Cour d'appel de Chambéry, Chambre sociale prud'hommes, 12 janvier 2023, n° 21/01710

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Chambéry, ch. soc. prud'hommes, 12 janv. 2023, n° 21/01710
Juridiction : Cour d'appel de Chambéry
Numéro(s) : 21/01710
Importance : Inédit
Décision précédente : Conseil de prud'hommes d'Aix-en-Provence, 14 juillet 2021, N° F21/00018
Dispositif : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée
Date de dernière mise à jour : 17 janvier 2023
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Texte intégral

COUR D’APPEL DE CHAMBÉRY

CHAMBRE SOCIALE

ARRÊT DU 12 JANVIER 2023

N° RG 21/01710 – N° Portalis DBVY-V-B7F-GY7N

[O] [U]

C/ S.A.S. ATHENA SERVICES A DOMICILE

Décision déférée à la Cour : Jugement du Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire d’AIX-LES-BAINS en date du 15 Juillet 2021, RG F 21/00018

APPELANTE ET INTIMEE INCIDENTE

Madame [O] [U]

[Adresse 3]

[Localité 4]

Représentée par Me Frédéric MATCHARADZE, avocat au barreau de CHAMBERY

(bénéficie d’une aide juridictionnelle Partielle numéro 2021/003609 du 08/11/2021 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de [Localité 6])

INTIMEE ET APPELANTE INCIDENTE

S.A.S. ATHENA SERVICES A DOMICILE

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représentée par Me Nadia BEZZI, avocat au barreau de CHAMBERY, substituée par Me Marine LEBRIS, avocat au barreau d’ANNECY

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 786 et 907 du Code de procédure civile, l’affaire a été débattue en audience publique le 06 Décembre 2022, devant Monsieur Frédéric PARIS, Président de chambre, désigné à ces fins par ordonnance de Madame la Première Présidente, qui s’est chargé du rapport, les parties ne s’y étant pas opposées, avec l’assistance de Madame Capucine QUIBLIER, Greffier lors des débats, et lors du délibéré :

Monsieur Frédéric PARIS, Président,

Monsieur Cyril GUYAT, Conseiller,

Madame Isabelle CHUILON, Conseiller,

Copies délivrées le : ********

FAITS ET PROCÉDURE

Mme [O] [U] a été engagée par la société Athéna Service à domicile sous contrat à durée indéterminée à temps partiel (17,5 heures de travail par semaine) à effet du 24 novembre 2017 en qualité de coordinateur.

La société exploite plusieurs établissements et a affecté la salariée sur sa nouvelle enseigne à [Localité 5].

L’effectif de la société est de plus de onze salariés.

La convention collective nationale des entreprises de services à la personne est applicable.

La salariée a été placée en arrêt de travail le 20 mai 2019.

Elle a pris acte de la rupture de son contrat de travail par lettre du 20 juin 2019.

Elle a été licenciée pour faute lourde par lettre du 29 juillet 2019.

La salariée a saisi le conseil de prud’hommes d’Aix-les-Bains le 10 août 2020 à l’effet d’obtenir des rappels de salaires et des indemnités au titre de la rupture du contrat de travail.

L’affaire a été radiée du rôle par décision du 18 mars 2021 et réinscrite le 6 avril 2021 à la demande du conseil de la salariée.

Par jugement du 15 juillet 2021 le conseil de prud’hommes a débouté Mme [U] de ses demandes sauf celle au titre d’une indemnité de congés payés d’un montant de 1568 €.

Mme [U] a interjeté appel par déclaration du 19 août 2021au réseau privé virtuel des avocats portant sur l’intégralité des dispositions du jugement. L’intimée a formé appel incident.

