Cour d'appel de Caen, 15 novembre 2016, n° 14/03613

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Caen, 15 nov. 2016, n° 14/03613
Juridiction : Cour d'appel de Caen
Numéro(s) : 14/03613
Décision précédente : Tribunal de grande instance d'Alençon, 23 juin 2014, N° 11/00723

Sur les parties

Texte intégral

AFFAIRE : N° RG 14/03613

Code Aff. :

ARRÊT N° E.S. A.C.

ORIGINE : DÉCISION du Tribunal de Grande
Instance d’ALENÇON en date du 24 Juin 2014

RG n°

11/00723

COUR D’APPEL DE CAEN

PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE

ARRÊT DU 15 NOVEMBRE 2016

APPELANTE :

Madame X Y

née le XXX à XXX)

XXX

XXX

Représentée par Me Jacques MIALON, substitué par Me Z A,

avocats au barreau de CAEN,

assistée de Me Xavier RODRIGUES, avocat au barreau de
PARIS

INTIMÉ :

Monsieur B C

né le XXX à XXX)

« XXX»

XXX

Représenté et assisté de Me Jacques BLANCHET, avocat au barreau D’ALENCON

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU
DÉLIBÉRÉ :

Madame PIGEAU, Président de chambre,

Monsieur JAILLET, Conseiller,

Madame SERRIN, Conseiller, rédacteur

DÉBATS : A l’audience publique du 17 mars 2016

GREFFIER : Madame D

ARRÊT : prononcé contradictoirement par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile le 15
Novembre 2016, après prorogations du délibéré initialement fixé au 3 mai 2016 et signé par Madame SERRIN, Conseiller, pour le président empêché et par Mme CHESNEAU, greffier présent lors du prononcé

FAITS ET PROCÉDURE

Le jugement en date du 24 juin 2014 du tribunal de grande instance d’Alençon:

constate que la notion de cour commune sur l’ancienne parcelle B 65 a disparu par l’effet des opérations de remembrement,

·

Dit que la parcelle ZI 32 est la propriété exclusive de M. C et déboute Mme Y de ses demandes reconventionnelles tant principales que subsidiaire ;

·

La condamne à :

·

enlever le compteur d’eau desservant sa maison et se trouvant sur la propriété de M. C dans un délai de trois mois à compter de la signification du jugement et a défaut, passé ce délai, sous astreinte de 30 euros par jour de retard ;

·

boucher les deux ouvertures donnant sur la propriété de M. C, savoir la porte-fenêtre remplaçant l’ancienne porte du grenier et la fenêtre du rez-de-chaussée et ce par tout moyen tel que pavés de verre translucide et dormant, dans un délai de trois mois à compter de la signification du jugement et a défaut, passé ce délai, sous astreinte de 30 euros par jour de retard ;

·

déboute M. C de sa demande d’enlèvement du volet en partie-basse de la fenêtre du rez-de-chaussée, ainsi que de sa demande de dommages et intérêts ;

·

Dit n’y avoir lieu à exécution provisoire,

·

Condamne Mme Y aux dépens en faisant application des dispositions de l’article 699 du code de procédure civile et au paiement d’une somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

·

Par déclaration reçue au greffe le 25 juillet 2014, Mme Y a interjeté appel de cette décision.

La procédure a été clôturée par ordonnance du 16 mars 2016.

Pour un plus ample exposé des faits, des moyens et des prétentions des parties, il convient de se reporter aux dernières écritures déposées par les parties, le 14 mars 2016 par Mme Y, le 23 février 2016 par M. C.

MOTIFS DE LA COUR

1. Sur les droits de propriété

Bien qu’il soit difficile a priori de déterminer à quel lot résultant du partage opéré entre les 6 enfants
Brulard le 25 vendémiaire de l’an 14 il convient de rattacher les propriétés actuellement cadastrées ZI 33 et ZI 32 sises commune de Brétoncelles au lieu dit «
Le gravier », appartenant respectivement à Mme Y selon acte en date du 31 octobre 2007 et à M. C selon acte en date 2 septembre 2003, il n’est pas contesté que leurs propriétés proviennent de la division de ce fonds.

