Cour d'appel de Colmar, 8 décembre 2015, n° 14/01727

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Colmar, 8 déc. 2015, n° 14/01727
Juridiction : Cour d'appel de Colmar
Numéro(s) : 14/01727
Décision précédente : Conseil de prud'hommes de Strasbourg, 17 mars 2014

Sur les parties

Texte intégral

XXX

MINUTE N° 15/1461

NOTIFICATION :

Pôle emploi Alsace ( )

Copie aux parties

Clause exécutoire aux :

— avocats

— délégués syndicaux

— parties non représentées

Le

Le Greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE COLMAR

CHAMBRE SOCIALE – SECTION B

ARRET DU 08 Décembre 2015

Numéro d’inscription au répertoire général : 4 B 14/01727

Décision déférée à la Cour : 18 Mars 2014 par le CONSEIL DE PRUD’HOMMES – FORMATION DE DEPARTAGE DE STRASBOURG

APPELANT :

Monsieur D Z

XXX

XXX

Comparant, représenté par Maître Christian DECOT, avocat au barreau de STRASBOURG

INTIMEE et APPELANTE INCIDENTE :

Société ALSACE CROISIERES, exploitant sous le nom commercial

XXX

prise en la personne de son représentant légal

N° SIRET : 998 348 601

XXX

XXX

Non comparante, représentée par Maître Xavier DROUIN, avocat au barreau de STRASBOURG

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 22 Septembre 2015, en audience publique, devant la Cour composée de :

M. ADAM, Président de Chambre

M. ROBIN, Conseiller

Mme FERMAUT, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : Mme HERMANS,

assistée de Mme Stéphanie BAEUMLIN, greffier stagiaire

ARRET :

— contradictoire

— prononcé par mise à disposition au greffe par M. Dominique ADAM, Président de Chambre,

— signé par M. Dominique ADAM, Président de Chambre et Mme Stéphanie HERMANS, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PROCEDURE

M. D Z a été employé du 11 avril 1997 au 9 février 2007 par la société Alsace Croisières exploitant sous le nom commercial Croisieurope comme commissaire de bord sur divers bateaux de navigation fluviale.

En janvier 2007 le bateau sur lequel il était affecté « la belle de Cadix » a été classé bateau maritime et a continué à être exploité, sous pavillon maritime belge, par la société belge Croisimer. Pour pouvoir continuer à exécuter sa mission de commissaire de bord sur « la belle de Cadix » M. Z a accepté de passer au service de cette dernière société pour les périodes du 9 février au 24 mai 2007, puis du 27 décembre 2007 au 26 février 2008 et du 27 février 2008 au 3 mars 2008.

Durant les intervalles de temps où il n’était pas au service de la société Croisimer, M. Z a été engagé par la société Alsace Croisières, dans le cadre d’une succession de contrats à durée déterminée à terme précis, ce, à compter du 25 mai 2007 (soit du 25 mai au 3 septembre 2007, du 26 octobre au 26 décembre 2007, du 4 mars au 30 avril 2008, du 1er mai au 30 juin 2008).

A compter du 1er juillet 2008, il était à nouveau lié à la société Alsace Croisières par un contrat à durée indéterminée pour occuper les mêmes fonctions de commissaire de bord et à compter de mi-juillet 2009 il s’est trouvé en poste sur le « Michelangelo » basé à Venise.

Au début du second trimestre de l’année 2011, M. Z a appris qu’il allait changer d’affectation, changement qui serait effectif dès le retour de son mois de vacances du 23 avril au 27 mai 2011.

M. Z, qui s’estimait purement et simplement évincé de ses fonctions a été placé en arrêt pour maladie 30 mai 2011 au 3 juillet 2011.

L’employeur a refusé de revenir sur sa décision et a indiqué au salarié qu’il effectuerait des remplacements en qualité de commissaire de bord.

