Cour d'appel de Chambéry, 2ème chambre, 14 juin 2018, n° 17/01203

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Chambéry, 2e ch., 14 juin 2018, n° 17/01203
Juridiction : Cour d'appel de Chambéry
Numéro(s) : 17/01203
Décision précédente : Tribunal de grande instance de Thonon-Les-Bains, 13 avril 2017, N° 14/02922
Dispositif : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Sur les parties

Texte intégral

COUR D’APPEL de CHAMBÉRY

2e Chambre

Arrêt du Jeudi 14 Juin 2018

RG 17/01203

ET/MN

Décision déférée à la Cour : Jugement du Tribunal de Grande Instance de THONON-LES-BAINS en date du 14 Avril 2017, RG 14/02922

Appelants

M. A Y, demeurant […]

SA PACIFICA, demeurant […]

assistés de Me Lionel FALCONNET, avocat au barreau de THONON-LES-BAINS

Intimées

Mme C X, demeurant […]

assistée de Me Michel FILLARD, avocat postulant au barreau de CHAMBERY et de la SELARL ADEKWA, avocats plaidants au barreau de CAMBRAI,

CAISSE PRIMAIRE D’ASSURANCE MALADIE, dont le siège social est […]
- […] prise en la personne de son représentant légal

sans avocat constitué

— =-=-=-=-=-=-=-=-

COMPOSITION DE LA COUR :

Lors de l’audience publique des débats, tenue en double rapporteur, sans opposition des avocats, le 20 mars 2018 par Monsieur Franck MADINIER, Conseiller, qui a entendu les plaidoiries, en présence de Monsieur Philippe LE NAIL, Vice-Président Placé, avec l’assistance de Madame Sylvie DURAND, Greffier, en présence de Ludivine Becquet, assistante de justice et de Morgane Matheron, greffier en pré-affectation,

Et lors du délibéré, par :

—  Madame Evelyne THOMASSIN, Conseiller faisant fonction de Président,

—  Monsieur Franck MADINIER, Conseiller, qui a rendu compte des plaidoiries,

—  Monsieur Philippe LE NAIL, Vice-Président Placé,

— =-=-=-=-=-=-=-=-=-

Faits, procédure et prétentions des parties :

Le 27 décembre 2012, à Vinzier (74), Madame C X alors qu’elle faisait un jogging a été agressée par les chiens de Monsieur A Y.

Elle a saisi le 18 décembre 2014 le tribunal de Grande instance de Thonon-les-Bains afin d’obtenir réparation de son préjudice. La compagnie Pacifica est intervenue volontairement à l’audience en sa qualité d’assureur du propriétaire des animaux.

Par une décision en date du 14 avril 2017, le tribunal a :

— déclaré Monsieur A Y et la société Pacifica responsables du préjudice subi par Madame C X,

— condamné in solidum Monsieur A Y et la société Pacifica à payer la somme de 13'972,60 € en réparation du préjudice,

— dit n’y avoir lieu à indemnisation d’un déficit fonctionnel permanent,

— condamné in solidum Monsieur A Y et la société Pacifica aux dépens d’instance avec recouvrement direct au profit de la Selarl Favre-Dubouloz-Coffy.

Monsieur A Y et la société Pacifica ont fait appel de la décision par déclaration au greffe en date du 19 mai 2017.

Leurs moyens et prétentions étant exposés dans des conclusions en date du 22 septembre 2017, ils demandent à la cour de :

— réformer le jugement en toutes ses dispositions,

— débouter Madame C X de l’intégralité de ses demandes,

Subsidiairement,

— confirmer le jugement en ce qu’il a :

* débouté Madame X au titre du déficit fonctionnel permanent,

* les a condamnés in solidum à verser 864,60 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire et 1500 € au titre du préjudice esthétique permanent,

— indemniser les souffrances endurées à hauteur de 2500 € sous déduction de la provision de 500 € déjà versée,

— infirmer la décision pour le surplus,

— débouter Madame X de ses autres demandes,

En toute hypothèse,

— condamner Madame C X à leur payer la somme de 3000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et à supporter les entiers dépens de première instance et d’appel.

Les fautes sur le fondement de l’article 1241 du code civil ne sont pas établies à l’encontre de monsieur Y et la plainte déposée à la suite des faits a été classée sans suite, c’est la chute d’une branche d’arbre sur l’enclos où se trouvaient les chiens qui a permis qu’ils sortent. Le préjudice psychologique n’est pas démontré.

