Cour d'appel de Bordeaux, 1er avril 2014, n° 13/01992

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Chronologie de l’affaire

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propos vexatoires, injurieux, ou diffamatoires , qui sont pénalement sanctionnés. Si le salarié tient des propos de ce genre envers son employeur dans le cadre de la relation de travail, il commet une faute qui peut être sanctionnée. Se pose alors la question de savoir si le fait pour le salarié de proférer des insultes envers son employeur, mais dans le cadre de sa vie privée, peut faire l'objet d'une sanction disciplinaire ? Le principe : Un fait tiré de la vie privée (réseau social) ne peut pas être sanctionné En principe, le salarié est libre de s'exprimer comme il le souhaite …

 

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Liberté d'expression et réseaux sociaux en droit du travail par Aurélie ARNAUD - Cabinet 2A avocat Avocat en droit du travail Paris 8 Image de kues1 sur Freepik 1) Rappel de la jurisprudence Sauf abus, le salarié jouit, dans l'entreprise et en dehors de celle-ci, de sa liberté d'expression à laquelle seules des restrictions justifiées par la nature de la tâche à accomplir et proportionnées au but recherché peuvent être apportées (Cass. soc. 27 mars 2013 n° 11-19.734). L'abus de droit est la seule limite apportée à la liberté d'expression des salariés en dehors de l'entreprise. …

 
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Sur la décision

Référence :
CA Bordeaux, 1er avr. 2014, n° 13/01992
Juridiction : Cour d'appel de Bordeaux
Numéro(s) : 13/01992
Décision précédente : Conseil de prud'hommes de Périgueux, 10 mars 2013, N° F12/00303

Texte intégral

COUR D’APPEL DE BORDEAUX

CHAMBRE SOCIALE – SECTION A


ARRÊT DU : 1er AVRIL 2014

(Rédacteur : Madame Myriam Laloubère, Conseiller faisant fonction de Président)

(PH)

PRUD’HOMMES

N° de rôle : 13/01992

Madame O-P Q épouse X

c/

SARL M Périgueux

SARL M Fontenay

Nature de la décision : AU FOND

Notifié par LRAR le :

LRAR non parvenue pour adresse actuelle inconnue à :

La possibilité reste ouverte à la partie intéressée de procéder par

voie de signification (acte d’huissier).

Certifié par le Greffier en Chef,

Grosse délivrée le :

à :

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 11 mars 2013 (RG n° F 12/00303) par le Conseil de Prud’hommes – formation paritaire – de Périgueux, section Commerce, suivant déclaration d’appel du 29 mars 2013,

APPELANTE :

Madame O-P Q épouse X, née le XXX à

XXX, de nationalité française, sans profession, demeurant XXX – XXX

Représentée par Maître Frédérique Pohu-Panier de la SELARL Diapason Avocats, avocat au barreau de Périgueux,

INTIMÉES :

SARL M Périgueux, siret XXX, prise en la personne de son gérant Monsieur E B domicilié en cette qualité au siège social, immeuble 'Péricentre', XXX – XXX,

SARL M Fontenay, siret XXX, prise en la personne de son gérant Monsieur E B domicilié en cette qualité au siège social, immeuble 'Péricentre', XXX – XXX,

Représentées par la SCP Philippe Aurientis & Associés, avocats au barreau de Bordeaux,

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l’article 945-1 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 04 mars 2014 en audience publique, les parties ne s’y étant pas opposées, devant Madame Myriam Laloubère, Conseiller faisant fonction de Président, chargé d’instruire l’affaire,

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Myriam Laloubère, Conseiller faisant fonction de Président,

Madame Marie-Luce Grandemange, Conseiller,

Monsieur Claude Berthommé, Conseiller,

Greffier lors des débats : Madame Anne-Marie Lacour-Rivère.

ARRÊT :

— contradictoire

— prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile.

EXPOSE DU LITIGE

Mme O-P Q épouse X a été embauchée par la SAS M Etablissement de A, à compter du 1er septembre 2006, dans le cadre d’un contrat emploi jeune (16/23 ans) à durée indéterminée à temps partiel signé le 16 août 2006, en qualité d’employée de restaurant.

Par courrier recommandé du 1er décembre 2010, la société M a convoqué Mme O-P X à un entretien préalable à un licenciement pour faute grave, avec mise à pied conservatoire.

Mme O-P X a été licenciée pour faute grave par lettre recommandée du 20 décembre 2010.

