Cour d'appel de Chambéry, 3 juillet 2014, n° 13/01788

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Chambéry, 3 juill. 2014, n° 13/01788
Juridiction : Cour d'appel de Chambéry
Numéro(s) : 13/01788
Décision précédente : Tribunal d'instance de Bonneville, 2 juillet 2013, N° 11/12/470

Sur les parties

Texte intégral

COUR D’APPEL de CHAMBÉRY

2e Chambre

Arrêt du Jeudi 03 Juillet 2014

RG : 13/01788

ET/SD

Décision déférée à la Cour : Jugement du Tribunal d’Instance de BONNEVILLE en date du 03 Juillet 2013, RG 11/12/470

Appelants

M. I Y

né le XXX à LONDRES (GRANDE-BRETAGNE)

et

Mme C D épouse Y

née le XXX à XXX,

demeurant ensemble XXX

assistés de la SCP BOLLONJEON ARNAUD BOLLONJEON, avocats postulants au barreau de CHAMBERY et Me Laurence BORNENS de la SELARL IXA, avocat plaidant au barreau d’ANNECY,

Intimée

Melle Z B née le XXX à XXX venant aux droits de la société PARTIMMO SAS de Q R S ayant son siège 2 Via Fletre 32100 BELLUNO – ITALIE -

XXX

assistée de Me Clarisse DORMEVAL, avocat postulant au barreau de CHAMBERY, et Me Laurence CRESSIN BENSA, avocat plaidant au barreau de NICE

— =-=-=-=-=-=-=-=-

COMPOSITION DE LA COUR :

Lors de l’audience publique des débats, tenue le 20 mai 2014 avec l’assistance de Madame Sylvie DURAND, Greffier,

Et lors du délibéré, par :

— Madame Evelyne THOMASSIN, Conseiller faisant fonction de Président, à ces fins désignée par ordonnance de Monsieur le Premier Président et qui a procédé au rapport

— Monsieur Franck MADINIER, Conseiller,

— Monsieur Gilles BALAY, Conseiller,

— =-=-=-=-=-=-=-=-=-

Faits, procédure et prétentions des parties :

Monsieur I Y et madame C D, son épouse, sont propriétaires de deux appartements dans la résidence 'La Ferme des Praz’ à Chamonix Mont Blanc. Cette résidence est mitoyenne de celle de madame Z B. Plusieurs arbres sont implantés sur le terrain de celle ci, et les époux Y se plaignent d’une perte de vue et de luminosité dans leurs logements.

Une mesure d’expertise judiciaire a été ordonnée le 9 juillet 2008 en référé avec désignation de monsieur M X qui a déposé son rapport le 19 octobre 2010.

Le Tribunal d’instance de Bonneville le 3 juillet 2013 a :

— déclaré les époux Y irrecevables à agir contre madame Z B sur le fondement des articles 671, 672, 673 et suivants du code civil,

— déclaré les époux Y recevables à agir sur le fondement de l’article 1382 du code civil,

— les a déboutés de leurs demandes,

— les a condamnés à payer une somme de 1 500 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, les a condamnés aux dépens.

Les époux Y ont fait appel de la décision par déclaration au greffe le 29 juillet 2013.

Leurs moyens et prétentions étant exposés dans des conclusions du 25 février 2014, ils demandent à la cour de :

— infirmer la décision déférée,

Statuant à nouveau,

— homologuer le rapport d’expertise de monsieur X,

— dire que la projection au sol de l’emprise de chaque houppier sera limitée aux pointillés rouges figurant au plan de l’annexe 3 du rapport de l’expert,

— dire que la taille et l’élagage des arbres visés dans le rapport d’expertise devront intervenir dans le mois de la signification de la décision et passé ce délai sous astreinte de 500 € par jour de retard,

— re-missionner l’expert afin qu’il actualise son rapport pour tenir compte de la pousse des arbres litigieux depuis 3 ans, et établisse après taille un constat de bonne fin,

— condamner madame B à payer une somme de 4000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, et à supporter les dépens avec distraction au profit de la SCP Bollonjeon Arnaud Bollonjeon.

