Cour d'appel de Chambéry, 19 mai 2016, n° 15/01445

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Chambéry, 19 mai 2016, n° 15/01445
Juridiction : Cour d'appel de Chambéry
Numéro(s) : 15/01445
Décision précédente : Tribunal de grande instance de Bonneville, 10 mai 2015, N° 12/00926

Sur les parties

Texte intégral

COUR D’APPEL de CHAMBÉRY

2e Chambre

Arrêt du Jeudi 19 Mai 2016

RG : 15/01445

XXX

Décision déférée à la Cour : Jugement du Tribunal de Grande Instance de BONNEVILLE en date du 11 Mai 2015, RG 12/00926

Appelante

SA DRAGONNE, dont le siège social est sis XXX – SUISSE prise en la personne de son représentant légal

assistée de Me I J de la SCP N J, avocat au barreau de CHAMBERY

Intimés

Me C A demeurant 20 boulevard du Lycée – 74000 ANNECY es qualité de liquidateur judiciaire de la SA SAVANA INVESTMENT dont le siège social est sis Place des Philosophes 18 – 1205 GENEVE – SUISSE prise en la personne de son représentant légal

assisté de Me Sabrina BOUZOL de la SCP LAPORTE & BOUZOL, avocat postulant au barreau de CHAMBERY, et Me Samuel BECQUET, avocat plaidant au barreau de LYON

— =-=-=-=-=-=-=-=-

COMPOSITION DE LA COUR :

Lors de l’audience publique des débats, tenue en double rapporteur, sans opposition des avocats, le 22 mars 2016 par Monsieur Gilles BALAY, Conseiller faisant fonction de Président, à ces fins désignée par ordonnance de Monsieur le Premier Président, qui a entendu les plaidoiries, en présence de Monsieur Franck MADINIER, Conseiller, avec l’assistance de Madame Sylvie DURAND, Greffier,

Et lors du délibéré, par :

— Madame Evelyne THOMASSIN, Conseiller faisant fonction de Président,

— Monsieur Franck MADINIER, Conseiller,

— Monsieur Gilles BALAY, Conseiller, qui a rendu compte des plaidoiries

— =-=-=-=-=-=-=-=-=-

FAITS ET PROCEDURE

La Société Dragonne est propriétaire, en vertu d’un acte d’acquisition en date du 20 janvier 2006 d’un bien immobilier situé sur la commune de DEMI-QUARTIER (74120) sur lequel est construit un ensemble immobilier dénommé « La Maille », figurant au cadastre sous les numéros 3590, 3588, 3586 et 3583.

La Société Dragonne avait pour actionnaire unique la société SA Planet, dont Monsieur G H était l’administrateur unique, qui a cédé à la Société Zimforia Holdings LTD l’ensemble des parts de la société Dragonne par convention de cession d’actions et de séquestre reçue le 2 avril 2008 en la forme authentique par Maître Z, Notaire à Genève.

A cette date, l’ensemble immobilier était composé de plusieurs bâtiments dont un garage qui disposait notamment d’une partie souterraine. La société Planet s’était engagée à réaliser différents travaux, notamment pour la création d’une plate-forme technique et d’un accès au garage souterrain.

La Société Savana Investments, dont Monsieur G H était l’administrateur président, est propriétaire de parcelles contiguës à celles de la société Dragonne (parcelles n° 786, 997, 1203, 1204, 1543, 1544, 1905, 3584, 3585 et 3587) formant un autre ensemble immobilier bâti composé notamment d’un parking aérien et souterrain.

La Société Euromaitrise, dont Monsieur G H était l’unique actionnaire, a été chargée de la maîtrise d''uvre des travaux d’extension entrepris par la société Dragonne et de la construction d’une rampe d’accès commune aux parcelles des sociétés Dragonne et Savana Investments.

XXX n’ont pas trouvé d’accord sur la répartition entre elles du coût de la construction de la rampe et elles ont laissé en suspens la définition des coûts d’utilisation et de fonctionnement de celle-ci.

