Cour d'appel de Bordeaux, 4ème chambre commerciale, 27 juillet 2021, n° 21/00806

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Bordeaux, 4e ch. com., 27 juill. 2021, n° 21/00806
Juridiction : Cour d'appel de Bordeaux
Numéro(s) : 21/00806
Décision précédente : Tribunal de commerce de Bordeaux, 26 novembre 2020, N° 2019F00038
Dispositif : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Sur les parties

Texte intégral

COUR D’APPEL DE BORDEAUX

QUATRIÈME CHAMBRE CIVILE


ARRÊT DU : 27 JUILLET 2021

(Rédacteur : Madame Catherine BRISSET, Conseiller)

N° RG 21/00806 – N° Portalis DBVJ-V-B7F-L5ZP

SOCIETE AFRICA SOURCING COTE D’IVOIRE

SOCIETE AFRICA SOURCING CAMEROUN LIMITED

c/

S.A.S. LBMS

Nature de la décision : A U FOND

Grosse délivrée le :

aux avocats

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 27 novembre 2020 (R.G. 2019F00038) par le Tribunal de Commerce de BORDEAUX suivant déclaration d’appel du 10 février 2021

APPELANTES :

SOCIETE AFRICA SOURCING COTE D’IVOIRE, société de droit Ivoirien par actions immatriculée au RCS d’Abidjan, Cote d’Ivoire sous le N° CI-AB1-2011-B-3446, prise en la personne de son représentant légal, domicilié en cette qualité au siège sis, […]

SOCIETE AFRICA SOURCING CAMEROUN LIMITED, société de droit Camerounais immatriculée au RCS de DOUALA, Cameroun sous le N°RCCM DAL/2010/B/2402, prise en la personne de son représentant légal, domicilié en cette qualité au siège, cabinet fiduciaire Associés en AFRIQUE sis, […], […].

Représentées par Maître Philippe DE CAUNES de la SCP DE CAUNES, avocat au barreau de BORDEAUX et assistées par Maître Hervé CABELI, avocat au barreau de PARIS

INTIMÉE :

S.A.S. LBMS, prise en la personne de son représentant légal, domicilié en cette qualité au siège sis, […]

Représentée par Maître Emmanuel JOLY de la SCP JOLY – CUTURI ' WOJAS AVOCATS DYNAMIS EUROPE (ADE), avocat au barreau de BORDEAUX et assistée par Maître Loïc PADONOU, avocat au barreau de PARIS

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l’article 805 du Code de Procédure Civile, l’affaire a été débattue le 16 juin 2021 en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Madame Catherine BRISSET, Conseiller chargé du rapport,

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Monsieur Robert CHELLE, Président,

Madame Elisabeth FABRY, Conseiller,

Madame Catherine BRISSET, Conseiller,

Greffier lors des débats : Monsieur Hervé GOUDOT

ARRÊT :

— contradictoire

— prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile.

FAITS ET PROCÉDURE

La société par actions de droit ivoirien Africa Sourcing Côte d’Ivoire (ASCI) et la société de droit camerounais Africa Sourcing Cameroun Limited (ASCL) ont, par acte du 19 décembre 2018, fait assigner la SAS LBMS devant le tribunal de commerce de Bordeaux en paiement de diverses sommes.

Elles invoquaient des contrats portant sur la fourniture de fèves de cacao conclus dans les conditions suivantes :

— le 30 novembre 2017, entre la société ASCI et la société LBMS pour la fourniture de 2 750 tonnes de fèves de cacao, ayant fait l’objet le 4 décembre 2017d’un virement de 2 millions d’euros afin de préfinancer l’acquisition du cacao.

— le 29 novembre 2016 entre la société ASCL et la société LBMS pour la fourniture de 3 500 tonnes de fèves de cacao

— le 2 décembre 2016 entre la société ASCL et la société LBMS pour la fourniture de 6 500 tonnes de fèves de cacao, ces deux derniers contrats ayant fait l’objet de trois virements en date des 20 février, 10 et 20 avril 2017 pour 1 150 000 euros,1 500 000 euros et 2 000 000 euros à destination de la société LBMS afin de préfinancer l’acquisition du cacao.

Il était encore soutenu que le 18 avril 2018, la société LBMS avait adressé deux lettres à la société ASCL afin d’annuler les contrats et sollicitant ses coordonnées bancaires afin de procéder au remboursement des fonds perçus.

L’incompétence de la juridiction saisie a été soulevée, la société LBMS se prévalant d’une clause compromissoire.

