Cour d'appel de Chambéry, 1ère chambre, 24 septembre 2019, n° 16/01029

  • Sociétés·
  • Reconnaissance de dette·
  • Agent commercial·
  • Facture·
  • Avance·
  • Distribution·
  • Prescription·
  • Document·
  • Commerce·
  • Dire

Chronologie de l’affaire

Commentaire0

Augmentez la visibilité de votre blog juridique : vos commentaires d’arrêts peuvent très simplement apparaitre sur toutes les décisions concernées. 

Sur la décision

Référence :
CA Chambéry, 1re ch., 24 sept. 2019, n° 16/01029
Juridiction : Cour d'appel de Chambéry
Numéro(s) : 16/01029
Décision précédente : Tribunal de grande instance d'Annecy, 2 février 2016, N° 13/01090
Dispositif : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Sur les parties

Texte intégral

PG/SL

COUR D’APPEL de CHAMBÉRY

Chambre civile – Première section

Arrêt du Mardi 24 Septembre 2019

N° RG 16/01029 – N° Portalis DBVY-V-B7A-FNKM

Décision attaquée : Jugement du Tribunal de Grande Instance d’ANNECY en date du 03 Février 2016, RG 13/01090

Appelant

M. Y X, demeurant […]

représenté par la SELARL LEGI RHONE ALPES JULLIEN PIOLOT, avocats postulants au barreau d’ANNECY, et Me Aymeric TRIVERO, avocat plaidant au barreau de DRAGUIGNAN

Intimée

SAS ETABLISSEMENTS NEVI, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux demeurant à ce siège en cette qualité., […]

représentée par Me Christian FORQUIN, avocat postulant au barreau de CHAMBERY et Me Bernard PLAHUTA, avocat plaidant au barreau de BONNEVILLE

— =-=-=-=-=-=-=-=-

COMPOSITION DE LA COUR :

Lors de l’audience publique des débats, tenue le 20 mai 2019 avec l’assistance de Mme Sylvie LAVAL, Greffier,

Et lors du délibéré, par :

—  Monsieur Philippe GREINER, Président, qui a procédé au rapport

—  Mme Alyette FOUCHARD, Conseiller,

—  Mme Inès REAL DEL SARTE, Conseiller,

— =-=-=-=-=-=-=-=-

Par acte du 14/06/2013, la société NEVI a assigné devant le tribunal de grande instance d’Annecy M. X en paiement de la somme de 48.236,44 euros outre intérêts au taux légal à compter du 04/03/2008 et capitalisation, représentant 17 factures émises de 1998 à 2002 ainsi que des prêts, ainsi que de celle de 2.000 euros au titre des frais irrépétibles visés à l’article 700 du code de procédure civile.

Par jugement du 03/02/2016, le tribunal a :

— rejeté l’exception de prescription de l’action en paiement soulevée par M. X ;

— condamné M. X à payer à la société NEVI la somme de 45.187,46 euros, outre intérêts au taux légal à compter du 04/03/2008, avec capitalisation annuelle ;

— débouté la société NEVI du surplus de sa demande ;

— condamné M. X à payer à la société NEVI la somme de 2.000 euros au titre des frais irrépétibles visés à l’article 700 du code de procédure civile ;

— ordonné l’exécution provisoire.

Par déclaration du 11/05/2016, M. X a relevé appel de cette décision.

Dans ses conclusions récapitulatives n° 2 du 13/11/2017, il demande à la Cour de :

— prendre acte que la société NEVI a fait l’objet d’une dissolution anticipée le 10/05/2013 et a été radiée le 22/06/2016, ce qui rend son action irrecevable ;

— débouter la société NEVI de ses demandes ;

— prendre acte qu’il est intervenu en qualité d’agent commercial pour le compte de la société NEVI, sa mandante ;

— rappeler que pour toute opération commerciale conclue pendant la durée du contrat d’agence, l’agent commercial a droit à une commission ;

— dire que la société NEVI ne justifie pas que M. X serait intervenu en tant que revendeur de marchandise ;