Par conclusions notifiées le 19 novembre 2021auxquelles la cour renvoie pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et de ses moyens, Mme [U] demande à la cour de :

— infirmer le jugement,

statuant à nouveau,

A titre principal,

— prononcer la requalification du contrat de travail à temps partiel en temps complet à compter du 24 novembre 2017,

— condamner la société Athéna Service à domicile à lui payer la somme de 13 523,64 € de rappel de salaire, et 1352,36 € de congés payés afférents,

A titre subsidiaire,

— dire que la société Athéna Service à domicile n’a pas respecté la durée minimale de travail hebdomadaire pour la période du 24 novembre 2017 au 16 septembre 2018 et la condamner en conséquence à lui payer la somme de 2310,36 € et 231,04 € de congés payés afférents,

— dire que le contrat de travail doit être requalifié à temps complet à compter du 17 septembre 2018, le temps complet étant atteint,

— condamner en conséquence la société Athéna Service à domicile à payer à Mme [U] un rappel de salaires d’un montant de 5565,24 € outre 556,52 € de congés payés afférents au titre de la requalification à temps complet pour la période du 17 septembre 2018 au 20 juin 2019,

En tout état de cause,

— dire que la prise d’acte produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse,

— condamner la société Athéna Service à domicile à lui payer les sommes suivantes :

* 4017,60 € à titre d’indemnité de congés payés,

* 1932,54 € à titre d’indemnité compensatrice de préavis et 193,25 € de congés payés afférents,

* 806,84 € à titre d’indemnité de licenciement,

* 11 600 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

* 2520 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile en première instance et 2520 € en cause d’appel,

— condamner la société Athéna Service domicile aux dépens et frais d’exécution notamment les éventuels droits proportionnels de recouvrement.

Elle soutient en substance que l’action au titre de la rupture du contrat de travail n’est pas prescrite, car elle avait sollicité l’aide juridictionnelle et la décision du bureau d’aide juridictionnelle ne lui a jamais été notifiée. Le délai de prescription n’a donc pas couru.

Sur la requalification à temps complet dès l’engagement, le contrat de travail ne stipulait pas la répartition des heures de travail sur la semaine ou les semaines du mois contrairement aux prescriptions de l’article L 3123-6 du code du travail.

En outre, elle gérait seule les appels des clients, ce qui implique qu’elle travaillait pendant les heures d’ouverture de l’agence d'[Localité 5].

Elle n’a jamais reçu de plannings, elle travaillait en autonomie et les jours étaient variables.

La durée de travail était variable, elle produit des agendas récapitulant son temps de travail.

L’employeur n’a jamais décompté le temps de travail ; les bulletins de salaire indiquent tous un temps de travail variable.

La société l’admet dans ses conclusions en exposant qu’elle a travaillé 166,50 heures en octobre 2018 et 402 heures en avril 2019, ce qui constitue un aveu judiciaire.

Elle a également effectué un nombre d’heures complémentaires dépassant le maximum autorisé de 23,33 heures par semaine et 101 heures sur le mois.

Elle se tenait à la disposition permanente de l’employeur.

La convention collective des associations et entreprises d’aide à domicile n’est pas applicable, la société exerçant une activité lucrative relevant de la convention collective des entreprises de service à la personne du 20 septembre 2012. L’exception de l’article L 3123-6 du code du travail tenant à ce que les associations et entreprises d’aide à domicile ne sont pas tenues de prévoir la répartition du temps de travail soulevée par le conseil des prud’hommes n’est donc pas applicable.

A titre subsidiaire, des rappels de salaire sont dus car la durée minimale du temps partiel n’a pas été respectée et la salariée a travaillé à temps complet en septembre 2018.

Le contrat prévoyait un temps de travail inférieur au minimum légal de 24 heures de l’article L 3123-27 du code du travail, la convention collective ne stipulant pas une autre durée minimum.

Si un salarié peut demander une durée inférieure, la demande motivée par des contraintes personnelles et lui permettant de cumuler plusieurs activité, doit être écrite et motivée ; l’employeur ne verse aucune demande écrite de la salariée en ce sens.

A défaut de requalification à temps complet, elle a donc droit à une rémunération sur la base de 24 heures de travail.

Sur la période postérieure au 17 septembre 2018, elle établit en produisant son agenda qu’elle a travaillé 38,75 heures sur la semaine 38.

Cela a eu pour effet de transformer de plein droit le contrat de travail à temps partiel en temps complet.

Même si le temps de travail complet n’a été atteint que sur une semaine, la requalification est de droit, la cour de cassation l’a jugé par arrêt du 23 janvier 2019 (n° 17-19393).

Elle a alerté plusieurs fois l’employeur du dépassement du temps de travail et n’a reçu aucune réponse.