Après avoir par courrier électronique du 19 juillet 2011 informé l’employeur qu’il lui ferait parvenir sa lettre de démission la semaine suivante, M. Z a, par courrier recommandé du 27 juillet 2011, pris acte de la rupture de son contrat de travail à effet immédiat aux torts de la société Alsace Croisières aux motifs :

— du non paiement des arriérés d’heures supplémentaires,

— des conditions d’éviction de son poste de travail impliquant une totale modification de ses conditions de vie et basée sur des accusations contestées et contradictoires,

— et plus généralement des conditions de travail qui lui avaient été imposées par la société Alsace Croisières.

Le 5 décembre 2011, M. D Z a saisi le conseil de prud’hommes de Strasbourg, demandant à la juridiction prud’homale par dernières conclusions de :

— dire que la prise d’acte de la rupture du contrat de travail est imputable à l’employeur et qu’elle produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse,

— en conséquence condamner la société Croisieurope à lui payer les montants suivants :

. 6.928 € à titre d’indemnité compensatrice de préavis,

. 693 € au titre des congés payés sur préavis,

. 13.641 € à titre d’indemnité de licenciement,

. 41.568 € à titre de dommages-intérêts pour rupture abusive du contrat de travail,

. 141.594 € à titre d’arriéré d’heures supplémentaires,

. 14.159 € au titre des congés payés sur arriéré d’heures supplémentaires,

. 20.784 € à titre d’indemnité forfaitaire sur le fondement de l’article L8223-1 du code du travail,

. 5.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Par le jugement entrepris du 18 mars 2014, rendu en formation de départage, le conseil de prud’hommes de Strasbourg a :

— rejeté les demandes de M. Z au titre d’arriéré d’heures supplémentaires et du chef de travail dissimulé,

— dit que la prise d’acte de la rupture du contrat de travail a produit des effets d’une démission,

— en conséquence, débouté M. Z de ses demandes au titre d’une rupture abusive du contrat de travail imputable à l’employeur ou au titre d’indemnités de préavis et de licenciement,

— débouté la société Croisieurope de sa demande reconventionnelle,

— rejeté les réclamations fondées sur l’article 700 du code de procédure civile et dit que chaque partie conservera la charge de ses propres frais et dépens.

M. D Z a régulièrement relevé appel du jugement par acte du 2 avril 2014.

A l’audience de la cour, M. D Z, se référant oralement à ses conclusions parvenues le 26 août 2014, sollicite l’infirmation du jugement rendu et réitère ses demandes présentées en première instance, sauf à réclamer l’octroi d’une indemnité de 5.000 € pour ses frais irrépétibles de première instance et d’une indemnité de même montant pour ses frais irrépétibles d’appel.

Se référant oralement à ses conclusions en réplique et au soutien d’un appel incident parvenues le 1er décembre 2014, la société Alsace Croisières – Croisieurope sollicite la confirmation du jugement, sauf à ce que M. Z soit condamné en sus des dépens, à lui payer la somme de 5.196,60 € à titre d’indemnité pour non-respect du préavis et une indemnité de 2.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

SUR CE,

Vu le dossier de la procédure, les pièces versées aux débats et les conclusions des parties auxquelles il est référé pour un plus ample exposé de leurs moyens et arguments,

1/ sur les heures supplémentaires :

Attendu qu’en application de l’article L3171-4 du code du travail, dès lors que le litige porte sur le nombre d’heures accomplies, si l’employeur doit être en mesure de justifier des horaires effectivement réalisés par le salarié, il appartient cependant à ce dernier d’étayer préalablement sa demande en paiement d’heures supplémentaires par la production d’éléments suffisamment précis quant aux horaires effectivement réalisés pour permettre à l’employeur de répondre en fournissant ses propres éléments ;

Attendu qu’en l’espèce, M. Z revendique une somme globale de 141.594 € majorée d’un montant de 14.159 € au titre des congés payés en soutenant qu’il a réalisé de 2006 à 2011 des heures supplémentaires non payées, respectivement 1084 heures (dont 36 heures non couvertes par la prescription) en 2006, 520 heures en 2007, 1060 heures en 2008, 1140 heures en 2009, 1220 heures en 2010 et 380 heures en 2011 ;