— prendre acte que la société ND DISTRIBUTION, reprise par la société NEVI, a établi des factures à l’ordre de la société X DISTRIBUTION de 1998 à 1999 d’un montant total de 10.193,30 euros ;

— dire que la société NEVI a entretenu des relations commerciales de 1997 à 2002 avec la société X DISTRIBUTION, placée en liquidation judiciaire le 11/06/2002 ;

— dire que la société NEVI n’est pas fondée à le poursuivre, s’agissant de créances dues par la société X DISTRIBUTION ;

— rappeler que nul ne peut se créer un titre à soi-même, que les documents comptables ne font pas preuve contre les personnes non commerçantes et que les factures sont irrégulières, et ne pouvant justifier du caractère certain et réel de la créance ;

— dire que l’action en paiement de la société NEVI contre M. X n’est pas justifiée ;

— dire que les documents de 2000 et 2008 ne sont pas conformes aux exigences de l’article 1326 du code civil ;

— prendre acte de ce que le document de 2000 mentionne des avances sur commissions ;

— dire que le document du 10/01/2005 ne peut être qualifié de reconnaissance de dette en raison de son irrégularité ;

— dire n’y avoir lieu à application de l’article 2240 du code civil ;

— dire que le document du 10/01/2005 n’a pas pour effet d’interrompre la prescription ;

— dire que l’action en paiement de la société NEVI est prescrite ;

— à titre subsidiaire, dire qu’aucun élément ne permet de corroborer la réalité de la créance et débouter la société NEVI de sa demande en paiement ;

— en tout état de cause, condamner la société NEVI au paiement de la somme de 3.000 euros de dommages intérêts pour procédure abusive et de 3.000 euros au titre des frais irrépétibles visés à l’article 700 du code de procédure civile.

Par conclusions d’intimée responsives et récapitulatives, la société ETABLISSEMENTS NEVI, représentée par son liquidateur amiable, et désigné comme mandataire ad hoc pour suivre la procédure d’appel, conclut à la confirmation de la décision déférée et réclame 3.000 euros au titre des frais irrépétibles visés à l’article 700 du code de procédure civile, faisant valoir en substance que :

— elle a qualité à agir ;

— la prescription a été interrompue par la signature de deux reconnaissances de dettes ;

— les factures ont trait à du matériel de montagne livré à M. X, qui l’avait acquis pour le revendre, ces achats étant récurrents et portant sur des quantités importantes ;

— à aucun moment, avant la procédure, M. X a contesté être débiteur de ces sommes ;

— les factures ne sont que l’explicitation des reconnaissances de dette, qui sont signées par M. X ;

— M. X doit en tout état de cause rembourser l’avance de 100.000 francs qui lui avait été faite en sa qualité d’agent commercial de la société NEVI.

Par arrêt avant dire droit du 30/01/2018, la Cour a ordonné la comparution personnelle des parties.

A cette occasion, le 31/05/2018, M. X a déclaré que :

— il a eu deux activités, l’une d’agent commercial, l’autre de vente de matériel d’alpinisme, par l’intermédiaire de diverses sociétés ;

— de 1998 à 2002, sa société X DISTRIBUTION a fait fabriquer par la société NEVI des mousquetons et divers matériels ;

— les factures réclamées ne sont pas dues par lui-même, mais par la société X DISTRIBUTION, aujourd’hui radiée du registre du commerce et des sociétés ;

— il bien signé une reconnaissance de dette le 10/01/2005, sans avoir établi le document, mais a rédigé un document le 18/02/2000, qui est une reconnaissance d’avances sur commissions.

