Cour d'appel de Bordeaux, 25 février 2016, n° 14/03257

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Bordeaux, 25 févr. 2016, n° 14/03257
Juridiction : Cour d'appel de Bordeaux
Numéro(s) : 14/03257
Décision précédente : Tribunal de grande instance de Bordeaux, 19 mai 2014, N° 12/05528

Texte intégral

COUR D’APPEL DE BORDEAUX

PREMIERE CHAMBRE CIVILE – SECTION B


ARRÊT DU 25 FEVRIER 2016

(Rédacteur : Monsieur Michel BARRAILLA, Président)

N° de rôle : 14/03257

LA CAISSE RÉGIONALE DE CRÉDIT AGRICOLE MUTUEL NORD DE FRANCE

c/

Madame A X

LA S.C.P. Y, agissant en qualité de liquidateur à la liquidation judiciaire :

— de la S.A. MONALISA 'HÔTELS ET RÉSIDENCES'

— de la S.A. AGMC (anciennement dénommée S.A. 'MONALISA INVESTISSEMENTS'

— de la S.C.C.V. LES TROIS VOILES

Maître G-F

LA S.C.P. BADET-BLERIOT, F, G-F I G F

Nature de la décision : AU FOND

Grosse délivrée le :

aux avocats

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 20 mai 2014 (R.G. 12/05528 – 7e chambre civile -) par le Tribunal de Grande Instance de BORDEAUX suivant deux déclaration d’appel des 4 et 18 juin 2014,

APPELANTE suivant déclaration d’appel en date du 4 juin 2014 :

LA CAISSE RÉGIONALE DE CRÉDIT AGRICOLE MUTUEL NORD DE FRANCE, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social, sis XXX

Représentée par la S.C.P. Michel PUYBARAUD, Avocat au barreau de BORDEAUX, et assistée de Maître Julien MARTINET, Avocat au barreau de PARIS,

INTIMÉE et APPELANTE suivant déclaration d’appel du 18 juin 2016 :

Madame A X, née le XXX à XXX, de nationalité française, demeurant XXX,

Représentée par la S.C.P. Annie TAILLARD, Avocat au barreau de BORDEAUX, et assistée de Maître Thibault DU MANOIR DE JUAYE, Avocat au barreau de PARIS,

INTIMÉS :

1°/ LA S.C.P. Y, mandataire judiciaire, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social, sis XXX, agissant en qualité de :

— liquidateur à la liquidation judiciaire de S.A. MONALISA 'HÔTELS ET RÉSIDENCES',

— liquidateur à la liquidation judiciaire de de la Société AGMC (anciennement dénommée S.A. MONALISA 'INVESTISSEMENTS'),

— liquidateur à la liquidation judiciaire de la S.C.C.V. LES TROIS VOILES,

Représentées par Maître Fabrice DELAVOYE, membre de la S.C.P. Yves DELAVALLADE – Xavier DELAVALLADE – Françoise GELIBERT – Fabrice DELAVOYE, Avocats Associés au barreau de BORDEAUX, et assistées de Maître Hanane TADINI, Avocat au barreau de PARIS,

2°/ Maître G-F, né le XXX à XXX, de nationalité française, demeurant XXX

3°/ LA S.C.P. BADET-BLERIOT, F, G-F, Notaires, prise en la personne de son représentant légal, domicilié es qualité, au siège social, sis XXX

Représentés par Maître Xavier LAYDEKER, membre de la S.C.P. Xavier LAYDEKER – Gilles SAMMARCELLI, Avocats Associés au barreau de BORDEAUX, et assistés de Maître Talissa ABEGG, Avocat au barreau d’AIX EN PROVENCE,

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 24 novembre 2015 en audience publique, devant la Cour composée de :

Monsieur Michel BARRAILLA, Président,

Madame I COUDY, Conseiller,

Madame Elisabeth FABRY, Conseiller,

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Marceline LOISON

ARRÊT :

— contradictoire

— prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile.

