Cour d'appel de Bordeaux, 15 décembre 2014, n° 12/07072

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Bordeaux, 15 déc. 2014, n° 12/07072
Juridiction : Cour d'appel de Bordeaux
Numéro(s) : 12/07072
Décision précédente : Tribunal de grande instance de Bergerac, 8 novembre 2012, N° 10/01284

Sur les parties

Texte intégral

COUR D’APPEL DE BORDEAUX

CINQUIÈME CHAMBRE CIVILE


ARRÊT DU : 15 décembre 2014

(Rédacteur : Madame Béatrice SALLABERRY, Conseiller,)

N° de rôle : 12/7072

Madame Y Z épouse X

c/

XXX

Nature de la décision : AU FOND

Grosse délivrée le :

aux avocats

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 09 novembre 2012 par le Tribunal de Grande Instance de BERGERAC (RG 10/01284) suivant déclaration d’appel du 20 décembre 2012,

APPELANTE :

Madame Y Z épouse X, née le XXX à XXX, demeurant 15 AVENUE CHARLES D – XXX

représentée par Maître Dominique RUAN, avocat au barreau de BORDEAUX,

INTIMÉE :

XXX, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social XXX,

représentée par Maître DA SILVA de la SELAS EXEME ACTION, avocat au barreau de BORDEAUX,

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 786 et 912 du Code de Procédure Civile, l’affaire a été débattue le 03 novembre 2014 en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Madame Béatrice SALLABERRY, Conseiller, chargé du rapport,

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Henriette FILHOUSE, Présidente,

Monsieur D ORS, Conseiller,

Madame Béatrice SALLABERRY, Conseiller,

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Sylvie HAYET

ARRÊT :

— contradictoire

— prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile.

OBJET DU LITIGE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Madame Y X est propriétaire d’un immeuble situé XXX, comportant au rez-de-chaussée un local donné à bail commercial jusqu’au 31 janvier 2009.

XXX est propriétaire de l’immeuble mitoyen.

Imputant ses difficultés à relouer son local à la présence d’humidité générant des moisissures causées par l’irrigation du jardin paysager de son voisin, Madame X a saisi le juge des référés du Tribunal de grande instance de Périgueux, juridiction choisie en application de l’article 47 du code de procédure civile, l’un des associés de la SCI étant avocat inscrit au barreau de Cahors, pour obtenir l’organisation d’une expertise.

Par ordonnance du 3 décembre 2009 le juge des référés a fait droit à sa demande et désigné Monsieur D E pour procéder à l’expertise ordonnée.

Le rapport d’expertise a été déposé le 20 mai 2010.

Par acte d’huissier en date du 14 octobre 2010 Madame X a assigné la XXX devant le tribunal de grande instance de Périgueux aux fins d’obtenir la réparation de son préjudice.

Par jugement en date du 9 décembre 2012 le tribunal de grande instance de Périgueux a :

— Débouté Madame Y X de l’ensemble de ses demandes ;

— Débouté les parties de leurs demandes de condamnation sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

— Condamné Madame Y X aux dépens, comprenant les frais d’expertise judiciaire, et autorisé Maître C à recouvrer contre elle ceux des dépens dont elle aurait fait l’avance sans avoir reçu provision suffisante.

Par déclaration en date du 20 décembre 2012, Madame X a relevé appel de cette décision.

Dans ses dernières conclusions déposées et notifiées le 19 mars 2013 elle demande à la cour de :

— Réformer en toutes ses dispositions le jugement déféré

— Débouter la SCI SALAMANDRE de l’ensemble de ses demandes et moyens.

— Dire et juger que le défaut d’étanchéité de la jardinière appartenant à la XXX, entraînant une humidité de ses locaux constitue un trouble excessif de voisinage

— Condamner la XXX à :

* réaliser les travaux de remise en état préconisés par l’Expert aux fins d’étanchéifier la jardinière

* lui payer les sommes de 2.714,68 € au titre des travaux de remise en état des locaux, 38.400,60 € au titre de la perte de loyers pour la période échue de février 2009 à août 2012, et 314,30 € par mois à compter d’août 2012 et ce jusqu’à la production de justificatif de la réalisation des travaux d’étanchéité de la jardinière

— Condamner la XXX à lui payer la somme de 5.000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens, en ce compris les frais d’expertise.