Attendu qu’au soutien de sa demande, il se réfère aux états récapitulatifs qu’il a établis pour chaque année, dans lesquels il a indiqué pour chaque semaine où il était en poste le nombre global d’heures accomplies au-delà de 48 heures comme correspondant aux heures supplémentaires effectuées et fait essentiellement valoir qu’eu égard à ses attributions, il était occupé 7 jours sur 7, de 10 heures à 11 heures par jour, son temps de travail couvrant le temps de travail des autres personnels placés sous sa responsabilité ;

Attendu que seules sont ainsi en cause les heures supplémentaires accomplies au-delà de la 48e heure de travail hebdomadaire, le salarié ne contestant pas que les heures accomplies de la 36e heure à la 48e heure en haute saison, soit d’avril à octobre, étaient récupérées en basse saison, soit de novembre à mars selon la distinction dans son contrat de travail entre ces deux périodes ;

Attendu que contester la demande, la société intimée relève que M. Z a durant toute la durée du contrat, lorsqu’il était en période de navigation, signé les fiches de présence hebdomadaires indiquant outre le jour de repos, le nombre d’heures effectué durant la semaine sur six jours, soit généralement 48 heures ;

Qu’elle ajoute qu’à supposer qu’un commissaire de bord effectue en moyenne 70 heures de travail par semaine lorsqu’il est affecté sur un bateau, tel n’était pas le cas de l’appelant dans la mesure où il s’absentait très souvent et se déchargeait de ses tâches sur ses subordonnés ;

Or attendu que M. Z indique qu’en sa qualité de commissaire de bord, sa journée de travail commençait à 6h30 et s’achevait à environ à 21h30 ' 22h, qu’il était occupé d’environ 6h à 10h30, heure de pause, à la vérification de la préparation du petit déjeuner, l’ouverture des portes du restaurant, l’organisation avec l’animatrice du départ des clients pour les visites, la supervision du travail avec les hôtesses de cabine, puis à compter de 11 heures jusqu’à 14h30, au déjeuner avec le personnel, au déjeuner des clients suivi de l’organisation avec l’animatrice du départ en excursion de l’après-midi, qu’il disposait d’une pause de 14h30 à 17h à l’issue de laquelle il était encore occupé par la préparation du salon bar, les conférences aux clients, le dîner du personnel, le dîner des clients, la présence à la réception jusqu’à la fin de la journée à environ 23h ;

Attendu que M. L M, salarié de la société intimée, et supérieur hiérarchique des commissaires de bord, ne contredit pas, dans l’attestation que produit l’employeur, l’amplitude journalière de travail d’un commissaire de bord, fixant celle-ci de 6h30 à 21h15 (soit 14h45) hors service particulier, tel soirée de gala, spectacle, et retient essentiellement deux temps sans activité de 9h20 à 10h45 et de 14h30 à 17h30 (soit globalement 4h25) ce qui ramène l’amplitude journalière de travail à 10 heures ;

Qu’au demeurant le planning indicatif des horaires de travail joint en annexe par le salarié appelant atteste que la journée de travail du personnel s’étalait entre 6h30 et 22h;

Que dans son attestation au soutien de M. Z, M. N, ancien commissaire de bord de la société Croisieurope de 1995 à 2003, « certifie sur l’honneur que les heures effectuées par les commissaires de bord sont de l’ordre de 13 heures minimum par jour, 7 jours sur 7 ' cette société par note de service officielle demandait à ses commissaires d’effectuer une double comptabilité horaire pour ses personnels à des fins juridiques » ;

Que M. J K, qui était serveur sous la responsabilité de M. Z en 2004, affirme que celui-ci n’a pris aucun jour de repos durant toute la saison « c’est à dire d’avril à fin octobre 2004 », qu'« il signait la feuille de présence comme tout le monde avec un jour de repos fictif inscrit pour lui. Ses journées de travail commençaient vers 6h30 et se terminaient vers 22h ou plus tard selon les soirées » ;

Attendu qu’il convient d’observer qu’en tant que commissaire de bord M. Z avait des responsabilités étendues, couvrant, selon son premier contrat de travail à durée indéterminée du 31 octobre 1997, la responsabilité totale du bateau en matière d’hôtellerie-restauration, la responsabilité de l’équipage de bord, du bon accueil et du bien être des clients à bord, de la caisse du bateau ainsi que des stocks de marchandises, la responsabilité de l’entretien général du bateau ;

Que ses responsabilités ressortaient de l’article 2 de l’annexe III de la convention collective nationale du personnel des entreprises de transport de passagers en navigation intérieure qui définit le commissaire de bord comme « le représentant direct du chef d’entreprise à bord de l’unité concernée » et précise que « Il a autorité sur l’ensemble des personnels embarqués pour assurer sa bonne marche et son organisation interne en tous les domaines.