Ces heures étaient accomplies avec l’accord tacite de l’employeur, celui-ci les payant.

L’employeur verse aux débats des extraits d’un agenda partagé mais seulement sur la période de mars 2019 à mai 2019, il s’agit en fait d’extraits du logiciel interne faisant état du nombre d’heures d’intervention et non du temps de travail des salariés.

Sur la prise d’acte, les manquements graves de l’employeur la justifiait.

Le non-respect des règles relatives au temps partiel constitue un manquement grave.

Elle n’était jamais remboursée de ses frais de déplacement.

La société se servait de son domicile comme bureau, et elle n’a reçu aucune indemnisation.

Elle a droit à une indemnité de préavis et à une indemnité de licenciement. Son préjudice du fait du licenciement sans cause réelle et sérieuse peut être évaluée à six mois de salaires.

Elle a droit aussi à l’indemnité de congés payés correspondant à 45,17 jours de congés acquis et indiqués sur le bulletin de paie. Le taux à appliquer est celui du salaire à temps complet, soit un taux de 89,28 €.

Concernant la demande adverse de paiement du préavis, une telle demande est infondée, l’employeur lui même ayant mis à pied la salariée à titre conservatoire à l’époque de la prise d’acte.

Par conclusions notifiées le 17 février 2022 auxquelles la cour renvoie pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et de ses moyens, la société Athéna Service à domicile demande à la cour de :

— confirmer le jugement sauf en ce qu’il a dit que la demande relative à la prise d’acte n’était pas prescrite et l’a débouté à ce titre, l’a débouté de sa demande de paiement du préavis et de celle au titre de l’article 700 du code de procédure civile

statuant à nouveau,

— déclarer prescrite les demandes au titre de la rupture du contrat de travail, et débouter Mme [U] de ses demandes au titre de la rupture du contrat de travail,

— condamner Mme [U] à lui payer une somme de 906 € correspondant au préavis, et celle de 3000 €au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Elle fait valoir que l’action sur la rupture du contrat de travail est prescrite car elle a été engagée plus de quatorze mois après la prise d’acte.

La demande d’aide juridictionnelle a été formulée le 14 mai 2019 et l’aide juridictionnelle a été accordée le 3 juin 2019. La salariée a pris acte de la rupture de son contrat de travail le 20 juin, le délai de prescription a commencé à courir à cette date.

La salariée a attendu le 20 août 2020 pour saisir la juridiction, soit plus d’un an après.

La salariée prétendant que la décision ne lui pas été notifiée, doit en apporter la preuve ce qu’elle ne fait pas.

La décision a en outre été nécessairement transmise à son conseil de l’époque.

Subsidiairement, les reproches de la salariée relatifs au temps partiel datent de son embauche soit dix mois avant la prise d’acte. Rien n’a empêché alors la salariée de poursuivre son travail.

L’employeur n’était pas tenu d’indiquer la répartition des heures de travail, la convention collective des associations et entreprise d’aide à domicile étant applicable.

La salariée connaissait ses horaires qui étaient réparties sur les heures d’ouverture de l’agence.

En réalité elle avait des horaires fixes les mardi et jeudi de 9 h à 12 h et de 14 h à 17h30 heures et le vendredi de 6 heures 45 à 10 heures.

En dehors de ces heures le relais de l’agence était pris par la gérante ou une autre salariée.

Les horaires n’étaient donc pas variables.

La salariée n’était pas à la disposition permanente de l’employeur.

S’agissant du décompte du temps de travail, la salariée indiquait ses heures sur l’agenda partagé de la société. Si la salariée prétend que son travail fluctuait, ce n’est pas de la responsabilité de l’employeur, la salariée tirant profit de l’autonomie dont elle bénéficiait et ne respectait pas la répartition convenue sur la semaine de travail.

La gérante n’a eu de cesse de rappeler à la salariée de respecter les heures de travail.

La demande tendant à la requalification à temps complet depuis l’embauche est donc infondée.

Sur la demande relative au minimum de 24 heures, la salariée voulait expressément un mi-temps pour pouvoir s’occuper de ses enfants.

