Cour d'appel de Caen, Chambre sociale section 3, 12 décembre 2019, n° 16/04831

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Caen, ch. soc. sect. 3, 12 déc. 2019, n° 16/04831
Juridiction : Cour d'appel de Caen
Numéro(s) : 16/04831
Décision précédente : Tribunal des affaires de sécurité sociale de Caen, 11 décembre 2016, N° 2011.0429
Dispositif : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Sur les parties

Texte intégral

AFFAIRE : N° RG 16/04831

N° Portalis DBVC-V-B7A-FXL6

Code Aff. :

ARRET N° C.P

ORIGINE : Décision du Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de CAEN en date du 12 Décembre 2016 – RG n° 2011.0429

COUR D’APPEL DE CAEN

Chambre sociale section 3

ARRÊT DU 12 DECEMBRE 2019

APPELANT :

Société ARBONIS, venant aux droits de la société SATOB CONSTRUCTION BOIS

Ayant son siège […]

[…]

Représentée par Me LAISNE, avocat au barreau de RENNES

INTIME :

Monsieur Y X

[…]

Comparant en personne, assisté de Me LEHOUX, avocat au barreau de CAEN

Madame A B, mandataire judiciaire à la Protection des Majeurs, curatrice de M. Y X

[…]

Représentée par Me Olivier LEHOUX, avocat au barreau de CAEN

CAISSE PRIMAIRE D’ASSURANCE MALADIE DU CALVADOS

[…]

[…]

Représentée par Monsieur DELAUNAY, mandaté

INTERVENANTE :

CAISSE PRIMAIRE D’ASSURANCE MALADIE DE L’ORNE

[…]

Représenté par Monsieur DELAUNAY, mandaté

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Mme CHAUX, Président de chambre,

M. LE BOURVELLEC, Vice-président placé, affecté à la cour par ordonnance de M. le premier président en date du 2 septembre 2019,

M. GANCE, Conseiller,

DEBATS : A l’audience publique du 07 novembre 2019

GREFFIER : Mme GOULARD

ARRÊT prononcé publiquement le 12 décembre 2019 à 14h00 par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinea de l’article 450 du code de procédure civile et signé par Mme CHAUX, président, et Mme GOULARD, greffier

La cour statue sur l’appel régulièrement interjeté par la société Arbonis venant aux droits de la société SATOB CONSTRUCTIONS BOIS d’un jugement rendu le 12 décembre 2016 par le tribunal des affaires de sécurité sociale de Caen dans un litige l’opposant à M. Y X assisté de sa curatrice, Mme A B, en présence de la caisse primaire d’assurance maladie du Calvados.

FAITS, PROCEDURE, PRETENTIONS DES PARTIES

Les faits de la cause ont été exactement exposés dans la décision déférée à laquelle il est fait expressément référence à cet égard .

Il suffit de rappeler que M. Y X, employé par la société Satob dans le cadre d’un contrat à durée déterminée en tant que charpentier, a été victime d’un accident du travail le 13 avril 2000 en chutant d’une nacelle d’une hauteur d’environ sept mètres alors qu’il travaillait à l’édification d’une charpente d’un hangar situé à Bordeaux.

La consolidation de ses blessures a été fixée au 21 juin 2002 avec un taux d’incapacité permanente de 10%.

La qualité de travailleur handicapé, classé catégorie B, lui a été reconnue par la Cotorep par décision du 10 octobre 2000.

Par arrêt du 20 décembre 2006, la cour nationale de l’incapacité et de la tarification des accidents du travail a attribué à M. X un taux d’incapacité permanente partielle de 70% à compter du 20 juin 2002.

Par jugement du 15 septembre 2014, le tribunal des affaires de sécurité sociale de Caen a:

— dit que l’accident du travail dont a été victime M. X le 13 avril 2000 a pour cause la faute inexcusable de la SA SATOB,

— fixé au maximum légal la majoration de la rente conformément à l’article L 452-2 du code de la sécurité sociale et dit qu’elle suivra le taux d’incapacité permanente partielle en cas d’aggravation de son état de santé,

— avant dire droit, ordonné une expertise,

— accordé à M. X une provision de 15 000 euros à valoir sur la réparation de ses préjudices

— dit que l’accident du travail et la faute inexcusable sont opposables à la SA SATOB,

— renvoyé M. X devant la caisse primaire d’assurance maladie du Calvados pour le paiement de la provision et de la majoration au maximum légal de la rente accident du travail,

— condamné la SA SATOB à payer à M. X la somme de 1500 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.

