Cour d'appel de Bordeaux, 1re chambre civile, 19 février 2024, n° 23/03461

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Bordeaux, 1re ch. civ., 19 févr. 2024, n° 23/03461
Juridiction : Cour d'appel de Bordeaux
Numéro(s) : 23/03461
Importance : Inédit
Décision précédente : Tribunal judiciaire de Bordeaux, 9 juillet 2023, N° 23/00915
Dispositif : Autre
Date de dernière mise à jour : 25 février 2024
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Sur les parties

Texte intégral

COUR D’APPEL DE BORDEAUX

1ère CHAMBRE CIVILE

— -------------------------

ARRÊT DU : 19 FEVRIER 2024

N° RG 23/03461 – N° Portalis DBVJ-V-B7H-NLR2

S.A. MESOLIA HABITAT

c/

S.A.S. STUDIO BELLECOUR – SAS D’ARCHITECTURE

MUTUELLE DES ARCHITECTES FRANÇAIS (MAF)

S.A. BUREAU VERITAS

S.A.S.U. GCC

S.A. LLOYD’S INSURANCE COMPANY

S.A. AXA FRANCE IARD prise en sa qualité d’assureur de la SAS GUYENNE SANITAIRE (GUYSANIT)

S.A.S.U. GUYENNE SANITAIRE (ENSEIGNE GUYSANIT)

S.A. AXA FRANCE IARD prise en qualité d’assureur de la Société GCC

Nature de la décision : AU FOND

APPEL D’UNE ORDONNANCE DE REFERE

Grosse délivrée le :

aux avocats

Décision déférée à la cour : ordonnance de référé rendue le 10 juillet 2023 par le Président du Tribunal Judiciaire de BORDEAUX (RG : 23/00915) suivant déclaration d’appel du 19 juillet 2023

APPELANTE :

S.A. MESOLIA HABITAT, enregistrée au RCS de BORDEAUX sous le numéro 469 201 552, agissant en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social sis [Adresse 8]

représentée par Maître MANN substituant Maître Léandra PUGET de la SELAS SALVIAT + JULIEN-PIGNEUX + PUGET ET ASSOCIES, avocats au barreau de BORDEAUX

INTIMÉES :

S.A.S. STUDIO BELLECOUR – SAS D’ARCHITECTURE, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social sis [Adresse 6]

représentée par Maître GHASSEMEZADEH substituant Maître David CZAMANSKI de la SCP LATOURNERIE – MILON – CZAMANSKI – MAZILLE, avocats au barreau de BORDEAUX

MUTUELLE DES ARCHITECTES FRANÇAIS (MAF), assureur RCP et RCD de la société STUDIO BELLECOUR, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social sis [Adresse 1]

non représentée, assignée à personne habilitée

S.A. BUREAU VERITAS, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège social sis [Adresse 7]

non représentée, assignée à personne habilitée

S.A.S.U. GCC, prsie en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège social sis [Adresse 12] et [Adresse 11] – [Localité 5]

représentée par Maître Eugénie RESSIE de la SELAS DE SERMET, avocat au barreau de BORDEAUX

S.A. LLOYD’S INSURANCE COMPANY venant aux droits de la société d’assurance LLOYD’S DE [Localité 13], association d’assureurs à statut spécial ayant pour mandataire général des souscripteurs du Lloyd’s de [Localité 13] pour les opérations en France la société LLOYD’S FRANCE SAS assureur RCP et RCD de la société BUREAU VERITAS CONSTRUCTION, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social sis [Adresse 9]

non représentée, assignée à personne habilitée

S.A. AXA FRANCE IARD prise en sa qualité d’assureur de la SAS GUYENNE SANITAIRE (GUYSANIT), prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social sis [Adresse 3]

représentée par Maître Jean Philippe LE BAIL de la SCP D’AVOCATS JEAN-PHILIPPE LE BAIL, avocat au barreau de BORDEAUX

