Cour d'appel de Colmar, Chambre 4 a, 10 décembre 2020, n° 18/04841

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Colmar, ch. 4 a, 10 déc. 2020, n° 18/04841
Juridiction : Cour d'appel de Colmar
Numéro(s) : 18/04841
Décision précédente : Conseil de prud'hommes de Strasbourg, 7 octobre 2018
Dispositif : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Sur les parties

Texte intégral

ML/KG

MINUTE N° 20/1350
NOTIFICATION :

Pôle emploi Alsace ( )

Clause exécutoire aux :

— avocats

— délégués syndicaux

— parties non représentées

Le

Le Greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE COLMAR

CHAMBRE SOCIALE – SECTION A

ARRET DU 10 Décembre 2020

Numéro d’inscription au répertoire général : 4 A N° RG 18/04841

N° Portalis DBVW-V-B7C-G44W

Décision déférée à la Cour : 08 Octobre 2018 par le CONSEIL DE PRUD’HOMMES – FORMATION PARITAIRE DE STRASBOURG

APPELANT :

Monsieur G X

[…]

[…]

Représenté par Me Michel HALLEL, avocat au barreau de STRASBOURG

INTIMEE :

SASU BOFROST* FRANCE DISTRIBUTION absorbée par bofrost* France, […]

I J,

prise en la personne de son représentant légal

N° SIRET : 418 03 7 7 68

[…]

[…]

Représentée par Me Guillaume HARTER, avocat à la Cour

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 27 Octobre 2020, en audience publique, devant la Cour composée de :

M. JOBERT, Président de Chambre

M. EL IDRISSI, Conseiller

M. LAURAIN, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : M. RODRIGUEZ

ARRET :

— contradictoire

— prononcé par mise à disposition au greffe par M. JOBERT, Président de Chambre,

— signé par M. JOBERT, Président de Chambre et M. RODRIGUEZ, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PROCEDURE

Monsieur G X, né le […], a été engagé par la société Bofrost France Distribution, en qualité de vendeur-conseil par contrat à durée indéterminée à effet au 5 novembre 2012.

Les parties ont conclu une convention de forfait en jours à hauteur de 213 jours par an.

Monsieur X a fait l’objet d’une mise à pied disciplinaire de 5 jours le 13 août 2014.

La Caisse primaire d’assurance maladie a rejeté la demande de prise en charge d’un arrêt de travail du 21 juillet 2014 au titre des accidents du travail par décision du 17 septembre 2014.

L’intéressé a repris le travail le 19 septembre 2014.

Convoqué le 24 septembre 2014 à un entretien préalable et mis à pied à titre conservatoire, Monsieur X a été licencié pour faute grave le 10 octobre 2014 ; il lui a été reproché une inexécution de ses obligations contractuelles et une déloyauté caractérisée.

La relation de travail était régie par la convention collective des commerces de gros.

La société Bofrost France Distribution employait au moins 11 salariés pour les besoins de son activité.

Le salaire de Monsieur X se composait d’une partie fixe garantie ( 1.570 euros), de commissions et de primes ainsi que d’un 13 ème mois'; son dernier salaire mensuel brut s’élevait à 1.670 euros.

Monsieur X a saisi le conseil de prud’hommes de Strasbourg le 5 août 2015 afin de voir’déclarer nulle la convention de forfait-jours et condamner la société Bofrost France Distribution à lui payer à ce titre des dommages-intérêts, des heures supplémentaires ainsi qu’une indemnité de travail dissimulé, afin également de constater la nullité de la mise à pied disciplinaire du 11 août 2014 et de lui payer un rappel de salaires et des dommages-intérêts'; contestant le bien-fondé de son licenciement, Monsieur X demandait également au conseil de prud’hommes de dire que le licenciement est dénué de cause réelle et sérieuse et de condamner l’employeur à lui payer des indemnités de rupture ainsi que des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et pour licenciement brutal et vexatoire, le salarié invoquait également des manquements de la société Bofrost France Distribution à ses obligations au titre de la contrepartie obligatoire en repos compensateurs et du respect de la durée maximale hebdomadaire et quotidienne du travail mais également au titre de l’obligation de sécurité, réclamant à ces titres des dommages-intérêts.

Par jugement du 8 octobre 2018, les premiers juges ont considéré que les demandes de nature salariale étaient forcloses dans la mesure où le salarié n’avait pas dénoncé en son temps le reçu pour solde de tout compte et ils ont débouté Monsieur X du surplus de ses demandes.