Par jugement du 12 décembre 2016, statuant après dépôt du rapport d’expertise, le tribunal des affaires de sécurité sociale de Caen a:

— rappelé que l’accident du travail est du à la faute inexcusable de l’employeur et que la rente allouée est fixée à son maximum,

— débouté M. X de sa demande d’indemnisation au titre de la perte de promotion professionnelle,

— fixé ses préjudices aux sommes suivantes:

* 40 000 euros pour les souffrances endurées,

* 2 000 euros pour le préjudice esthétique temporaire,

* 5 000 euros pour le préjudice esthétique permanent,

* 3 000 euros pour l’assistance à tierce personne,

* 4 114 euros pour le déficit fonctionnel temporaire,

* 100 00 euros pour les préjudices d’incidence professionnel et permanent exceptionnnel,

— renvoyé M. X devant la caisse primaire d’assurance maladie du Calvados pour le paiement de ses préjudices s’élevant à 154 114 euros, desquels devra être déduite la provision allouée ( 15 000 euros),

— dit que la SA SATOB sera tenue envers la caisse primaire d’assurance maladie du Calvados au remboursement de l’ensemble des préjudices réparés en application des articles L 452 -2 et L 452-3 du code de la sécurité sociale concernant exclusivement M. Y X,

— ordonné l’exécution provisoire partiellement à hauteur de la moitié des préjudices indemnisés,

— condamné la SA SATOB à payer à M. X la somme de 1 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

La société ARBONIS, venant aux droits de la société SATOB CONSTRUCTIONS BOIS, fait déposer et soutenir oralement par son conseil des conclusions aux termes desquelles elle demande à la cour d’infirmer le jugement déféré en ce qu’il a fixé les préjudices de M. X aux sommes suivantes:

* 40 000 euros, pour les souffrances endurées

* 100 000 euros pour les préjudices d’incidence professionnelle et permanent exceptionnel,

— de ramener à de plus justes proportions l’indemnisation des souffrances endurées

— de dire irrecevable et en tout cas mal fondée la demande de réparation du préjudice d’incidence professionnelle,

— de dire que M. X ne saurait prétendre à l’indemnisation d’un préjudice permanent exceptionnel,

— dire que la demande de réparation du préjudice d’établissement irrecevable et en tout état de cause mal fondée,

— dire que la caisse primaire d’assurance maladie ne pourra exercer son recours pour l’ensemble des préjudices desquels elle est tenue de faire l’avance dans la limite du taux de 10% d’incapacité permanente partielle,

— débouter M. X de son appel incident et confirmer les autres dispositions.

M. X et Mme A D, sa curatrice, font déposer et soutenir oralement par leur conseil des conclusions aux termes desquelles ils demandent à la cour:

— de dire recevable mais mal fondé l’appel de la société Arbonis,

— de dire l’appel incident de M. X et de sa curatrice recevable et bien fondé en son principe,

— réformer le jugement de première instance,

Statuant à nouveau,

— condamner la SASU SATOB à leur verser les sommes suivantes:

* 14 420 euros au titre de l’assistance tierce personne temporaire,

* 120 000 euros au titre des souffrances endurées

* 3 000 euros au titre du préjudice esthétique temporaire

* 15 000 euros au titre du préjudice esthétique permanent

* 100 000 euros au titre du préjudice de carrière ou de promotion professionnelle

* 150 000 euros au titre de l’incidence professionnelle

* 13 680 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire,

* 150 000 euros au titre du préjudice permanent exceptionnel

* 50 000 euros au titre du préjudice d’établissement

— déduire du montant de la liquidation du préjudice la provision de 15 000 euros

— le renvoyer devant la caisse primaire d’assurance maladie du Calvados pour la liquidation de ses droits,

— dire que la caisse primaire d’assurance maladie du Calvados sera tenue d’en faire l’avance à charge pour elle d’en récupérer les sommes auprès de l’employeur,

— condamner la SASU SATOB à lui verser la somme de 3 000 euros en cause d’appel sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens de l’instance.

La caisse primaire d’assurance maladie du Calvados fait déposer et soutenir oralement par son conseil des observations aux termes desquelles elle demande à la cour :

— d’ordonner sa mise hors de cause et de mettre en cause la caisse primaire d’assurance maladie de l’Orne, M. X étant désormais domicilié dans ce département

— de confirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions notamment le droit de recours de la caisse sauf à préciser au dispositif que c’est à la caisse primaire d’assurance maladie de l’Orne d’exécuter la décision.

