Cour d'appel de Bordeaux, 1ère chambre civile, 25 mars 2021, n° 18/03814

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Bordeaux, 1re ch. civ., 25 mars 2021, n° 18/03814
Juridiction : Cour d'appel de Bordeaux
Numéro(s) : 18/03814
Décision précédente : Tribunal de grande instance de Bergerac, 11 juin 2018, N° 17/00788
Dispositif : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Sur les parties

Texte intégral

COUR D’APPEL DE BORDEAUX

PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE


ARRÊT DU : 25 MARS 2021

(Rédacteur : Vincent BRAUD, conseiller,)

N° RG 18/03814 – N° Portalis DBVJ-V-B7C-KQNN

X Y

c/

SAS SOGELEASE FRANCE

Nature de la décision : AU FOND

Grosse délivrée le : 25/03/2021

aux avocats

Décision déférée à la cour : jugement rendu le 12 juin 2018 par le Tribunal de Grande Instance de BERGERAC (RG : 17/00788) suivant déclaration d’appel du 29 juin 2018

APPELANT :

X Y

né le […] à […]

de nationalité Française

demeurant […]

Représenté par Maître Aurélie GIRAUDIER de la SELARL JURIS AQUITAINE, avocat au barreau de BERGERAC

INTIMÉE :

SAS SOGELEASE FRANCE prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège

demeurant […]

Représentée par Maître Pierre FONROUGE de la SELARL LEXAVOUE BORDEAUX, avocat postulant au barreau de BORDEAUX

Assistée de Maître Laurent GUIZARD de la SELARL GUIZARD ET ASSOCIES, avocat plaidant au barreau de PARIS

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 912 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 11 février 2021 en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Vincent BRAUD, conseiller, chargé du rapport,

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Roland POTEE, président,

Vincent BRAUD, conseiller,

Bérengère VALLEE, conseiller,

Greffier lors des débats : Jean-Philippe SERVIE

ARRÊT :

— contradictoire

— prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile.

* * *

La société Sogélease France a, par contrat de crédit-bail en date du 1er octobre 2014, donné en location à la société Périgord Toit-Bât un chariot télescopique d’une valeur de 100 000 euros, pour une durée de 72 mois moyennant le paiement de loyers mensuels de 1 541,27 euros hors taxe.

Par acte du 9 octobre 2014, X Y, gérant de la société Périgord Toit-Bât, s’est porté caution solidaire pour la durée de 84 mois à concurrence de 164 365 euros couvrant le principal, les intérêts, les pénalités et intérêts de retard susceptibles d’être dus par sa société.

Par avenant du 2 décembre 2015, il a été accordé par le bailleur une franchise partielle de 6 mois, et dans le cadre de cette renégociation X Y a réitéré son engagement de caution solidaire le 15 décembre 2015 pour un montant de 141 914,79 euros.

Par jugement du 19 février 2016, la société Périgord Toit-Bât a été placée en redressement judiciaire par le tribunal de commerce de Bergerac. Le 8 avril 2016, la procédure a été convertie en liquidation judiciaire, et la société Sogélease France a déclaré sa créance. Le 29 avril 2016, le liquidateur a donné son accord à la restitution du matériel et la société Sogélease France a pu revendre le matériel. Elle a modifié sa déclaration de créance en conséquence qui a été admise à hauteur de 54 096,63 euros.

Par lettres recommandées des 19 avril, 14 septembre et 4 octobre 2016, la société Sogélease France a mis en jeu l’engagement de caution, en vain. La société Sogélease France a obtenu du tribunal de grande instance de Bergerac une ordonnance d’ injonction de payer en date du 14 juin 2017, à laquelle X Y s’est opposé.

Par jugement contradictoire en date du 12 juin 2018, le tribunal de grande instance de Bergerac a :

' Déclaré recevable en la forme l’opposition formée par X Y ;

' Dit qu’elle a mis à néant l’ordonnance d’injonction de payer du 14 juin 2017 ;

' Condamné X Y, en qualité de caution, à payer à la société Sogélease France la somme de 54 096,53 euros avec intérêts au taux légal à compter de la signification de la présente décision ;

' Ordonné la capitalisation des intérêts ;

' Rejeté les autres chefs de demande ;

' Condamné X Y à payer à la société Sogélease France la somme de 750 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

' Ordonné l’exécution provisoire de la présente décision ;

' Condamné X Y aux dépens.

Par déclaration du 29 juin 2018, X Y a interjeté appel du jugement.

Aux termes de ses dernières conclusions déposées le 15 mars 2019, X Y demande à la cour de :

' Dire et juger X Y recevable et bien fondé en ses demandes, fins et conclusions ;

' Débouter la société Sogélease France de l’intégralité de ses demandes ;

' Infirmer le jugement du tribunal de grande instance de Bergerac en date du 22 mai 2018 en toutes ses dispositions ;

Statuant à nouveau,

À titre principal,

' Dire et juger que l’engagement de caution de X Y était manifestement disproportionné à ses revenus et son patrimoine ;

' Dire et juger que la société Sogélease France ne rapporte pas la preuve que X Y est en mesure de régler la dette au jour où il est appelé ;

À titre subsidiaire,

' A X Y à s’acquitter des sommes dues en 24 mensualités, dans le mois suivant la décision passée en force de chose jugée ;

' Condamner la société Sogélease France à verser à X Y la somme de 3 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

' Condamner la société Sogélease France aux entiers dépens.