Monsieur X a interjeté appel le'6 novembre 2018.

Par des conclusions transmises par voie électronique le 15 octobre 2019, il demande à la cour d’infirmer le jugement et de':

— déclarer nulle la convention de forfait-jours,

— condamner la société Bofrost France Distribution à lui payer à ce titre':

—  10.000 euros à titre de dommages-intérêts,

—  24.016,41 euros au titre des heures supplémentaires,

—  3.089,51 euros au titre des congés payés afférents,

-10.020, 20 euros à titre d’indemnité de travail dissimulé,

— ordonner à la société Bofrost France Distribution de lui remettre des bulletins de salaire régularisés de novembre 2012 à octobre 2014 sous astreinte de 150 euros par jour de retard,

— constater la nullité de la mise à pied disciplinaire du 11 août 2014,

— condamner la société Bofrost France Distribution à lui payer':

—  379,55 euros à titre de rappel de salaire,

—  37,95 euros au titre des congés payés afférents,

—  1.000 euros à titre de dommages-intérêts,

— dire que le licenciement est dénué de cause réelle et sérieuse,

— dire que le montant du salaire s’élève à 1.931,45 euros,

— condamner la société Bofrost France Distribution à lui payer':

—  20.040 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

—  3.340 euros à titre d’indemnité de préavis,

—  334 euros au titre congés payés sur préavis,

—  784,58 euros à titre d’indemnité de licenciement,

—  5.000 euros pour licenciement brutal et vexatoire,

— constater les manquements de la société Bofrost France Distribution à ses obligations,

— condamner la société Bofrost France Distribution à lui payer':

—  10.000 euros à titre de dommages-intérêts pour non-respect de la contrepartie obligatoire en repos compensateurs et pour non-respect de la durée maximale hebdomadaire et quotidienne du travail,

—  10.000 euros à titre de dommages-intérêts pour non-respect de l’obligation de sécurité,

— la condamner à lui payer 5.000 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile.

La société Bofrost France Distribution, par des écritures transmises par voie électronique le 11 avril 2019, demande quant à elle que le jugement soit confirmé.

Elle demande de dire irrecevables les prétentions formées pour la première fois devant la cour au titre du harcèlement moral et elle forme appel incident en ce qui concerne le rejet de la demande qu’elle a formée sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile en première instance et réclame à ce titre 3.000 euros, outre 3.000 euros au même titre devant la cour.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 3 février 2020.

La Cour se réfère aux conclusions des parties pour un plus ample exposé des faits, des moyens et des prétentions des parties.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la valeur libératoire du reçu pour solde de tout compte

Monsieur X fait valoir que ni les heures supplémentaires, ni la contestation de la convention de forfait en jours ne figuraient dans le reçu pour solde de tout compte, lequel n’a d’effet libératoire que pour les sommes qui y sont mentionnées.

Aux termes de l’article L 1234-20 du code du travail, le reçu pour solde de tout compte fait l’inventaire des sommes versées au salarié à l’occasion de la rupture du contrat de travail'; il n’a d’effet libératoire que pour les seules sommes qui y sont mentionnées, peu important le fait qu’il soit, par ailleurs, rédigé en des termes généraux.

Le reçu signé par Monsieur X le 27 octobre 2014 est libellé en ces termes':

«'Cette somme de 1.107,68 euros correspond à un montant, avant déduction des charges sociales éventuelles, de 1.415,69 euros se décomposant comme suit':

- retenue avance mois précédent (09/14)': – 379,55

- ind. congés payés VD/CL (09/14)': 109,12

- ind. Congés payés (10/14)': 1.415,29

- complément conventionnel (09/14)': 270,43

total': 1.415,29

- indemnités repas (09/14)': 50

-fond de caisse (10/14)': -50

- chèques vacances ( 10/14)': 36.'»

Aucune des sommes dont Monsieur X réclame le paiement ne figure dans ce reçu de sorte que, contrairement à ce qu’ont décidé les premiers juges, le salarié est recevable à en formuler la demande.

Le jugement sera donc infirmé sur ce point.

Sur la mise à pied disciplinaire

Cette sanction est ainsi motivée':

«'Vous avez été embauché au sein de Bofrost France Distribution SAS le 5 novembre 2012 en qualité de vendeur-conseil.