La maison manable attachée au premier lot est décrite comme comprenant cheminée, grenier

au-dessus, petite chambre derrière la cheminée, une laiterie, et une écurie au bout de la maison, le tout d’un même tenant, située au lieu-dit du Gravier, joignant par le devant la cour commune du dit lieu, d’autre côté par le derrière le jardin compris au deuxième lot.

Le troisième lot comprenait une « petite maison à cheminée, un cellier, petite écurie, grenier sur le tout, joignant d’un côté la cour du dit lieu du Gravier, avec droit en icelle, d’autre côté le clos ci-après. »

Au quatrième lot était attaché un corps de bâtiment composé d’une grange et d’une bergerie, « situé dans la cour du dit lieu du Gravier, d’un côté la dite cour avec droit en icelle, d’autre côté le clos du troisième lot. »

Il a été procédé par bornage ultérieur à la délimitation du tiers de la fosse à engrais pratiquée dans la cour commune attribuée à chacun des trois lots précités.

Il doit être retenu de cet acte de partage que les différents bâtiments s’ouvraient sur une cour, laquelle n’a été attribuée à aucun des copartageants, sous la précision qu’elle demeurait commune entre les premier, troisième et quatrième lot et qu’il était précisé : « chacun en jouira de manière à ne point s’entre nuire », « la fosse à engrais étant distribuée aux dits trois lots, chaque portion sera divisée par des piquets tressés de hares » ; « chacun jouira du tour d’échelle sur son voisin pour les réparations de ses bâtiments, en commettant le moins de dommages que faire se pourra » ; « les partageants se porteront passage partout où besoin sera » (…) et « chacun profitera des servitudes actives afférentes aux objets de son lot et souffrira les passives si d’aucunes ils sont tenus ».

Il s’en déduit que seule cette « cour commune » ultérieurement cadastrée section B 65, mentionnée comme telle dans les actes de mutation ultérieurs, est demeurée en indivision entre les propriétaires des lots susvisés.

Aux termes d’un acte reçu en 1969, les consorts
E, ont vendu à M. F et à Mme G son épouse au Gravier, une maison d’habitation joignant par devant la cour commune, du lieu du
Gravier cadastrée, section B 59, une parcelle de terre cadastrée section B 62 et le « droit à la cour commune cadastrée section B n° 65 et figurant au cadastre rénové au compte numéro 246 au nom de
H I époux J, et copropriétaires, pour 3 a 25 ca.»

Aux termes d’un acte reçu en 1963, M. et Mme K ont vendu à M. L et à Mme K épouse L un immeuble cadastré section B n°60, 63 et 64 comprenant notamment un immeuble ayant une entrée directe sur le jardin et sur la cour commune du Gravier, le tout tenant : au levant, Mme E, par devant le chemin de la
Maillardière au noyer, au couchant, le chemin du Gravier à la route, et derrière la cour commune du Gravier ».

En 1987, dans le cadre des opérations de remembrement, selon les procès-verbaux versés au dossier, les parcelles cadastrées section B 59 à 62,65 et 66 ont été considérées comme apportées par Mme F veuve G et il lui a été attribué en échange la parcelle ZI 32 (se substituant pour toute la surface aux parcelles apportées).

Au cours des mêmes opérations, les parcelles cadastrées section B 63 et B 64 ont été considérées comme apportées par M. et Mme L et il leur a été attribué en échange la parcelle cadastrée ZI 33 (se substituant pour toute la surface aux parcelles apportées).

Sur la réclamation formée par M. L au cours des opérations de remembrement, par courrier portant la date du 22 mai 1987, le géomètre a indiqué :

« Pour le remembrement proprement dit, les apports de chaque propriétaire sont ceux fournis par les documents cadastraux qui en général ont fait l’objet de publication à la conservation des

hypothèques. Vous êtes donc propriétaire section B 63 et 64 (…). A notre connaissance vous n’êtes pas propriétaire d’une partie du numéro 65, pas plus que copropriétaire. Conclusion : les opérations de remembrement ne peuvent vous attribuer que ce qui correspond à vos apports, c’est-à-dire sans modifier vos limites, les numéros 63 et 64 pour lesquels nous avons trouvé une surface globale de 11 a 30 ca.