Ses moyens et prétentions étant exposés dans des conclusions en date du 14 août 2017, madame C X demande à la cour de :

— confirmer le jugement sur la responsabilité,

— le réformer pour le surplus,

Statuant à nouveau,

— condamner Monsieur Y et sa compagnie d’assurances solidairement à lui payer en réparation de l’entier préjudice :

* tierce personne 135 €

* déficit fonctionnel temporaire 1105 €

* souffrances endurées 3500 €

* préjudice esthétique temporaire 1500 €

* déficit fonctionnel permanent 6350 €

* préjudice esthétique permanent 2000 €

* préjudice psychologique 10'000 €

Outre la somme de 5000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et les entiers dépens avec distraction au profit de Me Michel Fillard, avocat.

Il convient de noter que le dispositif chiffré dans ces conclusions, ne correspond pas, à la suite d’une erreur de frappe, aux demandes exprimées dans le corps des écritures au titre des souffrances endurées et du préjudice esthétique temporaire. Compte tenu de l’ensemble de ces éléments, il lui sera alloué les indemnités suivantes, sans statuer ultra petita en raison des demandes chiffrées figurant dans le corps des conclusions de madame X.

Madame X soutient que la négligence, l’imprudence de monsieur Y sont à l’origine des faits. L’enclos n’était pas adapté au nombre et à la taille des chiens, il n’était pas assez solide et leur permettait de s’échapper. La chute d’un arbre n’est pas imprévisible en région de montagne.

La CPAM de Tourcoing, régulièrement assigné à personne habilitée le 13 juillet 2017 n’a pas constitué avocat.

L’ordonnance de clôture a été prononcée le 5 mars 2018.

Motivation de la décision :

* sur l’irrecevabilité des demandes :

Il était soutenu l’irrecevabilité de la demande en indemnisation à défaut de mise en cause de l’organisme social en application de l’article L376-1 alinéa 8 du code de la sécurité sociale. Cet argument n’est plus soutenu à la suite de l’assignation délivrée à la CPAM de Tourcoing.

* sur les circonstances du dommage :

Il ressort de l’enquête diligentée qu’en raison d’un fort vent, une branche d’arbre s’est cassée et qu’elle est tombée sur la clôture d’un enclos, servant de chenil à plusieurs chiens bergers croisés malamut qui ainsi ont pu en sortir. Monsieur Y rapporte lui même ces circonstances, expliquant qu’après avoir constaté que les chiens étaient partis, il a pris sa voiture pour aller les récupérer. Il n’aurait appris qu’ensuite, après les avoir à nouveau enfermés, qu’ils avaient attaqué une personne. Selon madame X lors de son footing, elle a été encerclée par les 5 chiens, qui l’ont faite tomber et mordue à plusieurs endroits de son corps et de ses membres.

* sur la responsabilité de monsieur Y :

Selon l’article 1243 du code civil, le propriétaire d’un animal ou celui qui s’en sert, pendant qu’il est à son usage, est responsable du dommage que l’animal a causé, soit que l’animal fût sous sa garde, soit qu’il fût égaré ou échappé.

La décision de classement sans suite prise par monsieur le Procureur de la République est insuffisante à écarter, pour le juge civil, la responsabilité du propriétaire des animaux, alors que le texte rappelé ci dessus, pose au contraire une présomption de responsabilité pour lui et que la victime n’a pas à démontrer, pour être indemnisée, la faute qu’il a pu commettre. La Cour de Cassation à cet égard a pu rappeler que les juges inverseraient la charge de la preuve, s’ils exigeaient de la victime qu’elle démontre l’existence d’une faute.

Il revient au contraire à monsieur Y pour s’exonérer, d’établir la cause étrangère ou le fait d’un tiers ayant les caractères de la force majeure. Le fait que la météorologie envisage un vent, fort, à tempétueux, ne saurait à cet égard dispenser monsieur Y de sa responsabilité et le premier juge dans une motivation qu’il convient de reprendre a bien caractérisé en quoi, la chute d’une branche sur un enclos ne peut dispenser le propriétaire de devoir réparation, alors au demeurant que des chiens en meute peuvent être plus dangereux que seuls, même si leur comportement n’avait pas été relevé jusqu’alors comme agressif en particulier par leur vétérinaire.

