Cour d'appel de Bordeaux, 29 janvier 2015, n° 13/05939

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Bordeaux, 29 janv. 2015, n° 13/05939
Juridiction : Cour d'appel de Bordeaux
Numéro(s) : 13/05939
Sur renvoi de : Cour de cassation, 3 juin 2013

Texte intégral

COUR D’APPEL DE BORDEAUX

PREMIERE CHAMBRE CIVILE – SECTION B


ARRÊT DU 29 JANVIER 2015

(Rédacteur : Monsieur Michel BARRAILLA, Président)

N° de rôle : 13/05939

LA S.A. I.B.M. FRANCE

LA S.A. B.N.P. Z A

c/

LA S.A. MUTUELLE ASSURANCE DES INSTITUTEURS DE FRANCE

Nature de la décision : AU FOND

Grosse délivrée le :

aux avocats

Décision Céférée à la Cour : jugement rendu le 14 décembre 2009 (R.G. 09/00580) par le Tribunal de Grande Instance de NIORT suivant déclaration d’appel de saisine en date du 7 octobre 2013, suite à un arrêt de la Chambre Commerciale Financière et Economique de la Cour de Cassation du 4 juin 2013 cassant l’arrêt de la Première Chambre Civile de la Cour d’Appel de POITIERS du 25 novembre 2011,

DEMANDERESSES AU RENVOI DE CASSATION :

1°/ LA S.A. I.B.M. FRANCE, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social, sis XXX,

2°/ LA S.A. B.N.P. Z A, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social, sis XXX,

Représentées par la S.C.P. Michel PUYBARAUD, Avocat au barreau de BORDEAUX, et assistées de Maître Philippe GLASER, Avocat au barreau de PARIS,

DÉFENDERESSE :

LA S.A. MUTUELLE ASSURANCE DES INSTITUTEURS DE FRANCE, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social, sis XXX,

Représentée par Maître Paola JOLY, membre de la S.C.P. Christophe BAYLE – Paola JOLY, Avocats Associés au barreau de BORDEAUX, et assistée de Maître Alain BENSOUSSAN, Avocat au barreau de PARIS,

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 24 novembre 2014 en audience publique, devant la Cour composée de :

Monsieur Michel BARRAILLA, Président,

Madame Catherine FOURNIEL, Président,

Madame Catherine COUDY, Conseiller,

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Marceline LOISON

ARRÊT :

— contradictoire

— prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile.

Dans l’optique de repenser son système d’information vieillissant, la Maif a entendu refondre la partie du système dédiée à la relation avec les sociétaires (Grs).

A cet effet, un sous-projet a été confié en 2002 à la société Siebel dont le progiciel avait été choisi pour être intégré dans son système d’information. Ce sous-projet a échoué du fait de l’incapacité de la société Siebel à assurer d’un point de vue technique cette intégration. La Maif, aux termes d’un appel d’offres, s’est alors attaché les services de la société Y France avec qui elle a conclu le 17 juin 2004 un contrat d’étude visant à définir le périmètre fonctionnel et technique du sous-projet envisagé et les termes d’un engagement forfaitaire pour sa réalisation.

Le 14 décembre 2004, la Maif et Y ont signé un contrat d’intégration du progiciel Siebel pour un montant forfaitaire de 7 302 822 € HT, facturable en plusieurs échéances dont les quatre premières ont été payées pour un montant total de 2 190 846,00 € TTC. En même temps que ce projet d’intégration (dit Grs) étaient développés en parallèle d’autres projets sur le système d’information de la Maif (projets adhérents), ce qui a généré des difficultés dans la mesure où le projet Grs avait un impact sur les projets adhérents et réciproquement.

Le projet Y ayant connu des dérives en termes de délais et de coût, dérives dont chaque partie se rejette la responsabilité, une mission de diagnostic a été confiée à la société Accenture.

Après avoir pris connaissance des conclusions du rapport de cette société, la Maif a signé le 30 septembre 2005 avec Y un protocole de recadrage du projet Grs aux termes duquel il était convenu d’un décalage du calendrier et d’une augmentation du prix des prestations d’intégration.

Lors d’un comité directeur qui s’est tenu le 14 novembre 2005, Y a présenté à la Maif son analyse d’impact des projets adhérents, impact dont l’importance a conduit Y à proposer une solution impliquant le gel d’un grand nombre de ces projets sur 2006 et 2007. La Maif n’a pas accepté cette solution et a demandé à Y de proposer une solution alternative, 'ayant un périmètre revu limitant les adhérences fonctionnelles et techniques entre Siebel et le GAT/SIP.'

Le 7 décembre 2005, pour tenir compte des exigences de la Maif, Y a présenté les grandes lignes d’un découpage fonctionnel du projet en deux vagues (V1 et V2), puis a proposé le 19 décembre 2005 une solution alternative concernant la vague 1, dans laquelle Y proposait de lotir les applications peu impactées par les projets adhérents, et qui devait être livrée en 2006, la livraison de la vague 2 étant reportée au delà de cette date compte tenu de l’impact plus fort des adhérences.

Le 22 décembre 2005, les parties ont alors signé un deuxième protocole aux termes duquel :

— la Maif s’est engagée à analyser dans les meilleurs délais la proposition de refonte d’Y remise le 19 décembre de manière à établir pour le 31 janvier 2006 un nouveau plan projet du scénario de refonte,

— la Maif a accepté la facturation par Y au 31 décembre 2005 d’une première échéance de 3 900 000,00 € HT ainsi qu’une seconde au 31 janvier 2006 d’un montant de 742 705,00 € HT.