(…)

Je vous précise également que selon l’article 32 du code rural : « Les servitudes existant au profit ou à l’encontre des fonds compris dans le remembrement et qui ne sont pas éteintes par l’application de l’article 703 du code civil subsistent sans modification.
»

Ainsi, vous semblez confondre la propriété et les droits éventuels que vous pouvez avoir sur celle-ci, et qui découlent naturellement de la situation des lieux et peut-être de vos actes. J’ajoute que le service des hypothèques ne nous a communiqué à votre profit aucune mention de servitude et que nous n’avons donc pas pu reproduire celle-ci sur le procès-verbal de remembrement que vous recevrez prochainement. »

Pour motiver sa décision, le géomètre s’est fondé sur le cadastre établi à partir des publications à la conservation des hypothèques.

Des fiches de propriétaires établies au nom de M. F et de Mme G épouse F, il doit être retenu qu’a été publiée en premier leur acquisition du 20 septembre 1969 des consorts E des parcelles B 59 et B 62, la parcelle cadastrée B 65 étant considérée comme acquise avec la mention « droits indivis pour la communauté F G ».

À la même date du 16 octobre 1969 a été publiée une autre vente par les consorts E du 20 septembre 1969 portant sur les parcelles B 65 et B 60, la parcelle cadastrée B 65 étant considérée comme acquise avec la mention « droits indivis pour la communauté F G ».

Le 3 juin 1975 a été publiée une acquisition portant sur les parcelles B 65 et B 67 « de H » selon acte du 12 mai 1975, la parcelle cadastrée B 65 étant considérée comme acquise avec la mention « droits indivis pour la communauté F-G ».

Après le décès de M. F en 1977, le transfert de propriété a été enregistré à la date du 28 octobre 1982 (sa fiche, formalité 4) et s’agissant de la parcelle B 65, elle faisait toujours l’objet de la mention « droit indivis ».

À la date du 19 janvier 1984 a été publiée l’acquisition réalisée le 19 janvier 1983 par Mme M «
M H » des droits indivis sur la parcelle B 65.

Puis le remembrement a été publié, la parcelle B 65 étant considérée comme apportée par Mme G.

Il résulte des différentes publications aux fichiers hypothécaires et des mentions portées dans l’acte de vente du 20 septembre 1969, qu’à compter de cette date au plus tard ont été publiés des droits indivis sur la parcelle cadastrée section B 65 du chef de Mme et Mme F, succédant à M. et Mme E et du chef de M. H époux J, lequel avait fait publier à une date qui n’est pas précisée, ses droits indivis sur cette parcelle.

Il apparaît qu’aucune formalité de publicité relativement aux droits indivis qu’ils détenaient sur la parcelle cadastrée section B 65 n’a été accomplie du chef de M. N K et de Mme O épouse K à l’occasion de leur acquisition en 1959, ni à l’occasion de la vente consentie en 1963 aux époux L.

Aucune référence cadastrale ne rattachait dans l’acte de 1963 la parcelle B 65 à la cour commune, et il n’en était donné aucune qualification, contrairement à l’acte sus visé reçu en 1969.

En sorte que cette parcelle n’est pas mentionnée sur la fiche de propriétaire de N
K.

C’est dans ces circonstances qu’à l’issue des opérations de remembrement les auteurs de Mme Y ont perdu leurs droit de propriété indivise sur la parcelle alors cadastrée B 65, faute pour eux d’avoir, soit à l’instar des autres indivisaires, fait publier leurs droits indivis, lesquels remontaient à une date antérieure à l’instauration de la publicité foncière, soit fait des recherches et prouvé par titres leur droit de propriété.

2. Sur les effets du remembrement

Le remembrement est un mode d’aménagement foncier rural qui a pour conséquence de transférer aux attributaires de nouveaux titres de propriété, entraînant une nouvelle répartition des terres.

Lorsqu’il est comme en l’espèce définitif, le plan de remembrement constitue pour chaque attributaire un titre de propriété (pourvoi 00-20.983) qui ne saurait être remis en cause par le juge judiciaire (pourvoi 01-15.200), lequel ne peut prendre en considération, pour la détermination de la propriété la situation antérieure au remembrement mais seulement celle résultant de cette opération (pourvoi 90-19.879).