Elle ajoute qu’eu égard au jugement déféré, l’exécution provisoire a été assurée par la caisse primaire d’assurance maladie du Calvados à laquelle la caisse primaire d’assurance maladie de l’Orne rétrocédera les fonds une fois l’arrêt rendu.

La caisse précise en outre que seul le taux d’IPP de 10% sera opposable à l’employeur.

Il est fait référence aux écritures ainsi déposées de part et d’autre pour un plus ample exposé des moyens proposés par les parties au soutien de leurs prétentions .

SUR CE, LA COUR,

En application de l’article L 452-1 du code de la sécurité sociale lorsque l’accident est dû à la faute inexcusable de l’employeur ou de ceux qu’il s’est substitué dans la direction, la victime ou ses ayants droit ont droit à une indemnisation complémentaire.

En application de l’article L 452-3 du même code,la victime a le droit de demander à l’employeur devant la juridiction de sécurité sociale la réparation du préjudice causé par les souffrances physiques et morales par elle endurées, de ses préjudices esthétiques et d’agrément ainsi que celle du préjudice résultant de la perte ou de la diminution de ses possibilités de promotion professionnelle.

Il résulte de la réponse donnée le 18 juin 2010 par le Conseil Constitutionnel à une question prioritaire de constitutionnalité (décision n°2010-8) que la victime de l’accident du travail ou de la maladie professionnelle découlant de la faute inexcusable de l’employeur peut demander sur le fondement de l’article L 452-3 précité devant la juridiction de la sécurité sociale la réparation d’autres chefs de préjudice que ceux énumérés par ce texte, mais à la condition que ces préjudices ne soient pas déjà couverts par le livre IV du code de la sécurité sociale.

Il ressort du rapport d’expertise que M. X a subi de multiples lésions en relation directe et certaine avec l’accident du travail:

— un traumatisme crânien, un impact fronto- pariéto- temporal droit,

— une embarrure frontale droite,

— un hématome extra- […],

— une contusion frontale, évacuation de son hématome extra dural et pose d’un capteur de Pic ( sonde de De Martell)

Par la suite, une aggravation fera réaliser l’évacuation de son hématome frontal droit,

— un traumatisme facial, avec hématome en lunettes et exophtalmie bilatérale,

— une fracture de la base du crâne, associée à une fracture du malaire droit, de la paroi antérieure du sinus maxillaire gauche, de l’ethmoîde et du sphénoïde.

Il n’y a pas d’état antérieur.

1) Souffrances endurées :

Le tribunal a fixé l’indemnisation de ce poste de préjudice à 40 000 euros.

La société Arbonis demande qu’elle soit ramenée à de plus justes proportions, la somme allouée n’étant pas justifiée au regard des conclusions de l’expert judiciaire.

M. X demande qu’elle soit portée à 120 000 euros faisant valoir qu’au delà de la prise en charge médicale, il subit des perturbations d’ordre psychologique dans la vie courante telles son défaut d’initiative dans les tâches de la vie quotidienne, sa difficulté à s’organiser. Il ajoute qu’il a subi de multiples opérations suivies d’une période de déshérence en relation directe et certaine avec les circonstances de son accident, que l’évaluation à 4,5/7 faite par l’expert est minimale, que son préjudice moral est majoré en considération de sa solitude de plusieurs années et prégnante jusqu’à sa date de consolidation fixée au 21 juin 2002.

La caisse conclut à la confirmation du jugement déféré.

L’article L 452 -3 alinéa 1 du code de la sécurité sociale dispose que la victime a le droit de demander à l’employeur devant la juridiction de sécurité sociale la réparation du préjudice causé par les souffrances physiques et morales endurées.Sont réparables en application de ces dispositions les souffrances physiques et morales non indemnisées au titre du déficit fonctionnel permanent.

Il est établi que M. X a subi de très graves lésions à la suite de son accident et notamment un traumatisme crânien, des complications liées à l’aggravation d’un hématome frontal, une fracture du poignet droit avec dislocation, des interventions chirurgicales dont la dernière de la cornée a donné lieu à un rejet de greffe et des hospitalisations avec présence d’éléments évasifs de soins tels que des sondes. Ces lésions ont été à l’origine de souffrances physiques que l’expert a évalué à 4,5/7

L’importance et la nature des lésions sont de nature à générer un préjudice moral.

