Cour d'appel de Bourges, Chambre sociale, 21 janvier 2022, n° 21/00515

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Bourges, ch. soc., 21 janv. 2022, n° 21/00515
Juridiction : Cour d'appel de Bourges
Numéro(s) : 21/00515
Décision précédente : Conseil de prud'hommes de Châteauroux, 13 avril 2021
Dispositif : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Texte intégral

SD/ABL

N° RG 21/00515

N° Portalis DBVD-V-B7F-DLF7

Décision attaquée :

du 14 avril 2021


Origine :

conseil de prud’hommes – formation de départage de CHÂTEAUROUX

--------------------

M. Y X

C/

S.A. LA POSTE

--------------------


Expéd. – Grosse


Me ROBIN 21.1.21


Me RAHON 21.1.21

COUR D’APPEL DE BOURGES

CHAMBRE SOCIALE

ARRÊT DU 21 JANVIER 2022

N° 14 – 8 Pages

APPELANT :

Monsieur Y X

[…]


Représenté par Me Sébastien ROBIN de la SCP ROUET-HEMERY/ROBIN, avocat au barreau de


CHÂTEAUROUX, substitué par Me Bénédicte LARTICHAUX, avocate au barreau de BOURGES

INTIMÉE :

S.A. LA POSTE

[…]


Ayant pour avocat postulant Me Hervé RAHON de la SCP AVOCATS BUSINESS CONSEILS, du barreau de BOURGES


Représentée par Me Ghislaine STREBELLE-BECCAERT, avocat plaidant, du barreau de LILLE

COMPOSITION DE LA COUR

Lors des débats :

PRÉSIDENT : Mme BRASSAT-LAPEYRIERE, conseiller rapporteur

en l’absence d’opposition des parties et conformément aux dispositions de l’article 945-1 du code de procédure civile.

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Mme DELPLACE

Lors du délibéré : Mme Z, Première présidente

Mme BOISSINOT, conseillère

Mme BRASSAT-LAPEYRIERE, conseillère

21 janvier 2022

DÉBATS : A l’audience publique du 10 décembre 2021, la présidente ayant pour plus ample délibéré, renvoyé le prononcé de l’arrêt à l’audience du 21 janvier 2022 par mise à disposition au greffe.

ARRÊT : Contradictoire – Prononcé publiquement le 21 janvier 2022 par mise à disposition au greffe.

* * * * *

EXPOSÉ DU LITIGE

M. Y X, né le […], a été engagé par la SA La Poste en qualité d’agent du groupe fonctionnel B (agent rouleur, manutention) aux termes d’un premier contrat de travail à durée déterminée avec terme précis du 8 avril au 9 novembre 2002, suivi d’un second du 12 novembre 2002 au 31 mai 2003, transformé en contrat de travail à durée indéterminée le 1er décembre 2002 pour un emploi de manutentionnaire, trieur, niveau 1-2 de la classification, niveau ACC12.


Le 14 janvier 2015, M. X a été victime d’un accident du travail, dont le caractère professionnel a été reconnu par la CPAM de la Vienne ; le salarié a saisi celle-ci d’une demande de reconnaissance de la faute inexcusable de son employeur, ce qui a donné lieu à un procès verbal de non-conciliation le 24 mai 2017suivi

d’une requête le 20 mai 2019, auprès du tribunal des affaires de sécurité sociale de l’Indre devenu le Pôle social.


Entre-temps, suite à une visite en date du 15 mai 2018, le médecin du travail a déclaré M. X définitivement inapte à son poste de manutentionnaire, l’évolution de son état de santé faisant obstacle à tout reclassement. Le salarié a ensuite été convoqué le 28 mai 2018 à un entretien préalable fixé le 11 juin 2018 et

s’est vu notifier le 5 juillet 2018 son licenciement pour inaptitude et impossibilité de reclassement.