Il était précisé dans le protocole que la proposition d’Y avait pour objet la réalisation de la V1 (vague 1) du projet Grs à livrer avant la fin 2006, pour un montant forfaitaire global de 11 266 822,00 € HT (prix du forfait initial tel que modifié par le premier protocole d’accord).

Par courrier du 9 juin 2006, la Maif, non satisfaite de la proposition d’Y, a mis un terme au projet Grs, ce dont Y a pris acte le 11 juin 2006 tout en sollicitant le paiement des factures émises en exécution du protocole du 22 décembre 2005 et en annonçant l’émission d’une nouvelle facture pour les travaux engagés jusqu’au 8 juin 2006.

Le 10 juillet 2006, la Maif a mis Y en demeure de lui livrer sous 30 jours pour le prix du forfait initial l’ensemble des livrables initiaux prévus au contrat du 14 décembre 2004, faute de quoi elle considérerait le contrat comme résilié de plein droit.

A l’initiative de la Maif, un expert, en la personne de M. B X, a été désigné par ordonnance du juge des référés du tribunal de grande instance de Nanterre et a déposé son rapport le 23 février 2009.

Par acte du 12 septembre 2006, Y a assigné la Maif en règlement de ses factures impayées devant le tribunal de grande instance de Niort. L’affaire a été retirée du rôle dans l’attente du dépôt de l’expertise confiée à M. X.

La société BNP Z A, après avoir réglé à Y les trois factures contestées par la Maif en vertu de conventions d’affacturage, est intervenue volontairement, sur le fondement de l’article 1250 alinéa 1er du code civil, devant les différentes juridictions qui allaient être amenées à connaître du litige.

Par jugement du 14 décembre 2009, le tribunal de grande instance de Niort a, entre autres dispositions :

— prononcé l’annulation du contrat du 14 décembre 2004 ainsi que des protocoles des 30 septembre 2005 et 22 décembre 2005 pour cause de dol perpétré par la Maif;

— ordonné la restitution par Y à la Maif de la somme de 1 677 102,03 € TTNRC majorée des intérêts au taux légal à compter du jugement;

— condamné Y à payer à la Maif la somme de 9 529 974,79 € à titre de dommages et intérêts, outre intérêts au taux légal à compter du jugement;

— débouté Y et la société BNP Z A de leurs demandes de dommages et intérêts;

— condamné in solidum Y et la société BNP Z A aux dépens de l’instance et au paiement d’une somme de 50 000,00 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Sur appel d’Y et de la société BNP Z A, la cour d’appel de Poitiers, par arrêt du 25 novembre 2011, a :

— infirmé le jugement,

— dit que le dol imputé par la Maif à Y n’était pas constitué,

— écarté la responsabilité d’Y dans l’exécution du contrat d’intégration et des protocoles,

— condamné la Maif à payer à la société BNP Z A la somme de 4 664 400,00 € TTC au titre de la facture du 31 décembre 2005, assortie des intérêts de retard,

— condamné la Maif à payer à la société Y France la somme de 450 441,28 € TTC au titre des frais engagés en dehors de ceux visés à l’article 700 du code de procédure civile,

— condamné la Maif à payer à Y et à la société BNP Z A la somme de 50 000,00 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Sur pourvoi de la Maif, la chambre commerciale de la Cour de Cassation, par un arrêt du 4 juin 2013, a :

— rejeté le pourvoi incident formé par Y et la société BNP Z A sur la limitation des sommes qui leur ont été allouées à titre indemnitaire,

— rejeté les moyens développés par la Maif au sujet d’un dol affectant les conventions des 4 décembre 2004, 30 septembre 2005 et 22 septembre 2005,

— accueilli le moyen de la Maif faisant grief à l’arrêt de la cour d’appel de Poitiers d’avoir retenu qu’elle aurait accepté de revoir les engagements initiaux à l’occasion de la signature des protocoles des 30 septembre 2005 et 22 décembre 2005, le juge du fond ayant privé sa décision de base légale en ne relevant pas 'd’éléments faisant ressortir que la Maif ait manifesté, sans équivoque, sa volonté, à l’occasion de la signature des protocoles des 30 septembre 2005 et 22 décembre 2005, de substituer purement et simplement aux engagements initiaux convenus par les parties dans le contrat d’intégration du 14 décembre 2004 de nouveaux engagements en lieu et place des premiers',

— cassé et annulé en toutes ses dispositions l’arrêt de la cour d’appel de Poitiers et renvoyé la cause et les parties devant la cour d’appel de Bordeaux.

Par déclaration remise au secrétariat de la cour le 7 octobre 2013, Y et la société BNP Z A ont saisi la juridiction de renvoi.

*

Vu les conclusions remises et notifiées le 27 octobre 2014 par lesquelles la société Y France et la société BNP Z A demandent à la cour de :

— infirmer le jugement dont appel;

— ordonner en conséquence la restitution au profit d’Y de l’ensemble des sommes versées par elle à la Maif en capital et intérêts aux termes du jugement, soit la somme de 11 543 923,29 €, avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt,

— statuant à nouveau, condamner la Maif à payer à Y la somme de 5 170 460,67 € à titre de dommages et intérêts pour rupture abusive du contrat conclu le 14 décembre 2004 tel que modifié par les protocoles des 30 septembre et 22 décembre 2005,

— donner acte à la société BNP Z A de ce qu’elle est titulaire des créances dont elle réclame le paiement à hauteur de la somme de 9 029 288,11 € TTC,

— condamner la Maif à payer à la société BNP Z A la somme de 9 029 288,11 € TTC au titre des factures émises par Y sur le projet et demeurées impayées, avec intérêts de retard courus sur cette somme, égaux à une fois et demi le taux d’intérêts légal,

— faire application de l’article 1154 du code civil,

— subsidiairement, si la société BNP Z A était jugée irrecevable en ses demandes, condamner la Maif à payer à Y la somme de 9 029 288,11 € TTC au titre des factures émises par Y sur le projet et demeurées impayées, avec intérêts de retard courus sur cette somme, égaux à une fois et demi le taux d’intérêts légal, et en faisant application de l’article 1154 du code civil,

— en tout état de cause, débouter la Maif de toutes ses demandes,

— la condamner à payer à Y et à la société BNP Z A la somme de 100 000,00 € à chacune sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

— condamner la Maif en tous les dépens.

