Cour d'appel de Colmar, Chambre 2 a, 29 octobre 2020, n° 19/01589

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Colmar, ch. 2 a, 29 oct. 2020, n° 19/01589
Juridiction : Cour d'appel de Colmar
Numéro(s) : 19/01589
Décision précédente : Tribunal de grande instance de Mulhouse, 7 mars 2019
Dispositif : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Sur les parties

Texte intégral

CG

MINUTE N° 346/2020

Copies exécutoires à

La SCP CAHN & ASSOCIES

Maître RUMMLER

Le 29 octobre 2020

Le Greffier

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE COLMAR

DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE

ARRÊT DU 29 octobre 2020

Numéro d’inscription au répertoire général : 2 A 19/01589 – N° Portalis DBVW-V-B7D-HBQ7

Décision déférée à la cour : jugement du 08 mars 2019 du TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE de MULHOUSE

APPELANTE et défenderesse :

La SELARL HARTMANN & CHARLIER

mandataires judiciaires associés

prise en la personne de son représentant légal

ayant son siège social […]

[…]

représentée par la SCP CAHN & ASSOCIES, avocats à la cour

plaidant : Maître FABRE, avocat à PARIS

INTIMÉE et demanderesse :

La SCI LA CITROUILLE

prise en la personne de son représentant légal

ayant son siège social […]

[…]

représentée par Maître RUMMLER, avocat à la cour

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 24 septembre 2020, en audience publique, devant la cour composée de :

Monsieur Bernard POLLET, Président

Madame Catherine GARCZYNSKI, Conseiller

Madame Myriam DENORT, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : Madame Nathalie NEFF

ARRÊT Contradictoire

— prononcé publiquement après prorogation du 22 octobre 2020 par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile.

— signé par Monsieur Bernard POLLET, président et Madame Dominique DONATH, faisant fonction de greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PROCÉDURE

Une procédure de liquidation judiciaire a été ouverte à l’égard de la société Construction frigorifique industriel étude réalisation, exploitant sous l’enseigne 'Cofriner’ (ci-après la société Cofriner), par jugement de la chambre commerciale du tribunal de grande instance de Mulhouse du 14 décembre 2016, lequel a désigné la société Hartmann et Charlier, en la personne de Me Pierre Charlier, pour exercer les fonctions de mandataire judiciaire.

La société Cofriner exploitait son activité dans des locaux, situés […] à Trellières (44), en vertu d’un bail consenti par la SCI La Citrouille.

Par acte du 2 janvier 2018, la SCI La Citrouille (ci-après la SCI) et son mandataire judiciaire ont assigné la société Hartmann et Charlier en responsabilité civile personnelle, sur le fondement de l’article 1241 du code civil, devant le tribunal de grande instance de Mulhouse, afin de la voir condamnée à payer à la SCI la somme de 36 000 euros, correspondant à des indemnités d’occupation dues par la société Cofriner, qui n’avait pas libéré les lieux loués malgré la notification faite par la société Hartmann et Charlier, en qualité de liquidateur, qu’elle n’entendait pas poursuivre le bail commercial et le résiliait avec effet immédiat, conformément aux dispositions de l’article L. 641-12, alinéa 3, du code de commerce.

Par jugement du 8 mars 2019, le tribunal a dit que la société Hartmann et Charlier devait 'une indemnité d’occupation' à la SCI pour l’occupation des lieux pendant la période du 1er janvier 2017 au 11 janvier 2018 et l’a condamnée, avec exécution provisoire, à lui payer la somme de 30 938 euros 'hors taxes', outre intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 4 janvier 2017 avec capitalisation, ainsi que la somme de 1 300 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Le tribunal, après avoir rappelé les termes de l’article 1241 du code civil, a estimé que le mandataire liquidateur, ayant résilié le bail commercial, avait l’obligation de restituer

immédiatement les locaux à leur propriétaire et n’était pas en droit de les retenir au motif que des éléments d’actifs y étaient entreposés, quelles qu’en aient été les raisons, le non-paiement du prix de cession par l’acquéreur des meubles ou le non-enlèvement de ces derniers ne constituant pas un justificatif. Il a accordé la somme de 30 938 euros pour la période du 1er janvier 2017 au 11 janvier 2018, dans la mesure où le loyer du mois de décembre 2016 avait été déclaré au passif.

*

Par déclaration du 27 mars 2019, la société Hartmann et Charlier a interjeté appel.