En revanche, la gêne dans les activités de la vie courante alléguée par M. X, est prise en compte, avant consolidation, au titre du déficit fonctionnel temporaire et après consolidation, au titre du déficit fonctionnel permanent mais pas au titre des souffrances endurées.

Par ailleurs, il n’est pas établi que les périodes de déshérence qui ont suivi ses multiples inteventions chirurgicales soient en relation directe et certaine avec l’accident .

Au regard de ces éléments, il convient de ramener l’indemnisation de ce poste de préjudice à la somme de 15 000 euros.

Le jugement entrepris sera infirmé de ce chef.

2) Déficit fonctionnel temporaire:

L’expert judiciaire a retenu les périodes suivantes:

— Déficit fonctionnel temporaire total:

* du 13 avril 2000 au 4 août 2000 (110 jours) et du 7 juin 2002 au 14 juin 2002 (8 jours)

— déficit fonctionel temporaire partiel de classe II soit 25% :

* du 5 août 2000 au 6 juin 2002 ( 670 jours ) et du 15 au 21 juin 2002 ( 6 jours ).

Le tribunal a retenu un taux journalier de 22 euros.

M. X demande qu’il soit porté à 30 euros par jour et considère que le déficit fonctionnel temporaire de classe II correpond à 50% .

La société Arbonis demande la confirmation du jugement entrepris.

Le déficit fonctionnel temporaire n’est pas couvert par les indemnités journalières et inclut pour la période antérieure à la consolidation, l’incapacité fonctionnelle totale ou partielle, le temps d’hospitalisation, les pertes de qualité de vie ainsi que des joies usuelles de la vie courante durant la maladie. La base journalière de 25€ sera retenue.

En conséquence, son préjudice sera évalué comme suit, le déficit classe II correspondant à 25%: :

— déficit fonctionnel temporaire total : 118 jours x 25 euros = 2950 euros

— déficit fonctionnel temporaire partiel de classe II soit 25% = 676 jours x 25 euros x 25% = 4225 euros

soit un total de 7175 euros.

Le jugement entrepris sera infirmé de ce chef.

3) assistance tierce personne temporaire:

Le tribunal a accordé à M. X la somme de 3 000 euros, représentant 300 heures à 10 euros, soulignant que, bien que non évoquée lors de l’expertise médicale, cette aide temporaire apparaît évidente.

M. X demande aujourd’hui 14 4220 euros à ce titre représentant :

— deux heures par jour pendant 118 jours de déficit fonctionnel temporaire total

—  5 heures par semaine, pendant les 676 jours correspondant au déficit fonctionnel temporaire partiel, au taux horaire de 20 euros.

La société Arbonis rétorque que sa demande est excessive, que M. X n’avait pas besoin d’une assistance pendant les périodes d’hospitalisation puisqu’il était totalement pris en charge par l’hôpital, qu’il ne produit aucune pièce à l’appui de sa demande, qu’il a repris un travail en tant que charpentier d’atelier sur un poste adapté le 1er décembre 2001.

Ce chef de préjudice n’a pas à être réduit en cas de recours à un membre de la famille, ni subordonné à la production de justificatifs de dépenses effectives.

C’est par une juste appréciation des éléments qui leur ont été soumis que les premiers juges ont estimé que M. X avait nécessairement eu besoin de l’aide d’un tiers avant consolidation pour lui

prêter assistance y compris pendant et après les périodes d’hospitalisation et qu’ils ont apprécié cette aide à hauteur de 300 heures.

En revanche, le taux horaire doit être réévalué à 17 euros, ce qui porte l’indemnisation à 5100 euros.

Le jugement entrepris sera infirmé de ce chef.

4) Préjudice esthétique temporaire

Ce préjudice a été estimé par les premiers juges à 2000 euros .

M. X demande qu’il soit évalué à 3 000 euros, son aspect physique au niveau du visage ayant été changé avant consolidation.

La société Arbonis demande la confirmation du jugement entrepris.

L’expert a estimé ce préjudice à 4/7 pendant trois mois, M. X ayant subi deux interventions neuro chirurgicales successives, été placé en réanimation, intubé, ventilé quelques jours, opéré de sa fracture radiale ( broche et attelle). Il présentait en outre les stigmates de son choc facial à l’origine des fractures et il a été l’objet de soins ophtalmologiques.