Vu les conclusions remises et notifiées le 6 novembre 2014 par lesquelles la Maif demande à la cour de :

— déclarer irrecevables et mal fondées les demandes d’Y France et de la société BNP Z A en leur appel et en toutes leurs demandes, moyens et prétentions,

— déclarer recevable et bien fondée la Maif en son appel incident et en ses demandes, en conséquence :

* confirmer le jugement du tribunal de grande instance de Niort en ce qu’il a :

— prononcé la nullité pour cause de dol d’Y du contrat du 14 décembre 2004 et des protocoles d’accord des 30 septembre et 22 décembre 2005,

— ordonné la restitution par Y à la Maif de la somme de 1 677 102,03 € TTNRC avec intérêts au taux légal à compter du 30 juin 2005,

— condamné Y à payer à la Maif la somme de 9 529 874,79 € TTNRC avec intérêts au taux légal à compter du jugement,

— condamné Y à payer à la Maif la somme de 50 000,00 € TTC en remboursement de l’avance des frais d’expertise judiciaire,

— débouté Y et la société BNP Z A de leurs demandes en paiement de dommages et intérêts,

— ordonné la capitalisation des intérêts sur les sommes allouées à la Maif,

* infirmer le jugement en ce qu’il a :

— débouté la Maif de sa demande de restitution d’une somme de 253 793,20 € TTNRC au titre du contrat d’étude du 17 juin 2004,

— débouté la Maif de sa demande d’indemnisation en raison de la nullité pour dol du contrat du 14 décembre 2004 et des protocoles des 30 septembre et 22 décembre 2005 pris pour son exécution, excédant la somme de 9 529 874,79 € TTNRC,

— débouté la Maif de sa demande de publication du jugement,

— ordonné la capitalisation des intérêts sur les sommes allouées à la Maif seulement à compter du 27 avril 2009,

* statuant à nouveau,

— condamner Y à payer à la Maif la somme de 938 855,73 € TTNRC (soit 2 615 957,76 € TTNRC demandés – 1 677 102,03 € TTNRC déjà restitués au titre de l’exécution provisoire) au titre de la restitution des sommes payées à Y dans le cadre du contrat du 14 décembre 2004,

— condamner Y à payer à la Maif la somme de 22 778 110,77 € TTNRC (correspondant à 32 308 085,56 € TTNRC demandés – 9 529 874,79 € TTNRC déjà versés au titre de l’exécution provisoire) à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi,

— ordonner la capitalisation des intérêts sur les sommes allouées à compter du 10 août 2006, date effective de résiliation, conformément à la lettre de mise en demeure adressée par la Maif à Y le 10 juillet 2006,

* à titre subsidiaire,

— dire et juger que c’est à bon droit que la Maif a résilié le contrat du 14 décembre 2004 aux torts exclusifs d’Y en raison des fautes lourdes commises par cette dernière,

— en conséquence, condamner Y à payer à la Maif en réparation de son préjudice la somme de 33 985,187,59 € TTNRC, avec intérêts au taux légal à compter du 10 août 2006, date effective de résiliation,

— ordonner la capitalisation des intérêts sur les sommes allouées à compter du 10 août 2006, date effective de résiliation, conformément à la lettre de mise en demeure adressée par la Maif à Y le 10 juillet 2006,

* à titre encore plus subsidiaire,

— dire et juger que c’est à bon droit que la Maif a résilié le contrat du 14 décembre 2004 aux torts exclusifs d’Y en raison des fautes commises par cette dernière,

— en conséquence, condamner Y, après application de la clause limitative de responsabilité contractuellement convenue, à payer à la Maif en réparation de son préjudice la somme de 11 266 822,00 € TTNRC, avec intérêts au taux légal à compter du 10 août 2006, date effective de résiliation,

— ordonner la capitalisation des intérêts sur les sommes allouées à compter du 10 août 2006, date effective de résiliation, conformément à la lettre de mise en demeure adressée par la Maif à Y le 10 juillet 2006,

— sur les demandes de la société BNP Z A :

* à titre principal,

— dire et juger que la société BNP Z A n’a pu être subrogée dans les droits d’Y sur des créances inexistantes au moment de l’émission des quittances subrogatives,

— dire et juger que la société BNP Z A ne rapporte pas la preuve de son intérêt à agir, celle-ci ne démontrant pas qu’elle n’a pas contrepassé sur le compte courant d’affacturage d’Y les sommes qu’elle réclame à la Maif,

— dire et juger que les créances pour lesquelles la société BNP Z A se prétend subrogée sont inexistantes, non liquides et non exigibles,

— déclarer en conséquence la société BNP Z A irrecevable à agir en paiement des factures, pour défaut de qualité et d’intérêt,

— déclarer la société BNP Z A non fondée en sa demande en paiement de la somme de 9 029 288,11 € TTC,

* à titre subsidiaire,

— dire et juger que la société BNP Z A a commis une faute ayant entraîné une aggravation de son préjudice en ne contrepassant pas les sommes contestées sur le compte courant d’affacturage d’Y dans les trente jours suivant son intervention volontaire dans la procédure le 26 juillet 2007,