Par jugement contradictoire du 27 novembre 2020, le tribunal de commerce de Bordeaux a :

— déclaré son incompétence pour juger les affaires Africa Sourcing Cameroun Limited et Africa Sourcing Côte d’Ivoire à l’encontre de la société LBMS,

— renvoyé les parties à mieux se pourvoir,

— dit n’y avoir lieu d’appliquer l’article 700 du code de procédure civile,

— dit que chaque partie conserve ses dépens.

Les sociétés ASCL et ASCI ont relevé appel de la décision le 10 février 2021, à l’encontre de l’ensemble des chefs de la décision, qu’elles ont expressément énumérés, intimant la société LMBS.

Par ordonnance du 16 février 2021, le président de la chambre commerciale, a autorisé les sociétés ASCL et ASCI à assigner la société LBMS à jour fixe pour l’audience du 2 juin 2021 à 14 heures.

Par acte d’huissier du 19 février 2021, les sociétés ASCL et ASCI ont fait assigner à jour fixe la société LBMS pour l’audience du 2 juin 2021 à 14h, date à laquelle l’affaire a fait l’objet d’un renvoi à l’audience du 16 juin à 14h.

MOYENS ET PRÉTENTIONS

Dans leurs dernières écritures en date du 8 juin 2021, auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé des moyens et prétentions, les sociétés ASCL et ASCI demandent à la cour de :

À titre liminaire :

Dire et juger que l’appel formé par les sociétés Africa Sourcing Côte d’Ivoire et Africa Sourcing Cameroun est recevable,

Dire et juger la société LBMS irrecevable et mal fondée en ses exceptions et fin de non-recevoir tendant à voir déclarer ledit appel irrecevable pour prétendue nullité de la déclaration d’appel de la société Africa Sourcing Cameroun et pour prétendue caducité de l’appel formé par les sociétés Africa Sourcing Côte d’Ivoire et Africa Sourcing Cameroun,

A titre principal, sur le sursis à statuer :

Dire qu’il apparaît de l’intérêt d’une bonne administration de la justice de surseoir à statuer jusqu’à la décision de la juridiction arbitrale Federation of Cocoa Commerce (30 walting street, London, […] ;

Surseoir en conséquence, à statuer jusqu’à la décision de la juridiction arbitrale Federation of Cocoa Commerce(30 walting street, London, […] ;

À titre subsidiaire :

Dire et juger que la société LBMS était irrecevable en son exception d’incompétence ;

Dire et juger que la clause compromissoire est manifestement inapplicable ;

En conséquence,

Infirmer le jugement entrepris en ce qu’il a déclaré le tribunal de commerce de Bordeaux incompétent pour juger les affaires opposant les sociétés Africa Sourcing Limited et Africa Sourcing Côte d’Ivoire à la société LMBS ;

Dire et juger le tribunal de commerce de Bordeaux compétent pour juger les affaires opposant les société Africa Sourcing Limited et Africa Sourcing Côte d’Ivoire à la société LMBS ;

Condamner la société LBMS à payer à la société Africa Sourcing Cameroun Limited et à la société Africa Sourcing Côte d’Ivoire une somme de 10 000 euros chacune au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

Condamner la société LBMS aux dépens.

Les sociétés appelantes font valoir qu’elles ont leur siège à l’étranger de sorte que le délai d’appel est augmenté de 2 mois et que l’appel n’est pas tardif. Elles considèrent que l’argumentation sur l’absence de motivation de leur appel serait irrecevable alors en outre qu’elles ont déposé des conclusions avant l’expiration du délai d’appel. La société Africa Sourcing Cameroun soutient que son adversaire est irrecevable à lui opposer une irrégularité de la déclaration d’appel pour ne pas l’avoir soulevé in limine litis. Elle ajoute être immatriculée. Les appelants précisent qu’elles ont saisi la Federation of Cocoa Commerce pour lui demander de statuer sur sa compétence et que dans l’intérêt d’une bonne justice, il est préférable que la décision de la cour d’appel tienne compte de la décision de la juridiction arbitrale à venir. Subsidiairement, elles estiment que l’exception d’incompétence soulevée par la société LBMS est irrecevable la société LBMS ayant à la fois invoqué la clause compromissoire insérée au contrat et le caractère inexistant de ce même contrat. Elles invoquent un caractère manifestement inapplicable de la clause compromissoire, le tribunal arbitral ne pouvant être constitué de manière impartiale. Enfin, elles soutiennent que les parties avaient renoncé à la clause.