Par acte authentique du 5 juin 2008, Mme A X a acquis auprès de la Sccv les Trois Voiles un appartement en l’état de futur achèvement à Carcans (33) pour un prix de 195 000,00 € TTC dans une résidence de tourisme afin de le louer par l’intermédiaire d’une société spécialisée et bénéficier d’avantages fiscaux et loyers garantis. Elle a conclu un bail de 15 ans avec la société Monalisa Hôtels et Résidence le 3 mai 2008 à effet du 30 mai 2009 pour un loyer annuel de 5 478,00 € HT dont 1 450,00 € payés sous forme de crédits vacances.

Le maître d’oeuvre de l’opération était la société Monalisa Etudes et Promotion.

Mme X a financé son acquisition par un prêt de 195 610,00 € souscrit auprès de la CRCAM Nord de France.

Elle a payé le jour de la vente la somme de 175 500,00 €, soit 90% du prix, le solde devant être versé à hauteur de 94% à l’achèvement de l’immeuble, et à hauteur de 100% à la livraison.

L’achèvement de l’immeuble devait avoir lieu le 31 juillet 2008 au plus tard pour le bâtiment abritant les services communs de la résidence et le 30 mai 2009 pour le bâtiment dans lequel était situé l’appartement.

Le chantier n’a jamais été terminé.

La société Monalisa Hôtels et Résidence et la société Monalisa Investissements ont été placées en redressement judiciaire puis en liquidation judiciaire. La liquidation judiciaire a été étendue à la société Monalisa Etudes et Promotion et à la Sccv les Trois Voiles, et la Scp Becheret-L-M-Z (Scp Y) a été désignée en qualité de liquidateur.

Mme X a assigné devant le tribunal de grande instance de Bordeaux la société Monalisa Hôtels et Résidence, la société Monalisa Investissements, la Sccv les Trois Voiles, maître I E-F, notaire, la CRCAM Nord de France et maître Z en annulation de la vente et du contrat de prêt immobilier. Elle sollicitait la fixation de sa créance au passif des sociétés Monalisa et Sccv les Trois Voiles et demandait la condamnation de la CRCAM et de la Scp Badet-Blériot-E-F à lui payer 150 300,00 € au titre du remboursement du prix de vente, 64 506,00 € au titre de la garantie de défiscalisation et 57 780,00 € au titre de la perte de chance de percevoir les loyers garantis.

Par ordonnance du juge de la mise en état du 31 janvier 2014, la suspension du contrat de prêt a été ordonnée.

Par jugement du 20 mai 2014, le tribunal de grande instance de Bordeaux a :

— ordonné la résolution de la vente,

— constaté la résolution du contrat de prêt immobilier,

— condamné Mme X à payer à la CRCAM Nord de France la somme de 175 500,00 €,

— déclaré irrecevables les demandes de la CRCAM à l’encontre de la Sccv les Trois Voiles et de la société Monalisa Etudes et Promotion,

— condamné la Sccv les Trois Voiles prise en la personne de son liquidateur aux dépens.

Mme X a relevé appel total de ce jugement par déclaration du18 juin 2014.

La CRCAM Nord de France a pour sa part relevé le 4 juin 2014 un appel limité au chef du jugement l’ayant déboutée de sa demande de maintien de la sûreté hypothécaire dont elle bénéficiait sur le bien en cas de résolution du contrat de prêt consécutive à la résolution de la vente.

Par dernières conclusions du 17 novembre 2015, Mme X demande à la cour de :

— confirmer la décision du tribunal de grande instance de Bordeaux en ce qu’il a :

* ordonné la résolution de la vente du 5 juin 2008 du lot n°11 de l’immeuble cadastré section XXX lieu-dit Maubuisson nord d’une contenance de 11 ares et 8 centiares entre elle-même et la Sccv les Trois Voiles,

* constaté la résolution du contrat de prêt immobilier du 5 juin 2008 souscrit auprès de la CRCAM Nord de France,

— l’infirmer pour le surplus et statuant à nouveau,

* dire et juger que la résolution de la vente prendra effet à la réception par Mme X du prix de cession et/ou d’une indemnité d’un montant équivalent au prix d’acquisition,

