Cour d'appel de Bordeaux, 4ème chambre commerciale, 5 novembre 2019, n° 17/04884

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Bordeaux, 4e ch. com., 5 nov. 2019, n° 17/04884
Juridiction : Cour d'appel de Bordeaux
Numéro(s) : 17/04884
Décision précédente : Tribunal de commerce de Bordeaux, 2 juillet 2017, N° 2015F00125
Dispositif : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Sur les parties

Texte intégral

COUR D’APPEL DE BORDEAUX

QUATRIÈME CHAMBRE CIVILE


ARRÊT DU : 05 NOVEMBRE 2019

(Rédacteur : Madame Elisabeth FABRY, Conseiller)

N° RG 17/04884 – N° Portalis DBVJ-V-B7B-J7PD

- Monsieur D Y

- Monsieur M-N Z

- La SARL BR CONSTRUCTION CONTRACTANT GENERAL

c/

- Monsieur F X

- La SCP M DENIS B – H I

- La SAS ALL-IN-ONE CONTRACTANT GENERAL

- La SARL X ET ASSOCIES – ARCHITECTES

- La SELARL EKIP', venant aux droits de la SELARL CHRISTOPHE MANDON

Nature de la décision : AU FOND

Grosse délivrée le :

aux avocats

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 03 juillet 2017 (R.G. 2015F00125) par la 1re Chambre du Tribunal de Commerce de BORDEAUX suivant déclarations d’appel des 10 et 23 août 2017

APPELANTS et INTIMES :

Monsieur D Y, né le […] à […], demeurant […]

Monsieur M-N Z, né le […] à […], demeurant […]

La SARL BR CONSTRUCTION CONTRACTANT GENERAL, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social sis […]

représentés par Maître Denis BORGIA de la SELARL BORGIA & CO, AVOCATS, avocat au barreau de BORDEAUX

INTIMÉS et APPELANTS :

Monsieur F X, né le […] à […],

de nationalité Française, domicilié […]

La SCP M DENIS B – H I, en qualité de Mandataire liquidateur de la Société AZ ARCHITECTURE CONTRACTANT GENERAL, nommée à cette fonction par jugement du Tribunal de Commerce de BORDEAUX en date du 20 novembre 2013, domiciliée […]

La SAS ALL-IN-ONE CONTRACTANT GENERAL, prise en la personne de son Président, domicilié en cette qualité au siège audit siège social sis […] […]

La SARL X ET ASSOCIES – ARCHITECTES, prise en la personne de son représentant légal, domicilié en cette qualité au siège

social sis 370, cours de la Somme […]

La SELARL EKIP', venant aux droits de la SELARL CHRISTOPHE MANDON selon ordonnance de Madame la Présidente du Tribunal de Commerce de BORDEAUX en date du 23 avril 2019, en qualité de Mandataire à la liquidation judiciaire de la Société dénommée ALL- IN -ONE CONTRACTANT GENERAL, nommée à cette fonction par jugement du Tribunal de Commerce de Bordeaux en date du 21 janvier 2015, domiciliée […]

représentés par Maître Patrick TRASSARD de la SELARL TRASSARD & ASSOCIES, avocat au barreau de BORDEAUX

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l’article 786 du Code de Procédure Civile, l’affaire a été débattue le 01 octobre 2019 en audience publique en double rapporteur, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Madame Elisabeth FABRY, Conseiller chargé du rapport, et devant Monsieur Dominique PETTOELLO, Conseiller

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Monsieur Robert CHELLE, Président,

Madame Elisabeth FABRY, Conseiller,

Monsieur Dominique PETTOELLO, Conseiller,

Greffier lors des débats : Monsieur Hervé GOUDOT

ARRÊT :

— contradictoire

— prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du Code

de Procédure Civile.

' ' '

EXPOSE DU LITIGE

La société De A à Z Architecture Contractant Général, ayant pour objet « toutes opérations relevant du champ de compétence des architectes contractants généraux », est née en juin 2006 de l’association entre M. X, architecte (270 parts), Mme K-L épouse X, architecte (250 parts), M. Y, économiste en construction (240 parts) et M Z, directeur de travaux (240 parts).