Le code rural comprend cependant des dispositions spécifiques pour les servitudes.

Étaient exactement rappelées par le géomètre les dispositions de l’article 32 du code rural, alors applicable, qui laissaient subsister sans modification les servitudes existant au profit ou à l’encontre des fonds compris dans le remembrement, aujourd’hui appelé aménagement foncier agricole et forestier et qui ne sont pas éteintes par application de l’article 703 du code civil.

Au sens de cet article, les servitudes cessent lorsque les choses se trouvent en tel état qu’on ne peut plus en user.

3. Sur la servitude par destination du père de famille

Mme Y fait valoir que l’accès à la façade sur cour de l’immeuble dont elle est aujourd’hui propriétaire s’est toujours fait par ce qui était autrefois qualifié de cour commune, et ce depuis l’origine du fonds appartenant au père de famille et invoque les dispositions de l’article 693 du code civil selon lequel : « Il n’y a destination du père de famille que lorsqu’il est prouvé que les deux fonds actuellement divisés ont appartenu au même propriétaire, et que c’est par lui que les choses ont été mises dans l’état duquel résulte la servitude.
»

La destination du père de famille est l’acte par lequel le propriétaire avisé d’un héritage, destine cet héritage ou une partie de celui-ci à l’usage ou à l’utilité d’un autre fonds lui appartenant ou d’une partie de cet autre fonds, de telle sorte que l’aménagement existant entre eux, qui ne constituait jusqu’alors que l’exercice du droit de propriété, deviendra, par l’effet de la loi, et sous certaines conditions, une servitude.

Les dispositions de l’article 692 du code civil selon lequel la destination du père de famille vaut titre à l’égard des servitudes continues et apparentes se combine avec les dispositions de l’article 694 du même code selon lequel si le propriétaire de deux héritages entre lesquels il existe un signe apparent de servitude, dispose de l’un des héritages sans que le contrat contienne aucune convention relative à la servitude, elle continue d’exister activement ou passivement en faveur du fonds aliéné ou sur le fonds aliéné.

Les dispositions de ces textes se combinent en ce sens qu’il doit être retenu que l’article 692 vise le cas où l’aménagement, établi ou maintenu par le propriétaire commun correspond à une servitude apparente et continue et que les dispositions de l’article 694 s’appliquent en revanche aux servitudes apparentes mais discontinues.

Dans le premier cas, il n’est pas nécessaire de produire le titre qui a opéré la séparation, car l’existence d’un aménagement permanent et apparent est présumée traduire la volonté du propriétaire commun d’établir une servitude.

Au contraire, si l’aménagement correspond à une servitude apparente, mais discontinue, cette servitude naît bien, elle aussi, de la séparation des fonds en vertu de la destination du père de famille, mais seulement si l’acte de séparation ne contient « aucune convention relative à la servitude ».

Par suite, celui qui invoque la servitude doit prouver cette circonstance et, à cette fin, produire l’acte de séparation des fonds, afin que le juge puisse vérifier que cet acte ne contient aucune stipulation contraire au maintien de la servitude.

Comme l’a jugé la cour de Cassation (pourvoi n° 03-16.366), la destination du père de famille vaut titre à l’égard des servitudes discontinues lorsqu’existent, lors de la division du fonds, des signes apparents de la servitude et que l’acte de division ne contient aucune stipulation contraire à son maintien.

L’aménagement des fonds constituant la destination du père de famille doit avoir été réalisé par le propriétaire avant leur séparation et subsister à ce moment, faute de quoi il ne peut révéler l’intention du constituant d’assujettir une parcelle à une autre.

Il convient, sous ces distinctions, d’examiner les différents servitudes en cause.

Si en première instance M. C a sollicité la suppression de la porte de garage et du compteur électrique, dans ses dernières conclusions il y renonce en indiquant qu’il a mis son portail en retrait pour laisser à Mme Y un libre accès à ceux-ci.

Il fait valoir subsidiairement pour le surplus que s’il est admis qu’il y a eu servitude par destination du père de famille, elles ne pourraient porter que sur les 2 portes de grenier et la fenêtre mise à la place de la porte fermière.