* constater les fautes et manquements des intimés et les préjudices en découlant,

* en conséquence, condamner maître E-F, la Scp Badet-Blériot- F et E-F et la CRCAM Nord de France in solidum à indemniser l’appelante en principal, avec intérêts au taux légal depuis la date de l’acte introductif d’instance, à hauteur de :

o 176 110,00 € TTC au titre du remboursement du prix,

o 106 199,00 € au titre de la perte d’une chance,

* dire que ces sommes porteront intérêts à la date de l’assignation avec anatocisme,

* constater la prescription de la dette de l’appelante envers la banque,

* condamner solidairement les intimés au paiement d’une somme de 4 000,00 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens.

Par dernières conclusions du 19 novembre 2005, la CRCAM Nord de France demande à la cour de :

— lui donner acte de ce qu’elle s’en remet à justice sur la question de la résolution du contrat de vente,

— en cas de confirmation du jugement sur la résiliation du contrat de prêt, infirmer la décision en ce qu’elle a condamné Mme X à payer à la banque la somme de 175 500,00 € à titre de restitution du fait de la résolution du contrat de prêt consécutive à celle du contrat de vente,

— condamner Mme X à payer à la banque la somme de 176 110,00 € assortie d’intérêts au taux légal à compter du 30 novembre 2012, date des conclusions devant le tribunal de grande instance, avec capitalisation desdits intérêts,

— infirmer le jugement en ce qu’il a débouté la CRCAM Nord de France de sa demande de maintien de la sûreté hypothécaire, et statuant à nouveau, ordonner le maintien de la sûreté hypothécaire,

— condamner toute personne jugée responsable de la nullité du contrat de vente ayant entraîné la nullité du contrat de prêt à payer à la CRCAM Nord de France à titre de dommages et intérêts les intérêts conventionnels au taux révisable de 5,25 % sur la base de la moyenne mensuelle de l’Euribor 1 an plafonné au taux d’intérêts initial augmenté de deux points, depuis la mise à disposition des fonds, avec capitalisation des intérêts et jusqu’à complet paiement,

— en cas d’infirmation du jugement, si le contrat de prêt n’est pas annulé, lui donner acte de ce qu’il réclame le maintien du crédit aux conditions contractuelles,

— en tout état de cause, confirmer le jugement en ce qu’il a débouté Mme X de ses demandes de dommages et intérêts à l’encontre de la CRCAM Nord de France,

— condamner tout succombant au paiement d’une somme de 5 000,00 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens.

Par dernières conclusions du 23 novembre 2015, maître I E-F et la Scp Badet-Blériot- F et E-F demandent à la cour de :

— prenant acte de l’autorité de la chose jugée en première instance sur la cause exclusive de la résolution à la charge du vendeur, confirmer la décision dont appel en ce qu’elle a débouté Mme X de sa demande de dommages et intérêts formée à leur encontre,

— subsidiairement, dire et juger que le défaut d’achèvement ne peut être reproché qu’au vendeur de l’immeuble,

— dire et juger qu’en l’absence de production aux procédures collectives notamment du vendeur, Mme X est irrecevable à réclamer les sommes dont elle est privée contre les tiers,

— dire et juger qu’elle a commis une faute à ce titre et qu’elle a concouru à son propre dommage,

— dire et juger qu’elle ne rapporte pas la preuve d’une faute de l’étude notariale, ni de l’existence d’un préjudice en lien de causalité avec une faute des notaires,

— débouter en conséquence Mme X de ses demandes,

— débouter toute autre partie de ses demandes tendant à être relevée et garantie par les notaires,

— condamner Mme X aux entiers dépens de l’instance d’appel.