En octobre 2007, elle a changé de dénomination pour devenir AZ Architecture Contractant Général (AZ Architecture).

Une autre société, la société All In One Contractant Général (la société AIO) a été constituée en juin 2011 avec un capital social de 500 parts sociales réparties entre M. X, M. Y (6 %), M. Z (6 %), M. A et la société AZ Architecture, et un objet identique.

La Société AZ Architecture a été placée le 06 novembre 2013 en redressement judiciaire, converti en liquidation judiciaire le 20 novembre 2013. La SCP B I a été désignée en qualité de mandataire judiciaire.

M. Y et M. Z ont procédé le 03 décembre 2013 à l’immatriculation de la société BR Construction Contractant Général SARL (la société BR Construction) ayant un objet identique, dont le début d’activité a été fixé au 25 novembre 2013.

Une procédure de sauvegarde a été ouverte le 23 juillet 2014 à l’encontre de la société All In One, convertie en liquidation judiciaire par jugement du 21 janvier 2015. La SELARL Christophe Mandon a été désignée en qualité de mandataire judiciaire.

Par exploits d’huissier en date des 21 et 26 janvier 2015, régularisés par des actes en date des 16 et 17 mars 2015, 27 mars, 31 mars et 02 avril 2015, la SCP B I en qualité de mandataire à la liquidation judiciaire de la société AZ Architecture, la société All In One, la SELARL Christophe Mandon en qualité de mandataire à la liquidation judiciaire de la société All In One et la société X et Associés – Architectes ont fait assigner la société BR Construction, M. Y et M Z devant le tribunal de commerce de Bordeaux pour obtenir leur condamnation solidaire au paiement de diverses sommes.

Par acte en date du 02 avril 2015, la société BR Construction, M. Y et M Z ont fait délivrer à M. X à titre personnel une assignation de mise en cause afin de le voir condamner à les relever indemnes de toute condamnation qui pourrait être prononcée à leur encontre.

Les différentes procédures ont été jointes, ainsi qu’une procédure pendante devant le tribunal de commerce de Libourne en recouvrement de sommes dues par certains clients à la société X et Associés – Architectes.

Par jugement contradictoire en date du 03 juillet 2017, le tribunal de commerce de Bordeaux a :

— joint les différentes affaires

— s’est déclaré compétent pour statuer

— a condamné M. Y, M Z et la société BR Construction à payer solidairement à la SELARL Christophe Mandon ès qualités la somme de 100 000 euros à titre de dommages et intérêts,

— débouté la SCP B ès qualités de sa demande de dommages et intérêts,

— débouté la société X et Associés – Architectes de sa demande de dommages et intérêts,

— débouté M. Y, M. Z et la société BR Construction de leur demande en relevé de garantie à l’égard de M. X,

— débouté MM. Y et Z de leur demande de remboursement d’indemnité versée au titre de l’acte de caution en faveur de la banque Société Générale,

— débouté MM. Y et Z ainsi que la société BR Construction de leur demande d’indemnité pour procédure abusive,

— débouté MM. Y et Z ainsi que la société BR Construction de leurs autres demandes,

— condamné solidairement MM. Y et Z ainsi que la société BR Construction à payer chacun à la SELARL Christophe Mandon la somme de 1 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

— condamné solidairement MM. Y et Z ainsi que la société BR Construction aux dépens.

M. Y, M. Z et la société BR Construction ont relevé appel du jugement par déclaration en date du 10 août 2017. L’affaire a été enrôlée sous le numéro RG 17/04884.

La société All In One, la société EKIP venant aux droits de la SELARL Christophe Mandon en qualité de mandataire judiciaire de la société All In One, la SCP B I en qualité de mandataire à la liquidation judiciaire de la société AZ Architecture, la société X et Associés – Architectes et M. X ont relevé appel de ce jugement par déclaration en date du 23 août 2017. L’affaire a été enrôlée sous le numéro RG 17/05035.

Les deux dossiers ont été joints par mention au dossier le 14 décembre 2017.