Sur les dépassements en heures complémentaires, la requalification est encourue lorsque les heures complémentaires dépassent la durée légale sur plusieurs mois (Cass soc 13 mars 2013 n° 11-27-233) et en cas de dépassement variant sur des durées de un mois à deux mois (Cass soc 12 mars 2014 n° 12-15.014 et 6 juillet 2016 n° 14-25.881).

La salariée se saisit juste d’une semaine où elle a travaillé plus de 35 heures, ce qui ne répond pas aux exigences de la jurisprudence.

S’il est vrai que la salariée a travaillé au delà du maximum des heures complémentaires, cela n’entraîne pas la requalification à temps complet.

De plus l’agenda produit par la salariée contient des inexactitudes, elle déclare des heures sur une période où elle n’était pas présente, ce qui illustre le peu de crédit des pièces qu’elle verse.

L’activité de la salariée était notée sur le logiciel de la société, l’analyse des éléments informatiques montre que la salariée traitait d’affaires personnelles sur son temps de travail, qu’elle faisait des fausses déclarations quant à son temps de travail par rapport à son activité réelle.

Elle avait en outre pris l’habitude sans la moindre demande de sa hiérarchie de se substituer à des intervenants de terrain. Ces heures n’étaient pas demandées par l’employeur et n’étaient pas nécessaires.

Les demandes de la salariée sont d’autant moins fondées qu’elle s’est montrée déloyale lors de l’exécution du contrat de travail.

L’instruction de l’affaire a été clôturée le 2 septembre 2022.

MOTIFS DE LA DÉCISION

En vertu des dispositions de l’article L 3123-6 du code du travail, le contrat de travail du salarié à temps partiel doit mentionner la répartition de la durée du travail entre les jours de la semaine ou les semaines du mois, sauf pour les salariés des associations et entreprise d’aide à domicile.

La société Athéna Service à domicile est une entreprise dispensant des services d’aide à domicile.

Elle entre en conséquence dans les prévisions de l’exception prévue par l’article L 3121-6.

Le même article L 3123-6 prévoit toutefois que le contrat de travail doit mentionner les modalités selon lesquelles les horaires de travail pour chaque journée travaillée sont communiqués par écrit au salarié, que dans les associations et entreprises d’aide à domicile, les horaires sont communiqués par écrit chaque mois au salarié.

Cette communication doit être faite avant le début de chaque mois afin de permettre au salarié de s’organiser notamment dans le cadre d’un autre emploi à temps partiel.

En l’absence de communication, le contrat de travail doit être requalifié à temps complet, le salarié n’ayant pas connaissance de ses horaires étant contraint de se tenir à la disposition permanente de l’employeur.

En l’espèce, l’employeur n’établit par aucune pièce avoir respecté son obligation de communication.

Si la salariée dans un échange de mails du 15 janvier 2019 avec l’employeur écrit que ses jours de travail sont le mardi et jeudi de 9 heures à 12 heures, de 14 heures à 17 heures 30 et le vendredi de 6 h 45 à 10 heures, il reste que la salariée dans sou courrier de prise d’acte dénonce des heures de travail de plus en plus importante ; elle produit en outre son agenda où elle a noté les heures de travail accomplies dont il résulte que les heures étaient variables et plus importantes que les horaires indiqués dans le mail suscité du 15 janvier 2019.

D’ailleurs l’employeur reconnaît que la salariée était amenée à effectuer des heures complémentaires, ce qui établit que les horaires pouvaient varier. Il ne verse aucune pièce prouvant que la salariée était alors prévenue des horaires à l’avance pour le mois travaillé comme le prescrit l’article L L 3123-6.

La requalification en temps complet sera dès lors prononcée, la salariée ayant été obligée de se tenir à la disposition permanente de l’employeur.

Le jugement sera dès lors infirmé sur ce point, et l’employeur sera condamné à payer à la salariée la somme de 13 523,64 € de rappel de salaire, et 1352,36 € de congés payés afférents.

Sur la rupture du contrat de travail, la salariée a pris acte de la rupture de son contrat de travail le 20 juin 2019.