Madame X fait valoir que l’expertise démontre l’existence d’un trouble anormal de voisinage résultant de la présence chez son voisin d’une jardinière dépourvue de membrane d’étanchéité le long du mur séparatif entre les deux propriétés, entraînant la migration de l’humidité contenue dans la terre de cette jardinière vers ce mur, ce qui génère le développement de moisissures compromettant l’habitabilité son immeuble. Elle réfute le fait que la cause des désordres trouve son origine dans l’insuffisance d’étanchéité de son propre immeuble. Elle considère que l’article 640 du Code civil dont se prévaut la XXX n’est pas applicable en l’espèce à défaut d’écoulement naturel des eaux, le dénivelé entre les deux fonds provenant de la création de la jardinière et l’apport d’eau résultant de la mise en place d’un arrosage goutte à goutte par le voisin.

Dans ses dernières conclusions déposées et notifiées le 17 mai 2013 la XXX demande à la cour de :

— Dire et juger que Madame X n’apporte la démonstration, ni de ce que les désordres dont elle se plaint lui seraient imputables ni qu’il existerait un lien de causalité entre ces désordres et le préjudice dont elle demande réparation

— Dire et juger notamment qu’elle ne saurait être jugée responsable, ni des travaux que Madame X doit réaliser dans son fonds pour lutter contre l’humidité l’affectant, ni des prétendues pertes de loyers de Madame X.

— Constater en tant que de besoin que le fonds servant de Madame X doit recevoir, sans indemnisation, les eaux de pluie provenant du jardin du fonds dominant appartenant à la XXX

— Confirmer la décision en toutes ses dispositions.

— Condamner Madame X aux entiers dépens, et au paiement d’une indemnité de 3.000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

XXX fait valoir que les désordres dont se plaint sa voisine ne peuvent être dus aux simples travaux d’aménagement de sa jardinière qui ont seulement consisté en l’apport de terre et la mise en place d’un arrosage goutte à goutte ne fonctionnant qu’une petite partie de l’année, la présence d’humidité dans le fonds de Madame X étant antérieure à ces travaux. En tout cas, Madame X ne démontre pas que ces désordres sont dus à la présence de cette jardinière, plusieurs autres causes pouvant en être la cause, comme l’absence de ventilation de l’immeuble, la proximité de la rivière, l’absence de chauffage et d’aération de l’immeuble depuis le départ du locataire, un précédent dégât des eaux, ou encore l’absence de système d’isolation lors de la construction de l’immeuble de Madame X, qui a été adossé au mur séparatif.

La SCI invoque l’application de l’article 640 du Code civil pour justifier que sa voisine doive souffrir de l’écoulement des eaux de sa propriété vers son fonds.

Quant aux préjudices allégués, elle estime n’avoir aucune responsabilité dans les

travaux de remise en état nécessaires dans l’immeuble de Madame X ni dans les difficultés rencontrées par sa voisine pour trouver de nouveaux locataires.

L’ordonnance de clôture est intervenue le 22 mai 2014. A l’audience du 5 juin 2014, il a été fait droit à la demande de renvoi formée par les avocats des parties, l’affaire a été renvoyée à l’audience du 3 novembre 2014 avec maintien de l’ordonnance de clôture.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur l’existence d’un trouble anormal de voisinage et son imputabilité

Madame X fonde sa demande sur les dispositions de l’article 544 du code civil selon lequel le droit de propriété est limité par l’obligation de ne causer à la propriété d’autrui aucun dommage dépassant les inconvénients normaux du voisinage.

En application de l’article 1315 du code civil, la charge de la preuve du désordre subi, de son caractère excessif, du manquement du voisin et du lien de causalité entre le manquement et les désordres, incombent à celui qui se plaint du trouble et en demande la réparation.

En l’espèce l’existence de désordres anormaux est établie par le rapport d’expertise qui relève dans l’immeuble de Madame X la présence d’une humidité permettant le développement d’ importantes moisissures avec dégradation du mur et présence de salpêtre, compromettant l’habitabilité de l’immeuble concerné.

Concernant la cause de ces désordres, l’expert les impute à la présence de la jardinière en se fondant sur le constat que la limite de développement des moisissures sur le mur séparatif des deux propriétés s’arrête sensiblement au niveau de la jardinière extérieure et que l’humidité n’affecte pas le mur opposé du local considéré. Il est établi par ailleurs qu’il n’y a pas au droit de la terre stockée dans la jardinière de protection par une membrane d’étanchéité.

Si la création de la jardinière est antérieure à l’acquisition de l’immeuble par la XXX, il est constant qu’en 2003 elle a réalisé des plantations et mis en place un arrosage goutte à goutte sans prévoir d’isolation du mur séparatif.

Madame X a constaté l’état de ce mur après le départ de son locataire la société PROXISERVE en 2009, comme ceci ressort de l’attestation établie le 24 juillet 2009 par les services hygiène et salubrité de la mairie de Cahors après visite des lieux par deux agents municipaux assermentés en matière d’enquête environnement.