Il fait valoir que la porte fermière que Mme Y veut rouvrir a été transformée en fenêtre bien antérieurement au remembrement et que cette transformation est intervenue lorsque les 2 fonds ont été séparés.

Il ajoute que lors de la division du fonds, les enfants
Brulard ou leurs ayants droit ont supprimé la plupart des accès de la maison de maître (aujourd’hui
Y) donnant sur la cour commune dès lors que cette maison était desservie par le côté sud et qu’ainsi une fenêtre avait été bouchée et la porte fermière transformée en fenêtre.

Il s’en déduit que M. C reconnaît que Mme Y vient à ce jour aux droits des copartageants qui se sont vus attribuer le premier lot, qui comprenait la maison manable et qu’il ne remet en cause ni l’existence des fenêtres, signes apparents des servitudes de vue (servitudes continues), ni l’existence des portes, signes apparents des servitudes de passage (servitudes discontinues) avant le partage opéré le 25 vendémiaire an 14.

L’affirmation de M. C selon laquelle « la porte fermière » a été transformée en fenêtre bien antérieurement au remembrement n’établit pas qu’elle a été transformée au moment du partage et ce alors que l’acte de division décrit la maison comme ouvrant par le devant sur la cour commune et

réserve expressément le « passage partout où besoin sera » et les servitudes existantes, chacun devant profiter des servitudes actives afférentes aux objets de son lot et souffrir les passives si d’aucunes ils sont tenus ».

Le maintien de ces servitudes postérieurement au partage initial est encore à rechercher dans les affirmations de M. C selon lequel il restait sur son fonds, au moment du remembrement, une fenêtre et les deux portes du grenier, l’accès aux greniers, pour les auteurs de Mme Y, se faisant par un passage sur le fonds de M. C.

Il résulte encore des différents témoignages produits en ce que leur existence est corroborée par les attestations de personnes étant nées ou ayant vécu sur les lieux depuis 1937.

Mme P, née 3 août 1937 atteste par exemple :

« Je suis née et vécut toute mon enfance et jusqu’à mon mariage dans la maison face à la cour commune au lieu dit « Le Gravier » à Bretoncelles ;
j’y ai gardé des attaches par mon frère décédé fin 2007 qui en était resté propriétaire.

J’ai donc par ces faits toujours connu cette cour commune et atteste que les accès de la maison de Mme X Y se situent sur cette cour. L’entrée principale s’effectuait par une porte fermière donnant dans une grande pièce avec cheminée. J’ai également souvenir qu’un soupirail se trouvait près de cette porte. J’ai également toujours connu les deux accès au grenier que j’affirme exister depuis plus de trente ans. »

Mme Q, née le XXX, déclare :

« Certifie avoir toujours vu la porte d’entrée donnant sur la cour commune ainsi que la porte de la remise et les portes des greniers, ayant vécu toute mon enfance dans la maison de Mme X
Y puisque j’y suis née.

La pièce donnant sur la cour commune était située au-dessus d’une cave dont la porte d’entrée donne dans la remise avec un soupirail au pied du perron (')

L’électricité payée est arrivée dans les années 1940-1949. »

Mme Q veuve R, née 21 août 1932, atteste ainsi :

« Pour avoir personnellement vécu dans l’habitation actuellement propriété de Mme X Y sise au lieu dit Le Gravier à Bretoncelles, j’affirme que les entrées dans cette habitation se sont toujours effectuées par la cour commune : par une porte fermière donnant directement dans une grande pièce située au dessus de la cave et un portail donnant dans une remise.

L’électricité a été installée par mon père dans la fin des années 1940 près de la porte de la remise. »

Mme S témoigne en ces termes :

« J’ai résidé au lieu-dit Le Gravier à
Bretoncelles entre 1968 et 2009. J’ai donc très bien connu la cour commune située entre les maisons de Mme Y et M. C .

De ce fait j’atteste que les accès à ces deux maisons se sont toujours effectués par la cour. Ceux de la propriété de Mme Y s’effectuaient d’une part par une porte fermière donnant sur une grande pièce à feu ; d’autre part par un portail donnant sur une remise.

En outre, j’ai toujours noté sur la maison de Mme Y deux ouvertures à l’étage et donnant sur

cette cour commune : une porte de grenier sans volet et une autre vitre ».

