2009 et capitalisation des intérêts par année entière à compter du 2 septembre 2009.

Sur l’indemnité de résiliation anticipée

L’article I du titre III du contrat d’architecte en date du 14 décembre 2006 stipule :

'Le présent contrat pourra être résilié par le Maître d’ouvrage pour :

1- Décès, incapacité ou défaillance de l’architecte

2-Non obtention des autorisations administratives habituelles

3-Recours des tiers contre celles-ci

4-Renonciation par le Maître d’ouvrage à la réalisation en cours d’opération. Dans ce cas, les honoraires dus devront être réglés à concurrence de 30 % des honoraires correspondants à la mission non exécutée'.

Le courrier officiel du conseil du maître de l’ouvrage adressé le 5 mai 2009 à celui de la société d’architectes , à la suite de la réclamation d’honoraires présentée par celle-ci le 24 avril 2009, fait état de la dégradation des relations entre les parties, justifiant qu’il soit mis un terme à toute collaboration entre elles, et évoque plus précisément la déloyauté et les manquements professionnels de la SA Lacrouts dans l’exécution des missions qui lui ont été confiées pour la réalisation de deux autres projets, l’un Cours de l’Intendance et l’autre rue Voltaire à Bordeaux.

La lettre du 4 juin 2009, confirmant la résiliation du contrat d’architecte en cause, vise les nombreuses défaillances professionnelles de la SA Lacrouts Massicault sur ces mêmes projets, et l’article I alinéa 1 du titre III du contrat d’architecte signé le 14 décembre 2006 .

Le maître de l’ouvrage ne cite dans sa lettre de rupture aucun manquement de l’architecte à la mission qui lui était dévolue dans le cadre du contrat litigieux, et il n’invoque pas comme cause de résiliation l’alinéa 3 de l’article I relatif au recours de tiers contre les autorisations administratives obtenues.

Les contrats d’architecte conclus entre la SARL Y et la SA Lacrouts Massicault, d’une part le 29 mars 2001 pour la réalisation d’un parc de stationnement et d’un local commercial 26 Cours de l’Intendance et XXX, d’autre part le 14 décembre 2004 pour la restructuration d’un immeuble XXX, ne contiennent aucune stipulation de nature à établir une interdépendance entre ces contrats et celui objet du présent litige , qui pourrait justifier que le maître de l’ouvrage puisse invoquer d’éventuels manquements commis par le maître d’oeuvre dans l’exécution de l’un de ces contrats pour en résilier un autre.

Au demeurant la procédure en paiement d’honoraires engagée par l’architecte concernant la construction du Cours de l’Intendance n’est pas arrivée à son terme et s’agissant de l’immeuble rue Voltaire, seule une expertise ordonnée en référé pointe certains carences de la maîtrise d’oeuvre.

Il convient d’observer que la société Y et la SNC Les Couteliers ne se sont prévalues de défaillances professionnelles de la SA Lacrouts Massicault qu’après avoir reçu la demande en paiement d’honoraires de celle-ci, et la chronologie des faits démontre que la procédure de référé a été engagée en mai 2009, postérieurement à la réception de cette demande.

En conséquence les sociétés appelantes, qui ne justifient pas de défaillances de l’architecte dans le cadre du contrat conclu le 14 décembre 2006, et qui n’ont pas invoqué dans leur lettre d’autre cause de résiliation sans indemnité contractuellement prévue, doivent être considérées comme ayant renoncé à la réalisation en cours d’opération.

La SA Lacrouts Massicault est donc fondée à demander, en application de l’alinéa 4 de l’article I du titre III du contrat, le paiement d’une indemnité égale à 30 % des honoraires correspondant à la mission qu’elle n’a pas exécutée, soit la somme de 73.200 euros avec intérêts au taux légal à compter du 26 juin 2009, date de la mise en demeure.

Sur les demandes annexes

Les demandes de la SA Lascrouts Massicault étant pour l’essentiel accueillies, la procédure qu’elle a engagée ne peut être qualifiée d’abusive.

Le jugement sera confirmé en ce qu’il a rejeté la demande indemnitaire des sociétés Y et Les Couteliers.

Il convient également de confirme les dispositions relatives à l’indemnisation des frais non compris dans les dépens exposés par la SA Lacrouts Massicault.

Une indemnité complémentaire de 2.500 euros lui sera accordée au titre de l’ensemble des frais irrépétibles afférents à la procédure d’appel.

Sur les dépens

Le jugement sera confirmé de ce chef.

La SARL Z X Y et la SNC Les Couteliers qui succombent supporteront les dépens de la présente instance.

* * *

PAR CES MOTIFS,

LA COUR,

Infirme partiellement le jugement,

Condamne in solidum la SARL Z X Y et la SNC Les Couteliers à payer à la SA Lacrouts Massicault la somme de 73.200 euros, augmentée des intérêts au taux légal à compter du 26 juin 2009, à titre d’indemnité de rupture anticipée du contrat conclu le 14 décembre 2006,

Confirme le jugement en ses autres dispositions,

Condamne in solidum la SARL Z X Y et la SNC Les Couteliers à payer à la SA Lacrouts Massicault la somme de 2.500 euros au titre des frais non compris dans les dépens de la présente instance,

Rejette toutes autres demandes,

Condamne in solidum la SARL Z X Y et la SNC Les Couteliers aux dépens de la présente procédure, qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

Signé par Monsieur Louis-Marie Cheminade, président, et par Madame Marceline Loison, greffier, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER LE PRESIDENT

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