Cette responsabilité et cette autorité s’exercent sous les seules limites liées à la conduite technique du bateau dont le capitaine reste en tout état de cause responsable » ;

Attendu qu’il s’ensuit que M. Z qui n’avait pas de remplaçant désigné, remplissait une fonction essentielle qui l’amenait comme il le soutient à superviser le personnel dans l’amplitude horaire de travail de celui-ci, et en tout cas une fonction en cohérence avec un horaire journalier de 10 heures, soit 70 heures par semaine, compte tenu des temps de pause qu’il reconnaît, ce quand bien même il a constamment signé sans les rectifier ni émettre de réserves les fiches de présence hebdomadaires qui lui ont été soumises ;

Attendu par ailleurs que si la société intimée invoque les témoignages de plusieurs salariés pour justifier que M. Z n’effectuait pas ses tâches, et les déléguait à ses subordonnés afin de pouvoir se réserver du temps libre et se consacrer à des activités sportives, ce qui permettrait d’exclure qu’il ait jamais réellement accompli même 10 heures de travail par jour, force est de constater que l’employeur ne démontre pas lui avoir adressé la moindre mise en garde ni le moindre reproche avant de décider de modifier son affectation en avril 2011 ; que l’employeur lui a au contraire accordé une prime exceptionnelle pour l’année 2006 (de 3173 € réglée en avril 2007), pour l’année 2007 (de 2500 € réglée en avril 2008), pour l’année 2009 (de 3665 € réglée en avril 2010) et lui a même versé une prime exceptionnelle de 2.904 € en juillet 2011 ;

Attendu qu’il y a lieu dans ces conditions de juger la demande en paiement d’heures supplémentaires fondée en son principe ;

Attendu qu’en ce qui concerne la détermination des heures effectuées, il ressort du rapprochement entre les états récapitulatifs des heures supplémentaires établis par le salarié pour chaque année et les fiches hebdomadaires de présence qu’il a signées produites par l’employeur, que M. Z n’a pas accompli d’heures supplémentaires en 2006 sur la période du 4 décembre au 31 décembre 2006 (ce d’apprès son état récapitulatif – pièce n° 25), mais qu’il a accompli au bénéfice d’Alsace Croisières des heures supplémentaires non rémunérées sur 11 semaines en 2007, 27 semaines en 2008, 29 semaines en 2009, 33 semaines en 2010 et 10 semaines en 2011 ;

Attendu qu’ainsi sur la base de 22 heures supplémentaires par semaine (70 heures ' 48 heures), pendant 110 semaines, en considération d’une rémunération mensuelle de base de 2.598,30 € (ou 2.598,30 € / 151,67 = 17,13 € l’heure), et de l’application revendiquée par le salartié d’un taux majoré de 25 % pour les 8 premières heures supplémentaires chaque semaine et d’un taux majoré de 50 % pour les heures supplémentaires au-delà de 8 heures, il y a lieu de condamner l’employeur à payer à M. Y la somme de :

( 8h x 110 semaines x 17,13 € x 25 % ) + (14h x 110 semaines x 17,13 € x 50 % ) = 18.843 € + 39.570,30 € = 58.413,30 €,

ce outre un montant de 5.841,33 € au titre des congés payés afférents ;

2/ sur le travail dissimulé :

Attendu que M. Z, en considération des heures supplémentaires impayées, revendique l’octroi de l’indemnité prévue en cas de travail dissimulé par l’article L8223-1 du code du travail au bénéfice du salarié dont le contrat de travail a été rompu ;

Or attendu que le délit de travail dissimulé suppose outre la dissimulation de l’activité ou de l’emploi salarié, la démonstration de son caractère volontaire ;