Par conclusions déposées en dernier lieu le 22 janvier 2018, auxquelles il convient de se reporter pour plus ample exposé de leurs moyens et prétentions, la société BR Construction, M. Y et M. Z demandent à la cour de :

— vu le principe fondamental de libre exercice d’une activité professionnelle, ensemble l’article 1131 du code civil

— vu les articles 1382 et 1842 du code civil

— vu les pièces produites

— accueillir l’appel

— réformer le jugement en ce qu’il les a condamnés à payer à la SELARL Christophe Mandon en qualité de mandataire judiciaire de la société All In One la somme de 100 000 euros outre

une indemnité de 1 500 euros au titre de l’articIe 700 du code de procédure civile et les dépens

— dire comme infondée en droit et en faits, l’action introduite par la SELARL Christophe Mandon ès qualités et la rejeter

— réformer le jugement en ce qu’il refusé d’admettre leur réclamation reconventionnelle et leur appel en garantie

— par conséquent et à titre reconventionnel,

— dire que les procédures intentées constituent un abus de droit

— condamner les intimés la SELARL Christophe Mandon, la SCP B I, la société AZ Architecture et M. X personnellement, in solidum, à leur payer à chacun la somme de 10 000 euros à titre de dommages intérêts pour procédure abusive

— les condamner aux dépens

— confirmer le jugement en ce qu’il a rejeté toutes les autres demandes des intimés

— subsidiairement,

— condamner M. X à les relever indemnes et à l’abri de toute condamnation en faveur de l’un ou l’autre des intimés la SELARL Christophe Mandon, la SCP B I ou la société AZ Architecture et le condamner en conséquence à payer en leur lieu et place et pour leur bénéfice, toute somme qui serait octroyée aux intimés

— en tout état de cause

— condamner les intimés in solidum à leur payer la somme de 5 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

La société BR Construction, M. Y et M Z font notamment valoir que les intimés doivent démontrer à la fois que tout acte de concurrence leur était interdit et qu’ils ont commis des actes de concurrence déloyale ; que selon le principe, à valeur constitutionnelle, de la liberté d’entreprendre et de commercer, ils étaient libres, en l’absence de clause de non concurrence dans leurs rapports avec la société AZ Architecture, de créer une nouvelle société; que n’étant salariés ni de la société AIO ni de la société X et associés, ils n’avaient aucune obligation de non concurrence à leur égard ; qu’ils n’ont commis aucune faute constitutive d’un acte de concurrence déloyale ; que c’est après avoir appris leur prochain licenciement que pour gagner leur vie ils ont créé leur société ; que les difficultés financières des deux sociétés sont antérieures à leur départ forcé du fait de leur licenciement ; que le fait de soumissionner sur certains marchés constitue des actes de concurrence non fautifs ; qu’il n’y a aucun enseignement à tirer de leur absence d’opposition à la décision d’exclusion votée par l’assemblée générale ; qu’ils estimaient n’avoir aucun intérêt à demeurer associés de cette société moribonde dont ils n’étaient pas les salariés et qui n’a pas proposé de les embaucher suite à la déconfiture de AZ Architecture ; que les premiers juges qui les ont néanmoins condamnés ont commis une contradiction de motifs sanctionnée par l’article 455 du code de procédure civile ; qu’aucune situation de concurrence n’est caractérisée alors qu’en tout état de cause, quand la société BR Construction a été créée, AZ Architecture était en liquidation et AIO en pleine déconfiture, pour des motifs qui leur étaient totalement étrangers et qui font ressortir que les deux liquidations judiciaires sont de la seule responsabilité de M. X ; sur les clients litigieux, que les sociétés ne disposaient d’aucun contrat mais de

devis (sauf pour un client Croix de Gay pour lequel sont intervenus à la demande de M. X lui-même dont la société a reçu à cette occasion 46 673,73 euros sans réaliser la moindre prestation) ; que MM. Y et Z ne sauraient voir leur responsabilité personnelle engagée en l’absence de faute grave incompatible avec les prérogatives attachées à leur qualité d’associés ; que la légère baisse du chiffre d’affaires de BR Construction en 2015 ne prouve pas qu’elle a bénéficié en 2014 d’un détournement de chantiers ; que le montant des dommages et intérêts alloués en 1re instance ne repose sur aucun fondement ni motivation ; que M. X a commis de nombreuses fautes de gestion qui les ont notamment contraints à payer à la Société Générale chacun 1 375 euros en qualité de cautions, somme dont ils demandent le remboursement outre des dommages et intérêts pour procédure abusive.