La société Dragonne, se plaignant de ce que la Société Savana Investments avait à cette occasion récupéré à son profit la SHON résiduelle dont elle disposait, sans autorisation, pour réaliser ses propres travaux d’extension et se plaignant de malfaçons, non-façons et d’un dépassement important du coût des travaux, a saisi le Président du Tribunal de Commerce d’Annecy. Par ordonnance de référé du 16 février 2011, ce dernier a désigné Monsieur Y en qualité d’Expert Judiciaire, remplacé par Madame Q-R avec pour mission d’examiner les travaux réalisés pour la rampe d’accès commune des deux parties, de donner son avis sur les sommes facturées, sur la réutilisation par la SA Euromaitrise de la SHON résiduelle pour obtenir un nouveau permis de construire au détriment de la SA Dragonne et au profit de la SA Savana, et de déterminer le coût mensuel d’entretien de fonctionnement de la rampe d’accès commune, ainsi que de chiffrer le montant déjà assumé à ce titre par la seule société Savana Investments pour le compte de qui il appartiendra. Cette mesure d’instruction a donné lieu au dépôt d’un rapport d’expertise en date du 3 février 2016.

Par exploit du 6 juin 2012 la société Savana Investments a fait assigner la société Dragonne devant le Tribunal de Grande Instance de Bonneville, aux fins qu’il soit jugé qu’elle ne bénéficie d’aucun droit lui permettant de traverser ses parcelles. La Société Dragonne a demandé qu’il soit sursis à statuer dans l’attente du dépôt du rapport d’expertise et à titre subsidiaire que soit reconnue à son profit une servitude légale de passage sur les fonds de la demanderesse en raison de l’enclave de son propre fonds. Elle a aussi sollicité l’octroi de dommages et intérêts.

Par jugement du 11 mai 2015, le Tribunal de Grande Instance de Bonneville a :

— 'débouté la société DRAGONNE de sa demande de sursis à statuer ;

— constaté que les parcelles de la société DRAGONNE ne sont pas enclavées;

— fait interdiction à la société DRAGONNE de traverser les parcelles appartenant à la société Savana Investments ;

— débouté la société DRAGONNE de sa demande de dommages et intérêts -débouté les parties de leurs demandes respectives au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

— laissé à chacune des parties la charge de ses propres dépens.'

Par déclaration au greffe du 1er juillet 2015, la Société Dragonne a interjeté appel de ce jugement.

La société Savana Investments a été déclarée en redressement judiciaire le 1er septembre 2015, puis en liquidation judiciaire le 24 octobre 2015.

Maître C A a été désigné en qualité de mandataire, puis de liquidateur. Il a été appelé en cause par assignation du 17 novembre 2015.

MOYENS ET PRETENTIONS

Vu les conclusions signifiées le 23 février 2016 au nom de la société Dragonne demandant à la Cour notamment de :

Infirmer en totalité

Au principal,

dire et juger que l’ensemble immobilier constitué par les immeubles de la société Dragonne et de la société Savana Investments constitue une copropriété relevant de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 ;

Constater que la rampe permettant l’accès aux sous-sol de la propriété de la société Dragonne et à la propriété de la société Savana Investments, traversant les parcelles n° 786, 997, 1203, 1204, 1543, 1544, 3708, 3584, 3585, 3587, 3589, 3433, 3709 et 3712, constitue une partie commune de la copropriété ;

Constater que les dispositions prévues par l’article 682 du code civil relatives aux servitudes de passage sont donc inapplicables ;

Juger que la société Dragonne est autorisée à utiliser la rampe d’accès à son sous-sol et de ce fait à traverser les parcelles n° 786, 997, 1203, 1204, 1543, 1544, 3708, 3584, 3585, 3587, 3589, 3433, 3709 et 3712 appartenant à la société Savana Investments ;

A titre subsidiaire,

Dire et juger que le fonds appartenant à la société Dragonne est enclavé et qu’il bénéficie ainsi d’une servitude légale de passage sur les parcelles n° 786, 997, 1203, 1204, 1543, 1544, 3708, 3584, 3585, 3587, 3589, 3433, 3709 et 3712 appartenant à la société Savana Investments;

A titre très subsidiaire,

Constater l’existence d’une servitude conventionnelle de passage au profit de la société Dragonne pour l’utilisation de la rampe d’accès traversant les parcelles n° 786, 997, 1203, 1204, 1543, 1544, 3708, 3584, 3585, 3587, 3589, 3433, 3709 et 3712 appartenant à la société Savana Investments ;

et en toute hypothèse,

Fixer la créance de la société Dragonne au passif de la société Savana Investments à la somme de 160.000 euros au titre de l’indemnisation du préjudice subi ;