Attendu qu’en l’espèce, il n’est pas établi au vu des pièces versées, en particulier au vu des fiches de présence signées par les salariés, que l’employeur a délibérément entendu dissimuler l’exécution d’heures supplémentaires ;

Qu’il s’impose donc de débouter M. Z de sa demande de ce chef ;

3/ sur la rupture du contrat de travail et les demande subséquentes :

Attendu que M. Z a, le 19 juillet 2011, adressé à son employeur le courrier électronique suivant :

« Suite à mon appel téléphonique de cette fin de matinée, je vous confirme de ne plus me prévoir sur vos planning.

La semaine prochaine,je vous ferai parvenir ma lettre de démmission.

Je vous prie également de me tenir au courant de la suite a donné, pour mon costume de commissaire de bord qui a plus de 2 ans » ;

Qu’il ne lui a toutefois pas fait parvenir de lettre de démission mais, par lettre du 27 juillet 2011, a indiqué renoncer à toute démission et a déclaré prendre acte de la rupture de son contrat de travail à effet immédiat du fait du comportement de la société Alsace Croisières à son égard ;

Attendu qu’une démission ne peut résulter que d’une manifestation claire et non équivoque de volonté de la part du salarié de mettre fin à son contrat de travail ;

Que M. Z n’ayant pas dans son courrier électronique du 19 juillet 2011 manifesté clairement la volonté de démissionner, la rupture du contrat de travail n’est intervenue que par l’effet de sa prise d’acte de la rupture par courrier du 27 juillet 2011 ;

Attendu que lorsqu’un salarié prend acte de la rupture de son contrat de travail en raison de faits qu’il reproche à son employeur, cette rupture produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse si elle était justifiée par des manquements commis par

l’employeur rendant impossible la poursuite du contrat de travail, et les effets d’une démission dans le cas contraire ;

Attendu qu’aux termes de son courrier du 27 juillet 2011, M. Z a pris acte de la rupture de son contrat de travail en considération :

« - du non paiement des arriérés d’heures supplémentaires,

— des conditions d’éviction de [son] poste de travail impliquant une totale modification de [ses] conditions de vie et basée sur des accusations contestées et contradictoires,

— et plus généralement en considération des conditions de travail qui [lui] ont été imposées par la société ALSACE CROISIERE » ;

Attendu que nonobstant les termes de ce courrier, le salarié appelant ne développe devant la cour que deux griefs à l’encontre de son employeur, tirés d’une part du défaut de rémunération des heures supplémentaires accomplies, d’autre part des conditions de son changement d’affectation ;

Qu’il s’impose donc d’écarter le troisième grief allégué, ce d’autant qu’il ne repose sur aucun fait précis matériellement vérifiable ;

Attendu quant aux autres griefs allégués contre l’employeur, que M. Z qui était en poste sur le bateau le « Michelangelo » basé à Venise, depuis mi-juillet 2009, expose qu’alors qu’il était en congé depuis le 23 avril 2011, et devait en accord avec son employeur être de retour à bord le 27 mai 2011, il a appris trois jours après son départ de Venise pour ses congés qu’il « était remplacé à [son] poste » (cf lettre de M. Z du 7 juillet 2011 en annexe n° 20 de l’appelant) ;

Qu’il justifie qu’ayant interrogé par courrier électronique du 23 mai 2011, Mme F A, responsable service RH, celle-ci lui a répondu par courrier électronique du même jour :

« Bonjour D,

Effectivement Jessica a été formée pour le poste de commissaire de bord.

Je pensais que tu avais eut une discussion avec X à ce sujet.

Tu as son feu vert pour louer une voiture et récupérer tes affaires, si besoin organise toi pour dormir à bord le 27 au soir.