Au regard de ces éléments, il convient de confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a indemnisé ce préjudice à hauteur de 2000 euros .

5) Préjudice esthétique permanent:

Le tribunal a accordé à M. X à ce titre la somme de 5 000 euros.

Il demande devant la cour la somme de 15 000 euros exposant qu’il est marqué à vie par l’accident notamment au niveau du crâne, par une cicatrice et un asymétrie de la boîte crânienne dont les incidences esthétiques sont tout aussi significatives qu’inhabituelles, outre une cicatrice au niveau du poignet droit.

La société Arbonis conclut au caractère excessif de la demande présentée par rapport à la jurisprudence habituelle.

L’expert, qui retient un préjudice de 2/7, souligne que M. X conserve une cicatrice sur le cuir chevelu, une légère déformation de la voûte cranienne et des cicatrices au poignet droit.

Au regard de ces éléments, il convient de confirmer le montant de l’indemnisation fixé par les premiers juges.

6) Perte de chance de promotion professionnelle

Les premiers juges ont rejeté cette demande.

M. X sollicite la somme de 100 000 euros faisant valoir qu’il n’a jamais pu retravailler dans des conditions normales, que depuis 2007, il multiplie les stages de formation sans véritable perspective d’emploi, que toute évolution de carrière apparaît compromise, qu’il avait 26 ans au jour de l’accident et qu’il lui sera particulièrement difficile de retrouver une activité professionnelle.

La société Arbonis s’y oppose au motif qu’aucun élément ne permet d’établir qu’il aurait progressé sur le plan professionnnel s’il n’avait pas eu son accident du travail.

L’indemnité au titre de la perte de chance de promotion professionnelle suppose la démonstration que l’accident a privé la victime de perspectives réelles et concrètes d’obtenir un poste mieux qualifié ou rémunéré.

Il appartient au salarié d’établir qu’il aurait eu, au jour de l’accident, de sérieuses chances de promotion professionnelle.

M. X ne fait état d’aucun élément à l’appui de sa demande. Celle ci sera rejetée.

Le jugement entrepris sera confirmé de ce chef.

7) Sur l’incidence professionnelle et le préjudice permanent exceptionnel

Les premiers juges ont accordé à M. X une somme de 100 000 euros au titre de l’incidence professionnelle et du préjudice permanent exceptionnel, pris ensemble, au motif qu’à la suite de son accident du travail, M. X qui était seulement âgé de 27 ans n’a plus été en mesure de reprendre ou de poursuivre une activité professionnelle à temps complet dans le bâtiment, que la rente majorée qui indemnise forfaitairement les pertes de gains professionnels, l’incidence professionnelle et le déficit fonctionnel permanent , ne couvre pas les difficultés de réinsertion, la dévalorisation sur le marché du travail ou encore la diminution des performances invoquée par l’intéressé et qui sont parfaitement tangibles au stade du début de sa carrière professionnelle.

La société Arbonis sollicite l’infirmation du jugement déféré en ce qu’il a fait droit à cette demade exposant qu’il s’agit de deux préjudices distincts qui ont pour objet de réparer des dommages différents, qu’ils doivent donc donner lieu à une indemnisation distincte et ne peuvent être pris ensemble, que la rente accident du travail indemnise le déficit fonctionnel permanent, les pertes de gains professionnels et l’incidence professionnelle de l’incapacité, que M. X a obtenu une rente d’incapacité permanente de sorte qu’il est irrecevable en sa demande de réparation du préjudice au titre de l’incidence professionnelle, que ce poste de préjudice n’a pas été retenu par l’expert, et enfin que sa demande n’est pas fondée en ce qu’au moment de l’accident du travail, il travaillait au sein de la société Satob dans le cadre d’un contrat de travail à durée déterminée conclu à compter du 7 février 2000.

M. X sollicite à ce titre la somme de 150 000 euros alléguant qu’il s’agit ici d’indemniser l’impact de l’accident sur la vie professionnelle, le fait de renoncer à un projet professionnel, les difficultés de réinsertion, la dévalorisation sur le marché du travail, la perte de sens professionnnel, l’augmentation de la pénibilité de l’emploi , la perte totale ou partielle des droits à la retraite.