Contestant son licenciement, M. X a saisi le conseil de prud’hommes de Châteauroux le 27 juin

2019, lequel, par jugement de départage du 24 mars 2021, a :


- rejeté l’exception d’incompétence soulevée par la société le Groupe La Poste,
- débouté M. X de l’intégralité de ses demandes,


- condamné M. X à payer à la société Le Groupe La Poste la somme de 1 000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile,


- laissé à la charge de M. X les frais exposés par lui au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;


- condamné M. X aux dépens ;


- rejeté toutes demandes plus amples ou contraires.

Vu l’appel régulièrement interjeté par M. X le 11 mai 2021 à l’encontre de la décision prud’homale qui lui a été notifiée le 22 avril 2021, en toutes ses dispositions ;

Vu les dernières conclusions transmises au greffe de la cour le 3 novembre 2021 aux termes desquelles

M. X demande à la cour de :


- le recevoir en son appel et le dire bien fondé,


- infirmer le jugement rendu le 24 mars 2021 par la section départage du conseil de prud’hommes de


Châteauroux,


Et, statuant à nouveau :


- dire et juger que La Poste a commis un manquement à son obligation de sécurité à son égard ;

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- dire et juger que ce manquement est la cause directe de l’accident du travail survenu le 14 janvier 2015 ;


- dire et juger, en conséquence, que son licenciement pour inaptitude en date du 5 juillet 2018 est dépourvu de cause réelle et sérieuse ;


En conséquence,


- condamner La Poste à lui verser les sommes suivantes :


- 22 396,44 € au titre des dommages-intérêts pour licenciement abusif (12 mois)


- 5 000,00 € au titre des dommages-intérêts pour préjudice moral spécifique


- ordonner la remise des documents de fin de contrat ainsi rectifiés dans les 15 jours de la décision à venir, et ce sous astreinte de 300 € par jour de retard,


Subsidiairement, et si la cour devait estimer que son licenciement restait fondé,


- dire et juger que le manquement de La Poste à son obligation de sécurité lui a néanmoins causé préjudice et condamner La Poste à l’indemniser à hauteur de 15 000 € ;


En tout état de cause :


- condamner La Poste à lui verser la somme de 2 000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile au titre de la première instance ;
- condamner La Poste à lui verser la somme de 3 000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel ;


- condamner La Poste aux entiers dépens tant de première instance que d’appel ;

Vu les dernières conclusions transmises au greffe de la cour le 12 octobre 2021 aux termes desquelles la

SA La Poste demande à la cour de :


- confirmer la décision du conseil de prud’hommes de Châteauroux :


- ayant constaté que La Poste n’a en aucun cas manqué à son obligation de sécurité ;


- par conséquent, ayant jugé bien-fondé le licenciement pour inaptitude de M. X pour inaptitude ;


- ayant condamné M. X à rembourser à la Poste la somme de 1 000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile,


- par conséquent, le débouter de l’ensemble de ses demandes.


- condamner au surplus M. X au versement de la somme de 3 000 € à La Poste au titre de l’article 700 du code de procédure civile en appel.


Vu l’ordonnance de clôture en date du 10 novembre 2021 ;


Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des moyens et de l’argumentation des parties, il est expressément renvoyé au jugement déféré et aux conclusions déposées.

SUR CE

- Sur l’exception d’incompétence


Il sera rappelé qu’en application des dispositions de l’article 954 du code de procédure civile, la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et n’examine les moyens au soutien de ces prétentions que s’ils sont invoqués dans la discussion.


Les parties doivent reprendre, dans leurs dernières écritures, les prétentions et moyens précédemment présentés ou invoqués dans leurs conclusions antérieures. A défaut, elles sont réputées les avoir abandonnés et la cour ne statue que sur les dernières conclusions déposées.


Il apparaît en l’espèce qu’aux termes de ses dernières conclusions, la SA La Poste, à l’origine de l’exception

d’incompétence soulevée en première instance, ne fait plus mention de cette prétention, ni dans son dispositif ni dans le corps de ses conclusions, et n’invoque pas davantage

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de moyens afférents, de sorte qu’elle doit être réputée l’avoir abandonnée.