S.A.S.U. GUYENNE SANITAIRE (ENSEIGNE GUYSANIT), prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège social sis [Adresse 4]

non représentée, assignée à personne habilitée

S.A. AXA FRANCE IARD, prise en qualité d’assureur de la Société GCC, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social sis [Adresse 2]

représentée par Maître GUERIN substituant Maître Marin RIVIERE, avocats au barreau de BORDEAUX

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 18 décembre 2023 en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant M. Roland POTEE, magistrat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles, qui a fait un rapport oral de l’affaire avant les plaidoiries,

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Président : Mme Paule POIREL

Conseiller : M. Emmanuel BREARD

Conseiller : M. Roland POTEE, magistrat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles

Greffier : Mme Véronique SAIGE

ARRÊT :

— réputé contradictoire

— prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

* * *

EXPOSE DU LITIGE ET DE LA PROCÉDURE

La SA Mesolia Habitat a entrepris un programme immobilier portant sur la conception et la réalisation d’un projet de construction de plusieurs bâtiments comprenant des logements collectifs entrant dans le cadre d’une opération globale sur un terrain situé à [Localité 14], site [Adresse 10].

Pour ce faire, par un contrat d’architecte conclu le 4 juin 2012, la société Mesolia Habitat a confié à la SAS Studio Bellecour une mission de maître d’oeuvre.

Par contrat du 28 juin 2019, la SASU GCC s’est engagée auprès de la société Mesolia Habitat en qualité de mandataire d’un groupement conjoint d’entreprises générales.

La société GCC s’est adjointe la société Demathieu Bard, en qualité de co-traitant, dont les prestations sont réparties comme suit :

— entreprise générale pour les bâtiments A1, A1 et E : la société GCC,

— entreprise générale pour les bâtiments B et D : la société Demathieu Bard.

Aux termes d’un avenant n°1 conclu les 18 décembre 2019 et 6 janvier 2020, les parties ont modifié la composition du groupement d’entreprises initial et ont associé la SASU Guyenne Sanitaire, sous l’enseigne Guysanit en qualité de co-traitant, avec pour mission la réalisation du lot n°10 « chauffage-ventilation-désenfumage-plomberie- sanitaire pour les bâtiments A1, A2, B, D et E ».

Le chantier a démarré le 3 juin 2019 et le procès-verbal de réception des travaux relatif au bâtiment E a été signé le 14 avril 2022 par les sociétés Mesolia Habitat, GCC, Guysanit et Studio Bellecour et a fait état de quelques réserves.

Quelques mois après la réception, la société Mesolia Habitat a signalé l’apparition de moisissures dans le bâtiment E entrée 1, au sein de trois celliers annexés aux logements E112, E122 et E132.

Elle a également mis en demeure d’avoir à intervenir :

— la société GCC par deux courriers recommandés des 24 et 28 mars 2023,

— la société Studio Bellecour par courrier du 5 avril 2023,

— la société Guysanit par courrier du 11 avril 2023.

Par acte d’huissier du 14 avril 2023, la société Mesolia Habitat a fait assigner, en référé, les sociétés :

— Studio Bellecour et son assureur, la société Mutuelle des Architectes Français,

— Bureau Veritas et son assureur, la SA Lloyd’s Insurance Company,

— GCC et son assureur la SA Axa France IARD,

— Guyenne Sanitaire sous l’enseigne Guysanit, et son assureur la SA Axa France IARD, devant le tribunal judiciaire de Bordeaux aux fins principale de les voir condamner à remédier aux désordres et , à défaut de voir ordonner une expertise judiciaire.

Par ordonnance de référé du 10 juillet 2023, le tribunal judiciaire de Bordeaux a :

— débouté la société Mesolia Habitat de l’intégralité de ses demandes,

— dit n’y avoir lieu à l’application de l’article 700 du code de procédure civile,

— condamné la société Mesolia Habitat aux entiers dépens.