On se téléphone à ton retour chez toi. » ;

Attendu que M. Z a été, à l’issue de sa période de congé, placé en arrêt de travail pour maladie, ce du 30 mai jusqu’au 3 juillet 2011, le médecin relevant l’existence d’un conflit du travail, avec état réactionnel anxieux, puis, le 4 juillet 2011, il lui a été proposé lors d’un entretien avec Mme A de reprendre un nouveau poste de « commissaire remplaçant » sur les différents bateaux de la société à partir du 18 juillet 2011 ;

Que la décision de changement d’affectation était selon l’employeur motivée par les résultats « médiocres » des fiches d’évaluation du commissaire de bord pour le MS Michelangelo (cf lettre de l’employeur à M. Z du 12 juillet 2011 en annexe n° 21 de l’appelant) ce qui « avait déjà été signalé à plusieurs reprises » à M. Z ;

Que M. Z devait faire connaître à l’employeur par courrier du 7 juillet 2011 qu’il ne pouvait accepter ce nouveau poste « qui entraînera de nouveau pour moi l’exécution de centaines d’heures supplémentaires non rémunérées » avant d’avoir confirmation du paiement des heures supplémentaires acquises, puis à la suite du courrier de l’employeur du 12 juillet 2011 lui notifiant sa nouvelle affectation sur le bateau « La Bohême » à compter du 18 juillet 2011, adresser à la société Alsace Croisières le courrier électronique susvisé du 19 juillet 2011 ;

Attendu qu’il a été ci-dessus démontré que M. Z a régulièrement accompli des heures supplémentaires pendant le temps de son emploi au service de la société Alsace Croisières qui ne lui ont pas été rémunérées ;

Attendu que le non-paiement de la totalité des heures de travail accomplies constitue un manquement de l’employeur à une obligation essentielle du contrat de travail ; que pour ce motif le salarié appelant était fondé à prendre acte de la rupture de son contrat de travail, ce d’autant que l’employeur, par son courrier du 12 juillet 2011 en réponse à celui de M. Z du 7 juillet 2011, n’apportait aucune réponse à la question de la rémunération des heures supplémentaires ;

Attendu qu’il résulte par ailleurs de ce qui précède que l’employeur a invité M. Z à ne pas reprendre son poste à l’issue de son congé le 27 mai 2011, sans pour autant lui notifier de nouvelle affectation à compter de son retour ; que celui-ci s’est trouvé dépourvu d’affectation, et donc de travail, ce jusqu’au 4 juillet 2011, date à laquelle il lui a été proposé un poste de commissaire remplaçant sur les différents bateaux de la société Alsace Croisières à partir du 18 juillet 2011 ;

Attendu que s’il était expressément stipulé dans le contrat de travail (cf article 1 du contrat signé le 3 juillet 2008) que « Des changements d’affectation peuvent avoir lieu à tout moment lorsque les nécessités de l’exploitation l’exigent », il n’en résulte pas moins que l’employeur a privé le salarié de ses fonctions et l’a remplacé pendant qu’il était en congé sans même l’en aviser préalablement ;

Que sur ce point, l’attestation établie le 20 mars 2012 par Mme A, responsable service RH, en faveur de l’employeur au terme de laquelle elle aurait entendu M. X C, directeur général de Croisieurope, annoncer à M. Z une semaine avant son départ en congé sa décision de le changer de bateau, n’est pas de nature à remettre en cause les termes du courrier électronique qu’elle a adressé le 23 mai 2011 au salarié, selon lesquels elle « pensait » qu’il « avait eu une discussion avec X à ce sujet » ;

Attendu que M. Z est dès lors fondé à reprocher à son employeur sous couvert de l'« éviction brutale » de son poste qu’il indique précisément dénoncer, les conditions dans lesquelles la société Alsace Croisières a procédé pour le changer d’affectation, celles-ci participant d’une exécution déloyale du contrat de travail ;

Attendu que les manquements relevés à l’encontre de l’employeur, touchant à la rémunération, la fourniture du travail et la loyauté, étant suffisamment graves pour empêcher la poursuite du contrat de travail, il y a lieu de dire, après infirmation du jugement, que la prise d’acte de la rupture du contrat de travail par M. Z produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

Attendu que M. Z était âgé de 51 ans à la date de la rupture, disposait d’une ancienneté de plus de deux ans dans une entreprise d’au moins onze salariés, et a perçu, selon l’attestation destinée à Pôle emploi, une rémunération mensuelle brute de 3.542,13 € au cours de la période du 1er juillet 2010 au 31 mai 2011 ;