- Sur le licenciement pour inaptitude


Il sera rappelé que le licenciement pour inaptitude est sans cause réelle et sérieuse si l’inaptitude physique est la conséquence des agissements fautifs de l’employeur, notamment lorsque ce dernier a manqué à l’obligation de sécurité qui pesait sur lui.


Aux termes des articles L. 4121-1 et suivants du code du travail, l’employeur est tenu d’une obligation de santé et sécurité au travail et doit prendre les mesures nécessaires pour y satisfaire, en ce inclus des actions de prévention des risques professionnels et de la pénibilité au travail, des actions d’information et de formation, la mise en place d’une organisation et de moyens adaptés. Il appartient à l’employeur de démontrer qu’il a effectivement pris les mesures nécessaires pour protéger la santé et assurer la sécurité du salarié en mettant en

'uvre les obligations issues des articles L. 4121-2 et L. 4121-3 du code du travail.


En l’espèce, M. X fait valoir que La Poste, quoique informée de la fragilité liée à sa pathologie et de la nécessité de revoir l’organisation et la pratique de travail sur son poste, n’a nullement mis en place une organisation et des moyens adaptés, de sorte que non seulement sa pathologie en a été aggravée mais qu’il s’est trouvé seul à son poste le 14 janvier 2015 à fournir un effort dans l’exercice de son activité, ce qui a conduit à

l’accident du travail dont il a été victime.


Il rappelle que c’est à l’employeur d’apporter la preuve du respect de son obligation de sécurité et qu’il ne peut en être exonéré que s’il démontre avoir pris toutes les dispositions de nature à faire cesser le trouble existant ou toutes celles de nature préventive pour en éviter la survenance. Il observe encore que ses doléances quant à ses conditions de travail sont restées vaines mais qu’il s’est vu infliger une procédure disciplinaire.


Il réitère ses griefs sur l’aspect vieillissant et non opérationnel du matériel mis à sa disposition au regard des cadences qui lui étaient demandées.


Il en déduit que son licenciement doit être requalifié en rupture aux torts de l’employeur et réclame la réparation du préjudice en découlant par l’octroi de l’indemnité de 22 396,44€ correspondant à 12 mois de salaire brut hors préjudice moral qu’il estime à 5 000 €. Le cas échéant, pour le seul manquement à son obligation de sécurité par l’employeur, il sollicite la somme de 15 000 € de dommages et intérêts.


De son côté, l’employeur soutient que les circonstances de l’accident demeurent indéterminées, de sorte qu’il ne peut en être déduit qu’il a manqué à son obligation de sécurité à cette occasion. Il fait valoir par ailleurs qu’il a strictement respecté les préconisations de la médecine du travail avant l’accident et que les conditions de travail du salarié étaient parfaitement adaptées à sa situation. Il prétend que les incidents allégués par le salarié sont sans rapport avec le processus de déchargement mais illustrent ses mauvaises relations avec les prestataires conducteurs de camion, ce qui a d’ailleurs conduit la direction, à engager une procédure disciplinaire à l’encontre de M. X. Il se défend encore du port de charges d’environ 500 kg en affirmant démontrer que les chariots ne peuvent contenir de telles charges et en rappelant, le cas échéant, qu’ils sont roulés et non portés. Il réfute enfin toute dégradation des conditions de travail du salarié par une surcharge de travail, du matériel défectueux ou l’absence de quai de déchargement. A titre subsidiaire, il rappelle faire la démonstration de l’absence de tout manquement à son obligation de sécurité de sa part, à travers les formations organisées mais aussi l’organisation des conditions de travail et le matériel utilisé.


Le 14 janvier 2015, M. X a été victime d’un accident du travail déclaré comme suit : ' l’agent en déchargeant des CP 660 a ressenti une violente douleur au niveau des épaules et du genou droit.'