Par conclusions déposées en dernier lieu le 09 septembre 2019, auxquelles il convient de se reporter pour plus ample exposé de leurs moyens et prétentions, la société All In One, la société EKIP en qualité de mandataire judiciaire venant aux droits de la SELARL Christophe Mandon, la SCP B I en qualité de mandataire à la liquidation judiciaire de la société AZ Architecture, la société X et Associés – Architectes SARL et M. X demandent à la cour de :

— vu les dispositions de l’article 1382 ancien devenu l’article 1240 du code civil.

— vu les pièces communiquées,

— vu les jurisprudences citées,

— confirmer le jugement entrepris :

— en ce qu’il a joint les affaires enrôlées sous divers numéros de rôles,

— en ce qu’il s’est déclaré compétent,

— en ce qu’il a débouté M. Y et M. Z ainsi que la société BR Construction de leur demande de relevé de garantie à l’égard de M X

— en ce qu’il a débouté M. Y et M. Z de leur demande de remboursement d’indemnité versée au titre de l’acte de caution en faveur de la banque Société Générale

— en ce qu’il a débouté M. Y et M. Z ainsi que la société BR Construction de leur demande d’indemnité pour procédure abusive,

— en ce qu’il a débouté M. Y et M. Z ainsi que la société BR Construction de leurs autres demandes

— le réformer sur le surplus

— et statuant à nouveau,

— condamner solidairement M. Y, M. Z et la société BR Construction à payer à la SELARL Christophe Mandon en qualité de mandataire à la liquidation judiciaire de la société All In One la somme de 1 190 436,67 euros à titre de dommages et intérêts

— condamner solidairement M. Y, M. Z et la société BR Construction à payer à la SCP B I en qualité de mandataire à la liquidation judiciaire de la société AZ Architecture la somme de 67 920,00 euros à titre de dommages et intérêts

— condamner solidairement M. Y, M. Z et la société BR Construction à payer à la société X et Associés – Architectes la somme de 162 981,82 euros à titre de dommages et intérêts

— débouter M. Y, M. Z et la société BR Construction de l’ensemble de leurs demandes contraires et plus amples

— condamner solidairement les mêmes à leur payer chacun la somme de 2 500 euros à chacun sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile

— les condamner solidairement aux entiers dépens.