Condamner maître A es-qualités aux entiers dépens de première instance et d’appel avec application, pour ces derniers, au profit de la scp M N & I J des dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

Pour critiquer le jugement déféré et tenter de proposer une analyse juridique de la situation de fait que les parties n’avaient pas défini au moment de la création de la rampe d’accès à l’automne 2008, la société Dragonne développe successivement trois moyens :

— un moyen tiré de la loi du 10 juillet 1965 en prétendant que la rampe d’accès serait une partie commune d’un ensemble immobilier devant de ce fait relever de plein droit du régime de la copropriété des immeubles bâtis.

— un moyen tiré de l’article 682 du code civil en prétendant que ses parcelles ne bénéficient pas d’un accès suffisant puisqu’une partie des bâtiments pourtant autorisés par un permis de construire ne serait plus accessible depuis la voie publique, si l’on ne pouvait plus utiliser la rampe d’accès litigieuse.

— un moyen tiré d’une servitude conventionnelle en proposant une analyse des accords passés entre les sociétés et leurs actionnaires successifs.

Ces deux derniers moyens ont été analysés et rejetés par le tribunal. Le dernier moyen s’articule notamment autour de la constatation que les deux sociétés en litige avaient jusqu’en avril 2008 le même actionnaire majoritaire ou unique. Il lui est fait reproche, à travers la société Savana Investments Investments, de tenter d’obtenir gratuitement le bénéfice des travaux de construction de la rampe litigieuse que la société Dragonne aurait financé.

Vu les conclusions déposées au greffe le 1er mars 2016 au nom de maître C A en sa qualité de liquidateur à la liquidation judiciaire de la société Savana INVESTMENTS, demandant à la Cour notamment de :

déclarer irrecevable la demande nouvelle en cause d’appel tendant à voir reconnaître un statut de copropriété

subsidiairement, juger qu’il n’existe pas de copropriété au sens de l’article premier de la loi du 10 juillet 1965

confirmer le jugement en ce qu’il n’a pas reconnu l’état d’enclave ni l’existence d’une servitude conventionnelle, et en ce qu’il a fait interdiction à la société Dragonne de traverser les parcelles lui appartenant,

assortir cette condamnation d’une astreinte de 1000 € par infraction constatée

subsidiairement condamner la société Dragonne à lui payer la somme de 150'000 € à titre d’indemnité sur le fondement de l’article 682 du Code civil

en toute hypothèse confirmer le jugement en ce qu’il a rejeté la demande de dommages et intérêts de la société Dragonne,

rejeter toutes les demandes de cette dernière et la condamner à lui payer, en sa qualité de liquidateur de la société Savana Investments la somme de 7500 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux dépens de première instance et d’appel avec distraction au profit de son avocat.

Le liquidateur de la société Savana Investments, rappelle qu’elle n’a été constituée qu’en mai 2008, qu’elle a acquis son immeuble par compromis du 5 juin 2008, bénéficiant alors d’un seul accès et pour cela d’une servitude conventionnelle sur le fonds de la société Dragonne.

Il ajoute que cette dernière n’avait aucun droit, et bénéficiait seulement d’une tolérance, à laquelle la procédure à mis fin parce qu’elle n’a pas voulu envisager la proposition de création d’une servitude de passage moyennant indemnité, s’enfermant elle même dans une impasse juridique.

Il prétend que le premier moyen tiré du statut de la copropriété serait une demande nouvelle, irrecevable. Subsidiairement, ce serait une demande infondée au motif qu’il n’existe pas de partie commune, mais seulement des propriétés privatives grevées à son profit de charges foncières.

Il demande à la Cour de s’approprier la motivation du tribunal ayant rejeté le moyen tiré de l’enclave, car le chalet de la société Dragonne à toujours bénéficié d’un accès et que sa demande actuelle ne relève que de convenances pour une extension. De même, Il soutient que la société Savana Investments n’était tenue par aucune convention.

La clôture de la procédure a été prononcée le 7 mars 2016.

