Cour d'appel de Bourges, 1ère chambre, 25 juin 2020, n° 19/01473

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Bourges, 1re ch., 25 juin 2020, n° 19/01473
Juridiction : Cour d'appel de Bourges
Numéro(s) : 19/01473
Décision précédente : Tribunal de grande instance de Nevers, 4 décembre 2019
Dispositif : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Sur les parties

Texte intégral

SA/MMC

COPIE OFFICIEUSE

COPIE EXÉCUTOIRE

à

— SCP BLANCHECOTTE, BOIRIN

— SELARL ALCIAT-JURIS

Avis au Ministère Public

LE : 25 JUIN 2020

COUR D’APPEL DE BOURGES

CHAMBRE CIVILE

ARRÊT DU 25 JUIN 2020

N° – Pages

N° RG 19/01473 – N° Portalis DBVD-V-B7D-DHDG

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Grande Instance de NEVERS en date du 05 Décembre 2019

PARTIES EN CAUSE :

I – G.A.E.C. DE MARLY, agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social :

N° SIRET : 487 846 362

Marly

[…]

Représenté par Me Eric BLANCHECOTTE de la SCP BLANCHECOTTE, BOIRIN, avocat au barreau de NEVERS

timbre fiscal acquitté

APPELANT suivant déclaration du 16/12/2019

II – SELARL JSA ès qualités de mandataire liquidateur à la liquidation judiciaire de l’EARL X, agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social :

[…]

[…]

Représentée par Me Philippe THIAULT de la SELARL ALCIAT-JURIS, avocat au barreau de BOURGES

timbre fiscal acquitté

INTIMÉE

L’audience du 29 avril 2020 n’a pu se tenir compte tenu de l’état d’urgence sanitaire déclaré par la loi N° 2020-290 du 23 mars 2020.

La Cour statue sans audience au vu des pièces et des conclusions produites (les avocats ne s’y étant pas

opposés)

.

***************

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Mme Y Premier Président

M. PERINETTI Conseiller

Mme CIABRINI Conseiller

***************

Le dossier a été transmis au Ministère Public le 16 mars 2020, date à laquelle il y a apposé son visa et son avis lequel a été rapporté aux parties par la voie électronique le même jour.

*****************

ARRÊT : CONTRADICTOIRE

prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées.

**************

EXPOSE :

Par jugement en date du 18 juillet 2019, le Tribunal de grande instance de Nevers a ouvert une procédure de

liquidation judiciaire à l’encontre de l’EARL X, la date de cessation des paiements ayant été fixée au 18

janvier 2018.

Suivant acte d’huissier en date du 17 octobre 2019, la SELARL JSA, ès qualité de mandataire liquidateur de la

procédure de liquidation judiciaire de l’EARL X, a fait assigner le GAEC de Marly devant la même

juridiction aux fins de voir prononcer la nullité de la donation des droits à paiement de base (DPB) effectuée

par l’EARL X au bénéfice du GAEC de Marly.

La SELARL JSA a indiqué à cette fin que l’EARL X avait cédé ses DPB au GAEC de Marly à titre

gracieux, le 29 mars 2019.

Le GAEC de Marly n’a pas comparu ni ne s’est fait représenter à l’audience.

Par jugement réputé contradictoire en date du 5 décembre 2019, le Tribunal de grande instance de Nevers a

prononcé la nullité de la cession à titre gracieux des DPB faite par l’EARL X au GAEC de Marly, le 29

mars 2019, et condamné Mme Z A veuve X aux dépens de l’instance.

Le Tribunal a notamment retenu que la cession des DPB était intervenue postérieurement à la date de

cessation des paiements et devait en conséquence être déclarée nulle, conformément aux dispositions de

l’article L 632-1 1° du code de commerce.

Par déclaration formée le 16 décembre 2019, le GAEC de Marly a relevé appel de cette décision et demande à

la Cour de

Réformer le jugement du Tribunal de grande instance de NEVERS en date du 5 décembre 2019 en toutes ses

dispositions.

Dire et juger la demande tendant à entendre annuler le transfert des D.P.B. au GAEC DE MARLY de la

SELARL JSA es qualité de liquidation de l’EARL X irrecevable.

A titre subsidiaire, dire et juger la demande tendant à entendre annuler le transfert de D.P.B. au GAEC DE

MARLY de la SELARL JSA es qualité de liquidateur de l’EARL X infondée et l’en débouter.