Suite à l’intervention du conciliateur de justice sollicité par Madame X, la XXX a arrêté l’arrosage goutte à goutte de sa jardinière en août 2009.

S’il est évoqué un dégât des eaux subi par l’immeuble de Madame X en 2008, il s’agit d’une fuite sur canalisation dans la colonne de la cage d’escalier de l’immeuble, l’expert ayant indiqué sur ce point que si ce dégât des eaux avait été important il aurait affecté l’ensemble des murs, alors que seul le mur jouxtant la jardinière est fortement dégradé.

L’expert a répondu aux dires de la SCI en écartant les autres causes invoquées pour expliquer l’état du mur séparatif et a relevé que contrairement à ce qui était indiqué par la SCI aucun locataire de l’immeuble litigieux n’avait confirmé par attestation l’état général d’humidité de celui-ci. L’expert a indiqué par ailleurs que l’humidité qui se développerait à l’étage ne serait de toute façon pas causée par l’existence de la jardinière.

Le fait que l’humidité n’ait pas disparu à la cessation de l’arrosage en août 2009 s’explique par la diffusion de l’eau par capillarité.

Les dispositions de l’article 640 du code civil relatives à l’écoulement naturel des eaux du fonds dominant sur le fonds servant n’est pas applicable à l’espèce s’agissant d’un apport d’eau par arrosage artificiel et continu en goutte à goutte du printemps à l’automne.

Ainsi contrairement à ce qu’a jugé le tribunal, Madame X rapporte la preuve de l’existence du trouble de voisinage, de son caractère excessif et du lien de causalité existant entre l’arrosage de la jardinière, et la migration de l’humidité affectant son local à usage commercial. Ce trouble dépassant les inconvénients normaux du voisinage est imputable à la XXX.

La décision déférée sera donc infirmée.

Sur la réparation du préjudice subi par Madame X

XXX sera condamnée à réaliser les travaux de remise en état préconisés par l’expert afin d’assurer l’étanchéité de la jardinière et éviter le renouvellement des troubles.

Elle sera condamnée en outre au paiement des travaux de remise en état des locaux appartenant à Madame X consistant en un doublage du mur dégradé par un placostyl avec plaque BA 13 mn hydrofuge et pose de 4 grilles de ventilation, chiffré dans l’expertise à la somme de 2.714,68 € justement réclamée par Madame X.

En revanche, cette dernière n’établit pas le lien de causalité entre la présence d’un mur dégradé dans son local commercial et la perte de loyers pour la période échue de Février 2009 à août 2012, ni pour celle de 314,30 € par mois à compter d’août 2012 et ce jusqu’à la production de justificatif de la réalisation des travaux d’étanchéité de la jardinière. En effet la seule attestation rédigée par le cabinet Mazelie Immobilier est insuffisante pour établir que l’impossibilité de trouver un nouveau locataire des locaux commerciaux appartenant à Madame X ait pour unique cause la présence d’humidité sur un mur d’un local de stokage.

Elle sera donc déboutée de toutes les demandes formées de ce chef.

Il sera fait application des dispositions de l’article 700 au profit de Madame X.

XXX qui succombe sera condamnée à supporter les entiers dépens de l’instance comprenant les frais d’expertise judiciaire.

PAR CES MOTIFS

la cour

— Infirme la décision déférée en toutes ses dispositions

Statuant à nouveau

— Dit que le défaut d’étanchéité de la jardinière appartenant à la XXX constitue pour Madame X un trouble anormal du voisinage

— Condamne la XXX à réaliser les travaux de remise en état préconisés par l’expert aux fins d’assurer l’étanchéité de la jardinière, tels que décrits page 14 du rapport d’expertise au paragraphe intitulé 'travaux concernant la mise en oeuvre d’une membrane étanche'

— Condamne la XXX à payer à Madame X la somme de 2.714,68 € au titre des travaux de remise en état des locaux lui appartenant,

— Déboute Madame X de sa demande relative au préjudice de pertes de loyers passés et futurs

— Condamne la XXX à payer à Madame X la somme de 2.500 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile

— Condamne la XXX à à supporter les entiers dépens de l’instance comprenant les frais d’expertise judiciaire, et dit que les dépens pourront être recouvrés en application de l’article 699 du code de procédure civile.

Le présent arrêt a été signé par Henriette Filhouse, Présidente, et par Sylvie Hayet, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le Greffier Le Président

S. Hayet H. Filhouse

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Textes cités dans la décision

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  2. Code civil
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