Par conclusions du 31 octobre 2019, elle sollicite l’infirmation du jugement déféré, aux fins de voir la SCI déboutée de l’ensemble de ses demandes, en l’absence de faute personnelle de sa part, subsidiairement de voir réduire sa condamnation, le préjudice indemnisable ne consistant qu’en une perte de chance de relouer les locaux s’ils avaient été débarrassés plus tôt, elle-même calculée sur une assiette excluant la TVA et tenant compte du dépôt de garantie conservé par la SCI. Elle réclame la somme de 5 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Elle rappelle que la lettre recommandée avec accusé réception du 22 décembre 2016, résiliant avec effet immédiat le bail commercial, précisait que les locaux pourraient être restitués dès que le sort des actifs entreposés aurait pu être réglé, et que les clés ont été restituées au bailleur le 5 janvier 2017. Elle fait valoir qu’elle a reçu le 23 janvier 2017 une offre d’acquisition des actifs de la société Cofriner par la société B pour 3 000 euros HT net vendeur, obtenu l’accord des cogérants de la société Cofriner et déposé une requête dès le 26 janvier 2017 au juge commissaire, lequel a autorisé la cession le 8 février 2017, selon une ordonnance qu’elle a reçue et adressée à la société B le 13 février 2017, en lui demandant le paiement du prix, avant de convenir des modalités d’enlèvement du matériel. Elle ajoute que, la société B n’ayant pas payé le prix, elle l’a mise en demeure, le 30 août 2017, mais n’a reçu paiement que le 20 octobre 2017 et qu’elle a dû aussi la mettre en demeure, le 3 janvier 2018, de retirer le matériel acquis, lequel a été enlevé le 11 janvier 2018. Elle soutient qu’elle devait céder les actifs se trouvant sur place dans l’intérêt des créanciers, que, faute de paiement du prix par l’acquéreur, elle ne pouvait autoriser l’enlèvement, et qu’ensuite, elle a relancé tant ce dernier que M. X (cogérant de la société Cofriner) pour avoir confirmation de la libération des locaux.

Elle estime que le premier juge ne pouvait mettre à sa charge des indemnités d’occupation, alors qu’elle n’est pas partie à la procédure ès qualités de liquidateur de la société Cofriner, mais à titre personnel, qu’il ne pouvait la condamner qu’à des dommages et intérêts et qu’il devait apprécier sa responsabilité au regard d’une obligation de moyens, en tenant compte des difficultés qu’elle avait rencontrées. Elle reproche à la SCI de s’être opposée à l’enlèvement des actifs mobiliers par la société Samifi, pourtant en possession d’un pouvoir de la société B du 24 octobre 2017, et qu’il s’est avéré que cette société avait racheté le matériel à la société B, ce qui expliquait le règlement tardif de cette dernière, attendant d’être elle-même réglée, arrangement effectué 'dans le dos' du liquidateur. Elle fait grief aussi à la SCI de ne s’être jamais manifestée pour l’informer de l’existence de pourparlers avec un nouveau locataire, ni d’avoir tenté d’obtenir le paiement d’indemnités d’occupation durant la procédure. Elle ajoute que, si un bail précaire a été signé le 15 janvier 2018, rien n’établit qu’il aurait pu l’être dès janvier 2017, et que le dépôt de garantie s’impute sur la créance postérieure quand le bail est résilié après le jugement de liquidation, comme en l’espèce, de sorte qu’il doit être déduit du calcul du préjudice, éventuellement indemnisable.

*

Par conclusions du 26 septembre 2019, la SCI La citrouille, exposant avoir été en redressement judiciaire du 4 octobre 2016 au 24 octobre 2017 et être aujourd’hui en plan de continuation, la Selarl Frederic Blanc étant commissaire à l’exécution du plan, sollicite la confirmation du jugement déféré et la somme de 5 000 euros par application de l’article 700 du code de procédure civile.