Ils indiquent être confrontés à un véritable mur végétal à feuillage persistant qui les prive tout au long de l’année de vue et de lumière, ce qu’ils considèrent comme des troubles du voisinage. Ils soutiennent l’existence d’une responsabilité sans faute, sur le fondement des articles 672 et suivants du code civil et la parfaite recevabilité de leur demande en tant que co-propriétaires pour exercer des actions qui concernent la jouissance de leur lot privatif. Ils rappellent que le point de départ de la prescription pour les végétaux est la date à laquelle ils ont dépassé la hauteur maximum permise, de sorte que le hêtre, fut il planté depuis environ 30 ans, doit tout de même être élagué. Il est de toute façon obligatoire pour un propriétaire d’entretenir la taille de ses végétaux. De plus, indépendamment des distances et hauteur de plantation, il existerait un trouble anormal du voisinage en raison de la présence de cet écran végétal important qui les prive de vue et d’ensoleillement. La vue sur le Mont Blanc aurait été déterminante de leur achat immobilier, elle est aujourd’hui gravement atteinte.

Ses moyens et prétentions étant exposés dans des conclusions du 25 avril 2014, madame Z B sollicite de la cour qu’elle :

— confirme le jugement déféré,

— déclare les époux Y irrecevables en leurs demandes, sur l’article 671 du code civil,

— les déclare irrecevables en leurs demandes nouvelles tendant à re-missionner l’expert judiciaire,

— constate que les arbres ont plus de 30 ans,

— déclare prescrite les demandes des époux Y,

— les déboute de toutes prétentions,

— les condamne à lui verser une somme de 4500 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, les condamne aux dépens avec distraction au profit de Me Dormeval. Le hêtre, compte tenu de son lieu d’implantation, à 1.76 m de la limite de propriété, n’influencerait que peu la luminosité dans l’appartement des appelants. Les époux Y qui ne sont que co-propriétaires, ne seraient pas recevables à invoquer l’article 671 du code civil qui n’est ouvert qu’aux propriétaires. Or, la copropriété ne leur aurait donné aucun mandat. Seul le syndicat des copropriétaires serait propriétaire des parties communes. Ils ne justifieraient pas avoir informé le syndic de leur demande au sens de l’article 15 de la loi du 10 juillet 1965. Les distances de plantation seraient respectées pour des arbres au demeurant trentenaires. Concernant les troubles du voisinage, les appartements ont été construits il y a une dizaine d’années et les arbres existaient à cette époque sans que la détérioration de la vue ne soit établie.

L’ordonnance de clôture a été prononcée le 25 avril 2014.

Motivation de la décision :

* sur la recevabilité de l’action au regard de l’article 672 du code civil :

Cette action est ouverte au propriétaire ou à l’usufruitier du bien.

Il ressort de l’article 15 de la loi du 10 juillet 1965, que le syndicat a qualité pour agir en justice, tant en demande qu’en défense en vue de la sauvegarde des droits afférents à l’immeuble, mais que tout copropriétaire peut néanmoins exercer seul les actions concernant la propriété ou la jouissance de son lot, à charge d’en informer le syndic.

Il n’est pas prévu de sanction au manquement du copropriétaire qui n’informerait pas le syndic de son action mais cependant, comme l’a retenu le premier juge, à la différence de ce qui concernerait leur lot en propriété ou jouissance, les époux Y qui ne disposent selon leur titre de propriété que de 610/10 000ème du sol et des parties communes générales de l’immeuble en copropriété, ne peuvent agir seuls en justice, sans l’aval des autres copropriétaires alors que leur lot, composé d’un appartement au 1er étage, d’une cave et d’un parking n’est pas directement et seul concerné par les distances de plantations des arbres, le jardin étant propriété de l’ensemble de la copropriété.

Ils seront donc déclarés non recevables en leurs demandes fondées sur l’article 672 du code civil.