Condamner la SELARL JSA es qualité de liquidateur de l’EARL X à payer et porter au GAEC DE

MARLY la somme de deux mille euros (2 000,00 €) en application des dispositions de l’article 700 Code de

procédure civile.

Condamner la même aux entiers dépens et accorder à la SCP BLANCHECOTTE BOIRIN le bénéfice des

dispositions de l’article 699 du Code de procédure civile.

Au soutien de ses prétentions, le GAEC de Marly expose notamment, aux termes de ses conclusions signifiées

le 7 janvier 2020 auxquelles il conviendra de se reporter pour un exposé plus ample et exhaustif de ses

prétentions et moyens, que l’annulation du transfert des DPB ne permettrait à l’EARL X de percevoir

aucune prime, dans la mesure où elle a cessé son activité depuis le 11 mai 2019 et où l’octroi des DPB est

conditionné par l’exploitation, la mise en valeur des terres et parcelles auxquelles les aides sont attachées. Il

estime ainsi que la SELARL JSA se trouve dépourvue d’intérêt à agir et son action irrecevable de ce fait.

Le GAEC de Marly indique par ailleurs que les DPB ne peuvent constituer un actif au sens de l’article L 632-1

1° du code de commerce qu’à la condition de pouvoir être valorisés, ce que l’EARL X ne pouvait plus

faire à compter de la résiliation du contrat de bail agricole dont elle bénéficiait. Il en conclut que le transfert

des DPB au nouveau locataire ne constituait pas la cession d’un bien mais une simple formalité administrative

identifiant le nouvel exploitant des parcelles, et que les dispositions de l’article précité ne sont pas applicables

en l’espèce.

Aux termes de ses conclusions signifiées le 7 février 2020 auxquelles il convient de se reporter pour l’exposé

détaillé de ses prétentions et moyens, la SELARL JSA, intimée, demande pour sa part à la Cour de

DIRE le GAEC de MARLY mal fondée en son appel et l’en débouter,

CONFIRMER en toutes ses dispositions le jugement du Tribunal de Grande Instance de Nevers en date du 5

décembre 2019,

CONDAMNER le GAEC de MARLY à régler à la SELARL JSA une somme de 2 000 euros sur le fondement

de l’article 700,

CONDAMNER le GAEC de MARLY en tous les dépens.

À l’appui de ses demandes, la SELARL JSA fait notamment valoir que le GAEC de Marly commet une

confusion entre la valeur des DPB et la capacité à percevoir les primes PAC au titre de la détention de ces

DPB. Elle souligne que les DPB ont en eux-mêmes une valeur négociable mais que le droit de percevoir des

primes PAC au titre de ces DPB n’est ouvert qu’au bénéfice d’un agriculteur actif pour lequel les droits repris

seront activés. Elle en déduit que si la cession de DPB n’est possible qu’au profit d’un agriculteur actif, peu

importe que le titulaire des DPB ne soit plus lui-même en activité.

La SELARL JSA rappelle que la possibilité de transfert de DPB intervenant sans accompagnement d’un

transfert de foncier est expressément prévue par les documents administratifs fournis par le ministère de

l’Agriculture et de l’Alimentation. Elle observe que les DPB, ayant une valeur patrimoniale, faisaient donc

partie de l’actif de l’EARL X et qu’il relevait ainsi de la mission du mandataire liquidateur de réaliser ces

actifs dans le cadre de la liquidation judiciaire. Leur cession à titre gracieux postérieurement à la date de

cessation des paiements était ainsi annulable de plein droit par le Tribunal.

Par observations en date du 16 mars 2020, Mme le Procureur général près la Cour d’appel de Bourges a

indiqué s’en rapporter.

L’affaire a été fixée à bref délai pour être plaidée à l’audience du 29 avril 2020.

MOTIFS

A titre liminaire, il convient de rappeler que les demandes tendant simplement à voir «dire et juger»,

«rappeler» ou «constater» ne constituent pas des demandes en justice visant à ce qu’il soit tranché un point

litigieux mais des moyens, de sorte que la cour n’y répondra pas dans le dispositif du présent arrêt.

Sur la recevabilité et le bien-fondé de la demande principale :

Aux termes de l’article 122 du code de procédure civile, constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend

à faire déclarer l’adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d’agir, tel le

défaut de qualité, le défaut d’intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée.