Aux termes de ses dernières conclusions déposées le 14 janvier 2021, la société par actions simplifiée à associé unique Sogélease France demande à la cour de :

' Déclarer X Y recevable mais mal fondé en son appel ;

' Débouter X Y de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;

' Confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;

Y ajoutant,

' Condamner X Y à verser à la société Sogélease France la somme de 2 000 euros au titre des frais irrépétibles d’appel ;

' Condamner X Y aux entiers dépens de la procédure.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 28 janvier 2021 et l’audience fixée au 11 février 2021.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la disproportion de l’engagement de la caution :

Aux termes de l’article L. 341-4 ancien du code de la consommation, applicable à l’espèce, un créancier professionnel ne peut se prévaloir d’un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l’engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus, à moins que le patrimoine de cette caution, au moment où celle-ci est appelée, ne lui permette de faire face à son obligation.

Il appartient à la caution qui entend opposer au créancier les dispositions de l’article L. 341-4 du code de la consommation, de rapporter la preuve du caractère disproportionné de son engagement par rapport à ses biens et revenus. La disproportion s’apprécie lors de la conclusion de l’engagement, au regard du montant de l’engagement et des biens et revenus déclarés par la caution, dont le créancier, en l’absence d’anomalies apparentes, n’a pas à vérifier l’exactitude.

La société Sogélease France produit aux débats la fiche de renseignements remplie par X Y. Il y déclare être marié sous le régime de la communauté légale ; avoir deux enfants à charge ; avoir souscrit un emprunt immobilier dont les échéances s’élèvent à 592,85 euros par mois et le capital restant dû à 94 130,67 euros, ainsi qu’un emprunt automobile dont les échéances s’élèvent à 282,36 euros par mois et le capital restant dû à 10 196,55 euros ; être propriétaire en pleine propriété d’une maison grevée d’une hypothèque à concurrence du capital restant dû sus-indiqué de 94 130,67 euros. La fiche de renseignements ne fait mention, ni de revenus de la caution, ni de la valeur de sa maison, que X Y justifie avoir achetée en 2009 au prix de 71 500 euros.

X Y fait valoir à bon droit, en premier lieu, que ne peuvent être pris en considération les revenus escomptés de l’opération garantie pour apprécier la disproportion du cautionnement au moment où il a été souscrit ; en second lieu, que le caractère disproportionné de l’engagement de la caution solidaire s’apprécie au regard de ses seules capacités financières, sans qu’il y ait lieu de tenir compte de l’existence d’autres garanties. L’existence d’un cofidéjusseur est indifférente en l’espèce, puisque les cautions solidaires d’un même débiteur pour une même dette peuvent se voir réclamer chacune le paiement intégral de la dette.

Au regard du montant de l’engagement (164 365 euros), des charges déclarées par la caution, et de la consistance de son patrimoine immobilier, son engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus.

L’appelante n’allègue ni ne démontre qu’au jour de l’appel en garantie, le patrimoine de la caution lui permette de faire face à son obligation. Il ressort au contraire des pièces produites par X Y qu’en 2016, il avait trois enfants à charge ; que ses revenus s’élevaient à quelque 1 500 euros par mois ; qu’il était propriétaire de la maison d’habitation susdite ; que son endettement s’était accru :

' emprunt immobilier, dont le capital restant dû en octobre 2016 s’élevait à 91 000 euros ;

' crédit automobile, remboursable par mensualités de 326 euros ;

' emprunt souscrit auprès de la société Pro B. T. P. Prévoyance, remboursable par mensualités de 74,12 euros jusqu’en décembre 2029 ;

' dette de 10 283,68 euros à l’égard du régime social des indépendants ;

' cautionnement de la société Périgord Toit-Bât au titre d’un emprunt professionnel de 35 000 euros, en vertu duquel il est poursuivi en payement de la somme de 24 923,86 euros ;

' cautionnement de la société Périgord Toit-Bât au titre d’un emprunt professionnel de 14 000 euros à concurrence de 12 % de l’encours restant dû, en vertu duquel il est poursuivi en payement de la somme de 987,73 euros ;

' cautionnement de la société Périgord Toit-Bât au titre d’un crédit-bail automobile de 23 283,06 euros, en vertu duquel il est poursuivi en payement de la somme de 14 066,33 euros en principal.

La société Sogélease France, qui ne peut se prévaloir du contrat de cautionnement conclu par X Y, sera déboutée de sa demande en payement.

Sur les dépens et les frais irrépétibles :

Aux termes de l’article 696, alinéa premier, du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n’en mette la totalité ou une fraction à la charge d’une autre partie. L’intimée en supportera donc la charge.

En application de l’article 700 du code de procédure civile, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Sur ce fondement, la société Sogélease France sera condamnée à payer la somme de 1 800 euros au titre des frais irrépétibles de première instance et d’appel.

PAR CES MOTIFS,

LA COUR,

Confirme le jugement en ce qu’il :

' Déclare recevable en la forme l’opposition formée par X Y ;

' Dit qu’elle a mis à néant l’ordonnance d’injonction de payer du 14 juin 2017 ;

L’infirme pour le surplus ;

Statuant à nouveau dans cette limite,

Déboute la société Sogélease France de ses demandes ;

Condamne la société Sogélease France à payer à X Y la somme de 1 800 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la société Sogélease France aux dépens de première instance et d’appel.

Le présent arrêt a été signé par Monsieur Roland POTEE, président, et par Madame Marie-françoise DACIEN, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le Greffier, Le Président,

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Cour d'appel de Bordeaux, 1ère chambre civile, 25 mars 2021, n° 18/03814