La société Mesolia Habitat a relevé appel de cette décision par déclaration du 19 juillet 2023 et par conclusions du 22 septembre 2023, elle demande à la cour de :

— la recevoir en son appel et la dire bien fondée,

— infirmer l’ordonnance de référé en date du 10 juillet 2023,

Statuant à nouveau :

1) A titre principal,

— condamner les sociétés GCC et Guysanit à remédier aux désordres de condensation et humidité présents dans les celliers attenants aux logements E112 (R+1), E122 (R+2) et E132 (R+3) du bâtiment E, entrée 1, par la réalisation de travaux adaptés au titre de la garantie du parfait achèvement, sous astreinte de 500 euros par société et par jour de retard passée la signification de la décision à intervenir,

2) A titre subsidiaire,

— désigner tel expert qu’il plaira avec la mission habituelle en la matière et notamment la suivante :

* se rendre sur place,

* se faire communiquer tous documents et pièces qu’il estimera utiles à l’accomplissement de sa mission dans un délai fixé par l’expert, au plus tard dans le mois suivant la première réunion d’expertise,

* visiter les lieux et les décrire,

* vérifier si les désordres allégués par la société Mesolia Habitat existent, dans ce cas les décrire, indiquer leur nature et la date de leur apparition, en rechercher les causes,

* dire si les malfaçons ou les vices de construction retenues comme cause de désordre étaient, ou non, apparents à la date des réceptions ou de la prise de possession pour un profane,

* fournir les éléments permettant de déterminer s’ils proviennent d’une erreur de conception, d’un vice de construction, d’un vice des matériaux, d’une malfaçon dans la mise en oeuvre, d’une négligence dans l’entretien ou l’exploitation des ouvrages ou de toute autre cause et si ces désordres constituent une simple défectuosité ou des vices graves,

* fournir les éléments permettant d’apprécier s’ils sont susceptibles de compromettre la solidité de l’ouvrage, ou de le rendre impropre à sa destination,

* indiquer les travaux propres à remédier aux désordres constatés, en évaluer le coût et la durée désordre par désordre, après information des parties et communication à ces dernières, dans les quinze jours au minimum avant la réunion de synthèse ou la rédaction d’une note de synthèse, des devis et propositions chiffrés concernant les travaux envisagés,

* fournir tous éléments techniques et de fait de nature à permettre, le cas échéant à la juridiction compétente de déterminer les responsabilités encourues et d’évaluer s’il y a lieu, tous les dommages ou les éléments des préjudices subis,

* donner son avis sur les comptes établis par les parties,

— rejeter l’intégralité des demandes formulées par les intimés à son encontre,

— condamner in solidum les défendeurs à lui verser une indemnité de 2 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.

Par conclusions du 7 novembre 2023, la société GCC demande à la cour de :

A titre principal,

— juger irrecevable et en tout cas mal fondée la société Mesolia Habitat en son appel,

— l’en débouter,

— confirmer en toutes ses dispositions l’ordonnance de référé

— juger irrecevable et, en tout cas, mal fondée la Société Mesolia de sa demande de condamnation de la société GCC à la réalisation des travaux permettant de remédier aux désordres de condensation et d’humidité présents dans les celliers attenants aux logements E112 (R+1) E122 (R+2) et E132 (R+3) dans le bâtiment E entrée A de l’ensemble [Adresse 10] à [Localité 14] sous astreinte de 500 euros par jour de retard à compter de l’arrêt à intervenir,

— juger n’y avoir lieu à référé compte tenu de l’existence d’une contestation sérieuse,

— juger que l’interruption de la prescription attachée à la garantie de parfait achèvement est non avenue, en l’absence de saisine du juge du fond dans le délai d’un an imparti à la société Mesolia Habitat,

— condamner la société Mesolia Habitat au paiement d’une indemnité de 2 000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

A titre subsidiaire, sur la demande d’expertise,

— juger que les nouvelles pièces communiquées en cause d’appel par la société Mesolia ne justifient nullement de l’existence d’un motif légitime,

