Cour d'appel de Bourges, Chambre sociale, 21 janvier 2022, n° 21/00170

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Bourges, ch. soc., 21 janv. 2022, n° 21/00170
Juridiction : Cour d'appel de Bourges
Numéro(s) : 21/00170
Décision précédente : Conseil de prud'hommes de Bourges, 24 janvier 2021
Dispositif : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Sur les parties

Texte intégral

SD/ABL

N° RG 21/00170

N° Portalis DBVD-V-B7F-DKJ3

Décision attaquée :

du 25 janvier 2021


Origine :

conseil de prud’hommes – formation paritaire de BOURGES

--------------------

[…]

C/

M. J X

--------------------


Expéd. – Grosse


Me TANTON 21.1.22


Me PIGNOL 21.1.22

COUR D’APPEL DE BOURGES

CHAMBRE SOCIALE

ARRÊT DU 21 JANVIER 2022

N° 13 – 8 Pages

APPELANTE :

[…]

2 place aux Etoiles – 93633 LA PLAINE SAINT-DENIS


Représentée par Me Alain TANTON de la SCP AVOCATS CENTRE, avocat au barreau de BOURGES

INTIMÉ :

Monsieur J X

[…]


Représenté par Me Pierre PIGNOL de la SELARL ALCIAT-JURIS, avocat au barreau de BOURGES COMPOSITION DE LA COUR

Lors des débats :

PRÉSIDENT : Mme BRASSAT-LAPEYRIERE, conseiller rapporteur

en l’absence d’opposition des parties et conformément aux dispositions de l’article 945-1 du code de procédure civile.

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Mme DELPLACE

Lors du délibéré : Mme I, Première présidente

Mme BOISSINOT, conseillère

Mme BRASSAT-LAPEYRIERE, conseillère

DÉBATS : A l’audience publique du 10 décembre 2021, la présidente ayant pour plus ample délibéré, renvoyé le prononcé de l’arrêt à l’audience du 21 janvier 2022 par mise à disposition au greffe.

21 janvier 2022

ARRÊT : Contradictoire – Prononcé publiquement le 21 janvier 2022 par mise à disposition au greffe.

* * * * *

EXPOSÉ DU LITIGE

M. J X, né le […], a été engagé par la SNCF en qualité d’agent mouvement manoeuvre et manutention, qualification B, position 4 échelon 0, aux termes d’un contrat de travail à durée indéterminée du 4 mai 2004.


Le 14 décembre 2015, il a fait l’objet d’une mesure de suspension jusqu’au terme de la période d’instruction de la procédure disciplinaire diligentée à son encontre pour des faits du 30 octobre 2015 en gare de Vierzon.


Le 1er février 2016, il a été convoqué à un entretien fixé le 9 février 2016, et s’est vu notifier le 14 mars suivant 'un dernier avertissement avec mise à pied de 5 jours ouvrés et déplacement par mesure disciplinaire'

à l’issue du conseil de discipline qui s’est tenu le 8 mars 2016.

Contestant cette mesure disciplinaire, M. X a saisi le conseil de prud’hommes de Bourges le 15 avril

2016, puis à nouveau le 1er octobre 2020 après quatre radiations au rôle, lequel, par jugement du 25 janvier 2021, a :


- annulé la sanction disciplinaire du 14 mars 2010 dont M. X a fait l’objet,


- ordonné la réintégration de M. X dans son poste situé à Vierzon (Cher),


- condamné la société SNCF Mobilités à verser à M. X les sommes suivantes :


- 2 000 € au titre des dommages et intérêts pour sanction injustifiée


- 700 € au titre de l’article 700 du Code de Procédure Civile


- débouté M. X du surplus de ses demandes,
- débouté la société SNCF Mobilités de sa demande au titre de l’article 700 du Code de Procédure Civile,


- condamné la société SNCF Mobilités aux dépens.