— en conséquence, dire que les intérêts de retard sur la somme de 9 029 288,11 € TTC ont cessé de courir le 26 août 2007, date à laquelle cette somme aurait dû être contrepassée,

— sur la demande subsidiaire d’Y en paiement des factures du 26 décembre 2005 (3 900 000,00 € HT, 4 664 400,00 € TTC), 31 janvier 2006 (742 705,00 € HT, 888 275,18 € TTC) et 20 juin 2006 (2 906 867,00 € HT, 3 476 612,93 € TTC) :

* à titre principal,

— dire et juger que la demande d’Y est irrecevable car prescrite,

— en conséquence, rejeter sa demande de condamnation de la Maif à lui verser la somme de 9 029 288,11 € TTC,

* à titre subsidiaire,

— dire et juger que cette demande d’Y est irrecevable car contraire au principe de prohibition des prétentions nouvelles posé par l’article 564 du code de procédure civile,

— rejeter en conséquence sa demande de condamnation de la Maif à lui verser la somme de 9 029 288,11 € TTC,

— en toute hypothèse,

* condamner in solidum Y et la société BNP Z A aux dépens,

* les condamner in solidum à payer à la Maif la somme de 200 000,00 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

L’ordonnance de clôture a été prononcée le 10 novembre 2014.

Motifs :

— Sur le dol invoqué par la Maif :

La société Y prétend que dans la mesure où la Maif a résilié unilatéralement le contrat liant les parties, fût-ce à ses risques et périls, elle est irrecevable à solliciter la nullité pour cause de dol une convention qui par l’effet de cette résiliation, n’avait plus d’existence au moment de l’invocation de ce vice du consentement.

La renonciation à un droit ou à une action ne peut se présumer et, pour être valablement opposée par celui qui s’en prévaut, elle doit être certaine, expresse et non équivoque.

La résiliation par la Maif du contrat d’intégration et des protocoles qui l’ont suivi ne vaut pas, à elle seule, renonciation à en demander la nullité.

Il s’ensuit que la Maif est recevable en son action en nullité pour dol.

La Maif soutient que la société Y France s’est rendue coupable de dol par réticence dans des conditions qui l’ont conduite à tromper sa cocontractante en lui dissimulant des informations qui, si elle les avait connues, l’auraient déterminée à ne pas contracter. Elle fait valoir qu’elle a été trompée par Y au moment de la signature du contrat d’intégration (14 décembre 2004), puis dans chacun des protocoles des 30 septembre 2005 et 22 décembre 2005.

En ce qui concerne le contrat du 14 décembre 2004, la Maif allègue que la société Y l’a trompée en phase pré-contractuelle en lui faisant croire qu’elle disposait de tous les éléments pour proposer un forfait pour l’ensemble du projet; qu’alors qu’Y avait une connaissance approfondie de son projet, la Maif, sur la foi des éléments résultant de l’étude à laquelle il avait été recouru par le contrat du 17 juin 2004, avait pu légitimement croire qu’Y était en mesure de proposer un tel forfait; que l’expertise a révélé toutefois que les conceptions générales n’étaient pas définies avec un niveau de détail suffisant pour permettre à un intégrateur de proposer un forfait sur la totalité du périmètre; qu’en effet Y s’est engagé envers sa cocontractante sur le principe d’un forfait avant même que ne débute la phase de conception détaillée du projet d’intégration, ce qui a fait dire à l’expert qu’elle avait pris un risque élevé dans son rôle d’intégrateur au forfait; qu’en sa qualité de professionnel de l’intégration, Y ne pouvait ignorer la règle selon laquelle un projet d’intégration ne peut être réalisé dans un cadre forfaitaire avant la finalisation des spécifications détaillées; que nonobstant sa connaissance de cette réalité, elle l’a sciemment dissimulée à la Maif, la trompant ainsi sur les éléments déterminants de son consentement à un contrat d’intégration, à savoir la prestation et le prix, et se rendant coupable d’un dol, de nature à entraîner la nullité de la convention, nullité que ni le protocole d’accord du 30 septembre 2005, qui a repris la fourniture de la prestation initiale et maintenu le principe du forfait, ni celui du 22 décembre 2005, par lequel la Maif ne faisait que s’engager à étudier le nouveau scénario proposé par Y, n’ont eu pour effet de confirmer.

Il ressort des pièces produites et notamment du projet de contrat d’intégration préparé par son conseil en juin 2004 que le régime du forfait a été imposé par la Maif soucieuse de voir adopter ce mode de rémunération pour un projet dont l’importance et qualité de la direction informatique sur laquelle elle s’appuie ne lui permettait pas de méconnaître l’ampleur, les difficultés de mise en oeuvre et les risques notamment en termes de dépassement de délais et de coûts, contre lesquels le choix du forfait était précisément censé la prémunir. Contrairement à ce que soutient la Maif, le recours à un tarif forfaitaire ne lui a donc pas été imposé par Y qui, contrairement à ce qu’a retenu le tribunal, n’était pas en situation de concurrence et à qui ce système ne profitait pas a priori puisqu’il lui interdisait, sauf accord de la Maif, d’obtenir un supplément de prix en cas de dérapage du projet.

La parfaite adhésion de la Maif au mode forfaitaire est confirmée par le compte rendu de son comité directeur du 7 juillet 2005 dans lequel il est expressément mentionné (page 3) que 'la contractualisation selon un mode forfaitaire est celle qui permet le mieux de limiter les dérapages en terme de périmètre, de délai et de budget', observation qui traduit chez les membres de la direction de la Maif un niveau d’information suffisamment élevé sur ce type de rémunération et la possibilité de l’appliquer à un contrat d’intégration de progiciel.