Mme Y est bien fondée à faire valoir que ces différentes servitudes n’ont été l’objet d’aucune contestation de la part des auteurs de M. C.

Si la porte fermière telle que décrite et permettant d’entrer directement dans la maison jusqu’en 2009 a pu être transformée en fenêtre, c’est à une époque non précisée et sans qu’il en résulte que le droit au passage en résultant était éteint par prescription lorsque Mme Y a fait faire en 2010 des travaux pour le rétablir.

Il résulte encore de ces différents témoignages que les signes apparents de servitude étaient encore présents au moment du remembrement qui a réalisé le dernier acte de partage de l’indivision subsistante en incluant la parcelle A 65 dans le périmètre de la nouvelle parcelle cadastrée ZI 32.

Il convient en conséquence de retenir qu’est établi le droit du propriétaire de la parcelle cadastrée ZI 33, sur le fonds cadastré ZI 32 :

— à une porte aveugle permettant l’entrée d’un véhicule automobile, et passage sur la parcelle ZI 32 du dit véhicule automobile,

— à l’implantation d’un compteur desservant la propriété en électricité, adossé au mur de son garage ;

— à une porte vitrée en verre martelé dit verre cathédrale à l’emplacement de la porte fermière, avec droit de passage permettant l’entrée dans la maison et pose de volet dès lors qu’il n’est ni allégué ni établi que ces volets réaliseraient un empiétement et qu’aucun élément ne permet de retenir que cette porte fermière était au moment de la division du fonds une porte vitrée ;

— à l’ouverture d’un soupirail au droit de la porte d’entrée ;

— deux ouvertures à l’étage en remplacement des portes de greniers, et de la même taille, en verre martelé dit verre cathédrale, aucun élément ne permettant de retenir que ces portes étaient vitrées au moment de la division du fonds, les dites ouvertures munies d’un dispositif d’ouverture à la française ;

aux emplacements des ouvertures visibles sur les photos produites par l’appelante (pièce 32 portant au verso la mention « 8'82 » et pièce 15 pour le soupirail).

Il n’est pas établi que l’état des lieux est tel que Mme Y ne puisse plus en user au sens des dispositions de l’article 703 du code civil, le changement de destination du grenier ou l’accès par l’intérieur de la maison étant indifférent à ce titre.

Mme Y est bien fondée à faire publier à ses frais la présente décision sur les registres de la publicité foncière pour garantir l’opposabilité des servitudes.

Le tout sans préjudice du respect du « tour d’échelle » expressément rappelé dans l’acte de division du fonds.

En conséquence de servitudes retenues, il n’y a pas lieu, ajoutant au jugement entrepris, de condamner Mme Y à boucher la porte du grenier la plus proche de la route et qu’il convient de l’infirmer en ce qu’il a condamné Mme Y à boucher les deux ouvertures donnant sur la propriété de M. C, savoir la porte-fenêtre remplaçant l’ancienne porte du grenier et la fenêtre du rez-de-chaussée (rétablie en tant que porte).

Faute d’établir que les volets posés sur la porte du rez-de-chaussée réaliseraient un empiétement, M.

C n’est pas bien fondé à demander leur enlèvement.

Aucune servitude ne sera retenue s’agissant de la lucarne du rez-de-chaussée, non mentionnée dans les attestations.

S’agissant du compteur d’eau et du droit de passage pour y accéder, il convient de relever que le compteur a été installé bien après la division initiale du fonds, dans les années 1973 – 1975 et il n’est pas établi qu’il remplace un droit opposable à l’ancienne fontaine.

Ne peut donc être invoqué le régime des servitudes par destination du père de famille et en conséquence aucune prescription acquisitive ne saurait être recherchée s’agissant, pour le droit au passage, d’une servitude discontinue.

Quant au compteur, implanté certes à une époque où le fonds était indivis, il constitue depuis le remembrement un empiétement sur la parcelle ZI 32. Aucune servitude opposable au propriétaire du fonds sur lequel il est installé ne peut résulter de sa seule mention dans le titre de Mme Y.

M. C est donc bien fondé à en demander le déplacement et le jugement entrepris doit être confirmé sous les modalités au dispositif.