Dans ses dernières écritures en date du 15 juin 2021, auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé des moyens et prétentions, la société LBMS demande à la cour de :

A titre liminaire

1) Donner acte à la société LBMS de ce qu’elle soulève, à titre liminaire, l’irrégularité pour vice de fond de l’acte d’appel interjeté par la société Africa Sourcing Cameroun Limited en raison de l’inexistence de cette personne morale ;

Dire et juger que l’appel interjeté par la société Africa Sourcing Cameroun Limited est irrégulier et nul en raison de l’inexistence de cette personne morale ;

2) Donner acte à la société LBMS de ce qu’elle soulève, à titre liminaire, l’irrecevabilité de la déclaration d’appel effectuée par les sociétés Africa Sourcing Cameroun Limited et Africa Sourcing Côte d’Ivoire ;

Dire et juger irrecevable la déclaration d’appel effectuée par les sociétés Africa Sourcing Cameroun Limited et Africa Sourcing Cote d’Ivoire ;

A titre principal

3) Débouter les sociétés Africa Sourcing Cameroun Limited et Africa Sourcing Côte d’Ivoire de leur demande de sursis à statuer ;

Subsidiairement

4) Donner acte à la société LBMS de ce qu’elle soulève l’incompétence du tribunal de commerce de Bordeaux au profit de la juridiction arbitrale dénommée Federation of Cocoa Commerce (30 Watling Street, London, […]

Déclarer la société LBMS recevable à ce faire ;

En conséquence,

Dire et juger que, par application de la clause compromissoire figurant au contrat S2014201 en date du 29 novembre 2016 dont se prévaut la société Africa Sourcing Cameroun, seule la juridiction arbitrale dénommée Federation of Cocoa Commerce (30 Watling Street, London, […] est compétente pour connaître du litige et ce, à l’exclusion du tribunal de commerce de Bordeaux ;

Dire et juger que, par application de la clause compromissoire figurant au contrat S2014209 en date du 2 décembre 2016 dont se prévaut la société Africa Sourcing Cameroun, seule la juridiction arbitrale dénommée Federation of Cocoa Commerce (30 Watling Street, London, […] est compétente pour connaître du litige et ce, à l’exclusion du tribunal de commerce de Bordeaux ;

Dire et juger, par application de la clause compromissoire figurant au contrat S 2014212 en date du 30 novembre 2017 dont se prévaut la société Africa Sourcing Côte d’Ivoire, seule la juridiction arbitrale dénommée Federation of Cocoa Commerce (30 Watling Street, London, […] est compétente pour connaître du litige et ce, à l’exclusion du tribunal de commerce de Bordeaux ;

Par suite, de confirmer les jugements entrepris en ce que le tribunal de commerce de Bordeaux s’est déclaré incompétent pour en connaître ;

Renvoyer les sociétés Africa Sourcing Cameroun Limited et Africa Sourcing Côte d’Ivoire à mieux se pourvoir ;

En tout état de cause,

De condamner la société Africa Sourcing Cameroun Limited à payer la somme de quinze mille euros (15 000 euros) à la société LBMS en application des dispositions

de l’article 700 du code de procédure civile ;

De condamner la société Africa Sourcing Côte d’Ivoire à payer la somme de quinze mille euros (15 000 euros) à la société LBMS en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

De condamner les sociétés Africa Sourcing Cameroun Limited et Africa Sourcing Côte d’Ivoire aux entiers dépens.

Elle estime que la déclaration d’appel de la société ASCL est entachée d’une irrégularité pour vice de fond dès lors qu’elle n’a plus d’existence juridique. Elle considère que la déclaration d’appel est caduque pour ne pas satisfaire aux conditions de forme de l’article 85 du code de procédure civile. Elle s’oppose à la demande de sursis à statuer. Elle invoque l’autonomie de la clause compromissoire par rapport au contrat et fait valoir que les appelantes fondaient leur demande en paiement sur des contrats comprenant une clause compromissoire, laquelle

doit s’appliquer quelque soit le sort qui sera donné au contrat, sort qui ne pourra être envisagé que par la juridiction arbitrale. Elle conteste tout estoppel. Elle soutient que la clause compromissoire est applicable.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la saisine de la cour,

Ce n’est que dans les secondes écritures devant la cour que les moyens soulevés à ce titre par l’intimée l’ont été de manière logique à hauteur d’appel, c’est à dire en envisageant la question de la saisine de la cour avant celle de la compétence. En effet, si une exception d’incompétence doit être soulevée in limine litis, il n’en demeure pas moins que la cour doit préalablement envisager la régularité de sa saisine avant de statuer sur l’appel compétence qui lui est soumis. Il ne saurait toutefois s’en déduire comme le font les appelantes une fin de non-recevoir dans la mesure où, même si les parties envisagent parfois confusément les exceptions de procédure et les fins de non-recevoir, il n’est pas soulevé d’exception pour vice de forme obéissant au régime des articles 112 et suivants du code de procédure civile.