Par ailleurs, l’intention dolosive que la Maif prête à Y est inconciliable avec le respect par cette société de son devoir d’information, l’expert ayant relevé : 'dans cette affaire, on ne peut pas dire qu’Y a failli à son obligation de conseil puisque toutes les options techniques ont été discutées (les différents scénarios, les projets adhérents et le batch) et cela, dès que les difficultés à tenir le planning ont été constatées.'

A supposer les manoeuvres dolosives établies, encore eût-il fallu, pour entraîner la nullité de la convention, qu’elles aient été déterminantes du consentement de la Maif. Or il résulte des dispositions de l’article 6 du contrat d’intégration, intitulé 'calendrier', que les risques d’un non respect des délais d’exécution ont été pris en compte dans la convention, à laquelle la Maif a donné son accord en conscience de la possibilité de survenue de retards ou de difficultés, l’article 6.8 indiquant qu’ 'il appartient à l’intégrateur, dans le cadre du pilotage de l’intégration, de planifier les effets dudit retard ou de ladite difficulté, afin de tenter d’en minimiser les conséquences techniques, économiques et juridiques et d’en mesurer l’impact sur le calendrier contractuel.' Il ne peut donc être affirmé, en présence de telles clauses, que la Maif n’aurait pas contracté si son consentement lui avait été extorqué par l’effet de manoeuvres constitutives de dol.

En toute hypothèse, c’est en connaissance des retards qui ont affecté les différents sous-projets que la Maif a accepté de redéfinir le projet dans le cadre du protocole du 30 septembre 2005, renonçant ainsi, implicitement, à se prévaloir des vices du contrat initial pour en demander l’annulation.

Par la signature de ce protocole du 30 septembre 2005, les parties sont convenues de redéfinir le planning, les charges, le prix et les conditions du projet. La Maif soutient que la société Y l’a trompée, dans le cadre de ce protocole, sur la faisabilité du projet selon le scénario initial sans aucune réserve technique, alors que dès le 14 novembre 2005, elle avait annoncé que son maintien exigeait un gel des projets adhérents pendant une période de 11 mois.

A propos de la période du 30 septembre 2005 au 14 novembre 2005, où les parties ont collaboré à un scénario technique dit 'de recadrage', l’expert note toutefois : '… ce scénario était techniquement acceptable, à l’exception d’une réserve qui était le projet adhérents; il n’était pas anormal qu’Y propose à la MAIF de geler les applications pendant la période de démarrage, car cela nécessite une stabilité pour la validation; sachant que MAIF avait la possibilité technique de les prendre en charge, comme cela a été démontré en expertise.'

Le fait que la Maif ait pris conscience du caractère inadapté, parce que trop rigide, du projet initial et qu’elle en ait mesuré l’impact en termes de délais de réalisation et de coût des prestations résulte aussi du compte rendu du comité directeur du 7 juillet 2005, qui s’est tenu préalablement à la signature du premier protocole, et dont les conclusions énonçaient : 'recontractualisation à partir d’un plan projet crédible et selon une logique d’avenants, si nécessaire', après avoir diagnostiqué (page 3) que les difficultés de pilotage et d’organisation du projet étaient aussi imputables à un fort cloisonnement et un manque de collaboration/solidarité entre les différentes équipes Maif (MOE, MOA, pilotage), voire un esprit de corps incompatible avec le travail d’équipe, ce qui se traduisait par 'un manque de vision globale et homogène du projet', 'un traitement non optimal des problématiques car ne pouvant pas être adressées de manière globale’ et’un contexte particulièrement difficile pour les contributeurs'.

Par ailleurs la société Accenture, à qui la Maif, à la suite de ces constats, a confié la réalisation d’un audit, a déposé un rapport dans lequel elle a fait ressortir que le pilotage était 'très marqué MOE’ (c’est-à-dire Maif), a relevé une ingérence vis-à-vis d’Y, ainsi que des critiques systématiques, et a noté que l’augmentation budgétaire était 'en partie liée aux exigences MOA', tous éléments qui apportent une preuve supplémentaire de ce que les équipes techniques de la Maif, loin d’être de simples exécutants du projet, en ont été des acteurs importants puisqu’elles l’ont activement copiloté avec Y dont elles ont parfois discuté les orientations ou propositions, et avec laquelle elles ont collaboré dans des conditions exclusives d’une insuffisance d’information quant aux options ou aux solutions envisagées.

Il ressort de l’article 8 du protocole du 30 septembre 2005 que la Maif était consciente de l’inconnue liée aux projets adhérents et à leur incidence sur les difficultés et délais de réalisation du projet Grs. A la suite d’une analyse détaillée confiée par la Maif, Y a préconisé le gel pendant 11 mois des projets adhérents, ce que la Maif a refusé, rendant dès lors nécessaire une refonte du projet.

La société Y, qui ne pouvait prévoir au 30 septembre 2005 les résultats de l’analyse confiée par la Maif, ni la décision de cette dernière de refuser de geler les projets adhérents, ne saurait être convaincue de dol par réticence, en l’occurrence la dissimulation des conditions de refonte du projet.

L’expert a pour sa part relevé que l’échec du projet n’était pas lié à une défaillance de la Maif dans son obligation de conseil, mais à l’incapacité des parties de s’entendre sur le coût global forfaitaire du projet.

Il résulte de cet ensemble d’éléments que la Maif ne peut prétendre avoir été trompée, lors de la signature du protocole du 30 septembre 2005, sur les enjeux techniques du projet ni leur possible évolution.