Par dernières conclusions du 10 novembre 2015, la Scp Y, agissant en qualité de liquidateur de la Sccv les Trois Voiles et des sociétés Mona Lisa Hôtel et Résidences (MLHR) et XXX), demande à la cour de:

— vu l’article 564, dire et juger que Mme X, qui n’avait pas critiqué les dispositions du jugement relatives à la résolution sans condition de la vente du bien immobilier, est irrecevable en sa demande tendant désormais à conditionner la résolution de la vente à la restitution du prix, qui constitue une demande en paiement en cause d’appel à l’égard de la Scp Y ès qualités, d’une part alors que Mme X a acquiescé aux dites dispositions du jugement, et d’autre part parce qu’une telle demande constitue une demande nouvelle en cause d’appel,

— lui donner acte de ce qu’elle s’en rapporte à justice sur la demande de la CRCAM Nord de France de voir infirmer le jugement en ce qu’il l’a déboutée de sa demande de maintien de la sûreté inscrite sur le bien jusqu’au parfait remboursement du prêt par Mme X,

— débouter Mme X de sa seule autre demande formée à l’égard de la Scp Y ès qualités au titre des frais irrépétibles,

— condamner Mme X au paiement d’une somme de 2 000,00 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

— condamner toute partie succombante aux dépens.

L’ordonnance de clôture prononcée le 10 novembre 2015 a été révoquée à l’audience par mention au dossier avant l’ouverture des débats, avec l’accord de tous les avocats de la cause.

Motifs :

— Sur la résolution de la vente :

Aucune partie ne conteste l’inexécution par la Sccv les Trois Voiles de son obligation de délivrance de l’immeuble vendu, dont l’achèvement devait intervenir au plus tard le 31 juillet 2008 pour le bâtiment abritant les services communs de la résidence et le 30 mai 2009 pour l’appartement, alors qu’en réalité le chantier n’a jamais été achevé. Il s’ensuit que c’est à bon droit que le tribunal a prononcé la résolution de la vente, faute pour le vendeur d’avoir satisfait à son engagement, en application de l’article 1184 du code civil.

Dans le corps de ses conclusions, Mme X demande que le promoteur de l’opération, le vendeur et le commercialisateur soient condamnés in solidum, à raison de leurs fautes respectives, aux dommages et intérêts réclamés par ailleurs au notaire et à la banque, ce qu’elle traduit dans le dispositif de ses écritures dans les termes suivants, en sollicitant l’infirmation du jugement de ce chef : 'Dire et juger que la résolution de la vente prendra effet à la réception par Mme X du prix de cession et/ou d’une indemnité d’un montant équivalent au prix d’acquisition; constater les fautes et manquements des intimés et les préjudices en découlant.'

Une telle demande n’est pas nouvelle, contrairement à ce que soutient la Scp Y, au sens de l’article 564 du code de procédure civile, dans la mesure où elle a déjà été autrement formulée devant les premiers juges et où elle tend en toute hypothèse aux mêmes fins.

Toutefois, outre que Mme X ne formule pas expressément de demande de condamnation à l’encontre de la Scp Y ès qualités dans le dispositif de ses conclusions, une telle demande serait en toute hypothèse irrecevable dans la mesure où la Sccv les Trois Voiles, la société MLHR et la société AGCM sont en liquidation judiciaire, ce qui exclut toute action en paiement formée contre elle ou leur liquidateur. Par ailleurs, le tribunal a déclaré à juste titre irrecevable la demande de fixation de la créance de Mme X au passif de la liquidation de ces sociétés, faute de justifier avoir régulièrement déclaré sa créance entre les mains du liquidateur, justification qui n’est pas davantage produite devant la cour. Enfin, les effets de la résolution de la vente, qui a pour conséquence l’anéantissement rétroactif de la convention, ne peuvent en aucun cas être différés à une date postérieure à la conclusion du contrat, ou être subordonnnés, une fois que les conditions en sont réunies, à la survenance d’un quelconque événement, tel la restitution effective du prix ou le paiement de dommages et intérêts au profit de l’acquéreur. Dans ces conditions, Mme X sera déboutée de sa demande tendant à voir dire et juger que la résolution de la vente prendra effet à la réception du prix de cession et/ou d’une indemnité d’un montant équivalent au prix d’acquisition.