La société All In One, la société EKIP ès qualités, la SCP B I ès qualités, la société X et Associés – Architectes SARL et M. X font notamment valoir que le fait pour M. Y et M. Z d’avoir créé la société BR Construction alors qu’ils étaient associés de AIO a gravement nui à cette société qui, privée de son économiste et de son conducteur de travaux, s’est trouvée dépourvue des compétences techniques nécessaires à l’exercice social, n’a donc pas pu donner suite à des chantiers, et a dû renoncer à des honoraires, ce qui est l’origine de la déconfiture des sociétés All In One et AZ Architecture ; qu’il n’est pas reproché à M. Y et M. Z le non respect d’une clause de non concurrence mais de actes de concurrence déloyale ; qu’ils étaient en droit de créer une entreprise concurrente au moins s’agissant des sociétés AZ et X mais pas de AIO dont les statuts comportaient une clause d’exclusion ; qu’il leur est reproché d’avoir entretenu une confusion et détourné la clientèle ; que tous les dossiers correspondent à des dossiers qui avaient été initiés par les sociétés AZ et AIO ; qu’ils ont profité des difficultés qu’elles rencontraient pour récupérer les marchés signés, commettant un détournement d’actif ; que si le démarchage de la clientèle d’un concurrent n’est pas en lui-même fautif s’il ne s’accompagne pas de procédés déloyaux, le démarchage de la clientèle d’une société par un ancien associé est constitutif de concurrence déloyale ; que les appelants tentent vainement de s’exonérer en invoquant la faute de gestion de M. X sans aucun commencement de preuve ; qu’il n’y a aucun rapport entre les fautes de gestion alléguées de M. X, qu’elles contestent, et le détournement de l’activité de deux sociétés dans lesquelles ils étaient associés, ce qui constitue une faute personnelle qui ne saurait justifier un relevé indemne ; que le fait qu’ils aient apporté les chantiers en cause (ce qu’elles contestent) n’est pas une raison recevable ; qu’aucun lien de causalité ne justifie non plus le remboursement des 1 375 euros à la Société Générale ; que même si la société AZ est en liquidation judiciaire, les marchés dont elle était titulaire constituaient des actifs susceptibles d’être valorisés par le mandataire liquidateur (par revente d’un portefeuille de clientèle) ; que la société AIO quant à elle n’était même pas en sauvegarde de justice quand la société BR Construction a été créée ; qu’elle était in bonis en décembre 2013 ; que rien ne démontre qu’elle n’était pas en mesure de poursuivre les chantiers ; que les appelants ont à l’évidence anticipé le détournement puisque la société BR Construction a pu signer des contrats le mois même de sa création ; qu’à compter de la constitution de la société BR Construction, MM. Y et Z ont cessé d’apporter leur savoir faire aux sociétés AZ et AIO dont ils étaient associés et ont développé une activité concurrente ; qu’il se sont attribué les dossiers des autres sociétés allant jusqu’à bénéficier de leur travail ; que cette activité est contraire à l’intérêt social des sociétés dont elle a compromis l’affectio societatis, ce qui a justifié leur exclusion à l’Assemblée Générale d’AIO du 03 novembre 2014 ; que la société X, qui intervenait pour les prestations d’architecte honoraire pour 3,60 % du montant des travaux, est fondée à réclamer le paiement de certains honoraires dus et l’indemnisation de la perte des honoraires qu’elle aurait dû percevoir sur les chantiers AZ et AIO qui ont été détournés.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 10 septembre 2019.

MOTIFS DE LA DECISION :

Les appelants ayant abandonné les griefs de nature procédurale invoqués en première instance (irrecevabilité des demandes formées par la société AIO, incompétence du tribunal de commerce), le débat devant la cour porte essentiellement sur la caractérisation d’actes de concurrence déloyale consistant, selon les intimés, en des détournement d’actifs (chantiers) au préjudice, à titre principal, des sociétés AZ Architecture et AIO ; indirectement, de la société X.

Le tribunal a rejeté les demandes au nom des sociétés AZ Architecture et X mais a partiellement fait droit à celles formées au nom de la société AIO.

sur les demandes au nom de la société AZ Architecture :

La SCP B I ès qualités fonde ses demandes sur deux chantiers détournés : le chantier Château Haut Brisson (devis du 22 juillet 2013 ses pièces 38,39 et 40) et le chantier Aguirre (devis du 25 février 2013 ses pièces 41 et 42), pour un préjudice estimé à 67 920 euros.

Les appelants opposent cependant à juste titre que la société AZ Architecture ne peut revendiquer la propriété des chantiers litigieux, qui n’avaient donné lieu qu’à des devis estimatifs sans acceptation du client, de sorte que n''étant pas titulaire desdits marchés, elle n’est pas fondée à soutenir qu’ils faisaient partie de ses actifs et qu’ils pouvaient être valorisés notamment par la revente du portefeuille de clientèle.

C’est par ailleurs à bon droit qu’ils font valoir qu’ils étaient non seulement associés mais aussi salariés de la société AZ Architecture, et que leurs seuls revenus provenaient de leur activité salariale. Alors que la situation de la société était précaire depuis plusieurs semaines, qu’il ressort du rapport du mandataire judiciaire du 12 novembre 2013 que les salaires d’octobre 2013 avaient été pris en charge par la CGEA du fait d’une trésorerie exsangue, que MM. Y et Z avaient été informés le 21 novembre 2013 de leur licenciement imminent, ils étaient libres, en qualité d’anciens salariés, de créer une nouvelle société, sans que la société AZ puisse sérieusement soutenir qu’en anticipant de quelques semaines les difficultés, ils ont participé directement à sa déconfiture alors que sa liquidation judiciaire a été ouverte le 20 novembre 2013, avant l’immatriculation de la société BR Construction qui est intervenue le 03 décembre 2013, avec un début d’activité le 25 novembre.