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Il appert que précédemment, le salarié avait été déclaré inapte à porter des charges supérieures à 25 kg durant trois mois à compter du 21 mars 2009, puis il avait été préconisé par la médecine du travail le 6 mars 2012, de veiller à bien respecter les charges maximales d’utilisation du matériel et le 10 juin 2014 de faire réaliser des chaussures orthopédiques de sécurité en raison d’un syndrome droit rotulien en précisant 'RQTH jusqu’au 30 novembre 2018". La Poste justifie de la réalisation de ce dernier équipement commandé le 29 septembre 2014 après devis du 23 juin 2014 mais n’est pas en mesure d’indiquer à la cour les décisions prises par ses soins pour respecter les recommandations précédentes de la médecine du travail ; si celle du 21 mars 2009 était limitée dans le temps, celle du 6 mars 2012 était en revanche générale et intemporelle. Toutefois, dans la mesure où le salarié a été déclaré apte à son emploi sans aucune réserve ni surveillance médicale renforcée le

26 septembre 2014, il doit être considéré, comme l’ont exactement décidé les premiers juges, qu’à ce stade la société n’a pas manqué à son obligation de sécurité et a notamment veillé au respect des charges maximales d’utilisation du matériel.


Par la suite, du 13 au 17 octobre 2014, M. X était toutefois placé en arrêt maladie pour un problème

d’épaule et le 14 janvier 2015 survenait l’accident du travail, objet du présent litige.


A ce sujet, il doit être observé que l’enquête de la CPAM l’ayant conduite à considérer que cet événement présentait un caractère professionnel n’est pas versée aux débats et qu’en conséquence, en l’absence de témoins pouvant infirmer ou confirmer les dires de M. X, il conviendra de se limiter à ses déclarations initiales à savoir 'Ce jour en déchargeant le camion de Mer avec le CP 660 j’ai ressenti une violente douleur dans

l’épaule gauche et droite ainsi qu’une douleur dans le genou droit', ce étant précisé que l’agent a fini sa vacation de travail après sa déclaration à sa responsable d’équipe, laquelle a noté que l’événement était survenu à 5 h 10.


Il résulte par ailleurs des pièces médicales versées au dossier que le salarié a consulté pour des scapulalgies et qu’il a été diagnostiqué le 29 août 2015 une perforation de la face supérieure de la coiffe développée aux dépens du tendon supra-épineux à l’épaule droite et le 10 mai 2016, une tendinopathie du sus-épineux avec importante amyotrophie du muscle sous-scapulaire à l’épaule gauche. Son taux d’incapacité permanente a été fixé à 40 % par la sécurité sociale à compter du 1er avril 2017. Il a été reconnu travailleur handicapé préalablement, au moins depuis le 10 juin 2014.


Il convient de rappeler que M. X était manutentionnaire et exerçait ses fonctions au sein de la plateforme de distribution du courrier de Poitiers dans des circonstances explicitées et justifiées par l’employeur, lequel ne conteste pas l’absence de quai de déchargement mais expose, photographies à l’appui, que les opérations de déchargement sur le site de Poitiers sont facilitées par l’existence d’un hayon automatique, qui permet de déposer le matériel au sol 'évitant toute contrainte posturale trop contraignante' selon lui.


Ainsi, il ressort des pièces versées aux débats par l’employeur qu’à l’arrivée des camions, leur hayon est sorti électroniquement via un boîtier sur le côté des véhicules et les deux ou trois chariots postaux CP 660 sont placés sur le hayon via une barre de manipulation située sur le chariot ; les chariots sont ensuite bloqués via leurs freins et le roll stop situé sur le hayon avant que celui-ci descende via une commande filaire située sur la remorque ; une fois au sol, le roll stop est descendu et les freins des CP 660 retirés de façon à pouvoir les manipuler, ce étant précisé qu’ils sont équipés de roulettes. Il sera relevé que l’employeur ne fait valoir aucune observation s’agissant du registre d’incident évoqué par le salarié au sujet du matériel qualifié de

'particulièrement vieillissant' ; tout au plus, justifie-t-il d’un contrat de maintenance pour les deux monte-charges, qui ne sont pourtant pas en cause puisqu’ils interviennent après le déchargement pour acheminer les colis à l’étage.