Vous avez été formé aux méthodes de vente Bofrost et particulièrement à l’importance de votre rôle commercial et votre sens du service auprès du portefeuille clients Bofrost qui vous est confié.

Vous devez à ce titre visiter systématiquement tous les clients de la tournée et la présence auprès de l’ensemble de vos clients est un élément déterminant de la fonction de venderur-conseil.

Or, nous constatons de manière réitérée que vous ne respectez volontairement pas cette obligation essentielle, de surcroît en dissimulant la réalité de votre activité réelle.

Vous n’hésitez pas en effet à mentionner de manière mensongère sur la tournée journalière les annotations «'PF'» (prochaine fois) ou «'NT'» (non trouvés) alors que vous n’avez pas daigné le contacter, encore moins vous rendre chez le client concerné.

Au vu de votre faible performance commerciale, sur vos tournées réalisées, nous avons analysé votre activité sur les deux derniers mois et avons relevé notamment les griefs suivants':

- le lundi 21 juillet 2014, premier jour de votre reprise d’activité, vous avez tourné sur le secteur 31 et renseigné en NT (non trouvé) 11 clients, en PF (prochaine fois) 36 clients et fait seulement 17 factures Vous avez réalisé ce 21 juillet un CA de 716 euros pour une moyenne agence de 983 euros.

Sur ces 36 clients, renseignés en PF, après contrôle, nous constatons que vous avez renseigné au moins 4 clients en PF alors que ces derniers nous ont certifié ne pas avoir eu de visites de Bofrost ce jour et avez téléphoné à 2 autres clients sans vousprésenter chez eux,

- le mardi 22 juillet 2014, vous avez tourné sur le secteur 17, avez renseigné en NT 12 clients et en PF 37 clients et fait seulement 15 factures. Vous avez réalisé ce 22 juillet 2014 un CA de 656 euros pour une moyenne agence de 986 euros. Sur ces 37 clients, renseignés en PF, après contrôle, nous constatons que vous avez renseigné au moins 5 clients en PF sur des clients qui nous ont certifié ne pas avoir eu de visite de Bofrost ce jour-là et avez téléphoné également à 6 autres clients sans vous présenter à eux.

Trois de ces clients ont été livrés par Monsieur Y le lendemain, soit le 23 juillet, pour un montant de 200 euros.

- le jeudi 24 juillet 2014, vous avez tourné sur le secteur, avez renseigné en NT 14 clients, en PF 33 clients et fait uniquement 17 factures. Vous avez réalisé un CA de 720 euros pour une moyenne agence de 912 euros. Sur ces 33 clients renseignés en PF et après contrôle, nous constatons que vous avez renseigné 2 clients en PF sur des clients qui ont certifié ne pas avoir eu de visite de Bofrost ce jour-là et téléphoné à 5 autres clients sans se présenter chez eux.

1 de ces clients a été livré le lendemain par K L pour un montant de 53,25 euros.

1 cliente nous a signalé que vous étiez passée chez sa voisine mais pas chez elle.

- le 4 juin 2014, vous aviez déjà noté 15 NT et 25 PF. Après contrôle, il s’avère que 3 clients déclarent ne pas vous avoir vu.

Nous constatons également que vous ne respectez pas la politique commerciale fixée par la société et notamment concernant le produit du mois pour lequel vous ne l’ignorez pas, nous donnons priorité.

En effet, nous déplorons pour les journées du 21,22 et 24 juillet dernier, respectivement, les résultats catastrophiques suivants':

- le 21 juillet, 6 PDM soit 9,38'% pour une moyenne agence de 11,49,

- le 22 juillet, 2 PDM soit 3,13'% pour une moyenne agence de 9,20'%

- le 24 juillet, aucun produit du mois vendu, 0'% pour une moyenne agence de 7,88'%.

De tels agissements réitérés et volontaire au préjudice de l’entreprise sont totalement inacceptables. En conséquence, nous vous notifions par la présente une mise à pied disciplinaire de jours'».

Monsieur X fait valoir que le volume des ventes qu’il a réalisées était proche de la moyenne réalisée par l’agence, qu’aucune mauvaise volonté de sa part n’est démontrée et que l’absence des clients à leur domicile est incontestable, il considère que les réponses données à la secrétaire en fin de journée n’émanaient pas toujours des personnes qu’il avait rencontrées et estime que sa formation commerciale était très sommaire.