C’est donc à bon droit que le tribunal a considéré que le détournement d’actifs n’était pas caractérisé. Le jugement qui a débouté la société AZ Architecture de toutes ses demandes sera confirmé.

sur les demandes au nom de la société AIO :

Le tribunal a alloué 100 000 euros de dommages et intérêts à la SELARL Mandon en qualité de mandataire judiciaire de la société AIO au motif que MM. Y et Z, qui n’avaient d’ailleurs pas contesté la décision d’exclusion de l’assemblée générale, ne pouvaient ignorer qu’en reprenant au nom de la société BR Construction certains chantiers de la société AIO alors in bonis, ils allaient provoquer une diminution de sa marge et rompre le contrat selon l’article 104-1 des statuts.

Les appelants comme l’intimée critiquent cette disposition, dont les premiers soutiennent qu’elle résulte d’une contradiction de motifs cependant que la seconde estime que le montant alloué est très inférieur à la réalité de son préjudice, chiffré à 977 167,74 euros TTC devant le tribunal et à 1 190 436,67 euros TTC devant la cour en raison de la découverte de trois

[…].

La SELARL Mandon fait donc état devant la cour des chantiers suivants :

— le chantier Thunevin : deux devis (dont seule la première page a été signée par le client) ont été établis par la société AIO le 12 février 2013 portant sur la construction d’un chais à barriques et d’un chais à bouteilles (pièces 44 et 45); deux factures de 25 247,49 et 132 737,45 euros TTC ont été établies au titre des frais d’étude et de conception (pièces 16 et 18) et payées dans le cadre du chantier (qui a été réalisé par la société BR Construction) puisque déduites de la facturation finale (pièce 28 des appelants) ;

— le chantier Fédération Départementale de la Pêche 33 : AIO a établi des devis les 1er et 08 octobre 2013 qui n’ont pas été signés par le client (ses pièces 20, 21, 22) ; le marché de travaux a été présenté le 21 octobre 2013 par BR (p 23 et 46) mentionnant AIO pour la conception architecturale ; le permis de construire a été déposé par BR le 24 octobre 2014 ;

— le chantier Croix du Gay : le contrat de construction a été signé le 21 mai 2012 par AZ (pièces 24 et 25) puis présenté par AIO le 04 novembre 2013 ; un devis a finalement été établi le 20 novembre 2013 par la société BR, à la demande de la société AZ désormais en liquidation judiciaire ainsi qu’il résulte d’une attestation du maître de l’ouvrage du 25 mars 2015 (pièce 12 des appelants) partiellement contestée par les sociétés AZ et AIO qui, tout en convenant du projet de transfert, font surtout valoir que la société AZ n’a reçu que 56 009,68 euros sur la somme de 140 481,39 euros qui devait lui être réglée, cependant que la société BR oppose justement que la société AIO n’est pas fondée à réclamer une indemnisation puisque le chantier avait été confié à la société AZ ;

— le chantier Château Andron : AIO a établi un devis descriptif le 31 octobre 2013 (p 28) ; bien que choisie, elle dit avoir dû abandonner à la suite du départ de MM. Y et Z ; ces derniers sont cependant fondés à opposer qu’aucun grief ne peut leur être fait à ce titre alors qu’ils n’étaient pas salariés de la société AIO et que ce chantier a finalement été réalisé par un tiers, M. C (p 31) ;

— le chantier INRAP (Boyer-Jeune) : AIO a établi une estimation prévisionnelle provisoire le 23 octobre 2013 et déposé le permis de construire le 20 décembre 2013 (p 32) avant de renoncer motif pris du départ de MM. Y et Z; aucun grief ne saurait cependant être retenu contre eux, le projet ayant de surcroît été repris par une entreprise tierce (Arzimmo) ;

— le chantier château domaine Rivaton : les circonstances, identiques (devis établi mais resté sans suite, AIO ayant renoncé au chantier qui a été repris par un tiers), ne permettent pas d’établir une faute de MM Y et Z ;

le chantier château Bardins (devis des 09 janvier 2013 et 26 juillet 2013 p 72 73) aurait été repris par la société BR Construction sans que cela soit avéré, seul étant produit un business plan de MM. Y et Z du 17 octobre 2013 ( p 71) ;