Le 18 décembre 2012, Mme O-P Q épouse X a saisi le Conseil des Prud’hommes de A pour contester son licenciement et obtenir des indemnités de rupture et des dommages et intérêts, outre le paiement de diverses sommes aux titres d’heures supplémentaires, congés payés et primes et au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Par décision en date du 11 mars 2013, le Conseil des Prud’hommes de A :

— a dit que le licenciement de Mme O-P X est un licenciement pour faute grave,

— débouté les parties de leurs demandes respectives.

Le 29 mars 2013, Mme O-P X a régulièrement relevé appel de cette décision.

Par conclusions développées oralement et auxquelles il est expressément fait référence, Mme O-P X conclut à la réformation de la décision dont appel et demande à la Cour de dire que son licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse.

Elle demande la condamnation des sociétés M et M N à lui régler les sommes suivantes :

—  908,46 € de rappel de salaire du 1er au 20 décembre 2010 outre les congés payés afférents

—  2585,66 € brut au titre d’indemnité de préavis outre les congés payés afférents

—  1120,45 € d’indemnité de licenciement

—  25.000 € de dommages et intérêts

—  2500 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile

avec intérêt légal à compter de la demande en justice, et capitalisation des intérêts.

Elle demande enfin la remise, sous astreinte de 150 € par jour de retard, d’une attestation pôle emploi et d’un certificat de travail rectifiés.

Par conclusions développées oralement et auxquelles il est expressément fait référence, la SAS M A demande la confirmation du jugement entrepris et la condamnation de Mme O-P X à lui payer la somme de 3000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DECISION

* Sur la rupture du contrat de travail

La lettre de licenciement dont les motifs énoncés fixent les limites du litige est motivée comme suit :

'Suite à notre entretien du 10 Décembre 2010 pour lequel vous étiez assistée par M. D, nous vous notifions notre décision de vous licencier pour le motif suivant :

Avoir tenu sur un site internet 'ouvert’ des propos dégradants, insultants et discriminants, totalement contraires aux valeurs que défend l’entreprise, à l’encontre de votre supérieur hiérarchique.'

Nous vous rappelons les faits :

Les 30 et 31 Mars 2010, lors d’échanges sur un 'Mur Facebook, vous acceptez de 'jouer à dire du mal’ avec plusieurs collègues de travail M'.

Le 30 mars à G pour vous citer : 'remarque s’il ne reste qu une heure à vivre on peut mm leur casser la gueule !!! ce kon pt faire des maintenant, c est etablir une liste des prioritaires au cas ou k 1 heure ne suffise pas ….. j ai déjà 2 noms en tete d ailleurs… faut kon se voit !! ….;')

Le 31 mars à 17H39 Mr Z D (collègue de travail) affirme connaître au moins 1 des 2 noms et propose d’en ajouter.

Le même jour à AA AB AC I J (I J état une autre collègue de travail) ajoute : ' en même temps je pense qu’on en a en commun !!! ah ! ah !'

A 17H44, M. D propose alors : ' au premier qui dit un nom sur face de bouc’ et cite dans la foulée : ' Sonia …. (pas ma cousine)'

Vous proposez à 19H49 : 'heu … mon pote E la pisse! sui grossière ….'

Ce à quoi Mr D vous répond à 19h49 : 'c’est pas joli de se moquer des handicapés …. mais tu faus l’unanimité je te suis'

Vous ajoutez à 19H52 : 'me serais moqué si j’avais ecrit ' la tremblette', mais je ne l’ai pas fait…'

Ces propos rapportés le 30 octobre 2010 auprès de Mme K L (Adjointe de Direction) qui accède de chez elle au mur Facebook et édite les propos, Elle en informe le lendemain E B Directeur du Restaurant.

Il s’avère que Mr B est atteint depuis plusieurs mois de la maladie de Parkinson. Cette maladie, comme vous le savez, provoque des tremblements incontrôlables qui handicapent la personne atteinte.

Lors de notre entretien du 10 décembre 2010, accompagnée de Mr D, vous avez eu l’opportunité de vous expliquer sur ces échanges. Vous avez décidé de ne pas le faire, considérant que Facebook est un espace privé qui ne regarde pas l’entreprise.

Les faits qui vous sont reprochés caractérisent une faute grave…..'

Aux termes de l’article L 1235-1 du code du travail, il appartient au juge d’apprécier le caractère réel et sérieux des griefs invoqués et de former sa conviction au vu des éléments fournis pas les parties, le doute profitant au salarié.

Toutefois, la charge de la preuve de la gravité de la faute privative des indemnités de préavis et de licenciement incombe à l’employeur et tel est le cas d’espèce.