Elle fait valoir que, par lettre recommandée avec accusé réception du 4 janvier 2017, elle a déclaré sa créance au passif de la liquidation judiciaire de la société Cofriner pour un montant de 10 638 euros TTC et invité le liquidateur à libérer les locaux au plus vite et avant le 15 janvier 2017 ; qu’elle n’a pas été informée, avant le 19 octobre 2017, de l’ordonnance du juge-commissaire du tribunal de grande instance de Mulhouse autorisant la cession du matériel se trouvant dans les locaux ; qu’elle n’en avait pas connaissance la veille, lorsque le gérant de la SCI a vu arriver un transporteur qui livrait un chariot élévateur pour déménager les fournitures et matériels de la société Cofriner ; que le liquidateur a donné comme directive de laisser les matériels de la société Cofriner dans les locaux de la SCI tant qu’ils ne seraient pas payés et que ce n’est que par lettre du 20 octobre 2017, que la société Hartmann & Charlier a précisé à la SCI que le prix de vente avait été payé, mais que rien ne s’est passé ; que, le 22 décembre 2017, M. Y, le gérant de la SCI, a informé la société Hartmann & Charlier qu’ « un monsieur Z » l’avait contacté pour organiser l’enlèvement des matériels de la société Cofriner et, ne connaissant pas M. Z, lui a demandé quelles étaient ses directives, et que ce n’est que par lettre du 3 janvier 2018, que la Hartmann & Charlier a mis en demeure le repreneur de récupérer ses matériels.

Elle rappelle qu’à l’égard des tiers, le mandataire judiciaire est responsable des fautes commises dans l’exercice de ses fonctions selon les règles de droit commun ; que la société Hartmann & Charlier a tardé à libérer le local depuis sa décision de le quitter, datée du 22 décembre 2016 ; qu’il est de jurisprudence constante que le liquidateur qui n’est pas en mesure de payer les loyers doit immédiatement restituer les locaux et que le liquidateur qui ne restitue pas les locaux au propriétaire du bâtiment, sans motif légitime, commet une faute au préjudice du propriétaire, équivalent au montant des loyers qu’il aurait pu tirer de la location des lieux.

Elle estime que, si l’absence de libération des locaux est imputable à la société B, il appartient à la société Hartmann & Charlier d’assigner en garantie cette société, ce qu’elle envisageait de faire selon sa lettre du 3 janvier 2018, alors qu’elle-même n’a aucun lien de droit avec la société B et ne peut agir contre elle. Elle conteste toute négligence ou imprudence de sa part, ayant attendu la libération de son local sous l’autorité et la responsabilité de la société Hartmann & Charlier.

Sur son préjudice, elle indique que, dès que les locaux ont été libérés par la société Hartmann & Charlier, le 15 janvier 2018, elle a pu les relouer à un locataire solvable pour un loyer annuel de 34 100 euros HT ; que, si la société Hartmann & Charlier avait libéré les locaux fin décembre 2016, elle aurait pu les relouer pour un loyer au moins égal à 2 500 euros HT par mois ; qu’ils sont très bien placés dans l’agglomération nantaise, dans la zone de Ragon qui se trouve aux

portes de la ville, en direction de Rennes ; que, conformément aux dispositions de l’article L. 622-7 du code de commerce, le dépôt de garantie est affecté par compensation au remboursement de la dette de loyer, de sorte que la cour ne peut affecter la somme de 7 500 euros en déduction de ce qui est dû par la société Hartmann & Charlier au titre des indemnités d’occupation postérieures à l’ouverture de la liquidation judiciaire de la société Cofriner.

*

Pour plus ample exposé des prétentions et moyens des parties, la cour se réfère aux conclusions susvisées.

L’instruction de l’affaire a été clôturée par ordonnance du 5 mai 2020.

MOTIFS

Sur la faute

C’est à tort que le premier juge a dit que la société Hartmann & Charlier était redevable d’indemnités d’occupation et n’a pas qualifié la somme, au paiement de laquelle il l’a condamnée, de dommages et intérêts, alors que seule la société Cofriner pourrait être redevable d’indemnités d’occupation et que la SCI, comme le premier juge l’a d’ailleurs lui-même indiqué, recherche la responsabilité personnelle du liquidateur.

Il convient donc d’examiner si la société Hartmann & Charlier, mandataire judiciaire, a commis une faute dans l’exercice de ses fonctions de liquidateur de la société Cofriner, ayant porté préjudice à la SCI.

Il est constant qu’elle n’est tenue qu’à une obligation de moyens, de sorte qu’il convient d’apprécier si elle a accompli des diligences suffisantes pour parvenir à la libération des locaux de la SCI, encombrés par le matériel de la société en liquidation.

Il n’est pas contesté que, si la SCI a récupéré les clés des locaux dès le 5 janvier 2017, elle ne pouvait en disposer compte tenu du matériel de la société Cofriner s’y trouvant encore ; d’ailleurs, la société Hartmann & Charlier lui avait expressément indiqué, lors de la notification de la résiliation, que la restitution des locaux était subordonnée au règlement du sort des actifs entreposés.