— le chantier château Bourdieu (devis estimatif du 08 avril 2013 par AZ – dossier esquisse par AIO le 03 juillet 2013 p 74 ) qui figure sur le même business plan sans qu’il puisse s’en déduire avec certitude qu’il a été repris par la société BR;

— enfin, le chantier château Haut Musset (devis descriptif estimatif par AZ du 26 février 2013 p 75 et 76 ' dossier esquisse par AIO) dont rien, hormis le business plan du 17 octobre 2013, ne permet de dire qu’il a été repris par la société BR Construction qui soutient tout en ignorer.

Rien dans ces circonstances ne permet donc de caractériser de la part des appelants le détournement fautif de chantiers alors que :

— les chantiers litigieux n’avaient fait l’objet que de devis de la part de AZ ou AIO, de sorte que les intimées ne peuvent soutenir comme elles le font qu’elles en étaient titulaires ;

— la reprise par la société BR Construction de certains chantiers (d’ailleurs pas tous) résulte dans le cas de la société AZ, de son placement en liquidation judiciaire ; dans le cas d’AIO, de son incapacité à assumer les commandes sans qu’elle puisse reprocher à MM. Y et Z, associés et non salariés, de l’avoir « privée de son économiste et de son conducteur de travaux » ;

— le fait que la société AIO se soit trouvée, officiellement du moins, in bonis à la création de la société BR Construction, ne saurait occulter le fait qu’elle connaissait déjà des difficultés, puisqu’elle a renoncé d’elle-même à donner suite à certains devis ;

— quant à la clause à laquelle étaient soumis MM. Y et Z, en leur qualité d’associés, par l’article 14.1 des statuts, aux termes duquel « Tout associé pourra être exclu pour les motifs suivants : « exercice par un associé d’une activité concurrente, sauf en ce qui concerne la société AZ Architecture Contractant Général, et violation d’une clause statutaire »», les intéressés sont fondés à opposer qu’il s’agit d’une clause d’exclusion ouverte à l’Assemblée Générale et non d’une clause de non concurrence dont en tout état de cause les conditions (limitation dans le temps et l’espace, proportionnalité à l’objet du contrat) ne sont pas remplies, de sorte qu’elle encourt la nullité. Le fait qu’ils n’aient pas contesté cette exclusion ne saurait être interprété comme une reconnaissance de leur faute, alors qu’ils font valoir à juste titre qu’ils estimaient n’avoir aucun intérêt à demeurer associés de cette société moribonde dont ils n’étaient pas les salariés et qui n’a pas proposé de les embaucher suite à la déconfiture de la société AZ.

Il sera relevé à titre superfétatoire que la légère baisse du chiffre d’affaire de la société BR Construction entre 2014 et 2015 ne saurait établir la réalité des détournement de chantiers allégués en 2014.

Aucune faute constitutive d’un acte de concurrence déloyale envers la société AIO n’étant dès lors établie, il y a lieu d’infirmer le jugement qui a alloué une indemnisation à la société AIO, et de la débouter de ses demandes.

sur les demandes au nom de la société X :

Le tribunal a rejeté la demande d’honoraires de la société X (de 146 755,01 euros devant le tribunal, de 162 981,92 euros devant la cour) faute de démontrer qu’ils correspondaient à des prestations réellement dues.

La demande indemnitaire de la société X consiste :

— en une demande de paiement d’honoraires pour des prestations réalisées sur les chantiers Thunevin et La Croix de Gay (factures des 18 juin 2014 et 30 mai 2014 pièces 56, 57 et 58)

— en une demande d’indemnisation de la perte qu’elle a subie dans le cadre des chantiers dont les sociétés AZ et AIO auraient été privées.

En l’état des écritures échangées entre les parties, qui ne s’accordent pas sur le montant des prestations réalisées par la société X, le bien fondé de la première demande n’est pas établi. Quant à la seconde demande, elle ne peut aboutir, les demandes formées par les

sociétés AZ et AIO au titre de ces chantiers ayant été rejetées.