* sur les troubles anormaux du voisinage :

Les époux Y sont par contre recevables à demander en raison du trouble qu’ils subissent dans l’occupation de leur logement, même sans la démonstration d’une faute contrairement à ce qu’a jugé le premier juge, à invoquer une perte d’ensoleillement, de luminosité et à réclamer qu’une solution soit mise en oeuvre de ce chef, si toutefois, leur demande est fondée.

La proximité des arbres, leur taille importante occasionne pour l’appartement du premier étage effectivement une perte de luminosité, mais le trouble n’est excessif dans une région de montagne que dans la mesure où il va au delà des contraintes normales du voisinage et du contexte d’implantation et de vie sur place. Les arbres ont une trentaine d’années, ils avaient une vingtaine d’années à l’époque de construction de la copropriété. Leur croissance était prévisible mais il est cependant établi par les éléments du dossiers qu’ils empiètent sur le jardin voisin et en cela, par cette avancée, aggravent la perte de luminosité pour l’appartement du premier étage et qu’un élagage tel que préconisé par l’expert judiciaire permettrait de laisser passer davantage de lumière sans inconvénient pour la santé des arbres qui sont robustes et en bonne santé. Cette demande d’élagage ne peut être atteinte par la prescription. Il y sera fait droit.

* sur la demande de nouvelle expertise :

Selon l’article 564 du code de procédure civile est irrecevable devant la cour d’appel la nouvelle prétention si ce n’est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l’intervention d’un tiers ou de la survenance ou la révélation d’un fait.

Cette interdiction ne concerne cependant pas les moyens de preuve et les mesures d’instruction, qui ne sont pas des prétentions au sens strict mais apparaissent comme un moyen d’établir le bien fondé d’une demande.

Les époux Y seront donc déclarés recevables en leur demande de nouvelle expertise mais non fondés à l’obtenir, dès lors que par la mise en oeuvre de la présente décision, et l’homologation du rapport d’expertise, il sera mis fin aux troubles anormaux du voisinage et compensé ainsi la pousse des arbres qui a pu intervenir durant le temps de la procédure. Pas davantage n’est il opportun de confier une mission de bonne fin au même expert, alors que le non respect des préconisations expertales à le supposer existant dans l’avenir, pourra être constaté aisément sans nécessité de connaissance technique particulière, ce qui rend inutile le recours à un sapiteur.

* sur les autres demandes :

Il est inéquitable de laisser à la charge des époux Y les frais irrépétibles engagés dans l’instance, une somme de 1 000 € leur sera accordée sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

La partie perdante supporte les dépens, ils seront donc à la charge de madame B qui succombe en appel.

Par ces motifs :

La Cour, après en avoir délibéré, statuant publiquement, par décision contradictoire,

CONFIRME la décision déférée en ce qu’elle a déclaré irrecevable la demande des époux Y sur le fondement des articles 671 à 673 du code civil mais recevable celle fondée sur les troubles du voisinage,

LA REFORME pour le surplus,

Statuant à nouveau,

HOMOLOGUE le rapport d’expertise de monsieur X,

ORDONNE que les branches de tous les arbres jouxtant la limite de propriété entre celle appartenant à madame B et celle de la résidence 'la ferme des praz’ en face de l’appartement Y, soient élaguées afin de supprimer totalement le survol et l’empiétement des branches au dessus du terrain de la copropriété et également de créer un espace libre de toute branche, d’un mètre de large au moins entre chaque arbre, depuis le sol et sans limite de hauteur en s’inspirant, pour l’emprise de chaque houppier, des propositions faites par l’expert, monsieur X sur le plan qui constitue l’annexe 3, en vue d’un équilibrage des branches ôtées,

Ce sous astreinte de 10 € par jour de retard, passé le délai de deux mois à compter de la signification de la présente décision,

CONDAMNE madame B à payer à monsieur et madame Y une somme de 1 000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

DÉBOUTE les parties de leurs autres demandes,

CONDAMNE madame B aux dépens avec distraction au profit de la SCP Bollonjeon Arnaud Bollonjeon.

Ainsi prononcé publiquement le 03 juillet 2014 par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de Procédure Civile, et signé par Madame Evelyne THOMASSIN, Conseiller faisant fonction de Président et Madame Sylvie DURAND, Greffier.

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