Par ailleurs, s’agissant du poids des CP 660, l’employeur atteste que ces chariots ont un poids à

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vide de 130 kg et peuvent contenir en moyenne 50 à 80 colis dont le poids est majoritairement inférieur à 500

g ou compris entre 500 g et 1 kg, les colis de 5 à 30 kg représentant 2 % du trafic et ceux de plus de 30 kg, 4

% en 2016. Pour autant, il n’est communiqué aucune information sur l’activité de la journée du 14 janvier

2015 et sur le fait que le poids maximum recommandé de 300 kg a été respecté, ce qui ajouté au poids à vide, avoisine le chiffre allégué par le salarié de près de 500 kg.


Quant à l’organisation de la journée de travail, l’employeur produit la feuille de présence de son personnel le jour des faits avec deux manutentionnaires sans attester pour autant de leur affectation en binôme sur une même plage horaire. Au surplus, non sans contradiction, il critique les moyens développés par le salarié en faisant valoir qu’il n’y avait pas de témoin, ce qui tend à démontrer que le salarié était bien seul à son poste de travail, comme l’intéressé le soutient ; il doit en outre être relevé que les plannings produits ne concernent pas le jour des faits pour s’arrêter à juin 2014 et permettent de constater que les deux manutentionnaires peuvent se retrouver alternativement seuls en période de 'RCY', 'CM' ou 'CA' de l’autre.
Sur le rythme de la journée, il s’évince de la fiche de poste communiquée que le salarié prend son service à 4 h

30 et décharge 5 camions à 4 h 35, 4 h 50, 5 h 00, 6 h 35 et 7 h 55, les faits querellés s’étant produit à 5 h 10 à

l’occasion du déchargement du camion PFC-Mer, sa fin de service étant fixée à 10 h 30 après une pause à 8 h

45. Ces horaires apparaissent légèrement modulables selon les vacations mais le jour des faits, il n’est pas précisé de quelle vacation il s’agissait.


Enfin, le salarié soutient avoir dénoncé ses conditions de travail préalablement à l’accident survenu le 14 janvier 2015 comme en atteste selon lui le contexte de la procédure disciplinaire engagée à son encontre à la suite d’un incident survenu le 7 novembre 2013 avec son encadrante à propos des conditions de déchargement des camions. Si la direction confirme que '...deux agents ont interpellé la ligne managériale au sujet de leur doute concernant le contrôle réglementaire du hayon du camion de MER PFC' suite à deux incidents en date des 5 et 10 octobre 2013 au sujet de la validité du macaron apposé sur le camion, il ressort toutefois de ses propres pièces que M. X, s’est emparé de ce prétexte pour justifier son comportement agressif et menaçant tant à l’égard de sa hiérarchie, que de ses collègues et chauffeurs de camions, entretenant de manière récurrente une ambiance de travail délétère outre le fait que l’origine du conflit se situait avec les chauffeurs et étaient sans rapport avec ses conditions de travail.


En conséquence de l’ensemble de ces éléments, il doit être constaté que face à l’accident du travail survenu le

14 janvier 2015, l’employeur n’est pas en mesure de justifier de son respect des charges maximales

d’utilisation du matériel après le 26 septembre 2014 et notamment le jour de l’accident de M. X, tout comme il n’atteste pas du bon état du matériel mis à disposition du salarié et d’un travail en binôme, ce alors que l’intéressé était reconnu travailleur handicapé. Il s’en déduit que la société La Poste a manqué à son obligation de sécurité et de santé au travail, même si le salarié concerné a pu suivre une formation à la manutention le 1er juillet 2014 (14 heures) et une autre relative à la prévention des risques le 8 octobre 2014

(7 heures), infirmant la décision déférée sur ce point.


Dans ces circonstances, l’employeur ne peut valablement soutenir que la survenance de l’accident du travail de

M. X est étrangère à tout manquement de sa part à son obligation de santé et de sécurité, de sorte que le licenciement du salarié pour inaptitude sera déclaré sans cause réelle et sérieuse. Le jugement entrepris sera donc infirmé en ce qu’il a dit que le salarié ne justifie pas d’un manquement de l’employeur à son obligation de sécurité ayant provoqué son inaptitude professionnelle et son absence de reclassement rendant son licenciement sans cause réelle et sérieuse.