M. NEVI a exposé quant à lui que :

— il a créé une société de décolletage en 1983 et a fabriqué des mousquetons, dont certains ont été livrés à M. X, celui-ci devenant agent commercial lorsque son entreprise n’a plus marché ;

— il a fait une avance de 100.000 francs à M. X qui a donné lieu à une reconnaissance de

dette du 10/01/2005, pour couvrir ses besoins de trésorerie et de TVA ;

— les matériels objets des factures ont été livrés à M. X lui-même et non à la société X DISTRIBUTION ;

— il a arrêté ses activités mais ne peut pas radier sa société du registre du commerce et des sociétés en raison du litige.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la recevabilité de l’action de la société NEVI

Il est de principe qu’une société conserve sa personnalité morale, même après la clôture de la liquidation, tant qu’elle a des créances ou des dettes, d’autant que lorsqu’une société est dissoute, elle conserve sa personnalité morale jusqu’à la clôture de la liquidation conformément à l’ article L. 237, alinéa 2, du Code de commerce. Or, le registre du commerce et des sociétés ne porte mention d’aucune procédure de liquidation.

Elle peut donc être assignée en justice même si elle a été radiée du registre du commerce et des sociétés. De la même façon, si elle est créancière, une société radiée peut lancer une procédure contre un débiteur.

En tout état de cause, un mandataire ad’hoc a été désigné par ordonnance du président du tribunal de commerce de Chambéry d’Annecy du 02/11/2016 pour représenter la société NEVI dans le cadre de la présente instance.

Son action sera en conséquence déclarée recevable.

Sur la prescription

L’ instance a été engagée le 14/06/2013 avant l’entrée en vigueur de la loi du 17/06/2008 et c’est la prescription prévue par la loi antérieure qui s’applique.

L’ article L.110-4 du code de commerce ancien dispose que « I.-Les obligations nées à l’occasion de leur commerce entre commerçants ou entre commerçants et non-commerçants se prescrivent par dix ans si elles ne sont pas soumises à des prescriptions spéciales plus courtes ».

L’article 2249 ancien du code civil prévoit quant à lui que « la prescription est interrompue par la reconnaissance que le débiteur ou le possesseur fait du droit contre lequel il prescrivait ».

La société NEVI produit les deux pièces suivantes :

— un document dactylographié, daté du 18/02/2000, à l’en-tête de « Y X agent commercial », signé de la main de M. X, libellé ainsi : « Objet : reconnaissance de dette ; suite à notre dernier entretien concernant les avances que vous m’avez accordées (..) soit un total de 80.000 francs. Pour le remboursement de ces avances, je vous demande de tenir compte que jusqu’à fin juin, nous devons considérer cette période comme une mise en place. Avec les modifications que nous avons apporté sur les mousquetons série HMS, il est sage de prévoir la mise sur le marché courant avril. Idem pour les flasques supprimant les n’uds sur le Mouflon. Pour la nouvelle gamme de mousquetons (forgés), prévoir mise sur le marché courant juillet. Une nette amélioration devrait avoir lieu fin mars, début avril sur l’ensemble des affaires. En prenant en compte tous ces éléments, un début de remboursement pour septembre me paraît équilibré. Je voudrais étaler ces remboursements sur une période entre 18 et 24 mois » ;

— un document dactylographié daté du 10/01/2005, à l’en-tête «Agence PC Y X », libellé ainsi : « objet : reconnaissance de dette ; je soussigné Y X, (..) reconnaît devoir la somme de 48.236,44 euros se décomposant comme suit : factures (..) soit un total de 32.991,54 euros ; prêt X (..) soit un total de 15.244,90 euros ».

Ces documents, pour interrompre la prescription, doivent être réguliers et valoir reconnaissance de dette.

En l’espèce, ils ne sont pas de la main de M. X, celui-ci ne contestant toutefois pas les avoir signés et ne peuvent valoir preuve de l’engagement de M. X, étant relevé que celui-ci ne revêt pas la qualité de commerçant, et que les règles de preuves régissant les actes de commerce ne lui sont pas applicables.

Si l’article 1326 ancien du code civil exige qu’une reconnaissance de dette comporte la mention de la somme due en toutes lettres et en chiffres, de la main du souscripteur, une exception est apportée à cette règle par l’article 1347 du même code, lorsqu’il existe un commencement de preuve par écrit, auquel cas la preuve de l’engagement peut être rapportée par des éléments complémentaires.