Vu l’appel régulièrement interjeté par la société SNCF Mobilités le 11 février 2021 à l’encontre de la décision prud’homale qui lui a été notifiée le 27 janvier 2021, sauf en ce qu’elle a débouté M. X de sa demande de maintien et rappel de salaire ;

Vu les dernières conclusions transmises au greffe de la cour le 18 novembre 2021 aux termes desquelles la SA SNCF Voyageurs, venant aux droits de SNCF Mobilités, demande à la cour de :


- réformer le jugement rendu par le conseil de prud’hommes de Bourges le 25 janvier 2021 en ce qu’il a annulé la sanction disciplinaire du 14 mars 2010, condamné SNCF Mobilités à dommages et intérêts, ordonné la réintégration de M. X dans son poste de travail initial situé à Vierzon et condamné SNCF Mobilités

(devenue SNCF Voyageurs) aux entiers dépens,


Statuant à nouveau,


- débouter M. X de l’ensemble de ses demandes,


- le condamner aux entiers dépens de première instance comme d’appel,


Subsidiairement,


- surseoir à statuer sur l’ensemble des demandes présentées par M. X,


- lui enjoindre de communiquer aux débats l’intégralité du dossier de l’enquête des services de police.

Vu les dernières conclusions transmises au greffe de la cour le 29 novembre 2021 aux

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termes desquelles M. X demande à la cour de :


- déclarer son appel incident recevable et le dire bien fondé,


- confirmer le jugement du conseil de prud’hommes en ce qu’il a annulé la sanction disciplinaire du 14 mars

2016 et ordonné sa réintégration à son poste de travail situé à Vierzon,


- infirmer pour le surplus et condamner la SNCF Mobilités à lui payer :


- 1 409,48 € à titre de maintien de salaire de juillet 2016


- 30 000 € à titre de dommages et intérêts pour sanction injustifiée


- 23 729,54 € à titre de rappel de salaire


- 2 372,95 € au titre des congés payés afférents


- 4 000,00 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,


- condamner la SNCF Mobilités à lui remettre une nouvelle attestation Pôle emploi dans un délai de 8 jours à compter de la notification du présent jugement, sous astreinte de 50 € par jour de retard,
- condamner la même en tous les dépens.


Vu l’ordonnance de clôture en date du 1er décembre 2021 ;


Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des moyens et de l’argumentation des parties, il est expressément renvoyé au jugement déféré et aux conclusions déposées.

SUR CE

- Sur la mise à pied disciplinaire du 14 mars 2016


La procédure disciplinaire est définie par les articles L. 1332-1 et suivants du code du travail, aux termes desquels notamment, le salarié doit être informé, dans le même temps et par écrit, des griefs retenus contre lui, et être convoqué à un entretien préalable, sauf si la sanction envisagée est un avertissement, ou une sanction de même nature, n’ayant pas d’incidence, immédiate ou non, sur sa présence dans l’entreprise, sa fonction, sa carrière ou sa rémunération.


En application des articles L. 1333-1 à L. 1333-3 du code du travail, le juge doit vérifier en cas de litige la régularité de la procédure suivie et si les faits reprochés au salarié sont de nature à justifier une sanction et peut annuler une sanction irrégulière en la forme ou injustifiée ou disproportionnée.

Sur l’épuisement du pouvoir disciplinaire suite à la suspension conservatoire du 14 décembre 2015


La mise à pied conservatoire est autorisée par l’article L. 1332'3 du code du travail lorsque les faits reprochés au salarié la rendent indispensable ; il incombe néanmoins à l’employeur de respecter la procédure prévue à

l’article L. 1332-2 du même code pour le prononcé de la sanction définitive.


Si aucun motif ne justifie la durée d’un délai d’attente, les juges peuvent requalifier la mise à pied conservatoire en mise à pied disciplinaire, interdisant dès lors toute autre sanction pour les mêmes motifs.


En l’espèce, le salarié fait grief à son employeur d’avoir engagé la procédure disciplinaire à son encontre par la suspension conservatoire du 14 décembre 2015 et d’avoir attendu le 1er février 2016 pour le convoquer à un entretien préalable, de sorte que la mesure conservatoire présente le caractère d’une sanction disciplinaire et que l’intéressé ne pouvait à nouveau être sanctionné pour les mêmes faits le 14 mars 2016. Il ajoute que la


SNCF ne peut se soustraire aux dispositions du code du travail en invoquant ses propres règlements et attendre ainsi 28 jours avant d’engager la procédure. Il précise que s’il a été effectivement rémunéré pendant la période

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de suspension de son contrat de travail, il était empêché de se présenter à son poste.