— Sur la résolution du contrat de prêt :

Le jugement sera confirmé en ce qu’après avoir prononcé la résolution du contrat de vente, il a corrélativement prononcé la résolution du contrat de prêt conclu avec la CRCAM Nord de France pour le financement de l’immeuble.

— Sur la responsabilité de maître E-F et de la Scp Badet-Blériot- F et E-F :

Mme X soutient que les notaires ont commis de nombreuses fautes en :

— ne choisissant pas de placer l’acte sous le régime des immeubles à rénover qui prohibe la garantie intrinsèque,

— ne l’avertissant pas des risques liés à une garantie intrinsèque,

— commettant une grave erreur en choisissant une garantie intrinsèque,

— ne prévoyant pas une procédure de libération des fonds sécurisant l’acquéreur,

— ne respectant pas les termes de la procuration en brevet.

Mme X reproche au notaire d’avoir soumis l’opération immobilière au régime de la vente en l’état futur d’achèvement, alors que selon elle, c’est celui de la vente d’immeuble à rénover, exclusif de la garantie intrinsèque, qui aurait dû s’appliquer, dans la mesure où l’appelante a fait l’acquisition d’un appartement au sein d’un immeuble bâti destiné à être reconverti en une résidence hôtelière, afin de le rénover et de le louer pour en retirer des revenus et des avantages fiscaux.

Aux termes de l’article L262-1 du code de la construction et de l’habitation, relatif à la vente d’immeuble à rénover, 'toute personne qui vend un immeuble bâti ou une partie d’immeuble bâti, à usage d’habitation ou à usage professionnel et d’habitation, ou destiné après travaux à l’un de ces usages, qui s’engage, dans un délai déterminé par le contrat, à réaliser, directement ou indirectement, des travaux sur cet immeuble ou cette partie d’immeuble et qui perçoit des sommes d’argent de l’acquéreur avant la livraison des travaux doit conclure avec l’acquéreur un contrat soumis aux dispositions du présent chapitre. (…) Les dispositions du présent chapitre ne s’appliquent pas aux travaux d’agrandissement ou de restructuration complète de l’immeuble, assimilables à une reconstruction.'

Il est inséré dans l’acte authentique de vente (page 3 – 'opération de rénovation-reconstruction') la mention suivante : 'L’immeuble dans lequel se trouvent notamment les BIENS objet des présentes fait l’objet d’une opération de rénovation lourde équivalent à une véritable reconstruction dont les caractéristiques figurent à la suite de la partie normalisée de la présente vente. (…) Ceci exposé il est passé à la vente en l’état futur d’achèvement objet des présentes.'

Non seulement l’acte notarié dont Mme X a eu nécessairement connaissance est parfaitement clair quant au choix du régime de la vente en l’état futur d’achèvement et des motifs qui ont conduit à l’adopter au regard des caractéristiques de l’opération de rénovation entreprise, mais encore ces éléments ont été repris dans la procuration qu’elle a donnée aux clercs de l’étude Badet-Blériot- F et E-F le 13 mai 2008 aux fins de régularisation de l’acte authentique. En possession de toutes les informations sur la nature de l’opération de rénovation et les conséquences juridiques en découlant, Mme X n’a pas rétracté son consentement ni dénoncé ou remis en cause, avant la présente procédure, les énonciations de l’acte soumettant l’opération au régime de la vente en l’état futur d’achèvement.

La vente litigieuse a donc été valablement conclue en l’état futur d’achèvement, et s’est dès lors trouvée soumise aux dispositions des article L261-1 et suivants du code de la construction et de l’habitation dans leur rédaction en vigueur au 13 juillet 2006. Aux termes de l’article L261-11 dudit code dans sa version d’alors, le contrat de vente en l’état futur d’achèvement devait préciser la garantie de l’achèvement de l’immeuble ou du remboursement des versements effectués en cas de résolution du contrat à défaut d’achèvement. Le choix de la garantie d’achèvement, intrinsèque ou extrinsèque, relevait du choix du vendeur promoteur et l’obligation de conseil qui s’impose au notaire n’exigeait pas de lui qu’il avertisse son client des avantages et inconvénients inhérents à chacune de ces garanties également licites, et dont le choix ne devait pas être opéré par le notaire, mais par le vendeur.