Les manoeuvres frauduleuses n’étant pas établies, le dol invoqué par la Maif ne saurait être retenu. En toute hypothèse là encore, à supposer ces manoeuvres constituées, il n’est pas établi qu’Y ait eu l’intention de tromper sa cocontractante, pas plus qu’il n’est démontré que la Maif ne se serait pas engagée par le biais du protocole litigieux si elle avait connu la teneur du scénario que devait proposer Y le 14 novembre 2005, une contre-lettre du même jour signée entre les parties lui ayant ouvert la possibilité de se prévaloir de la caducité du protocole.

La Maif soutient que le protocole du 22 décembre 2005 est également entaché d’un dol qui doit entraîner sa nullité.

La signature de ce protocole a découlé de la décision du comité directeur du 14 novembre 2005 de considérer comme infaisable le projet dans les conditions définies au contrat d’intégration. Aux termes de cet accord du 22 décembre 2005, les parties sont convenues d’examiner les conditions d’une refonte possible du projet, présentée par Y le 19 décembre 2005, et d’établir un plan projet de ce scénario de refonte au plus tard le 31 janvier 2006, sans engagement de la Maif, au stade de ce deuxième protocole, sur la suite à donner au projet Grs. Dans le protocole du 22 décembre 2005, la Maif a par ailleurs accepté une facturation d’Y au 31 décembre 2005 pour un montant de 3 900 000,00 € et le positionnement d’un jalon de facturation lors de la validation du scénario de refonte, au 31 janvier 2006, pour un montant de 742 705,00 €.

La Maif fait grief à Y de l’avoir sciemment trompée sur le périmètre du projet en tentant, par l’adoption d’une terminologie 'V1 2006' au lieu de celle antérieurement utilisée de 'vague 1' et 'vague 2' pour identifier le découpage du projet en deux phases, de l’induire en erreur sur le périmètre exact de la réalisation de l’opération, sachant que sa cocontractante n’aurait pas signé le protocole si elle avait vu qu’il était circonscrit à celui de la 'vague 1'.

Il ressort toutefois des éléments du dossier que la Maif a participé activement, grâce à des moyens techniques et humains importants et une division informatique étoffée et compétente, à la mise en oeuvre en amont du projet dans des conditions qui ne permettant pas d’établir qu’elle n’ait pu mesurer dans toute leur ampleur les engagements pris par Y dans sa proposition du 19 décembre 2005. Cela est confirmé par l’expert judiciaire, qui a donné l’avis selon lequel l’accord du 22 décembre 2005 ne présentait pas, selon lui, un caractère trompeur sur le périmètre exact d’intervention au vu des échanges techniques entre les parties qui avaient précédé ou suivi la signature du protocole. Le découpage en deux vagues du projet a été le fruit d’un travail commun entre les équipes d’Y et de la Maif, entrepris à la suite du comité directeur du 26 octobre 2005, ce qui montre que la Maif savait à quoi s’en tenir sur ce que recouvrait le périmètre visé par le terme V1 dans le protocole du 22 décembre 2005. La Maif ne peut davantage prétendre avoir été induite en erreur sur le montant du forfait initial dès lors qu’elle avait accepté de le réévaluer.

Il s’ensuit que le protocole du 22 décembre 2005 n’est pas atteint de dol. En toute hypothèse la Maif ne prouve pas que les manoeuvres qu’elle impute à Y, à les supposer établies, aient été inspirées par une intention frauduleuse ni qu’elles aient été déterminantes de son accord pour s’engager dans le cadre du protocole.

Le dol invoqué par la Maif sera donc écarté.

— Sur les fautes d’Y :

La Maif soutient qu’Y a manqué aux obligations dont elle était tenue en vertu du contrat d’intégration du 14 décembre 2004, au titre de la maîtrise d’oeuvre du projet et de l’ensemble des engagements pris en cette qualité, et qu’elle n’a respecté ni les délais impartis pour leur mise en oeuvre, ni le prix forfaitaire prévu dans la convention.

La société Y réplique que les protocoles des 30 septembre et 22 décembre 2005 se sont substitués au contrat initial de l’accord des parties qui sont donc convenues de renoncer à l’exécution du contrat du 14 décembre 2005 pour lui substituer d’autres modalités fixées par lesdits protocoles. Y considère à cet égard que la Maif ne saurait se prévaloir, pour invoquer la caducité du protocole du 30 septembre 2005, de la contre-lettre du même jour la prévoyant en cas de défaut d’accord des parties sur le protocole avant le 15 novembre 2005, l’exécution du protocole ayant été poursuivie au delà de cette date.

Aux termes de l’article 1273 du code civil, 'la novation ne se présume point; il faut que la volonté de l’opérer résulte clairement de l’acte.'

Dans le contrat du 14 novembre 2004, Y s’est engagée envers la Maif à intégrer au système informatique de cette dernière le progiciel Siebel en réalisant des prestations qui constituent l’objet de la convention et qui n’ont pas donné lieu par la suite à modifications contractuelles. Y s’est engagée à réaliser ces prestations selon un calendrier convenu et un prix forfaitaire de 7 302 822,00 € HT.

Dans le protocole d’accord du 30 septembre 2005, les parties sont convenues de modifier un certain nombre de paramètres du contrat initial, notamment le planning reporté d’avril 2006 à début 2007, et le prix forfaitaire augmenté de 3 500 000,00 € HT outre un bonus additionnel de 464 000,00 €.

Le 30 septembre 2005, la Maif et Y ont toutefois signé la contre-lettre suivante : 'S’il n’y a pas d’accord entre les parties au sujet des points 1 à 8 du Protocole d’accord – Projet GRS du 29 (en réalité 30) septembre 2005 avant le 15 novembre 2005, le dit accord deviendra caduc. Les parties s’engagent à négocier les termes de l’accord faisant preuve de bonne foi dans l’objectif de pérenniser leur collaboration dans le projet GRS.'