La SNCF fait valoir qu’en sa qualité d’agent de la SNCF, le salarié est soumis aux dispositions du statut des relations collectives entre la SNCF et son personnel 'RH 0001", ainsi qu’aux règlements SNCF pris en application de ce statut et plus particulièrement au chapitre 9 relatif à la procédure disciplinaire et au 'RH

00144 garanties disciplinaires et sanctions'. Elle affirme qu’au regard de la nature administrative du dit statut et des règlements précités, la compétence de la juridiction prud’homale se limite à la vérification de la bonne application de ces textes.


Elle rappelle ensuite la chronologie de la procédure disciplinaire utilisée et en déduit l’absence de double sanction considérant que le prononcé d’une mesure à titre conservatoire n’a aucunement valeur de sanction disciplinaire, que la mise à pied était pleinement justifiée pour protéger les autres agents, que la suspension du contrat de travail, avec maintien de la rémunération, n’avait que pour objet de mener une enquête interne sereine face aux contestations du salarié ; elle observe que le salarié ne conteste pas l’application des textes querellés à son endroit et que ceux-ci ne prévoient aucun délai particulier entre la notification de la mesure à caractère conservatoire et l’engagement de la procédure disciplinaire, ce étant précisé qu’il y a eu 6 jours fériés entre la dernière audition de témoin le 23 décembre 2015 et l’engagement de la procédure disciplinaire le 6 janvier 2016. Elle prétend au surplus avoir rigoureusement respecté le référentiel des garanties disciplinaires et sanctions.


Il appert que le 6 novembre 2015, lors d’une réunion informelle, Mme Y s’est plainte d’avoir été traitée le 30 octobre 2015 de 'sale bougnoule' par M. X, lequel niait tout comportement de ce genre. Par ailleurs, après plusieurs entretiens avec des agents révélant le comportement anormal de M. X cette même journée,

Mme Z, cadre commercial dans l’unité, lançait une alerte verbale auprès de son dirigeant unité opérationnelle le 11 décembre 2015.


C’est à ce stade, le 14 décembre 2015, qu’est intervenue la notification de la mesure de suspension à M. X et qu’a démarré l’enquête interne, soit du 16 au 23 décembre 2015.


A la suite des éléments recueillis qui ont mis en évidence, selon l’employeur, d’autres faits pour la journée du

30 octobre 2015, une demande d’explication écrite a été adressée à M. X le 6 janvier 2016 ; il a répondu dans les jours suivants.


Un préavis de comparution à un entretien a été envoyé à M. X le 28 janvier 2016, puisque la sanction envisagée était supérieure à un blâme avec inscription, et le salarié a été convoqué à l’entretien fixé le 9 février

2016, le 1er février.


A l’issue de cet entretien, il a fait l’objet d’une proposition de 'dernier avertissement avec mise à pied de 10 jours et déplacement par mesure disciplinaire' et traduit devant le conseil de discipline selon convocation du

16 février 2016 pour le 8 mars suivant.


La sanction définitive de 'dernier avertissement avec mise à pied de 5 jours ouvrés et déplacement par mesure disciplinaire' est intervenue le 14 mars 2016.


Il s’évince de ce rappel de la procédure diligentée par l’employeur qu’entre la mesure de suspension du contrat de travail, le 14 décembre 2015, et l’engagement des poursuites disciplinaires, le 1er février 2016, il s’est écoulé 1 mois et demi au cours duquel l’employeur atteste d’une enquête pendant 15 jours, puis de la consultation du salarié, ce alors même qu’il ne peut être ignoré la traditionnelle trêve des fêtes de fin d’année.


Il est également admis que les process internes quant aux garanties du salarié en matière disciplinaire ont été respectés, de sorte qu’il n’y a pas lieu de considérer que la mesure conservatoire présente le caractère d’une sanction disciplinaire.

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Sur le bien fondé de la sanction du 14 mars 2016


Aux termes de l’article 3 du RH 00144, il existe 10 sanctions possibles parmi lesquelles, après l’avertissement et les blâmes figurent les mises à pied puis en 9ème position, avant la radiation des cadres, 'le dernier avertissement avec mise à pied de 2 à 12 jours ouvrés, avec le cas échéant, déplacement par mesure disciplinaire ou rétrogradation à la qualification inférieure.'