Monsieur Y, propriétaire des chiens, doit donc être déclaré responsable du préjudice qu’ils ont causé lorsqu’ils se sont échappés avec à ses cotés son assureur la société Pacifica.

* sur la réparation du préjudice subi :

Madame X a été blessée à la main droite, l’avant bras droit, la jambe droite, le mollet droit, la cuisse droite, la jambe gauche, la cuisse gauche, la région lombaire gauche, plusieurs photographies du dossier d’enquête sont produites aux débats.

Le certificat du docteur Z, au Smur, décrit le 27 décembre 2012, des morsures multiples, 14 plaies sur la main, les jambes, le dos et un choc psychologique observable sur la victime en prescrivant une ITT de 6 jours, et la nécessité de soins durant 30 jours sauf complication. Le dossier indique qu’elle a connu par la suite des troubles du sommeil, des insomnies, cauchemars.

Une expertise amiable a été diligentée, par le docteur E F-G, dans un cadre amiable, dont le rapport a été rédigé le 3 mars 2014. Il retient :

— déficit fonctionnel temporaire total 27 décembre 2012,

— déficit fonctionnel temporaire partiel

Classe II du 28.12.2012 au 15.02.2013

Classe I du 16.02.2013 au 31.10.2013

— date de consolidation médico légale 31 octobre 2013,

— pas d’atteinte permanente

— souffrances endurées 2.5/7

— dommage esthétique 1.5/7

Madame X est née en […], elle avait donc 55 ans lors de l’accident, et était en pré-retraite. Elle justifie d’une pratique sportive soutenue depuis des années à savoir la course à pieds.

La Cpam a communiqué le montant de ses débours, il s’agit de frais médicaux pour un montant de 587.50 € et de f rais pharmaceutiques pour 1 139.56 € soit au total 1 727.06 €.

* frais médicaux et pharmaceutiques pris en charge par la CPAM 1 727.06 €,

* aide tierce personne :

La victime s’est faite assister pendant 9 jours par un membre de sa famille, il sera admis la réclamation de madame X sur la base de 15 € l’heure, soit pour la période 135.00 €

* déficit temporaire total le jour de l’accident 23.00 €

* déficit temporaire partiel classe II 49 jours 281.75 €

classe I 257 jours 591.10 €

Il ne sera pas fait droit à une demande complémentaire au titre de gêne dans le quotidien, celle ci étant déjà englobée dans l’évaluation adaptée du déficit temporaire.

* souffrances endurées 2.5/7 6 000.00 €

* dommage esthétique temporaire et définitif 1.5/7 3 000.00 €

Les contractures décrites par madame X lorsqu’elle court, n’ont pas nécessairement de lien avec l’agression subie en décembre 2012.

Il convient par contre de réparer le préjudice psychologique subi lié à l’attaque par les animaux, la phobie qu’elle en conserve après avoir traversé une période de grande fragilité.

Le jugement sera confirmé sur l’indemnité allouée 7 500.00 €

Il est inéquitable de laisser à la charge de l’intimée, madame X les frais irrépétibles engagés dans l’instance, une somme de 5 000 € lui sera allouée sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

La partie perdante supporte les dépens, ils seront donc à la charge des appelants qui succombent en l’essentiel de leurs prétentions.

PAR CES MOTIFS :

La Cour, après en avoir délibéré conformément à la Loi, statuant publiquement et par défaut,

REFORME partiellement la décision déférée,

Mais statuant à nouveau sur le tout,

DÉCLARE monsieur Y responsable du préjudice subi par madame X le 27 décembre 2012,

CONDAMNE in solidum monsieur Y et son assureur, la société Pacifica à payer à madame X la somme de 17 530.85 € outre 5 000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile au titre de la 1re instance et de l’appel,

CONDAMNE in solidum monsieur Y et son assureur, la société Pacifica aux entiers dépens de première instance et d’appel avec distraction au profit de Me Fillard, en application de l’article 699 du code de procédure civile.

Ainsi prononcé publiquement le 14 juin 2018 par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de Procédure Civile, et signé par Madame Evelyne THOMASSIN, Conseiller faisant fonction de Président et Madame Sylvie DURAND, Greffier.



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