La rente majorée qui présente un caractère viager, servie en application de l’article L 452-2 du code de la sécurité sociale à M. X victime d’un accident du travail dû à la faute inexcusable de son employeur, répare la perte des gains professionnels résultant de l’incapacité permanente partielle qui subsiste au jour de la consolidation, le préjudice professionnel, notamment celui lié au déclassement, le retentissement professionnel de l’incapacité résultant de l’accident du travail et la perte des droits à la retraite.

Etant déjà indemnisée par la rente, l’incidence professionnelle ne peut donner lieu à une réparation distincte sur le fondement de l’article L 452 -3 du code de la sécurité sociale.

Cette demande sera, par voie d’infirmation, rejetée.

8) sur le préjudice permanent exceptionnel:

Les premiers juges ont accordé à M. X une somme de 100 000 euros au titre de l’incidence professionnelle et du préjudice permanent exceptionnel, pris ensemble.

M. X fait valoir que l’accident est à l’origine d’une désocialisation majeure, de plusieurs années de déshérence, d’une marginalisation de son existence avec des répercussions auprès de son entourage familial, amical, caractérisant un préjudice permanent exceptionnel atypique, directement lié à son handicap permanent.

La société Arbonis conclut au rejet de cette demande, en l’absence de circonstances particulières qui motiveraient l’indemnisation de ce préjudice.

Le préjudice permanent exceptionnel est directement lié au handicap permanent qui prend une résonance particulière pour certaines victimes en raison soit de leur personne, soit des circonstances et de la nature du fait dommageable notamment de son caractère collectif pouvant exister lors de catastrophes naturelles ou industrielles ou d’attentats.

M. X ne justifie d’aucun élément de nature à établir de la réalité du préjudice qu’il prétend avoir subi.

Sa demande doit donc être rejetée. Le jugement entrepris sera infirmé.

9) Sur le préjudice d’établissement

M. X sollicite une somme de 5 000 euros de ce chef exposant qu’il est particulièrement démuni pour accepter son handicap dont le préjudice esthétique est jugé sérieux par l’expert judiciaire, qu’il présente des troubles sévères de l’humeur ayant une incidence sur sa vie sociale et personnelle,que l’expert a d’ailleurs noté qu’il avait très peu de relation sociale et pas d’amie.

La société Arbonis conclut à titre principal, à l’irrecevabilité de cette demande présentée pour la première fois devant la cour et à titre subsidiaire, à son rejet comme étant mal fondée.

Cette demande, qui tend à la réparation du préjudice subi à la suite de l’accident du travail dont a été victime M. X, tend aux mêmes fins que celles soumises aux premiers juges et n’est donc pas nouvelle au sens des dispositions des articles 564 et 565 du code de procédure civile.

Le préjudice d’établissement consiste en la perte d’espoir et de chance de réaliser un projet de vie familiale en raison de la gravité du handicap.

L’expert relève ,à 15 ans de l’accident, que M. X présente un assez bon état général apparent.

Il n’a pas été constaté ni de préjudice sexuel ni de préjudice d’agrément. La mère de M. X fait référence à l’existence d’une compagne en 2005.

M. X ne produit aucune pièce récente de nature à justifier du bien fondé de sa demande.

Celle ci sera donc rejetée.

En conséquence, le préjudice subi par M. X est fixé à la somme de 34 275 euros dont il convient de déduire la provision de 15 000 euros qui lui a été allouée par jugement du 15 septembre 2014.

Sur le recours de la caisse primaire d’assurance maladie :

M. X étant désormais domicilié dans le département de l’Orne, il convient d’ordonner la mise hors de cause de la caisse primaire d’assurance maladie du Calvados et de constater la mise en cause de la caisse primaire d’assurance maladie de l’Orne.

L’exécution provisoire ordonnée par jugement du 12 décembre 2016, ayant été assurée par la caisse

primaire d’assurance du Calvados, la caisse primaire d’assurance maladie de l’Orne rétrocédera les fonds à la caisse primaire d’assurance maladie du Calvados, lorsque la présente décision sera rendue.

C’est donc la caisse primaire d’assurance maladie de l’Orne qui fera l’avance des fonds alloués à M. X conformément à l’article L 452 – 3 du code de la sécurité sociale.

La caisse primaire d’assurance maladie de l’Orne pourra, après rétrocession à la caisse primaire d’assurance maladie du Calvados des fonds que celle – ci a versés au titre de l’exécution provisoire accordée par le jugement du 12 décembre 2016, récupérer auprès de la société société Arbonis venant aux droits de la société Satob Construction bois, les frais d’expertise, la provision et les autres sommes allouées à M. X dans le cadre de la faute inexcusable.