MOTIFS DE L’ARRÊT

Sur la recevabilité de la demande d’application du statut de la copropriété

Comme l’a relevé le tribunal dans l’exposé des moyens des parties à la page 4 du jugement du 8 septembre 2014 qui ordonnait la réouverture des débats, et ainsi que cela résulte très explicitement de la lecture des conclusions de première instance N°2 de la société Dragonne page 11, cette dernière avait prétendu que la rampe d’accès se trouvait soumise au régime de la copropriété.

Dans le dispositif de ses conclusions, la société Dragonne demandait à titre principal, la reconnaissance d’une servitude de passage pour enclave, constituant une charge foncière dont elle demandait la publication au fichier immobilier, mais elle concluait à titre subsidiaire en demandant que la société Savana Investments soit déboutée de sa demande d’interdiction du passage. Tous les moyens qu’elle avait développés, y compris celui relatif au statut de la copropriété, pouvaient donc concourir à ce débouté.

En conséquence, la prétention de voir s’appliquer le statut de la copropriété à la rampe commune d’accès au sous-sol des chalets des parties, qui ne constitue d’ailleurs pas une demande nouvelle, mais doit s’analyser en un moyen de droit, au soutien de sa demande principale d’être autorisée à utiliser cette rampe d’accès, et de sa demande de dommages-intérêts pour en avoir été empêchée à tort, doit être déclaré recevable.

Sur le moyen tiré du statut de la copropriété des immeubles bâtis

Aux termes de l’article premier de la loi du 10 juillet 1965, «La présente loi régit tout immeuble bâti ou groupe d’immeubles bâtis dont la propriété est répartie, entre plusieurs personnes, par lots comprenant chacun une partie privative et une quote-part de parties communes.

A défaut de convention contraire créant une organisation différente, la présente loi est également applicable aux ensembles immobiliers qui, outre des terrains, des aménagements et des services communs, comportent des parcelles, bâties ou non, faisant l’objet de droits de propriété privatifs ».

Le régime impératif du statut de la copropriété, déterminé par l’alinéa premier du texte précité, résulte du fait qu’un même immeuble bâti ou groupe d’immeubles bâtis appartient à plusieurs propriétaires ; cette condition fait défaut en l’espèce puisque toutes les parties s’accordent à reconnaître qu’elles sont chacune seule et entière propriétaire des parcelles clairement désignées sur le plan cadastral et dans leurs titres respectifs.

La société Dragonne n’invoque pas cette disposition, ni le régime impératif du statut de la copropriété, mais se borne à prétendre que la loi fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis doit néanmoins s’appliquer en l’espèce en vertu du principe posé par le 2e alinéa, au motif que les fonds des parties constitueraient un ensemble immobilier, comportant non pas des terrains, mais une rampe d’accès commune au sous-sol répondant à la définition des aménagements et services communs.

Ce qui distingue un ensemble immobilier d’un groupe d’immeubles bâtis réside dans le fait que la totalité des terrains d’assiette des constructions ne sont pas placés sous un régime unique d’indivision forcée.

Mais ce qui permet d’appliquer le statut de la copropriété à un ensemble immobilier, en présence d’aménagements et services communs, c’est l’absence de convention contraire créant une organisation différente. Dans ce cas, le statut de la copropriété s’applique de plein droit, tant qu’il n’existe pas un autre régime d’organisation décidé par les parties.

En l’espèce, les seuls aménagements et services communs sont constitués d’une rampe d’accès qui permet l’accès au sous-sol des chalets de «La Maille» propriété de la société Dragonne et au sous-sol de l’ensemble immobilier appartenant à la société Savana Investments. Le chauffage de cette rampe est commun aux deux sociétés propriétaires, l’installation et le comptage d’énergie sont implantés sur le fond de la société Dragonne. C’est encore cette dernière qui a déposé et obtenu un permis de construire pour la création de la rampe.

Le fait que lors de sa construction, la rampe soit entièrement implantée sur le fond qui est l’actuelle propriété de la société Savana Investments, si l’on excepte un mur de soutènement, ne fait pas obstacle à l’application du statut de la copropriété, car l’exigence d’une propriété indivise n’existe que pour le statut impératif prévu par l’alinéa un de l’article premier de la loi du 10 juillet 1965.