En l’espèce, aux termes de la décision du conseil de discipline qui a conclu à 'un dernier avertissement avec mise à pied de 5 jours ouvrés et déplacement par mesure disciplinaire', il est reproché à M. X d’avoir, le

30 octobre 2015 :


- tenu des propos injurieux et racistes à l’adresse d’une collègue, Mme Y, en présence de clients,


- eu un comportement et une tenue inappropriés sur les quais de la gare de Vierzon en présence de clients,
- retiré ses vêtements et exhibé une partie de son anatomie devant une collègue dans un local facilement accessible au public,


- donné le départ d’un train alors même qu’un agent d’escale se trouvait encore en service à bord.


L’employeur invoque des propos et un comportement contraires au guide éthique et contrevenant aux dispositions du référentiel RH 006 et de la VO 140 concernant les prescriptions à respecter avant de donner le départ d’un train. Il se fonde notamment sur les témoignages concordants recueillis au cours de l’enquête interne et conclut que la gravité des faits reprochés à M. X justifie la sanction décidée. Il ajoute que la plainte pour diffamation de M. X à l’encontre de sa collègue a été classée sans suite.

M. X conteste les faits qui lui sont reprochés et dit justifier de son comportement à travers de très nombreuses attestations ainsi que d’une pétition en sa faveur. Il estime que la SNCF ne rapporte pas la preuve de la gravité des faits litigieux et qu’en toute hypothèse, ses comptes-rendus et attestations sont sujettes à caution pour être dactylographiés et manifestement dictés par l’employeur sans être au surplus conformes aux dispositions de l’article 202 du code de procédure civile. Il conclut à l’annulation de la sanction décidée à son encontre et demande 30 000 € de dommages et intérêts faisant valoir que suite à sa mutation, il a été placé en arrêt maladie pour dépression.


Au préalable, il sera relevé que l’employeur ne soumet pas à l’appréciation des attestations au sens de l’article

202 du code de procédure civile mais le recueil des témoignages des agents victimes et/ou témoins obtenus au cours de l’enquête interne sur les faits du 30 octobre 2015 à la gare de Vierzon attribués à M. X, ce qui explique le formalisme de ces pièces (même présentation, propos dactylographiés), sans qu’il s’en déduise néanmoins un manque de sincérité dans la mesure où les comptes rendus sont très circonstanciés.


Ainsi, M. A, agent d’escale, raconte qu’à sa prise de service à 16 heures, M. X n’était pas dans un état normal le conduisant à être accompagné par deux collègues au réfectoire. Il confirme qu’à 19 heures,

l’intéressé a procédé à l’envoi du train en sifflant pour annoncer son départ alors qu’un collègue de l’accueil était toujours à bord et qu’au cours de la soirée, il n’a eu de cesse de s’en prendre indirectement à Mme


Y.


Celle-ci, agent vente guichet, témoigne que vers 16 heures, elle a vu M. X dans le hall de la gare, 'portant la casquette à l’envers et la chemise sortie du pantalon', et qu’en passant devant le guichet, il l’a apostrophée en disant 'bougnoule' en présence de clients dans le hall, lesquels se sont ensuite plaints d’avoir reçu une mauvaise indication de voie de la part de cet agent et d’avoir de ce fait manqué leur train. Elle ajoute que vers

19 heures, M. X, 'avachi' sur son siège, 'les pieds sur le bureau', l’a interpellée de manière agressive.

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M. B, également agent d’escale, confirme ces déclarations en précisant qu’après les perturbations occasionnées par des supporters de football, vers 19 heure, il a vu M. X L le hall de la gare la casquette en arrière et marchant avec difficulté. Il témoigne par ailleurs qu’alors qu’il était monté à bord du train de 19 h 31 pour accompagner une personne non voyante, M. X a fait le signe de la fermeture des portes insistant pour faire partir le train en dépit de l’opposition du contrôleur. Il ajoute que vers 20 h alors qu’il se trouvait à l’accueil, il a vu M. X au niveau du téléaffichage, tomber de sa chaise, se plaindre de

s’être fait mal et baisser son pantalon devant Mme C. Il affirme enfin qu’un peu plus tard dans la soirée,

M. X lui a demandé 'est ce que ça se voit que je suis bourré '' et voulait partir plus tôt de son service.

Mme C, agent commercial en poste au téléaffichage, déclare quant à elle qu’à la prise de service de M.