Sur l’étendue du recours de la caisse primaire d’assurance maladie de l’Orne:

Le taux d’incapacité permanente partielle, initialement attribué à M. X de 10% et sur la base duquel a été calculée à l’origine la rente allouée à ce dernier, reste acquis à l’employeur. Le taux d’IPP ultérieurement revalorisé à 70% par la cour nationale de l’incapacité et de la tarification de l’assurance des accidents du travail par décision du 20 décembre 2006 n’est pas opposable à l’employeur.

La réduction du taux d’IPP n’a aucune incidence sur le recours de la caisse s’agissant de l’indemnisation des préjudices complémentaires retenus, les éventuelles conséquences d’une diminution du taux d’IPP dans les rapports avec la caisse ne peuvent porter en matière de faute inexcusable que sur la majoration de rente.

Le débiteur de la majoration de rente n’est pas l’employeur mais la caisse primaire d’assurance maladie qui dispose uniquement d’un recours en remboursement à l’encontre de l’employeur s’agissant de la majoration de la rente, en application du dernier alinéa de l’article L 452- 2 du code de la sécurité sociale.

En l’espèce, seul le taux d’IPP de 10 % est opposable à l’employeur et le recours de la caisse primaire d’assurance maladie à l’encontre de l’employeur se fera sur la base de ce taux.

Sur l’article 700 du code de procédure civile et les dépens:

L’équité commande d’allouer à M. X la somme de 2000 euros en application de ces dispositions, dont le paiement sera mis à la charge de la société Arbonis.

La société Arbonis, venant aux droits de la société Satob Construction Bois, qui succombe sera condamnée aux dépens d’appel.

PAR CES MOTIFS,

La cour,

Confirme le jugement entrepris en ce qu’il a:

— débouté M. X de sa demande présentée au titre de la perte de chance de promotion professionnelle,

— indemnisé le préjudice esthétique temporaire à 2 000 euros

— indemnisé le préjudice esthétique permanent à 5 000 euros

L’infirme pour le surplus,

Et statuant à nouveau ,

Fixe comme suit les préjudices subis par M. Y X:

— souffrances endurées: 15 000 euros

— déficit fonctionnel temporaire: 7175 euros

— assistance tierce personne temporaire: 5100 euros

Rejette les demandes présentées au titre:

— de l’incidence professionnelle

— du préjudice permanent exceptionnnel

— du préjudice d’établissement,

Fixe le préjudice subi par M. Y X à la somme de 34 275 euros dont il convient de déduire la provision de 15 000 euros qui lui a été allouée par jugement du 15 septembre 2014,

Ordonne la mise hors de cause de la caisse primaire d’assurance maladie du Calvados,

Constate la mise en cause de la caisse primaire d’assurance maladie de l’Orne,

Dit que la caisse primaire d’assurance maladie de l’Orne rétrocédera à la caisse primaire d’assurance maladie du Calvados les fonds que cette dernière a versés en exécution du jugement rendu le 12 décembre 2016 par le tribunal des affaires de sécurité sociale de Caen,

Dit que la caisse primaire d’assurance maladie de l’Orne fera l’avance des fonds alloués à M. X conformément à l’article L 452 – 3 du code de la sécurité sociale,

Dit que la caisse primaire d’assurance maladie de l’Orne pourra récupérer auprès de la société société Arbonis, venant aux droits de la société Satob Construction bois, les frais d’expertise, la provision et les autres sommes allouées à M. X dans le cadre de la faute inexcusable et condamne au besoin la société Arbonis venant aux droits de la société Satob construction bois à rembourser ces sommes à la caisse primaire d’assurance maladie de l’Orne,

Dit que seul le taux d’IPP de 10 % est opposable à la société Arbonis venant aux droits de la société Satob construction bois et que le recours de la caisse primaire d’assurance maladie de l’Orne à l’encontre de la société Arbonis venant aux droits de la société Satob Construction Bois s’exercera dans la limite de ce taux s’agissant de la majoration de la rente,

Condamne la société Arbonis,venant aux droits de la société Satob construction bois :

— à payer la somme de 2000 euros à M. X en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

— aux dépens d’appel.

LE GREFFIER LE PRESIDENT

E. GOULARD C. CHAUX

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Cour d'appel de Caen, Chambre sociale section 3, 12 décembre 2019, n° 16/04831