La SASU Bofrost oppose la prescription biennale de l’article L 1471-1 du code du travail'; elle verse aux débats les attestations de Messieurs Z, directeur régional, Mathieu Miston, chef des ventes à Marseille, M N, chef des ventes à Colomiers et Gaël

Kerdon, vendeur-conseil dans le Sud-Ouest de la France.

S’agissant de la prescription biennale, la sanction a été prononcée le 13 août 2014 et Monsieur X a saisi le conseil de prud’hommes le 31 juillet 2015, le fait que l’affaire ait fait l’objet d’une radiation est sans effet sur le cours de la prescription qui a été interrompue.

Sur le fond, il est de droit qu’en cas de litige concernant des sanctions disciplinaires, le juge apprécie la régularité de la procédure suivie et si les faits reprochés au salarié sont de nature à justifier une sanction, l’employeur fournit au juge les éléments retenus pour prendre la sanction'; au vu de ces éléments et de ceux qui sont fournis par le salarié à l’appui de ses allégations, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes mesures d’instruction qu’il estime utile'; si un doute subsiste, il profite au salarié.

Si les attestations précitées décrivent le dispositif des déclarations NT ou PF et l’importance d’une déclaration sincère de ces mentions pour la planification des tournées, aucun élément du dossier ne corrobore la réalité de déclarations déloyales.

Quant à la faiblesse du chiffre d’affaire, rien ne permet de l’imputer à un comportement fautif, seul de nature à justifier une sanction.

La mise à pied disciplinaire doit donc être annulée ce qui conduira à allouer à Monsieur X le rappel de salaire qu’il demande (379,55 euros outre 37,95 euros au titre des congés payés afférents).

S’agissant des dommages-intérêts résultant de la nullité de cette sanction, ils seront fixés à 800 euros, ce en quoi le jugement sera infirmé.

Sur la nullité de la convention de forfait-jours

Monsieur X considère que sa qualification ne répond pas aux critères de la convention collective, à savoir le statut cadre et l’autonomie dans son travail.

IL ajoute qu’il n’avait aucune autonomie, étant assujetti à un planning et que l’accord d’entreprise contraire à la convention collective, est nul, affirmant qu’ en tout état de cause aucun contrôle de l’employeur n’était prévu.

Pour la SASU Bofrost, en revanche, le salarié disposait d’une autonomie dans l’organisation de son emploi du temps et ne suivait aucun horaire collectif ce qui rend applicables les dispositions de l’article L 3121-43 du code du travail, les accords d’entreprise garantissant le respect des durées maximales de travail et l’entreprise ayant déployé tous les moyens d’information et de contrôle.

L’article L 3121-43 du code du travail, dans sa rédaction antérieure à la loi du 8 août 2016, disposait qu’une convention de forfait en jours sur l’année pouvait être conclue avec':

«'1° Les cadres qui disposent d’une autonomie dans l’organisation de leur emploi du temps et dont la nature des fonctions ne les conduit pas à suivre l’horaire collectif applicable au sein de l’atelier, du service ou de l’équipe auquel ils sont intégrés ;

2° Les salariés dont la durée du temps de travail ne peut être prédéterminée et qui disposent d’une réelle autonomie dans l’organisation de leur emploi du temps pour l’exercice des responsabilités qui leur sont confiées.'»

Dans le cas de Monsieur X, l’employeur invoque le 2° précité.

S’agissant de la vente elle-même, le salarié verse aux débats une liste prévisionnelle de la tournée du 4 juin 2014, établie par l’employeur le 3 juin 2014.

La contribution de Monsieur X à la détermination de l’utilisation de sa plage de travail journalière, que ce soit quant à son rythme et à son contenu ou à l’étendue des secteurs, ne résulte d’aucun élément alors qu’au contraire il est établi que cette liste prévisionnelle est matériellement élaborée par l’employeur.

C’est ce qui résulte des attestations de Messieurs O P, vendeur remplaçant de mai 2014 à juin 2015, Q R, vendeur-conseil de novembre 2015 à février 2016 et S A, vendeur conseil de 1999 à 2016, selon lesquelles l’employeur arrête, la veille de la tournée, une feuille de tournée, laquelle est déposée par une secrétaire dans la bannette du vendeur-conseil la veille ou le matin même, avec l’indication des heures de passage.