Si cette prise d’acte est postérieure à la demande d’aide juridictionnelle, déposée le 14 mai 2019, la demande d’aide juridictionnelle portait bien sur le même contrat de travail et la salariée avait le droit de formuler une demande en justice au titre de cette prise d’acte, dans le cadre de l’instance qu’elle voulait engagée lorsqu’elle a déposé la demande d’aide juridictionnelle.

La prescription avait été interrompue par le dépôt de la demande d’aide juridictionnelle, le délai de prescription ne court qu’à compter de la notification de la décision d’aide juridictionnelle, conformément à l’article 38 du décret n° 91-1266 du 19 décembre1991 devenu l’article 43 du décret n° 2020-1717 relatif à l’aide juridique.

Il ressort du mail du 15 mars 2021 émanant du bureau d’aide juridictionnelle de [Localité 6] que la décision du 3 juin 2019 a été adressée à la salariée par lettre simple. Il n’est donc pas établi que la bénéficiaire de l’aide juridictionnelle ait bien reçu cette lettre, aucune autre pièce établissant qu’elle n’en ait eu connaissance.

Le délai de prescription était dès lors toujours interrompu à la date où le nouveau conseil de la salariée a été mandaté le 27 novembre 2019, étant précisé qu’il n’est pas contesté qu’à cette date la salariée était informée de la nouvelle décision du bureau d’aide juridictionnelle.

Le délai de prescription n’a donc couru qu’à compter de cette date.

La date de saisine étant du 10 août 2020, la prescription d’une année n’était pas acquise à cette date.

Au fond, la prise d’acte par un salarié de la rupture de son contrat de travail ne produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse que si les manquements imputés par le salarié à son employeur sont suffisamment graves pour le justifier ; que dans le cas contraire elle produit les effets d’une démission.

Il appartient au salarié de rapporter la preuve des faits dont il se prévaut.

Dans sa lettre du 20 juin 2019 intitulée 'Prise d’acte de la rupture de mon contrat de travail’ la salariée reproche à l’employeur d’être toujours maintenue dans le cadre d’un temps partiel alors que cela n’a aucun rapport avec son temps de travail, qu’elle est à temps complet depuis longtemps ; elle fait état que sa charge de travail a explosé compte tenu du volume d’heures de prestations clients qu’elle gère. Elle fait grief à son employeur de ne pas tenir compte délibérément de son temps de travail et de payer les heures accomplies. Elle chiffre à 263,25 heures , les heures effectuées et non payées. Des notes de frais ne lui ont pas été non plus payés sans aucun motif. Elle n’a enfin bénéficié d’aucune compensation pour le travail effectué à domicile, son domicile servant de local à l’entreprise (frais d’électricité, internet…). Elle fait état aussi qu’étant en arrêt de travail depuis le 20 mai 2019 elle n’a pas reçu d’attestation de salaires.

L’employeur tout au long de l’exécution du contrat de travail n’a jamais communiqué à la salariée son planning en début de mois de sorte que celle-ci devait se tenir à la disposition permanente de l’employeur.

Un tel non respect des règles légales régissant le travail à temps partiel qui s’est poursuivi jusqu’à la prise d’acte est suffisamment grave en soi pour justifier à lui seul une rupture immédiate du contrat de travail par une prise d’acte.

Il ressort de plus des bulletins de paie produits aux débats que les heures accomplies au delà des heures prévues par le contrat à temps partiel n’étaient pas majorées

Elle a dû aussi réclamer le paiement de ses frais professionnels le 27 février 2019 et le 12 mars 2019, les frais à cette date s’élevant à la somme de 997,91 €.

La salariée a aussi formulé des réclamations concernant l’utilisation de son domicile comme bureau en adressant à son employeur deux mails en date des 6 décembre 2018 aux termes desquelles elle exprime qu’elle ne veut plus que le bureau soit chez elle, que les frais d’électricité sont importants ; par mail du 7 janvier 2019 elle demandait un avenant à son contrat de travail stipulant le travail à domicile, le remboursement des frais et la définition d’un temps de travail, tout cela conclut-elle pour 'mettre les choses bien à plat pour un confort à nous deux dans le travail'.