Mme Y est pour sa part bien fondée à demander le déplacement du portail posé par M. C.

Lorsque le propriétaire du fonds servant manque à son obligation de ne rien faire qui tende à diminuer l’usage de la servitude ou à le rendre plus incommode, il doit supporter, à l’exclusion du propriétaire du fonds dominant, les travaux qui sont, par son fait, devenus nécessaires à l’exercice de la servitude.

Si le propriétaire réalise des travaux, ils doivent être supprimés lorsqu’ils font disparaître le passage ou le gênent tel qu’il est établi.

Tel est le cas en l’espèce du portail qui interdit à Mme Y d’entrer dans la maison par la porte dite fermière et aujourd’hui porte fenêtre.

Elle fait exactement valoir qu’elle subit un préjudice en raison des difficultés auxquelles elle s’est heurtée pour accéder à sa propriété en raison du portail posé par M. C.

S’agissant de l’entrée dans la partie habitation, la difficulté ne s’est rencontrée qu’après les travaux entrepris en 2010.

Il convient encore de relever qu’il s’agit d’une résidence secondaire et que M. C a été condamné à lui remettre un jeu de clefs pour lui permettre d’accéder au compteur d’eau.

En réparation du préjudice subi, il est justifié de lui allouer la somme de 1 500 euros.

Chacun succombant partiellement en ses prétentions, chacun sera condamné à conserver la charge des ses dépens et aucune indemnité ne sera allouée sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS :

La Cour, statuant publiquement et contradictoirement,

Réformant le jugement du tribunal de grande instance du 24 juin 2014 et y substituant en totalité le

présent dispositif :

Dit que commune de Brétoncelles (61) au lieu dit «
Le Gravier » la parcelle cadastrée ZI 32 est grevée, au profit de la parcelle cadastrée ZI 33, de servitudes s’exerçant par :

— le droit à l’ouverture d’une porte aveugle permettant l’entrée d’un véhicule automobile et passage sur la parcelle ZI 32 du dit véhicule automobile jusqu’au garage ;

— le droit à l’implantation d’un compteur desservant la propriété en électricité, adossé au mur du garage ;

— le droit à l’ouverture d’une porte avec vitrage en verre martelé dit verre cathédrale et pose de volets, avec droit de passage permettant l’entrée dans la maison ;

— à l’ouverture d’un soupirail au droit de la porte d’entrée ;

— le droit à deux ouvertures à l’étage (ouvertures à la française munies de verre martelé dit verre cathédrale) à l’emplacement des anciennes portes de grenier ;

Dit que les dispositions ci dessus de la présente décision seront publiées sur les registres de la publicité foncière aux frais et à la diligence de Mme Y ;

Condamne Mme Y à déplacer le compteur d’eau implanté sur la parcelle cadastrée section ZI 32 et ce dans un délai de 180 jours à compter de la signification de l’arrêt ;

La condamne, passé ce délai, à une astreinte de 10 euros par jour de retard, pendant une durée de 180 jours, au delà de laquelle il devra être à nouveau fait droit ;

Condamne M. C à rétablir le passage du propriétaire de la parcelle cadastrée ZI 33 jusqu’à la porte fenêtre ;

Le condamne en conséquence à déplacer le portail et ce dans un délai de 180 jours à compter de la signification de l’arrêt ;

Le condamne, passé ce délai, à une astreinte de 10 euros par jour de retard, pendant une durée de 180 jours, au delà de laquelle il devra être à nouveau fait droit ;

Dit que Mme Y pourra conserver la clef de ce portail pendant le délai nécessaire au déplacement du compteur et au plus tard jusqu’au terme du délai ci-dessus fixé, sauf prorogation dûment justifiée ;

Condamne M. C à verser à Mme Y la somme de 1 500 euros à titre de dommages et intérêts ;

Déboute les parties de leurs demandes d’indemnités présentées sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

Condamne les parties à conserver la charge de leurs dépens, de première instance et d’appel et dit qu’ils seront recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

LE GREFFIER P/ LE PRÉSIDENT
EMPÊCHÉ

A. CHESNEAU E SERRIN

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Cour d'appel de Caen, 15 novembre 2016, n° 14/03613