Monsieur A, qui a travaillé jusqu’en 2016 en qualité de vendeur-conseil, a attesté, quant à lui, en ces termes':'«'nous ne sommes en aucun cas décisionnaires dans l’élaboration de la feuille de tournée. Nous pourrons, selon le besoin, voir un client du matin le soir ou le contraire. Il sera aisé au directeur de changer du lieu de tournée n’importe quel vendeur pour un temps donné selon ses besoins et désirs'».

Par ailleurs, lorsque les salariés participent à la prospection, une attestation émanant de Monsieur B, salarié de la SASU Bofrost jusqu’en août 2016, produite par la SASU Bofrost, mentionne le fait que c’est un conducteur du véhicule de l’entreprise qui achemine les vendeurs et les reprend en fin de tournées, à une heure préfixée.

Alors que la SASU Bofrost affirme que le vendeur-conseil établit son propre programme de travail plus de deux mois avant les jours de vente concernés, il résulte de ces éléments que Monsieur X, à supposer qu’il ait un rôle dans l’organisation de son emploi du temps, que ce soit dans le nombre de clients visités ou dans les horaires de travail qui en étaient tributaires, ne disposait pas d’une autonomie réelle.

Au demeurant, les griefs qui lui ont été faits lors de la mise à pied disciplinaire confirment le manque d’autonomie de l’intéressé, assujetti à des contraintes en nombre de visites quotidiennes et en gestion de celles-ci.

Les pièces produites par la SASU Bofrost ne contredisent pas cette analyse': il en va ainsi du document intitulé «'standards des visites par heure'» concernant un salarié, Monsieur M N mentionnant l’amplitude de travail quotidienne et le nombre de rendez-vous par heure selon les tranches horaires, pièce dont il ne résulte pas que l’avis du salarié lui était demandé quant à ces deux paramètres de son activité et en tout état de cause, qui ne permet pas de déterminer le degré d’autonomie de l’intéressé.

Il en va de même d’un plan d’activité-vendeur en langue allemande ' non traduit – concernant Monsieur G T, vendeur à Bordeaux.

Au surplus, ces documents ne sont pas revêtus de la signature des salariés.

Tel est aussi le cas du relevé des mois de mars à novembre 2013 concernant l’activité journalière de Monsieur X ou de copies d’écran mentionnant l’heure de début de tournée de divers salariés, leurs heures de pause et de fin de tournée qui souffrent de la même insuffisance, à savoir le degré de liberté d’organisation laissée à ces vendeurs.

Certes, dans une attestation établie le 17 mars 2015, Monsieur AP-AQ C, vendeur-conseil, dans la région de Toulouse en date du 17 mars 2015 indique qu’il a «'la chance d’avoir le pouvoir de gérer au mieux (son) temps de travail, (ses) pauses, le nombre de clients à visiter tout au long de la journée et surtout'», ajoutant': «' je peux aménager mes tours avec l’appui de mon responsable'», mais cette attestation ne permet pas de discerner si ce salarié fait état d’une organisation en usage sur tous les sites de l’entreprise ou si elle résulte d’accords spécifiques avec le responsable de son site et elle ne permet pas de constater l’existence de règles et de procédures répondant aux conditions légales.

Une autre attestation, émanant de Madame U V, vendeuse- conseil, en date du 25 septembre 2017, reprend les mêmes termes que celle de Monsieur C, mais ne permet pas davantage de constater un dispositif général et garantissant que les deux conditions posées par l’article L 3121-43 du code du travail sont respectées.

La SASU Bofrost verse également aux débats une attestation de Monsieur W D, salarié et désormais chef des ventes, autrefois, vendeur-conseil qui explique que l’organisation des tournées de vendeurs est la préoccupation prioritaire de Monsieur AA E, ajoutant':'«'il veille particulièrement à la planification des tournées et va toujours dans le sens du vendeur. Oui, il est exigeant mais c’est bien normal et pour cela il porte une attention particulière à l’organisation des tournées, à l’état du matériel. Il est à l’écoute de ses équipes, tant aux chefs d’équipes qu’aux vendeurs conseils'»'; Monsieur D indique que':'«'lors de la planification des tournées, les vendeurs choisissent le nombre de clients par journée à visiter, le nombre de clients par tranche horaires, en calant les temps de pauses de 2 heures. Ce travail est vérifié par le chef des ventes'» et que «'les vendeurs conseils ont chacun leur rythme, certains préfèrent intensifier en nombre de clients sur la période du déjeuner, d’autres le soir, sur la période du dîner. Cette organisation de l’agence et son fonctionnement existaient déjà quand j’étais vendeur'».