Le notaire n’était pas davantage tenu d’examiner l’opportunité économique de l’opération, ni de donner un avis sur le prix convenu entre les parties, en l’absence d’éléments dont il aurait pu avoir connaissance, mais qu’il n’avait pas à rechercher d’office, sur des risques particuliers inhérents au montage réalisé ou sur une surestimation du prix de vente.

Les mentions de l’acte de vente permettent par ailleurs de s’assurer que Mme X a été parfaitement informée de la faculté de rétractation prévue à l’article L271-1 du code de la construction et de l’habitation et des conditions de son exercice.

Sur le paiement du prix, il résulte des pièces produites que le maître d’oeuvre, la société Mona Lisa Etudes et Promotions, a établi deux attestations, annexées à l’acte de vente, selon lesquelles les bâtiments étaient hors d’eau et certains logements cloisonnés, dont celui acquis par Mme X; que la procuration authentique signée par cette dernière prévoyait un échelonnement des versements à hauteur de 70% à la date de l’acte authentique, 90% à la date de cloisonnement de l’appartement, 94% à l’achèvement de l’immeuble et 100% à la livraison; qu’ainsi et contrairement à ce que soutient Mme X, les dispositions de l’article R*261-14 du code de la construction et de l’habitation relatives aux pourcentages que les paiements ne doivent pas excéder ont bien été respectées.

Il apparaît ainsi que les conditions de la mise en jeu de la responsabilité des notaires ne sont pas réunies, et que le jugement doit être confirmé en ce qu’il a débouté Mme X de ses demandes dirigées contre maître E-F et la Scp Badet-Blériot- F et E-F.

— Sur la prescription de la demande de la CRCAM Nord de France :

La CRCAM Nord de France sollicite la condamnation de Mme X à lui rembourser la somme de 176 110,00 €, en principal, par suite de la résolution du contrat de prêt consécutive à celle du contrat de vente. Mme X soutient qu’une telle demande est prescrite en application des dispositions de l’article L 137-2 du code de la consommation, selon lesquelles 'l’action des professionnels, pour les biens et services qu’ils fournissent aux consommateurs, se prescrit par deux ans.'

Toutefois cette fin de non-recevoir ne saurait être accueillie, dès lors que la prescription soulevée s’applique aux actions en paiement exercées par les professionnels, alors qu’il s’agit en l’espèce d’une obligation de restituer consécutive à la nullité du contrat en vertu duquel la prestation avait été fournie.

— Sur la demande de la CRCAM Nord de France :

Il n’est pas contesté que la CRCAM Nord de France a versé une somme de 175 500,00 € au titre du prêt souscrit par Mme X. Elle a droit à en obtenir la restitution du fait de l’annulation du contrat de prêt, étant précisé que Mme X n’a pour sa part effectué aucun remboursement au titre de ce prêt et qu’il n’y a donc pas lieu de faire un compte entre les parties.

Par voie d’appel incident, la CRCAM Nord de France sollicite en outre la condamnation de Mme X à lui rembourser la somme de 600,00 €. Cependant, les premiers juges ont écarté à bon droit cette demande en retenant qu’il s’agissait de frais de courtage exposés dans le cadre d’un contrat distinct du contrat de prêt, et que cette somme ne devait donc pas donner lieu à restitution.

La CRCAM Nord de France demande par ailleurs que la somme principale soit assortie d’intérêts au taux légal à compter du 30 novembre 2012, date des conclusions devant le tribunal de grande instance, avec capitalisation desdits intérêts. Dans la mesure toutefois où le contrat a été suspendu par le juge de la mise en état, les remboursements ne pouvaient être réclamés à Mme X. Dès lors, les intérêts légaux courront à compter du prononcé du jugement, et la capitalisation sera ordonnée aux conditions de l’article 1154 du code civil.