L’intimée soutient que tous les actes de procédure de la société Africa Sourcing Cameroun sont entachés d’un vice de fond dans la mesure où cette société n’aurait plus de personnalité juridique. Ceci ne concerne pas la société Africa Sourcing Côte d’Ivoire.

L’intimée pour soutenir ce moyen se prévaut de la dissolution de la société Africa Commodity Sourcing Holding BV qui était dans les statuts initiaux l’associée unique de la société Africa Sourcing Cameroun. Toutefois, il apparaît que cette dissolution faisait suite à un transfert des parts de la société Africa Sourcing Cameroun dont elle était propriétaire au profit de la société Africa Sourcing Limited immatriculée à Dublin. En toute hypothèse, l’appelante justifie bien de son immatriculation actuelle au registre du commerce de Douala comprenant la mention de deux associés en la personne de la société Africa Sourcing Limited et de M. X personne physique de sorte qu’il ne peut être retenu que tous les associés auraient fait l’objet d’une dissolution au sens de l’article 242 de l’acte OHADA. Il ne peut donc être considéré une inexistence de la personne morale emportant une irrecevabilité de l’appel, étant observé que l’intimée soutient à la fois que cette société serait inexistante et qu’elle devrait être condamnée à lui payer une indemnité au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

L’intimée invoque également une irrégularité de la déclaration d’appel, faute pour elle de satisfaire aux dispositions de l’article 85 du code de procédure civile. Elle en déduit une caducité (dans les motifs) ou une irrecevabilité (dans le dispositif) de l’appel.

Il apparaît que si la déclaration d’appel du 10 février 2021 énonçait expressément les chefs du jugement critiqués, elle ne satisfaisait pas aux dispositions de l’article 85 du code de procédure civile en ce qu’en particulier, s’agissant d’un appel compétence, elle n’était pas motivée. Cependant, dès le 11 février 2021, les appelantes ont déposé leur requête aux fins d’être autorisés à assigner à jour fixe en application des dispositions de l’article 84 du code de procédure civile. Cette requête comprenait les motifs de l’appel puisqu’il y était joint les premières conclusions des appelantes. C’est au vu de ces conclusions que l’autorisation d’assigner à jour fixe a été donnée. À cette date et compte tenu à la fois de la date de notification du jugement (1er décembre 2020), de l’allongement des délais de procédure s’agissant de sociétés ayant leur siège à l’étranger et du délai de l’article 84 du code de procédure civile, le délai d’appel expirait le 16 février 2021.

Les conclusions de nature à régulariser l’absence d’énonciation des motifs dans la déclaration d’appel avaient donc bien été déposées alors que le délai d’appel n’était pas expiré de sorte

que cette régularisation était efficace. L’appel n’encourt ainsi aucune irrecevabilité.

Sur la demande de sursis à statuer,

De manière très laconique, les appelantes font valoir qu’elles contestent la compétence de la Federation of Cocoa Commerce mais qu’elles ont néanmoins saisi cette institution. Elles en déduisent qu’il serait d’une bonne administration de la justice d’apprécier le litige en tenant compte de cette décision à intervenir.

S’il n’est pas contesté qu’elles ont saisi l’instance arbitrale, l’acte de saisine n’est pas produit. Il n’est donné aucun élément sur ses termes, puisque les appelantes maintiennent contester le principe même de cette compétence arbitrale, sur la date de saisine et sur le déroulement de la procédure en cours. Ceci constitue une première difficulté pour apprécier la pertinence d’un sursis à statuer.

Mais surtout, la cour est saisie de l’appel compétence de la décision du tribunal de commerce s’étant déclaré incompétent, une clause compromissoire ayant été invoquée. Il appartient à la cour de statuer uniquement dans les limites de l’appel compétence et la cour ne peut s’en remettre à la décision de l’instance arbitrale qui obéit à d’autres règles. La demande de sursis à statuer sera donc rejetée.

Sur la compétence,

Les appelantes considèrent en premier lieu que l’exception d’incompétence qui leur a été opposée était irrecevable. Elles se prévalent du principe d’estoppel en faisant valoir que devant le tribunal de commerce la société LBMS a présenté deux jeux de conclusions, le premier invoquant la clause compromissoire en s’appuyant sur le contrat et le second concluant à l’inexistence du contrat.