Le 15 janvier 2019 l’employeur répondait à la salariée par mail en écrivant : 'ton lieu de travail doit effectivement être l’agence d'[Localité 5] ou toute agence en Savoie. Donc si cela te dérange et je peux le comprendre d’être à ton domicile, tu peux toujours aller travailler sur l’agence de [Localité 7]. Mais ta mobilité étant la Savoie, les trajets domicile-travail seront à ta charge'.

L’employeur par cette réponse ne donnait pas de solution satisfaisante sur le lieu de travail qui est normalement à [Localité 5], il appartient sur ce point à l’employeur de donner au salarié les moyens de travailler et de remplir sa mission, ce qu’il n’a pas fait, aucun local n’existant à [Localité 5] alors que c’était prévu, et l’employeur ne prenant pas en compte la demande légitime de remboursement des frais.

Tous ces faits sont suffisamment graves pour justifier la prise d’acte mettant fin immédiatement au contrat de travail.

La salariée a droit à une indemnité de préavis d’un mois et à une indemnité de licenciement.

Le salaire étant de 1932,54 €, il sera accordé à la salariée la somme de 1932,54 € outre les congés payés afférents.

L’indemnité de licenciement de 806,84 € n’est pas contestée dans son montant et sera accordée.

Sur les dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, la salariée avait moins d’un an d’ancienneté.

Le barème de l’article L 1235-3 du code du travail prévoit un minimum d’un mois de salaire et un maximum de deux mois.

Ce barème a été jugé conforme à la convention de l’Organisation internationale du travail par la chambre sociale de la cour de cassation dans son arrêt du 11 mai 2022 (pourvoi n° 21-14.490).

La salariée a subi un préjudice d’emploi même si elle a fini par retrouver un emploi à durée indéterminée.

Il lui sera alloué au vu de ces éléments la somme de 3865 € correspondant à deux mois de salaire.

Concernant l’indemnité de congés payés, il ressort du bulletin de salaire de juin 2019 et d’août 2019 que la salariée avait acquis 45,17 jours de congés payés. Ces congés payés sont dus par l’employeur ; le solde de tout compte n’en fait pas état.

L’employeur sera condamné à payer une indemnité compensatrice de congés payés de 4017,60 €.

Les dépens ne comprendront pas les frais d’exécution et les droits de recouvrement, ces créances n’étant pas établies à ce jour, précision faite que le droit de recouvrement n’est pas dû par la partie qui demande l’exécution d’un titre exécutoire conformément aux article R 444-53 et R 444-55 du code de commerce.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant contradictoirement, après en avoir délibéré conformément à la loi ;

INFIRME le jugement du 15 juillet 2021 rendu par le conseil de prud’hommes d’Aix-les-Bains, sauf en ce qu’il a déclaré non prescrites les demandes au titre de la rupture du contrat de travail, et fait droit dans son principe à la demande en paiement d’une indemnité compensatrice de congés payés,

Statuant à nouveau sur les dispositions infirmées,

REQUALIFIE le contrat de travail à temps partiel en temps complet ;

CONDAMNE la société Athéna Service à domicile à payer à Mme [O] [U] la somme de 13 523,64 € à titre de rappel de salaire et 1352,36 € de congés payés afférents,

REJETTE la fin de non recevoir tirée de la prescription de la demande au titre de la rupture du contrat de travail,

DIT que la prise d’acte aux torts de l’employeur est justifiée et produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse,

en conséquence,

CONDAMNE la société Athéna Service à domicile à payer à Mme [O] [U] les sommes suivantes :

* 4017,60 € à titre d’indemnité de congés payés,

* 1932,54 € à titre d’indemnité compensatrice de préavis et 193,25 € de congés payés afférents,

* 806,84 € à titre d’indemnité de licenciement,

* 3865 € € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

CONDAMNE la société Athéna Service aux dépens de première instance et d’appel ;

Vu l’article 37 de loi n° 91-647 du 10 juillet 1991,

CONDAMNE la société Athéna Service à domicile à payer à Mme [O] [U] la somme globale de 2500 € au titre des frais d’avocat de première instance et d’appel.

Ainsi prononcé publiquement le 12 Janvier 2023 par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties présentes en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile, et signé par Monsieur Frédéric PARIS, Président, et Madame Capucine QUIBLIER, Greffier pour le prononcé auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le Greffier Le Président

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