Le jugement qui a débouté la société X de sa demande sera donc confirmé.

sur les demandes reconventionnelles :

MM. Y et Z demandent par ailleurs l’infirmation du jugement qui a rejeté leur demande de remboursement des sommes versées à la société Générale en leur qualité de caution ainsi que leur demande de dommages intérêts pour procédure abusive.

Ils soutiennent d’une part que M. X a commis de nombreuses fautes de gestion qui les ont notamment contraints à payer à la Société Générale chacun 1 375 euros en qualité de cautions ; d’autre part, que la procédure constitue un abus de droit.

La mauvaise gestion de M. X (tenant notamment à la lourde augmentation des charges générées par des embauches et par l’arrivée de M. A qui a démissionné au bout d’un an après avoir encaissé 100 000 euros de rémunération sans avoir apporté le moindre chantier) n’est cependant pas démontrée, ni confirmée par les mandataires judiciaires qui font état de difficultés financières pour d’autres raisons, soulignent que M. X a abandonné son compte courant dans la société AIO pour limiter les pertes financières, et qui n’ont pas jugé opportun d’engager la moindre action à son encontre. La demande de remboursement des sommes versées à la société Générale, sans lien direct avec le litige, ne saurait donc aboutir. Le jugement qui a rejeté cette demande sera confirmé.

Il sera aussi confirmé en ce qu’il a rejeté la demande de dommages et intérêts, faute pour les appelants de rapporter la preuve d’un préjudice en lien avec la procédure qualifiée d’abusive.

sur les demandes accessoires :

Il apparaît inéquitable de laisser à la charge de MM. Y et Z et de la société BR Construction les sommes exposées par eux et non comprises dans les dépens. Le jugement qui a mis à leur charge une indemnité de 1 500 euros chacun sera infirmé, et la société EKIP en qualité de mandataire judiciaire de la société All In One, venant aux droits de la SELARL Christophe Mandon, la SCP B I en qualité de mandataire à la liquidation judiciaire de la société AZ Architecture, et la société X et Associés – Architectes SARL seront condamnées à leur payer la somme globale de 5 000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

Les mêmes seront par ailleurs condamnées aux entiers dépens de la procédure de première instance et d’appel.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,

Infirme le jugement du tribunal de commerce de Bordeaux en date du 03 juillet 2017 en ce qu’il a :

— condamné M. Y, M. Z et la société BR Construction à payer solidairement à la SELARL Christophe Mandon en qualité de mandataire judiciaire de la société All In One la somme de 100 000 euros à titre de dommages et intérêts

— condamné solidairement MM. Y et Z ainsi que la société BR Construction à payer chacun à la SELARL Christophe Mandon en qualité de mandataire judiciaire de la

société All In One la somme de 1 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

— condamné solidairement MM. Y et Z ainsi que la société BR Construction aux dépens

Statuant à nouveau sur ces points,

Déboute la société EKIP venant aux droits de la SELARL Christophe Mandon, en qualité de mandataire judiciaire de la société All In One, de sa demande indemnitaire

Dit n’y avoir lieu de faire application de l’article 700 du code de procédure civile en première instance

Condamne in solidum la société EKIP venant aux droits de la SELARL Christophe Mandon, en qualité de mandataire judiciaire de la société All In One, la SCP B I en qualité de mandataire à la liquidation judiciaire de la société AZ Architecture et la société X et Associés – Architectes aux dépens de première instance

Confirme le jugement pour le surplus

Condamne in solidum la société EKIP ès qualités venant aux droits de la SELARL Christophe Mandon, la SCP B I ès qualités et la société X et Associés – Architectes à payer à M. Y, M. Z et la société BR Construction la somme globale de 5 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel

Condamne in solidum la société EKIP ès qualités venant aux droits de la SELARL Christophe Mandon, la SCP B I ès qualités et la société X et Associés ' Architectes aux dépens de la procédure d’appel.

Le présent arrêt a été signé par M. Chelle, président, et par M. Goudot, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

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Textes cités dans la décision

  1. Code de procédure civile
  2. Code civil
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Cour d'appel de Bordeaux, 4ème chambre commerciale, 5 novembre 2019, n° 17/04884