En l’occurrence :

— la première lettre intitulée « reconnaissance de dette » émane bien de M. X, qui l’a reconnu du reste lors de la comparution personnelle des parties ;

— elle est confortée par le second document, qui, bien qu’établi par le comptable de la société NEVI, est signé de la main de M. X.

Toutefois, cette reconnaissance n’est parfaite que pour la somme de 100.000 FF et non pour le surplus de la créance. Le fait d’avoir signé ce bordereau constitue un commencement de preuve par écrit, mais il faut, pour qu’il constitue une preuve, qu’il soit conforté par des éléments extrinsèques.

En effet, l’acte reconnaissant la dette ne peut à lui seul constituer une preuve, étant irrégulier, comme n’étant pas de la main de M. X et n’indiquant pas en lettres la somme due et aucun élément extrinsèque de nature à venir le conforter n’est produit, les factures, au demeurant contestées, ne pouvant constituer cet élément. S’il est de principe que des factures peuvent constituer des preuves, encore faut-il qu’elles s’inscrivent dans un courant d’affaires, ce qui peut être le cas en l’occurrence, mais entre commerçants, ce que n’est pas M. X.

Ainsi, si la prescription a été valablement interrompue concernant les avances de trésorerie faites à M. X par la société NEVI dans le cadre de son activité d’agent commercial, il n’en va pas de même pour ce qui est des fournitures dont le paiement est réclamé.

En conséquence, la demande portant sur le paiement des 17 factures est prescrite, le jugement déféré étant réformé de ce chef, l’action en recouvrement de la somme de 15.244,90 euros étant elle recevable.

Sur le paiement de la somme de 15.244,90 euros

Cette somme reste due par M. X, puisque :

— dans sa lettre du 18/02/2000, M. X a reconnu devoir la somme de 80.000 FF au titre d’avances accordées par la société NEVI pour l’exercice de ses fonctions d’agent commercial ;

— il a signé une lettre de reconnaissance de dette le 10/1/2005, où les versements effectués sont recensés avec précision, (banque tirée, dates et numéros des chèques et montants) ;

— lors de la comparution personnelle des parties, M. X n’a pas contesté sérieusement le fait qu’outre les 80.000 francs d’avances, il y avait pu y avoir 20.000 francs d’avances supplémentaires.

Dans ces conditions, M. X sera condamné à payer la somme de 15.244,90 euros, outre intérêts au taux légal à compter du 03/03/2008, date de la réception de la mise en demeure. En revanche, il n’y a pas lieu à capitalisation des intérêts.

Enfin, l’équité ne commande qu’une application modérée des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

La Cour, statuant publiquement et contradictoirement,

REFORME partiellement le jugement déféré mais statuant sur le tout pour une meilleure compréhension de la décision,

DECLARE la demande de la société ETABLISSEMENTS NEVI prescrite concernant le paiement de 17 factures,

LA DECLARE recevable concernant les avances faites à M. X ès qualité d’agent commercial,

CONDAMNE M. X à payer à la société ETABLISSEMENTS NEVI les sommes suivantes :

—  15.244,90 euros, outre intérêts au taux légal à compter du 03/03/2008 ;

—  1.500 euros au titre des frais irrépétibles visés à l’article 700 du code de procédure civile,

LE CONDAMNE aux dépens,

AUTORISE Me FORQUIN, avocat, à recouvrer directement les dépens dont il a fait l’avance sans avoir reçu provision.

Ainsi prononcé publiquement le 24 septembre 2019 par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile, et signé par Philippe GREINER, Conseiller HH et Sylvie LAVAL, Greffier.

Le Greffier, Le Président,

Chercher les extraits similaires
highlight
Chercher les extraits similaires
Extraits les plus copiés
Chercher les extraits similaires
Inscrivez-vous gratuitement pour imprimer votre décision
Cour d'appel de Chambéry, 1ère chambre, 24 septembre 2019, n° 16/01029