Or à l’occasion du comité directeur du 14 novembre 2005, Y a fait savoir que le projet n’était plus réalisable aux conditions contractuelles en vigueur, et aucun avenant n’a été signé entre les parties pour confirmer le protocole du 30 septembre 2005, ce qui aurait dû rendre ce dernier caduc en vertu de la contre-lettre du même jour. Cela démontre a minima qu’aucune intention expresse de nover ne peut être déduite de l’existence du protocole litigieux dont la prise d’effet dépendait d’une condition, en l’occurrence la conclusion d’un accord sur ses dispositions avant le 15 novembre 2005, accord que la Maif n’a pas donné dans la mesure où elle a refusé d’accepter la proposition d’Y de soumettre l’exécution du projet d’intégration aux conditions du protocole à un gel des projets adhérents.

Le protocole d’accord du 22 décembre 2005 s’inscrit dans la logique de l’échec du précédent. Il y est relevé que la Maif ne souhaitait pas compromettre les chances d’aboutissement du projet après qu’ait été constatée, le 14 novembre 2005, l’infaisabilité technique de ce projet aux conditions proposées par Y. Dans ce protocole du 22 décembre 2005, la Maif n’a pas pris d’autre engagement que celui d’examiner 'dans les meilleurs délais’ le scénario 'proposé par Y consistant en une proposition de refonte du projet', étant précisé que 'ladite refonte’ impliquait 'la révision du périmètre ainsi que les engagements contractuels des deux parties.'

Toujours selon ce dernier protocole, les parties étaient convenues d’établir le plan projet du scénario de refonte au plus tard le 31 janvier 2006, en précisant : 'l’acceptation d’examiner la proposition d’Y n’emporte aucun engagement de la part de la MAIF quant à la suite à donner au projet GRS. Dans ce contexte, dans le souci de ne pas compromettre les relations entre les parties et afin de permettre notamment l’examen du nouveau scénario, la MAIF, considérant que la refonte du projet engendrerait nécessairement des changements significatifs dans les jalons de facturation initiaux, accepte une facturation d’Y au 31 décembre 2005 d’un montant de 3 900 000,00 €. Dans le même sens, les parties conviennent du positionnement d’un jalon de facturation lors de la validation du scénario de refonte du projet, soit au 31 janvier 2006, d’un montant de 742 705,00 €. Ces décisions se comprennent dans une perspective où Y s’engage à mettre en oeuvre tous les moyens pour assurer la réalisation de la V1 du projet GRS à la fin de l’année 2006, pour un montant égal à la somme de celui prévu dans le protocole d’accord du 30 septembre 2005 et du coût du projet tel que défini dans le contrat initial du 4 décembre 2004.'

Il apparaît ainsi que dans les protocoles des 30 septembre et 22 décembre 2005, aucun engagement n’a été pris par la Maif dont puisse s’inférer la renonciation à se prévaloir des dispositions du contrat d’intégration de logiciel du 14 décembre 2004, et qu’elle a au contraire cherché à en préserver la teneur et les effets au prix d’éventuelles concessions en termes de délais et de coût, concessions qui toutefois n’ont jamais été consacrées par une nouvelle convention se substituant à la première, ou même des avenants qui pour avoir été envisagés, en sont demeurés au stade d’une étude de faisabilité et n’ont pas donné lieu à la souscription d’engagements fermes aux termes desquels la Maif aurait consenti à un étalement du calendrier et surtout à une révision du forfait convenu.

Il en résulte qu’alors que la société Y s’est engagée par contrat du 14 décembre 2004 à fournir des prestations clairement définies dans des délais et moyennant une rémunération déterminés, au terme d’engagements qui, de l’accord des parties, constituaient une obligation de résultat à la charge de l’opérateur, le résultat promis n’a pas été atteint par la faute présumée d’Y qui ne peut s’en exonérer que par la preuve de la cause étrangère qu’elle ne fait pas, l’expert judiciaire concluant que dans la première période de janvier 2005 au 30 septembre 2005 (celle correspondant à la mise en oeuvre des engagements contractuels), Y s’était engagé sur un calendrier sur la base d’une conception générale pertinente au niveau fonctionnel, mais non suffisante pour établir un planning contenant une 'fenêtre de tir', du fait d’un calendrier critique qui n’était plus tenable, dès le 20 avril 2005. L’expert est d’avis que la cause principale des effets constatés jusqu’au 30 septembre 2005 était un planning sans élasticité, construit à partir d’une conception générale fonctionnelle, l’expert ajoutant qu’en cela, Y avait pris un risque élevé dans son rôle d’intégrateur au forfait. Par ailleurs la Maif, dont les fautes relevées plus haut, si elles ont pu contribuer aux difficultés rencontrées dans la réalisation du projet, ne sont pas pour autant assimilables à une cause étrangère dans la mesure où elles n’étaient nullement imprévisibles et n’ont eu qu’un rôle causal relatif, s’est efforcée, du 30 septembre 2005 au 9 juin 2006 où elle a rompu le contrat, de rechercher avec la Maif des solutions pour recadrer le projet et le faire évoluer en tenant compte des aléas qui l’avaient entravé, adoptant ainsi une attitude de collaboration avec sa cocontractante, laquelle peut ainsi d’autant moins s’exonérer de la présomption de responsabilité qu’elle encourt.