En revanche, la demande de dommages et intérêts formulée par la banque sera rejetée. En effet, ni Mme X ni les notaires ne sont responsables de l’annulation du contrat de vente ayant entraîné celle du contrat de prêt. Cette responsabilité incombe au vendeur et au commercialisateur, à l’égard desquels le tribunal a justement décidé que la demande de la CRCAM Nord de France était irrecevable en l’absence de justification de ce qu’elle avait déclaré sa créance entre les mains du liquidateur de la Sccv les Trois Voiles et des sociétés MLHR et AGCM.

— Sur la responsabilité de la CRCAM Nord de France :

Comme elle l’avait fait en première instance, Mme X soutient que la banque a commis des fautes en omettant de recueillir des renseignements sur la viabilité du projet financé, de la mettre en garde sur les risques de l’opération et en lui octroyant un crédit dont le coût était disproportionné à ses ressources et charges.

Outre que la preuve d’une faute de la banque n’est pas rapportée, il convient de relever qu’en toute hypothèse, le préjudice de Mme X ne résulte pas de l’impossibilité de rembourser le crédit qu’elle a contracté, mais de l’inachèvement de l’immeuble par suite de la défaillance du promoteur, de sorte qu’il ne trouve pas sa source dans le contrat de prêt, mais dans l’inexécution du contrat de vente. Par suite en l’absence de lien de causalité établi entre la faute invoquée et le préjudice, il convient de confirmer le jugement en ce qu’il a débouté Mme X de ses demandes dirigées contre la CRCAM Nord de France.

— Sur l’appel incident de la CRCAM Nord de France :

La CRCAM Nord de France sollicite l’infirmation du jugement en ce qu’il l’a déboutée de sa demande tendant au maintien de l’hypothèque judiciaire conventionnelle prise sur le bien vendu.

Dans la mesure où l’obligation de restituer inhérente à un contrat de prêt annulé demeure tant que les parties n’ont pas été remises en l’état antérieur à la conclusion de leur convention annulée, l’hypothèque en considération de laquelle ce prêt a été consenti subsiste jusqu’à l’extinction de l’obligation.

Il s’ensuit que sur ce point, le jugement doit être infirmé, et que l’hypothèque conventionnelle doit être maintenue jusqu’à restitution intégrale des sommes dues.

— Sur les autres demandes :

Mme X échoue en son appel et sera dès lors condamnée aux dépens de l’instance d’appel.

Elle sera par ailleurs tenue au paiement d’une somme de 1 500,00 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile au profit de la CRCAM Nord de France.

La Scp Y sera déboutée de sa demande formée en application de ce texte.

Par ces motifs ,

La cour,

Rejette la fin de non-recevoir soulevée par Mme X relative à la prescription des demandes de la CRCAM Nord de France.

Infirme le jugement prononcé le 20 mai 2014 en sa seule disposition par laquelle il a rejeté la demande de la CRCAM Nord de France tendant au maintien de la garantie hypothécaire prise sur l’immeuble de Mme X.

Statuant à nouveau de ce chef,

Dit que l’hypothèque conventionnelle sera maintenue jusqu’à restitution intégrale des sommes dues par Mme X à la suite de l’annulation du contrat de prêt.

Confirme le jugement déféré en ses autres dispositions.

Y ajoutant,

Dit que les sommes dues par Mme X à la CRCAM Nord de France au titre des restitutions consécutives à l’annulation du contrat de prêt produiront intérêts au taux légal à compter du jugement, et que lesdits intérêts seront capitalisés dans les conditions de l’article 1154 du code civil.

Condamne Mme X à payer à la CRCAM Nord de France la somme de 1 500,00 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Déboute la Scp Y de sa demande fondée sur l’article 700 du code de procédure civile.

Condamne Mme X aux dépens de l’appel.

Signé par Monsieur Michel Barrailla, Président, et par Madame Marceline Loison, Greffier, à laquelle la minute de la décision a été remise par le Magistrat signataire.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

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Cour d'appel de Bordeaux, 25 février 2016, n° 14/03257