X, elle a constaté qu’il n’était pas dans son état normal et sentait l’alcool. Elle expose que vu l’agitation de la gare le jour des faits, elle n’a pas vu ce qui s’y passait au cours de la journée mais qu’après les départs de train, M. X est revenu au téléaffichage et est tombé en arrière en voulant s’asseoir et a dit s’être fait mal aux hanches. Elle indique ensuite 'en se relevant, il m’a demandé si je voulais voir et a baissé son pantalon en me disant 'tu veux voir de plus près', puis a baissé son caleçon, m’exposant son postérieur.' Elle témoigne encore 'sur le moment, je n’ai pas réagi et je me suis mise à rire assez gênée et je lui ai dit que cela suffisait.' et ajoute n’avoir jamais eu de soucis avec M. X auparavant.

M. D, agent d’escale, déclare qu’à sa prise de service le 30 octobre 2015 à 20 h 30, il a constaté que M.


X n’était pas dans son état normal, tenant notamment des propos incohérents et n’étant pas en mesure

d’assurer son service qui était repris par lui-même et deux agents aides escale, M. E, lequel confirme par ailleurs l’incident avec Mme C, et M. F. Il précise que le salarié est parti avant sa fin de service prévue à 0h10, soit vers 23 h30 et que de manière générale, son comportement est souvent insultant envers ses collèges ou les clients auxquels il donne des surnoms en fonction de leur particularité physique. Il dit qu’il lui est de plus en plus difficile de travailler dans de bonnes conditions avec cet agent.


Enfin, Mme Z, cadre commercial, confirme avoir été destinataire des doléances des agents D,


Y et A quant au comportement de M. X, le 30 octobre 2015, et ce d’autant que M. D M que l’intéressé joue de son statut de gendarme réserviste pour s’en prendre aux agents qui ont travaillé avec lui le 30 octobre. Elle estime ne pas avoir relevé d’esprit haineux ou de revanche de la part de

Mme Y mais un vrai malaise au sein de l’équipe depuis ces faits.


A ces comptes rendus détaillés, M. X oppose sa plainte pour diffamation du 20 décembre 2015 à

l’encontre de Mme Y, ne communiquant toutefois que ses propres déclarations, ainsi qu’une vingtaine

d’attestations de collègues en sa faveur outre une pétition soutenant sa réintégration.


Sur l’ensemble de ces pièces sont particulièrement opérantes, outre le fait que M. X est le père d’une enfant métisse :


- l’attestation de M. G, chef de service le jour des faits, qui décrit une situation perturbée du fait des supporters de football, très agités et alcoolisés, susceptible d’expliquer, un vendredi soir, à l’heure de pointe, le départ erroné du train ; il s’étonne également que le chef de gare, ne soit pas intervenu suite au comportement prétendument anormal de son collègue ;


- le témoignage de Mme H, membre du CHSCT, qui jette le discrédit sur les dires de Mme Y, laquelle aurait agi, poussé par ses collègues, alors qu’un différend l’opposerait à M. X dans leurs relations personnelles ;


- les déclarations de MM. E et F qui confirment l’incident avec Mme C dans les mêmes termes ;

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- le caractère de M. X, décrit par son supérieur en opérationnel, comme 'haut en couleur, joyeux et très chambreur' ou l’habitude qu’il a de donner des surnoms à son entourage comme 'perruche des îles' à une collègue métisse.


Il s’évince de l’ensemble de ces éléments qu’en dépit du soutien de ses collègues et du fait qu’il n’a jamais fait auparavant la démonstration d’un comportement analogue à celui du 30 octobre 2015, les faits relatifs à sa tenue inappropriée à la gare ainsi que ceux concernant Mme C sont avérés pour être corroborés par plusieurs témoins, dont certains au soutien de M. X, lequel admet la matérialité de ces derniers dans ses explications écrites du 6 janvier 2016 ; il s’en déduit que le jour des faits, comme indiqué par plusieurs témoins, le salarié n’était pas dans son état normal, fortement alcoolisé et n’était plus maître de son comportement, indépen-damment des perturbations occasionnées par les supporters de football, de sorte que