S’agissant d’un ensemble immobilier répondant à la description prévue par l’alinéa 2 de ce texte, le statut de la copropriété est applicable même si les éléments et aménagements communs sont situés sur la propriété d’une seule des parties concernées par son usage.

Le fait que la rampe d’accès avec portes de garages ait été conçue pour l’usage commun des parties résulte de la situation même des lieux, car il n’est pas prétendu que la création de la rampe litigieuse, et l’aménagement d’une entrée commune des garages souterrains procéderaient d’un empiétement. D’ailleurs, la demande de permis construire de la rampe litigieuse et de l’accès au garage a été présentée au nom de la société Dragonne. Cette même société, alors représentée par M. K H, avait d’ailleurs signé une convention avec la commune le 27 août 2008, faisant référence au projet de construction sur les parcelles voisines, nécessitant l’installation d’une rampe chauffante, et en conséquence un renforcement du réseau électrique pour lequel elle a accepté de contribuer au budget communal à hauteur de 94'000 €. C’est encore la société Dragonne qui a assumé le coût de la construction de la route d’accès aux garages.

Il convient de remarquer que la société Savana Investments a fait l’acquisition de ses biens immobiliers par acte authentique du 16 septembre 2008, immédiatement après la convention précitée, et qu’elle était représentée par M. G H, agissant en qualité d’administrateur président. Aussi, à travers son dirigeant, la société Savana Investments a fait l’acquisition de son immeuble en parfaite connaissance de la situation.

D’ailleurs, dans le rapport d’expertise de Mme S Q R en date du 3 février 2016, dans le cadre de la mission qui lui a été confiée par ordonnance de référé du tribunal de commerce d’Annecy, celle-ci a pu préciser que dans le permis de construire obtenu en octobre 2008 par la société Savana Investments pour la construction de deux chalets, la demande définissait une rampe d’accès commune au sous-sol des propriétés des deux sociétés. L’expert affirme que la rampe d’accès est d’usage commun, et que son usage est identique pour les deux voisins.

Dans la lettre signée par M. K H, à l’en-tête de la société Euromaitrise, en date du 15 juin 2009, ce dernier se réfère aux discussions ; il évoque que le point le plus important n’est pas la répartition du coût de construction de la rampe mais la valeur et l’usage de la propriété du terrain de la société Savana Investments. Il écrivait notamment dans cette correspondance : « Aussi, nous restons toujours dans l’attente de votre décision afin de connaître la façon dont vous désirez jouir de cet accès, par le biais d’une servitude ou par le biais d’une pleine propriété, ainsi que le coût afférent à chacune de ces propositions. Nous vous rappelons une fois de plus que le coût de ces accès n’est pas uniquement la prise en charge de la rampe d’accès réalisée (pas encore terminé à ce jour) mais aussi la prise en charge des murs de soutènement dont les coûts sont évalués à environ 46'000 €. Les devis ont été transmis à M. X par M. Z. M. B ayant fait état qu’il ne désirait pas prendre en charge les murs de soutènement (pourtant indispensables au bon fonctionnement de la rampe d’accès), nous réalisons actuellement ces derniers et prenant le coût de ces ouvrages à notre charge, que nous déduirons en temps voulu du montant total de la rampe d’accès ».

Dans la suite de ce contentieux, Maître O P, dans une lettre du 26 octobre 2009 adressé à la société Dragonne, prenait position sur l’absence de servitude, l’existence d’une tolérance, et ouvrait la porte d’une discussion en vue de l’établissement d’un acte notarié portant notamment sur « le règlement financier de l’opération et sa légitime indemnisation » ; et c’est en se référant à ce courrier que la société Savana Investments a saisi le tribunal par exploit du 6 juin 2012 d’une action en dénégation de servitude.

Il résulte des constatations qui précèdent qu’aucun accord n’est intervenu sur le plan financier, ni sur le plan juridique ; pour autant, l’accès commun a été conçu et réalisé avec l’accord des 2 sociétés en litige, puis utilisé, selon la disposition qui a été illustrée par les constatations de Maître E F, huissier de justice, suivant procès-verbal de constat du 20 décembre 2013, et suivant les constatations de l’expert.

Le statut de la copropriété n’est donc pas impératif pour gérer cet accès et ces équipements communs, si les parties ont entendu se doter d’une autre organisation.