Qu’il est en conséquence fondé à obtenir, en application de l’article L1235-3 du code du travail, l’indemnisation du préjudice que la rupture lui a fait subir, ce pour un montant qui ne peut être inférieur aux six derniers mois de salaire ;

Attendu que le salarié appelant ne fournit pas de précision sur sa situation professionnelle actuelle ;

Qu’eu égard aux éléments dont dispose la cour sur l’étendue de son préjudice, une juste évaluation conduit à fixer à 25.000 € le montant des dommages-intérêts qui doivent lui revenir ;

Attendu que le salarié appelant est également fondé à obtenir une indemnité de licenciement en considération de son temps de présence dans l’entreprise, les différents établissement et filiales, soit au vu de l’attestation émise par l’employeur le 31 juillet 2008 (cf annexe n° 14 du salarié) en considération de son temps de présence à compter du 11 avril 2007 ; qu’il doit lui revenir à ce titre la somme qu’il calcule exactement en application de la convention collective de 13.641 € ;

Attendu que le salarié appelant est aussi fondé à obtenir une indemnité compensatrice de préavis de deux mois conformément aux termes de la convention collective applicable, soit le montant qu’il réclame de 6.928 € augmenté de la somme de 693 € au titre des congés payés afférents ;

Attendu que l’employeur ayant par ses manquements rendu impossible la poursuite de la relation de travail, il s’impose de le débouter de sa demande reconventionnelle en paiement d’une indemnité compensatrice d’un préavis que le salarié n’était pas tenu d’exécuter ;

4/ sur les dispositions accessoires :

Attendu qu’en application de l’article L1235-4 du code du travail, il y a lieu d’ordonner le remboursement à Pôle emploi à la charge de l’employeur des indemnités de chômage servies au salarié abusivement privé d’emploi, et ce dans la limite de six mois d’indemnités;

Attendu qu’eu égard à l’issue de la procédure, la société Alsace Croisières qui succombe supportera les dépens de première instance et d’appel ;

Qu’elle ne peut prétendre à l’octroi d’une indemnité sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

Qu’en revanche, elle devra verser à M. Z en application de l’article 700 du code de procédure civile, une somme de 2.000 € à titre de contribution aux frais irrépétiibles qu’il a dû exposer.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant par mise à disposition au greffe, par arrêt contradictoire, en dernier ressort, après en avoir délibéré conformément à la Loi,

DECLARE l’appel recevable ;

INFIRME le jugement en date du 18 mars 2014 du conseil de prud’hommes de Strasbourg ;

statuant à nouveau,

DIT que la prise d’acte de la rupture du contrat de travail par M. D Z produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

CONDAMNE la société Alsace Croisières à verser à M. D Z les sommes de :

. 58.413,30 € bruts (cinquante huit mille quatre cent treize euros et trente centimes) à titre de rémunération des heures supplémentaires effectuées,

. 5.841,33 € bruts (cinq mille huit cent quarante et un euros et trente trois centimes) au titre des congés payés afférents,

. 6.928 € bruts (six mille neuf cent vingt huit euros) à titre d’indemnité compensatrice de préavis,

. 693 € bruts (six cent quatre vingt treize euros) au titre des congés payés sur préavis,

. 13.641 € (treize mille six cent quarante et un euros) à titre d’indemnité conventionnelle de licenciement,

. 25.000 € (vingt cinq mille euros) à titre de dommages-intérêts en application de l’article L1235-3 du code du travail ;

ORDONNE le remboursement à Pôle emploi à la charge de la société Alsace Croisières des indemnités de chômage servies à M. D Z dans la limite de six mois d’indemnités ;

DEBOUTE les parties du surplus de leurs prétentions ;

CONDAMNE la société Alsace Croisières à verser à M. D Z une indemnité de 2.000 € (deux mille euros) en application de l’article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE la société Alsace Croisières aux dépens de première instance et d’appel.

Le Greffier, Le Président,

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Textes cités dans la décision

  1. Code de procédure civile
  2. Code du travail
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Cour d'appel de Colmar, 8 décembre 2015, n° 14/01727