l’ordre de départ à tort du train sera également retenu à son encontre ; pour les mêmes motifs, il n’y a pas lieu de remettre en cause le témoignage de Mme Y, décrite comme choquée par ses collègues, les seules déclarations de Mme H du CHSCT sur un conflit personnel n’étant pas étayées et contredites par celles de Mme Z.
Pour ces faits, M. X s’est vu infliger l’avant dernière des sanctions envisagées par les règlements internes de la SNCF, avec une modération à 5 jours de la durée de la mise à pied, mais aussi un déplacement disciplinaire préféré à une rétrogradation. Au vu de la gravité des faits, certes circonscrits à une seule journée, mais multiples sur ce trait de temps, au mépris des règles statutaires de son employeur mais aussi de la loi, notamment en terme de santé et sécurité au travail de ses collègues, la sanction querellée s’avère proportionnée. La décision déférée sera donc infirmée en ce qu’elle l’a annulée avec les conséquences de droit qui y sont attachées.


- Sur les demandes de rappel de salaire

Le salarié sollicite la somme de 1 409,08 € à titre de maintien de salaire pendant un arrêt de travail en juillet

2016 mais ne développe aucun moyen au soutien de cette prétention alors que l’employeur indique n’avoir jamais été destinataire du moindre arrêt de travail pour le mois de juillet 2016. Le jugement entrepris sera donc confirmé en ce qu’il a rejeté cette demande.


- M. X expose par ailleurs, qu’outre le préjudice subi du fait de sa mutation et de sa dépression consécutive, il n’a perçu ni indemnité journalière ni RSA depuis le mois de mai 2018 soit une perte de salaire conséquente qu’il évalue à la somme de 23 729,54 €, hors congés payés afférents de 2 372,95 €.


Pour l’employeur, le salarié en arrêt maladie a bénéficié des prestations du régime de sécurité sociale des agents SNCF jusqu’au mois de décembre 2016, puis des régimes de demi-solde à compter du 5 janvier 2017 jusqu’en mai 2018 ; il en déduit qu’il a épuisé ses droits à indemnisation alors qu’il n’a pas repris son activité, et estime, en toute hypothèse, que cette demande est redondante avec les dommages-intérêts réclamés au titre de la sanction prétendument injustifiée.


Dans la mesure où la demande vise à pallier les conséquences financières découlant de la sanction disciplinaire querellée qui serait à l’origine d’un arrêt maladie de longue durée non pris en charge par les organismes sociaux, c’est avec pertinence que l’employeur fait valoir que le salarié ne justifie pas d’un préjudice distinct de celui réclamé au titre des conséquences de la dite sanction pour la même période de temps, laquelle au surplus n’a pas été annulée par la cour de céans. Par motifs surabondants, il sera constaté, comme l’ont exactement relevé les premiers juges, qu’au regard des justificatifs communiqués par

l’employeur, le salarié a épuisé l’ensemble des droits à indemnisation qui lui étaient ouverts en application du régime d’assurance sociale obligatoire auquel il est affilié. La décision déférée sera donc confirmée sur ce point.

21 janvier 2022


- Sur les autres demandes, les dépens et les frais irrépétibles :


Le salarié qui succombe sera condamné aux entiers dépens d’appel et l’équité commande de ne pas faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile à son égard.

PAR CES MOTIFS


La cour,


Réforme la décision déférée en ce qu’elle a annulé la sanction disciplinaire du 14 mars 2016 visant M.


J X, ordonné sa réintégration à son poste à Vierzon et condamné la SNCF Mobilités à diverses sommes indemnitaires à ce titre ;


Statuant à nouveau et y ajoutant :


Déboute M. J X de l’ensemble de ses demandes ;
Déboute les parties du surplus de leurs prétentions ;


Condamne M. J X aux dépens d’appel ;


Dit n’y avoir lieu au paiement d’une somme complémentaire à la SA SNCF Mobilités, devenue SNCF


Voyageurs, au titre de l’article 700 du code de procédure civile.


Ainsi fait, jugé et prononcé les jour, mois et an que dessus ;


En foi de quoi, la minute du présent arrêt a été signée par Mme I, Première présidente, et

Mme DELPLACE, greffière à laquelle la minute a été remise par le magistrat signataire.


LA GREFFIÈRE, LA PREMIÈRE PRÉSIDENTE,


S. DELPLACE M. I
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Textes cités dans la décision

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  2. Code du travail
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