L’article 31 du même code dispose que l’action est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou

au rejet d’une prétention, sous réserve des cas dans lesquels la loi attribue le droit d’agir aux seules personnes

qu’elle qualifie pour élever ou combattre une prétention, ou pour défendre un intérêt déterminé.

Il ressort des dispositions de l’article L 632-1 1° du code de commerce que sont nuls, lorsqu’ils sont intervenus

depuis la date de cessation des paiements, tous les actes à titre gratuit translatifs de propriété mobilière ou

immobilière.

L’article 618-2 du plan comptable général précise que les DPB répondent à la définition des immobilisations

incorporelles. Du point de vue fiscal, les DPB doivent être regardés comme des immobilisations incorporelles

affectées par nature à l’exercice de l’activité professionnelle. Par conséquent, ils doivent être inscrits au bilan

fiscal d’exploitation, y compris s’ils en constituent le seul élément, et constituent donc bien un actif de

l’entreprise.

Il n’est pas sérieusement contestable que les DPB présentent une valeur négociable, qui constitue au

demeurant la référence à partir de laquelle un prélèvement fiscal (à hauteur de 30 % depuis la campagne PAC

2018) est opéré en cas de cession sans accompagnement d’un transfert de foncier. Étant cessibles à titre

gracieux, ils le sont également à titre onéreux.

Le fait que l’EARL X ait perdu la capacité de percevoir toute aide agricole à compter de la cessation de

son activité professionnelle ne l’empêche nullement de procéder à la cession de ses DPB, les conditions

d’éligibilité conditionnant la faculté d’activer ces droits ne s’appliquant qu’à leur cessionnaire, qui doit être un

agriculteur «actif» sauf en cas de donation ou d’héritage, et non au cédant. Il est ainsi inexact d’affirmer, ainsi

que le fait le GAEC de Marly, que le transfert des DPB opéré en l’espèce ne constituait pas une cession mais

une simple formalité administrative.

Par conséquent, la SELARL JSA, dont la mission l’oblige à réaliser les actifs de l’entreprise liquidée dans le

meilleur intérêt de ses créanciers, dispose d’un intérêt à agir en l’espèce, aux fins notamment d’envisager une

cession de DPB à titre onéreux et non à titre gracieux pouvant contribuer au règlement du passif. Son action

sera donc jugée recevable.

Au fond, il est établi que l’EARL X a cédé des DPB au GAEC de Marly à titre gracieux, le 29 mars

2019, et que la date de cessation des paiements a été fixée au 18 janvier 2018 par le jugement d’ouverture. La

cession des DPB est ainsi postérieure à la date de cessation des paiements et entre ainsi dans le champ

d’application de l’article L 632-1 1° du code de commerce précité.

La nullité de la cession des DPB de l’EARL X intervenue le 29 mars 2019 au profit du GAEC de Marly

sera en conséquence prononcée et le jugement entrepris confirmé de ce chef.

Sur l’article 700 et les dépens :

L’équité et la prise en considération de l’issue du litige commandent de faire application des dispositions de

l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel et de condamner en conséquence le GAEC de Marly,

qui succombe en l’intégralité de ses prétentions, à verser à la SELARL JSA la somme de 1 500 euros au titre

des frais exposés et non compris dans les dépens.

Aux termes de l’article 696 du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens à moins

que le juge, par décision motivée, n’en mette la totalité ou une fraction à la charge de l’autre partie. Le GAEC

de Marly, partie succombante, devra supporter la charge des entiers dépens en cause d’appel.

Le jugement entrepris sera en outre confirmé de ce dernier chef.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

DECLARE recevable l’action en nullité de la cession des droits à paiement de base initiée par la

SELARL JSA ;

Au fond,

CONFIRME le jugement rendu le 5 décembre 2019 par le Tribunal de grande instance de Nevers en

l’intégralité de ses dispositions ;

Et y ajoutant,

CONDAMNE le GAEC de Marly à payer à la SELARL JSA, ès qualité de liquidateur de la liquidation

judiciaire de l’EARL X, la somme de 1 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de

procédure civile ;

REJETTE toutes autres demandes plus amples ou contraires ;

CONDAMNE le GAEC de Marly aux entiers dépens en cause d’appel.

L’arrêt a été signé par Mme Y, Premier Président, et par Mme GUILLERAULT, Greffier auquel

la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER, LE PREMIER PRÉSIDENT,

V. GUILLERAULT M. Y

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Cour d'appel de Bourges, 1ère chambre, 25 juin 2020, n° 19/01473