Par ailleurs, les constatations ci-dessus rappelées de l’expert permettent de caractériser à la charge de la Maif l’existence des fautes invoquées par Y, fautes qui sont principalement et directement à l’origine de l’échec du projet, et dont la gravité et les conséquences sont de nature à justifier la résolution du contrat d’intégration aux torts exclusifs d’Y, eu égard à des errements qui ont conduit à l’impossibilité de refondre

le projet initial à des conditions acceptables pour la Maif en termes de délais et de budget. La prévision d’un planning sans élasticité pour une opération de cette envergure, et son incidence sur le calcul du forfait retenu, présentent un caractère d’autant plus fautif qu’elles émanent d’un distributeur de produits informatiques qui rappelle lui-même qu’il est de renommée internationale, ce qui pouvait faire attendre de lui une appréciation plus juste des aléas inhérents à l’opération mise en place, et par suite aux délais de sa réalisation et au prix des prestations qu’il s’était engagé à fournir.

Ainsi et sans qu’il ait lieu d’examiner les autres fautes invoquées par la Maif, il convient dès ce stade de prononcer la résolution aux torts d’Y du contrat d’intégration du 14 décembre 2004.

— Sur les demandes indemnitaires :

La société BNP Z A, régulièrement subrogée dans les droits d’Y à concurrence des sommes versées à cette dernière en vertu de conventions d’affacturage, est recevable à agir pour le recouvrement de ce qu’elle a payé à la société subrogeante.

Toutefois, par l’effet de la résolution du contrat consécutive aux fautes et manquements commis par Y, la société BNP Z A n’est pas fondée à solliciter le paiement de sommes qui seraient la contrepartie de l’exécution de ce contrat, tout comme Y ne peut réclamer une indemnisation qui trouve nécessairement sa source dans le contrat résolu.

Après examen des pièces versées aux débats, la Maif est fondée à obtenir le paiement des sommes suivantes :

—  1 677 102,03 € TTNRC représentant la somme de 2 615 957,76 € TTNRC payée au titre du contrat du 14 décembre 2004 diminuée de la somme de 938 855,73 € TTNRC au titre des livrables réutilisables;

—  5 000 000,00 € au titre des conséquences du retard de mise en oeuvre du projet Grs.

Seront rejetées les demandes relatives :

— au contrat d’étude du 17 juin 2014 (253 793,20 € et 1 724 642,71 €), sommes qui relèvent de l’exécution d’une prestation contractuelle autonome, distincte du contrat résolu et qui a contribué à permettre à la Maif de poursuivre la mise en oeuvre du projet d’intégration avec un autre opérateur;

— les coûts de maîtrise d’ouvrage Maif (6 606 311,16 €) qui correspondent à des prestations effectivement réalisées par Y et dont la Maif aura pu bénéficier dans le cadre de la poursuite de son projet;

— les coûts de maintenance et de formation Siebel (2 336 930,35 € et 14 329,67 €) et ceux des matériels et logiciels (1 470 540,32 €) dont il n’est pas établi que la Maif les ait exposés en vain alors qu’ils pouvaient être réutilisés dans le nouveau projet d’intégration de ce même logiciel Siebel,

— le surcoût du nouveau projet Grs (8 039 683,86 €), sans lien de causalité démontré avec les fautes d’Y ayant conduit à la résolution du contrat du 14 décembre 2004.

Au total, la Maif se verra donc allouer la somme de 6 677 102,03 € TTNRC, avec intérêts au taux légal à compter du 10 août 2006, date effective de résiliation, sur la somme de 1 677 102,03 € TTNRC, et à compter du présent arrêt sur la somme de 5 000 000,00 € TTNRC.

La capitalisation des intérêts sera ordonnée en application de l’article 1154 du code civil.

Il n’y a pas lieu d’ordonner la publication de l’arrêt.

Il convient de condamner la société Y à payer à la Maif la somme de 50 000,00 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Par ces motifs ,

La cour,

Déclare recevables les demandes de la société BNP Z A.

Infirme le jugement prononcé le 14 décembre 2009 par le tribunal de grande instance de Niort en ce qu’il a :

— prononcé l’annulation pour cause de dol du contrat du 14 décembre 2004 et des protocoles des 30 septembre et 22 décembre 2005;

— condamné Y France à payer à la Maif la somme de 9 529 974,79 € à titre de dommages et intérêts;

— ordonné la capitalisation des intérêts à compter du 27 avril 2009.

Confirme le jugement en ce qu’il a :

— débouté la société Y et la société BNP Z A de leurs demandes de dommages et intérêts;

— dit n’y avoir lieu à publication du jugement;

— condamné Y et la société BNP Z A aux dépens de première instance, incluant les honoraires d’expert, et à payer à la Maif la somme de 50 000,00 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Y ajoutant,

Ordonne la résolution, aux torts d’Y, du contrat d’intégration de logiciel conclu le 14 décembre 2004.

Déboute la société BNP Z A et la société Y de l’ensemble de leurs demandes,

Condamne Y France à payer à la Maif la somme de 6 677 102,03 € TTNRC de dommages et intérêts, avec intérêts au taux légal à compter du 10 août 2006, date effective de résiliation, sur la somme de 1 677 102,03 € TTNRC, et à compter du présent arrêt sur la somme de 5 000 000,00 € TTNRC.

Ordonne la capitalisation des intérêts conformément aux dispositions de l’article 1154 du code civil.

Dit n’y avoir lieu à publication de l’arrêt.

Condamne in solidum Y France et la société BNP Z A à payer à la Maif la somme de 50 000,00 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Condamne Y France et la société BNP Z A aux dépens de l’instance d’appel.

Signé par Monsieur Michel Barrailla, Président, et par Madame Marceline Loison, Greffier, à laquelle la minute de la décision a été remise par le Magistrat signataire.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

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Textes cités dans la décision

  1. Code de procédure civile
  2. Code civil
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Cour d'appel de Bordeaux, 29 janvier 2015, n° 13/05939