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M. X est donc bien fondé à solliciter des dommages et intérêts compris entre 3 mois et 13 mois de salaire brut selon les termes de l’article 1235-3 du code du travail s’agissant d’un salarié présentant 15 ans

d’ancienneté dans l’entreprise. Lors de son licenciement, il était âgé de 56 ans, reconnu travailleur handicapé, avec un taux d’incapacité permanente fixé à 40 %, ce qui lui a ouvert droit à une rente trimestrielle d’invalidité de 1 119,82 € depuis le 1er avril 2017. Il n’est pas contesté que son salaire brut mensuel était de 1 866,37 €. Il lui sera donc alloué la somme de 22 000 € en réparation de son préjudice découlant de son licenciement abusif, en ce compris son préjudice moral, ce étant précisé qu’il ne justifie pas particulièrement de sa situation sur ce plan.


- Sur les autres demandes, les dépens et les frais irrépétibles :


Il sera ordonné à la société de remettre à M. X l’ensemble de ses documents de fin de contrat régularisés conformément au présent arrêt, dans un délai de 15 jours suivant la notification du dit arrêt, sans qu’il soit néanmoins nécessaire de prononcer une astreinte à cette fin.


Par ailleurs, en application des dispositions de l’article L.1235-4 du code du travail, la société sera condamnée

d’office à rembourser à Pôle emploi les indemnités de chômage versées à du jour de son licenciement au jour de l’arrêt, ce, dans la limite de six mois d’indemnités.
La Poste qui succombe sera condamné aux dépens de première instance et d’appel ainsi qu’à payer à M.


X la somme de 1 000 € en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile au titre des frais exposés en première instance, outre celle de 1 500 € au titre des frais exposés devant la présente cour, le jugement querellé étant par ailleurs infirmé en ce qu’il a condamné M. X à payer à La Poste la somme de 1 000 € en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS


La Cour,


Réforme la décision déférée en ce qu’elle a débouté M. Y X de l’intégralité de ses demandes et l’a condamné à payer à la SA La Poste la somme de 1 000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile, a laissé à sa charge les frais exposés par lui au titre de l’article 700 précité et l’a condamné aux dépens ;


Statuant à nouveau et y ajoutant :


Dit que le licenciement de M. Y X est sans cause réelle et sérieuse ;


Condamne la SA La Poste à payer à M. Y X la somme de 22 000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;


Rappelle que les sommes allouées à titre indemnitaire sont exonérées de cotisations sociales dans les conditions légales et réglementaires applicables, que les condamnations concernant des créances salariales sont assorties d’intérêts au taux légal à compter de la date de réception par l’employeur de la convocation devant le bureau de conciliation et que les condamnations à titre de dommages et intérêts portent intérêts au taux légal dans les conditions prévues par l’article 1231-7 du code civil ;

21 janvier 2022


Ordonne à la SA La Poste de remettre à M. Y X l’ensemble de ses documents de fin de contrat régularisés conformément au présent arrêt, dans un délai de 15 jours suivant la notification du dit arrêt ;


Condamne la SA La Poste à rembourser à Pôle emploi des indemnités de chômage versées à M. Y


X, du jour de son licenciement au jour de l’arrêt, ce, dans la limite de six mois d’indemnités ;


Déboute les parties du surplus de leurs prétentions ;


Condamne la SA La Poste aux dépens de première instance et d’appel ainsi qu’à payer à M. Y X une somme de 1 000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile au titre des frais exposés en première instance, outre celle de 1 500 € au titre des frais exposés devant la présente cour.


Ainsi fait, jugé et prononcé les jour, mois et an que dessus ;


En foi de quoi, la minute du présent arrêt a été signée par Mme Z, Première présidente, et

Mme DELPLACE, greffière à laquelle la minute a été remise par le magistrat signataire.


LA GREFFIÈRE, LA PREMIÈRE PRÉSIDENTE,


S. DELPLACE M. Z
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