— en conséquence, débouter la société Mesolia de sa demande d’expertise,

— juger que l’interruption de la prescription attachée à la garantie de parfait achèvement est non avenue, en l’absence de saisine du juge du fond dans le délai d’un an imparti à la société Mesolia Habitat,

— condamner la société Mesolia Habitat au paiement d’une juste indemnité de 2 000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

A titre infiniment subsidiaire,

Si par impossible la cour jugeait que les nouvelles pièces communiquées par la société Mesolia lui permettent d’apprécier l’existence d’un motif légitime au soutien de la mesure d’instruction sollicitée,

— donner acte à la société GCC de ce qu’elle ne s’oppose pas à la demande d’expertise judiciaire sous les plus expresses réserves et en l’absence de reconnaissance de responsabilité,

— laisser les dépens à la charge de la société Mesolia Habitat,

En tout état de cause,

— débouter la société Mesolia Habitat de sa demande d’indemnité article 700.

Par conclusions déposées le 15 septembre 2023, la société Axa France IARD es qualitès d’assureur de la société GCC demande à la cour de :

— constater qu’aucune demande n’est formulée à titre principal à l’encontre de la compagnie Axa France prise en qualité d’assureur de la société GCC,

— concernant la demande d’expertise formée à titre subsidiaire, donner acte à la compagnie Axa France, prise en qualité d’assureur de la société GCC, de ce qu’elle ne s’oppose pas à l’organisation d’une expertise judiciaire mais ce, sous les plus expresses réserves et en l’absence de reconnaissance de garantie,

— rejeter les demandes formées à l’encontre de la compagnie Axa France au titre des frais irrépétibles et des dépens,

— laisser les dépens de première instance et d’appel à la société Mesolia Habitat.

Par conclusions déposées le 11 août 2023, la société Studio Bellecour demande à la cour de :

— donner acte à la Société Studio Bellecour de ce qu’elle s’en remet à justice sur le recours de la société Mesolia s’agissant de sa demande de condamnation relative à la levée des réserves à la réception et dénoncée dans le cadre de la garantie de parfait achèvement,

Si la cour venait à infirmer l’ordonnance déférée et à ordonner l’organisation d’une mesure d’expertise judiciaire :

— donner acte à la Société Studio Bellecour qu’elle s’associe à la demande d’expertise sollicitée, tous droits, moyens et exceptions demeurant réservés, en ce qu’elle tend à fournir au tribunal qui pourrait être ultérieurement saisi, tous éléments techniques et de fait de nature à permettre de déterminer les responsabilités éventuelles encourues par l’ensemble des assignés,

— donner acte à la société Studio Bellecour de ses protestations et réserves sur les griefs susceptibles d’être formés à son encontre par la société Mesolia Habitat,

— compléter la mission de l’expert qui sera désigné des postes suivants :

* proposer un apurement de compte entre les parties,

* diffuser un pré-rapport comportant les réponses à l’ensemble des éléments de la mission qui lui a été confiés, dont notamment les éléments permettant de déterminer les responsabilités et les propositions de chiffrage des travaux réparatoires assortis de devis, en laissant aux parties un délai de 5 semaines pour lui adresser leurs observations sous forme de dire,

— enjoindre l’ensemble des constructeurs assignés à produire, avant l’ouverture des opérations de l’expert qui sera désigné, les attestations d’assurance de leurs assureurs respectifs d’une part au moment de la déclaration d’ouverture de chantier et d’autre part au moment de la délivrance de l’assignation de la société Mesolia Habitat pour permettre d’identifier celui ayant éventuellement vocation à mobiliser ses garanties en fonction de la nature des désordres,

— condamner la partie qui succombera à payer à la Société Studio Bellecour une indemnité de 1 500 euros par application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, outre les dépens, avec distraction au profit de la SCP Latournerie Milon Czamanski Mazille et par application des dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

La société Axa France IARD es qualitès d’assureur de la société Guyenne Sanitaire exerçant sous l’enseigne Guysanit n’a pas déposé de conclusions.