Aucun manque de diligence ne peut être reproché à la société Hartmann & Charlier jusqu’à l’ordonnance du juge commissaire du 8 février 2017 ayant autorisé la cession de gré à gré du matériel à la société B, alors qu’elle a saisi ce magistrat le 26 janvier 2017, soit dans un délai raisonnable après avoir reçu l’offre d’acquisition en date du 19 janvier 2017 et l’avoir transmise le 23 janvier 2017 aux cogérants de la société Cofriner pour accord.

En revanche, postérieurement, un double manque de diligence est caractérisé, alors que la SCI avait attiré son attention, dès sa déclaration de créance du 4 janvier 2017, sur l’urgence pour elle de récupérer les locaux, 'disposant d’un locataire potentiel à partir du 15 janvier 2017" ; la société Hartmann & Charlier avait d’ailleurs elle-même souligné cette urgence dans sa requête au juge commissaire du 26 janvier 2017, lui indiquant que la SCI réclamait 'avec insistance' la restitution des locaux et qu’il était donc 'urgent de régler le sort du matériel'.

En effet, d’abord, face au défaut de paiement de la société B à laquelle elle avait transmis copie de l’ordonnance le 13 février 2017 avec la facture, en lui demandant de l’acquitter, la société Hartmann & Charlier a attendu le 30 août 2017 pour la mettre en demeure de payer.

Ensuite, face à l’absence de libération des locaux suite au paiement intervenu le 20 octobre suivant, elle a attendu le 3 janvier 2018, lendemain de l’assignation qui lui avait été délivrée par la SCI dans la présente procédure, pour mettre en demeure la société B de retirer le matériel acquis avant le 12 janvier 2018, à défaut de quoi elle aurait considéré, qu’elle abandonnait les actifs sur place et que le bailleur pouvait disposer des locaux. Précédemment, elle produit seulement un courrier du 26 octobre 2017 demandant à la société B de lui 'confirmer' avoir procédé à l’enlèvement, qu’elle lui aurait adressé par fax, ce

dont elle ne justifie d’ailleurs pas.

Or elle savait que l’absence de libération des lieux était susceptible de générer une indemnité d’occupation à la charge de la société Cofriner, privant la SCI de la possibilité de louer les lieux, et que le prix de cession du matériel (3 000 euros) était à peine supérieur au montant d’un loyer mensuel hors taxe (2 500 euros).

S’il ressort d’un courrier du 18 octobre 2017, faxé par l’avocat de la SCI à la société Hartmann & Charlier, qu’un chariot élévateur a été livré sur son site pour déménager le matériel de la société Cofriner, il est constant, qu’à cette date, le prix n’avait pas été payé, de sorte que c’est à bon droit que la SCI n’a pas ouvert la porte du bâtiment et s’est adressée au liquidateur pour lui demander ses instructions ; d’ailleurs, la société Hartmann & Charlier lui a répondu le lendemain qu’elle confirmerait au gérant de la SCI, dès réception du prix, qu’il pourrait donner accès aux locaux, avant de lui indiquer, le 20 octobre 2017, que le paiement était intervenu et que la SCI pouvait donner accès aux locaux à la société B.

Il ne peut non plus être reproché à la SCI de ne pas avoir autorisé l’enlèvement du matériel par M. A, de la société Samifi, au motif qu’il aurait disposé d’un pouvoir de B depuis le 24 octobre 2017 pour ce faire ; en effet, il n’est pas établi que ce pouvoir, en date du 24 octobre 2017, sur lequel est apposé la mention 'enlèvement fait ce jour jeudi 11 janvier 2018", adressé par mail du 11 janvier 2018 de la SCI au liquidateur, ait été produit à la SCI pour procéder à l’enlèvement avant cette date, alors qu’il ressort des échanges de mails entre la SCI et le liquidateur que la SCI a précisément interrogé ce dernier le 22 décembre

2017 sur le pouvoir d’un 'monsieur Z', l’ayant contacté le matin même pour organiser l’enlèvement du matériel, et que le liquidateur a interrogé la société Cofriner, le 2 janvier 2018, pour savoir s’il représentait B, avant de confirmer à la SCI, par courrier du 9 janvier 2018, que le déménagement aurait lieu le 11 janvier par la société Samifi, représentée par M. A et mandatée par B.

Il ne peut, enfin, être fait grief à la SCI de ne pas avoir informé le liquidateur de l’existence de pourparlers avec un nouveau locataire ou de ne pas avoir sollicité paiement d’indemnités d’occupation, le liquidateur ayant été suffisamment informé, dès la déclaration de créance, de la volonté de la SCI de relouer rapidement les lieux ainsi qu’il a été dit ci-dessus ; au surplus, dans son courrier précité du 18 octobre 2017, l’avocat de la SCI a rappelé au liquidateur que le local restait inoccupé depuis plusieurs mois sans raison valable.