Mais précisément, il ressort des pièces produites, en premier lieu des correspondances précitées, et des termes mêmes de l’assignation et des conclusions des parties, qu’aucun accord n’a jamais été conclu et qu’il n’existe en conséquence aucune convention contraire sur l’organisation de ces aménagements communs.

Il faut en conclure que sauf convention entre les parties pour se doter d’une autre organisation, le statut de la copropriété est applicable à l’ensemble immobilier dont notamment cette rampe d’accès chauffante et l’entrée commune du garage constituent une partie commune. Il en résultera que l’entretien en incombe au syndicat des copropriétaires, et que la charge d’entretien et de jouissance, comprenant en particulier les consommations d’électricité, doit être répartie entre les copropriétaires, auxquels il appartiendra de prendre à cet égard toute décision collective utile.

La demande tendant à faire interdiction à la société Dragonne de traverser les parcelles appartenant à la société Savana Investments, pour leur portion supportant la rampe d’accès au garage, n’est donc pas fondée.

Sur les demandes de dommages-intérêts

Pour solliciter, à titre de dommages-intérêts, la somme de 150'000 €, la société Dragonne doit rapporter la preuve d’une faute, d’un préjudice et d’un lien de causalité, en application de l’article 1382 du Code civil.

Il est certain que le fait d’interdire à un autre copropriétaire d’user d’une partie commune, est constitutif d’une faute ; cependant, aucune pièce n’est communiquée permettant de savoir à quelle date de quelle façon le passage aurait été obstrué ; si le seul fait d’avoir fait défense d’utiliser le passage pourrait être fautif, il n’en résulte pas la démonstration d’un préjudice qui en résulterait directement.

Pour caractériser son préjudice, la société Dragonne se contente d’ailleurs d’affirmer qu’elle a été privée de l’usage de la rampe d’accès, sans en détailler les conséquences, sans donner aucune indication chiffrée.

Sa demande de dommages-intérêts doit donc être rejetée, faute de preuve.

Maître C A, en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société Savana Investments, ne démontre pas davantage quelles fautes aurait commises la société Dragonne et qu’elle aurait été le préjudice dont il demande réparation ; faute de preuve, sa demande de dommages-intérêts n’est pas fondée.

Sur les dépens et frais irrépétibles

En application des articles 696 et 699 du code de procédure civile, Maître C A, en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société Savana Investments, doit supporter les dépens de première instance et d’appel ; leur distraction sera ordonnée au profit de la SCP N & J, avocat.

Maître C A qui doit supporter les dépens n’est donc pas fondé en sa demande d’indemnisation de frais irrépétibles en application de l’article 700 du même code.

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement, par arrêt contradictoire, après en avoir délibéré conformément à la loi,

Constate l’intervention de maître C A en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société Savana Investments,

Rejette la fin de non recevoir,

Infirme le jugement déféré rendu le 11 mai 2015 par le tribunal de grande instance de Bonneville, et statuant à nouveau,

Juge qu’à défaut de convention contraire créant une organisation différente, le statut de la copropriété régi par la loi du 10 juillet 1965 est applicable à l’ensemble immobilier constitué des immeubles de la société Dragonne et de la société Savana Investments, et que la route en forme de rampe d’accès aux garages souterrains de cet ensemble immobilier traversant les parcelles 786, 997, 1203, 1204, 1543, 1544, 3708, 3584, 3585, 3587, 3589, 3433, 3709 et 3712, constitue notamment une partie commune dont la société Dragonne est en droit d’user,

Déboute maître C A es qualités de toutes ses prétentions,

Déboute la société Dragonne de sa demande de fixation d’une créance de dommages-intérêts,

Condamne maître C A es qualités de liquidateur judiciaire de la société Savana Investments aux dépens de première instance et d’appel et ordonne leur distraction éventuelle au profit de la SCP N & J, avocat, sur son affirmation de droit.

Ainsi prononcé publiquement le 19 mai 2016 par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de Procédure Civile, et signé par Monsieur Franck MADINIER Conseiller en remplacement de Madame Evelyne THOMASSIN, Conseiller faisant fonction de Président légalement empêchée et Madame Sylvie DURAND, Greffier.

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