La société Mutuelle Des Architectes Français n’a pas constitué avocat. Elle a été régulièrement assignée.

La société Bureau Veritas et son assureur ,la société Lloyd’s Insurance Company n’ont pas constitué avocat. Elles ont été régulièrement assignées.

La société Guyenne Sanitaire exerçant sous l’enseigne Guysanit n’a pas constitué avocat. Elle a été régulièrement assignée.

L’affaire a été fixée à l’audience rapporteur du 18 décembre 2023, avec clôture de la procédure par ordonnance au 04 décembre 2023.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la demande d’exécution de travaux au titre de la garantie de parfait achèvement

Cette demande est fondée sur les dispositions de l’article 835 du code de procécure civile qui permet au juge des référés, dans les cas où l’obligation n’est pas sérieusement contestable, d’ordonner l’exécution de l’obligation même s’il s’agit d’une obligation de faire.

L’appelante qui invoque la garantie de parfait achèvement due par les entrepreneurs en application de l’article 1792-6 du code civil, dans l’année suivant la réception de l’ouvrage, fait grief au juge des référés de l’avoir déclarée irrecevable en sa demande de remédier aux désordres régulièrement signalés de condensation et d’humidité présents dans trois celliers du bâtiment E, alors qu’aucune reprise n’est intervenue malgré les mises en demeure délivrées aux entrepreneurs et à l’architecte, en dehors d’une simple remise en peinture des celliers qui n’a fait que recouvrir les moisissures, sans remédier aux désordres, comme il a été constaté par huissier selon constat du 21 avril 2023, produit en appel.

La société Mesolia fait valoir que l’obligation des entreprises n’est pas sérieusement contestable au titre de la garantie de parfait achèvement et que le premier juge n’était pas fondé, pour déclarer sa demande irrecevable, à lui opposer les dispositions de l’article 1792-6 précité sur l’exécution des travaux de reprise par ses soins aux frais et risques de l’entrepreneur dans la mesure où ce texte ne prévoit qu’une possibilité pour le maître d’ouvrage de faire procéder à ces travaux et non une obligation et où il existe un risque que les travaux soient contestés par la suite et non réglés.

La société GCC demande confirmation de l’ordonnance en faisant essentiellement valoir qu’elle n’a jamais accepté l’imputabilité des désordres dénoncés à sa prestation, que l’appelante a d’ailleurs elle même reconnu l’absence de ventilation dans les celliers litigieux, ce qui constituerait un défaut de conception et non d’exécution, la discussion sur l’origine des désordres échappant à la compétence du juge des référés.

L’article 1792-6 du code civil prévoit dans son alinéa 4 qu’en l’absence d’accord des parties sur l’exécution des travaux de réparation des désordres signalés par le maître d’ouvrage ou 'en cas d’inexécution dans le délai fixé, les travaux peuvent, après mise en demeure restée infructueuse, être exécutés aux frais et risques de l’entrepreneur défaillant.'

Ce texte ouvre une simple possibilité pour le maître d’ouvrage de se substituer à l’entrepreneur défaillant pour la réalisation, aux risques et frais de ce dernier, des travaux de reprise des désordres signalés après réception.

Il ne crée ainsi aucune obligation ou fin de non recevoir opposable au maître d’ouvrage qui reste recevable à agir en référé sur le fondement de l’article 835 précité, aux fins de voir condamner l’entrepreneur défaillant à exécuter les travaux exigibles dans le cadre de la garantie de parfait achèvement, pour peu que cette demande ne se heurte à aucune contestation sérieuse.

Or, en l’espèce, il résulte des pièces produites et notamment des échanges de courriel entre les parties et des mises en demeure adressées aux entreprises (pièces 8 à 13 de l’appelante), que la cause des moisissures dont se plaint la société Mesolia pourrait avoir pour origine une absence de ventilation des celliers des logements concernés.