Il apparaît tout d’abord qu’il n’existe aucun estoppel en l’espèce dans la mesure où la société LBMS pouvait tout à fait déposer des conclusions pour invoquer la clause compromissoire et de manière séparée, pour le cas où la juridiction retiendrait sa compétence et statuerait au fond, faire valoir sont argumentation au fond. Mais surtout, la cour ne peut que rappeler le principe d’autonomie de la clause compromissoire. Cette autonomie juridique exclut, sauf stipulation contraire, qu’elle puisse être affectée par l’inefficacité de l’acte dans lequel elle est insérée.

La cour ne peut ainsi que constater que les appelantes entendent se prévaloir d’un contrat qui contient une clause compromissoire par laquelle les parties, en cas de litige, entendaient recourir à l’arbitrage conformément aux règles d’arbitrage et d’appel de la FCC. Si elles soutiennent qu’elles fondent leurs demandes sur des courriers postérieurs, le socle contractuel initial ainsi qu’il résulte de leur propre argumentation était bien les contrats incluant la clause compromissoire. Or, l’existence, la validité ou le maintien en vigueur de la convention d’arbitrage ne dépendent pas du sort du contrat principal auquel cette convention se réfère. Seule la juridiction qui sera compétente pourra envisager la validité ou même l’existence de la convention entre les parties mais la cour, au stade de la compétence, ne peut que constater qu’il existe une clause compromissoire.

Le seul élément qui puisse dès lors y faire obstacle serait son caractère manifestement nul ou inapplicable au sens de l’article 1448 du code de procédure civile.

Le point de savoir si l’opération litigieuse portait sur une vente ou sur une opération de spéculation relève du fond et non pas de la compétence et ne saurait rendre la clause manifestement inapplicable, la cour n’ayant pas à apprécier si la compétence de la Federation

of Cocoa Commerce s’étend à une opération spéculative.

La seule question qui subsiste est celle de l’absence d’indépendance et de la partialité invoquée de l’ensemble des arbitres de la Federation of Cocoa Commerce. Les appelantes considèrent ainsi qu’aucun des arbitres de la dite Federation ne pourraient accepter la mission de sorte qu’il ne peut y avoir d’arbitre impartial de désigné.

Mais alors que les appelantes doivent établir le caractère manifestement inapplicable de la clause, elles procèdent très largement par affirmations. Si elles font valoir que le dirigeant de la société intimée est membre de la section commerce de la Federation of Cocoa Commerce, elles indiquent également qu’il existe 44 arbitres élus. Dès lors, les liens qui peuvent exister avec 2 ou 3 des arbitres, comme invoqué dans les écritures, ne sont pas de nature à paralyser la mise en oeuvre de la clause et par là même de la rendre manifestement inapplicable.

Enfin, les appelantes considèrent que les parties auraient renoncé à la clause compromissoire. Elles font valoir que les courriers du 18 avril 2018 par lequel la société LBMS indiquait annuler les contrats ne fait aucun rappel de la clause compromissoire. Au delà des observations de l’intimée sur la rédaction des courriers par un non juriste, qui sont sans portée à ce stade, il apparaît que la question de savoir si le contrat pouvait être annulé, résilié ou même s’il pouvait s’appliquer relève du fond et que l’absence de toute référence à la clause compromissoire dans les courriers du 18 avril 2018 ne saurait s’analyser comme une renonciation à son bénéfice. Il s’agit là encore de l’application du principe d’autonomie de la clause compromissoire.

C’est ainsi à juste titre que les premiers juges, faisant application de la clause compromissoire, se sont déclarés incompétent et ont renvoyé les parties à mieux se pourvoir.

Le jugement sera confirmé.

L’appel étant mal fondé, chacune des appelantes sera condamnée au paiement de la somme de 4 000 euros par application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens d’appel.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,

Rejette les fins de non-recevoir soulevée par la SAS LBMS,

Rejette la demande de sursis à statuer,

Confirme le jugement du tribunal de commerce de Bordeaux du 27 novembre 2020,

Y ajoutant,

Condamne la société de droit camerounais Africa Sourcing Cameroun Limited à payer à la SAS LBMS la somme de 4 000 euros par application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

Condamne la société de droit ivoirien par actions Africa Sourcing Côte d’Ivoire à payer à la SAS LBMS la somme de 4 000 euros par application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

Condamne les sociétés de droit camerounais Africa Sourcing Cameroun Limited et de droit

ivoirien par actions Africa Sourcing Côte d’Ivoire aux dépens d’appel.

Le présent arrêt a été signé par Mme FABRY, conseiller, le président empêché, et par M. Goudot, greffier, auquel la minute a été remise par la magistrate signataire.

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