La société Hartmann & Charlier a ainsi commis un double manque de diligence, d’abord pour obtenir plus tôt du cessionnaire du matériel le paiement du prix, puis, une fois le prix payé, pour qu’il prenne rapidement possession du matériel.

Sur le préjudice

La cour estime que, si le liquidateur avait été diligent, la SCI aurait eu 80 % de chance d’obtenir la restitution des locaux avant le 11 mars 2017.

Le manque de diligence retenu à l’encontre de la société Hartmann & Charlier a entraîné une perte de chance pour la SCI de relouer ses locaux pendant les dix mois ayant précédé le 11 janvier 2018 (du 11 mars 2017 au 10 janvier 2018) moyennant un loyer au moins équivalent au précédent payé par la société Cofriner, soit 2 500 euros par mois, au vu du bail du 21 mars 2016, fixant le loyer à 30 000 euros HT par an la première année, étant relevé que le nouveau bail conclu le 15 janvier 2018 prévoyait un loyer annuel supérieur, de 34 100 euros HT.

La cour estime cette perte de chance à 90 %, s’agissant de locaux très bien situés dans la

région nantaise, qu’elle pouvait faire visiter, puisqu’elle avait récupéré les clés dès le 5 janvier 2017 à sa demande en vue d’une relocation, selon courrier de M. C du 19 janvier 2017, ayant procédé à la remise des clés, et alors qu’elle a pu signer un nouveau bail quatre jours après l’enlèvement du matériel.

La société Hartmann & Charlier doit en conséquence la somme de:

2 500 x 10 x 80 % x 90 % = 18 000 euros.

Aux termes de l’article L. 622-7 I du code de commerce, le jugement ouvrant la procédure emporte, de plein droit, interdiction de payer toute créance née antérieurement au jugement d’ouverture, à l’exception du paiement par compensation de créances connexes.

Il en résulte que la SCI est en droit de retenir le dépôt de garantie, équivalent à trois mois de loyer, inférieur à sa créance définitive déclarée admise par le liquidateur le 20 février 2018 (10 638 euros), en compensation des loyers échus que lui doit la société Cofriner pour la période antérieure au jugement d’ouverture.

Ce dépôt de garantie n’a pas à s’imputer sur la créance de dommages et intérêts qu’elle détient suite au présent arrêt envers le liquidateur, distincte en tout état de cause des indemnités d’occupation qu’elle aurait éventuellement pu réclamer à la société Cofriner en l’absence de libération des locaux.

Le jugement déféré sera donc infirmé sur le montant de la condamnation, lequel sera fixé à la somme précitée, assortie des intérêts au taux légal à compter du présent arrêt, s’agissant d’une condamnation indemnitaire, conformément à l’article 1231-7, alinéa 2, du code civil.

Sur l’application de l’article 700 du code de procédure civile et les dépens

Compte tenu de l’issue de l’appel, il convient de confirmer le jugement déféré en ce qu’il a condamné la société Hartmann & Charlier aux dépens et à payer à la SCI La Citrouille la somme de 1 300 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile; la société Hartmann & Charlier sera également condamnée aux dépens d’appel et à payer à la SCI la somme de 1 500 euros, en application de l’article 700 du code de procédure civile, au titre de ses frais exposés en appel, elle-même étant déboutée de sa demande à ce titre.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoire, après débats en audience publique,

INFIRME le jugement déféré, sauf en ce qu’il a condamné la société Hartmann & Charlier aux dépens et à payer à la SCI La Citrouille la somme de 1 300 € (mille trois cents euros) sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

Statuant à nouveau dans cette limite,

CONDAMNE la société Hartmann & Charlier à payer à la SCI La Citrouille, à titre de dommages et intérêts, la somme de 18 000 € (dix-huit mille euros), assortie des intérêts au taux légal à compter du présent arrêt ;

Ajoutant au jugement déféré,

CONDAMNE la société Hartmann & Charlier à payer à la SCI La Citrouille la somme de 1 500 € (mille cinq cents euros) en application de l’article 700 du code de procédure civile au

titre de ses frais exposés en appel ;

DÉBOUTE la société Hartmann & Charlier de sa demande formée en cause d’appel au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE la société Hartmann & Charlier aux dépens d’appel.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT DE CHAMBRE

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