La Cour rappelle que la faute grave résulte d’un fait ou d’un ensemble de faits imputables au salarié qui constitue une violation des obligations découlant du contrat de travail d’une importance telle qu’elle rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise pendant la durée du préavis.

Pour appuyer le licenciement pour faute grave de sa salariée, la SAS M Etablissement de A produit un extrait de conversations Facebook et les attestations de Mme F et de Mme C, deux autres salariés de l’établissement à l’époque des faits reprochés.

La Cour estime tout d’abord que les attestations précitées, émanant de personnes ayant un lien de subordination avec l’employeur, doivent être utilisées avec discernement, et ce d’autant qu’elles comportent certaines imprécisions ou approximations.

De plus, l’extrait de compte Facebook produit aux débats n’est pas suffisamment probant pour asseoir un licenciement pour faute grave: copié-collé de deux conversations qui se seraient tenus en mars 2010 puis en novembre 2010 et non-impression d’écran, document qui ne permet pas de connaître les le degré d’accessibilité du compte personnel Facebook de M. D, et donc son caractère confidentiel, sachant que le supérieur hiérarchique de Mme X n’est pas clairement désigné et que la conversation porte non pas sur l’entreprise, mais sur les personnes sur lesquelles on peut dire du mal une heure avant la fin du monde…

Contrairement aux premiers juges, la Cour estime donc le licenciement de Mme O-P X sans cause réelle et sérieuse et infirmant la décision entrerpise condamne la SAS M Etablissement de A à payer à son ancienne salariée le rappel de salaire lié à sa mise à pied outre les indemnités de rupture, dont les montants ne sont pas critiqués même subsidiairement par l’employeur.

Ces sommes porteront intérêt au taux légal à compter de la saisine des premiers juges mais sans capitalisation des intérêts.

Au regard de l’ancienneté de Mme O-P X (plus de 4 ans à la date de son licenciement), la Cour alloue à la salariée la somme de 10000 € de dommages et intérêts.

Cette somme portera intérêt au taux légal à compter de cette décision, mais sans capitalisation des intérêts

Conformément aux articles L 1235-4 et L 1235-5 du Code du travail, la Cour ordonne le remboursement par l’employeur aux organismes sociaux concernés des indemnités de chômage qui ont dû être exposées pour le compte de Mme O-P X à concurrence de six mois.

* Sur les autres demandes

La SAS M Etablissement de A remettra à Mme O-P X une attestation pôle emploi et d’un certificat de travail rectifiés conformément à cette décision, mais sans astreinte.

L’équité et les circonstances de la cause commandent de faire application de l’article 700 du code de procédure civile au bénéfice de Mme O-P X qui se verra allouer la somme de 1500 € à ce titre.

La SAS M Etablissement de A supportera les dépens de l’ensemble de la procédure.

PAR CES MOTIFS

LA COUR

REFORME le jugement déféré en toutes ses dispositions.

Et statuant à nouveau :

DIT QUE le licenciement de Mme O-P X est sans cause réelle et sérieuse.

CONDAMNE la SAS M Etablissement de A à verser à Mme O-P X les sommes suivantes :

—  908,46 € de rappel de salaire du 1er au 20 décembre 2010 outre les congés payés afférents (90,84 €)

—  2585,66 € brut au titre d’indemnité de préavis outre les congés payés afférents

(258,56 €)

—  1120,45 € d’indemnité de licenciement

sommes qui porteront intérêt légal à compter de la saisine des premiers juges

—  10000 € de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

somme qui portera intérêt légal à compter de cette décision.

DIT n’y avoir pas lieu à capitalisation des intérêts.

ORDONNE le remboursement par l’employeur aux organismes sociaux concernés des indemnités de chômage qui ont dû être exposées pour le compte de Mme O-P X à concurrence de six mois.

DIT QUE conformément aux dispositions de l’article R 1235-2 du code du travail, le Greffe transmettra copie de la présente décision à la Direction Générale de Pôle Emploi TSA 32001- XXX

ORDONNE à la SAS M Etablissement de A de remettre à Mme O-P X une attestation pôle emploi et d’un certificat de travail rectifiés conformément à cette décision, mais sans astreinte.

CONDAMNE la SAS M Etablissement de A à verser à Mme O-P X la somme de 1500 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

CONDAMNE la SAS M Etablissement de A aux dépens de la procédure de première instance et d’appel.

Signé par Mme Myriam LALOUBERE faisant fonction de Présidentet par Mme Anne-Marie LACOUR-RIVIERE Greffier.

La Greffière La Présidente

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Textes cités dans la décision

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  2. Code du travail
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Cour d'appel de Bordeaux, 1er avril 2014, n° 13/01992