La société Mesolia indique elle même dans la mise en demeure adressée à l’architecte concepteur du projet que l’origine du désordre serait 'potentiellement liée à un défaut de conception’ (pièce 12 ) que la société GCC se proposait d’ailleurs de rectifier en proposant à la société Mesolia d’établir un devis pour la pose de VMC (pièce 8).

Dans ces conditions, la mise en oeuvre de la garantie de parfait achèvement qui s’applique à l’entreprise chargée de l’exécution des travaux et non au concepteur de l’ouvrage, apparaît sérieusement contestable et échappe ainsi à la compétence du juge des référés.

L’ordonnance mérite ainsi confirmation de ce chef.

Sur l’expertise

A titre subsidiaire, l’appelante demande à la cour, sur le fondement de l’article 145 du code de procédure civile, d’ordonner une expertise pour déterminer l’origine des moisissures et de la forte humidité constatées dans les celliers et de dire notamment si ces désordres sont de nature décennale au sens de l’article 1792 du code civil.

Pour demander l’infirmation de l’ordonnance qui a rejeté cette demande au regard de l’insuffisance des pièces produites et de l’absence de constat d’huissier, la société Mesolia se réfère au PV de constat dressé le 21 avril 2023 par la SCP Lacaze et Crespy qui établit, selon elle, la réalité des désordres en cause en dépit des menues reprises de peinture opérées par la société GCC.

Cependant, comme le remarque celle ci, ni le procès verbal en question ni les clichés photographiques qui y sont joints ne permettent de confirmer l’existence de moisissures ou d’humidité anormale dans les trois celliers où l’huissier a seulement constaté sur les cueillies, une reprise récente en enduit et peinture manifestée par des teintes plus foncées légèrement jaunâtres dans deux celliers avec un début de dégradation de la peinture sur un mur gauche dans le troisième cellier.

La cour constate en outre que la constatation des désordres invoqués par l’appelante dans les échanges de courriels ne procède que de ses affirmations, même si la société GCC ne les conteste pas dans ces échanges.

Enfin, même s’il était démontré que la photo produite en pièce 6, non datée ni localisée et qui montre des moisissures en bas d’un mur, concerne l’un des celliers litigieux, le constat d’huissier du 21 avril 2023 n’en fait aucune mention

Selon les dispositions de l’article 145 du code de procédure civile, toute mesure d’instruction peut être ordonnée par le juge des référés s’il existe un motif légitime de conserver ou d’établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d’un litige.

Il en résulte que le demandeur à la mesure d’instruction n’a pas à démontrer la réalité de ses suppositions à cet égard, cette mesure in futurum étant précisément destinée à l’établir, mais qu’il doit justifier d’éléments les rendant crédibles et de ce que le procès en germe en vue duquel il sollicite la mesure n’est pas dénué de toute chance de succès.

Dans ces conditions et en l’état des éléments rappelés plus haut qui ne suffisent pas à établir l’existence actuelle des désordres dénoncés, c’est à bon droit que le premier juge a estimé que la société Mesolia ne justifiait pas d’un motif légitime, au sens de l’article 145 précité, pour obtenir une mesure d’expertise judiciaire.

L’ordonnance entreprise mérite ainsi pleine confirmation.

Sur les demandes annexes

L’appelante supportera les dépens de l’instance d’appel et versera à la société GCC une indemnité de 1.500 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Les autres demandes formées au même titre seront rejetées.

PAR CES MOTIFS

LA COUR

Confirme l’ordonnance entreprise;

Y ajoutant;

Condamne la société Mesolia Habitat à payer à la société GCC une indemnité de 1.500 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile;

Rejette les autres demandes au même titre;

Condamne la société Mesolia Habitat aux dépens d’appel avec bénéfice de distraction au profit de la SAS Studio Bellecour, sur sa demande, dans les conditions de l’article 699 du code de procédure civile.

Le présent arrêt a été signé par Madame Paule POIREL, président, et par Madame Véronique SAIGE, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le Greffier, Le Président,

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