Toutefois, cette attestation, comme les précédentes, ne peut suppléer l’absence d’élément contractuel définissant objectivement le pouvoir de décision du vendeur-conseil dans la détermination de son temps et de son organisation du travail.

Il en va d’autant plus ainsi que, dans l’attestation précitée, Monsieur Z mentionne le pouvoir de planification de l’employeur auquel sont soumis les vendeurs conseils.

Quant à la note de service de l’agence de Geispolsheim du 1er mars 2013 indiquant la période d’ouverture de l’agence et précisant que «'dans cette plage horaire, le collaborateur en forfaits jours organise librement sa tournée de travail + pause de 2 heures minimum) dans la limite d’une amplitude maximale de 12 heures consécutives'», elle est contredite par les documents préalables à la journée de travail qui en déterminent le déroulement.

Au demeurant, sur un autre site que celui de Geispolsheim, la même constatation peut être faite': sur le site de Bonneville en effet, dont l’un des documents produits par l’employeur fait état, les vendeurs conseils se plaignent de ne pouvoir augmenter ou diminuer le nombre de clients par tournée.

Plus généralement,' l’analyse quantitative effectuée par l’entreprise à la suite des entretiens menés avec les salariés rémunérés au forfait-jours pour 2013, mentionne que 33'% se plaignent du nombre excessif de clients à visiter, 33'% de salariés se plaignent d’une organisation défectueuse du travail, 35'% souffrent des contraintes du forfait- jour sur leur vie privée, tous éléments confirmant que la liberté d’organisation du travail n’est pas la caractéristique principale de ces salariés.

Par ailleurs, la fixation à l’avance de l’amplitude d’activité du salarié et de ses heures de pause permet à l’employeur de prédéterminer la durée du temps de travail, ce qui s’oppose à l’application de l’article L 3121-43 précité du code du travail.

Le fait que, poursuivi pour l’infraction de travail dissimulé, le gérant de la SASU Bofrost a été relaxé de ce chef par arrêt de la cour d’appel de Lyon du 22 juin 2007 pour des faits commis de février à mai 2004, à propos de deux salariés du site de Meyzieu, ne concerne ni les mêmes salariés, ni le même site, ni la même période, ni le cadre législatif et conventionnel de sorte que cette décision n’a pas l’autorité de chose jugée qui, en principe, s’attache aux décisions pénales et s’impose au juge civil'; en tout état de cause, elle n’a pas d’influence sur la solution du présent litige.

Au vu des éléments susvisés et qui révèlent des éléments contradictoires, force est de constater que l’employeur n’apporte pas la preuve qui lui incombe que la salarié remplissait la condition de 'réelle autonomie’ imposéer par l’article L 3121-43 2° du code du travail pour être astreint à un forfait en jours sur l’année.

Il s’ensuit que, indépendamment du fait de savoir si le recours au forfait-jours était conforme aux accords et conventions collectifs, le mode de rémunération en forfait-jours ne pouvait être proposé à Monsieur X.

La convention de forfait en jours de Monsieur X est donc nulle, ce en quoi le jugement sera infirmé.

Des dommages-intérêts seront également alloués à Monsieur X du fait de cette nullité, à hauteur de 1.000 euros.

Sur les heures supplémentaires, les dommages-intérêts pour manquement aux règles relatives à la contrepartie obligatoire en repos compensateurs et l’indemnité de travail dissimulé

A défaut de forfait jours sur l’année valable, le temps de travail du salarié doit être mesuré selon le droit commun, à savoir 35 heures par semaine, toute heure accomplie au-delà étant une heure supplémentaire.

Monsieur X décrit ses journées de travail, d’une durée supérieure à 10 heures par jour, sans pouvoir prendre de pauses légales tandis que, selon la SASU Bofrost, le salarié ne défalque pas les temps de pause et les déplacements domicile-travail.

Il est rappelé qu’en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l’appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’il prétend avoir accomplies afin de permettre à l’employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d’y répondre utilement en produisant ses propres éléments.

Or, Monsieur X produit un tableau sur lequel figure un nombre d’heures de travail hebdomadaires dénué de toute précision quant aux horaires quotidiens qu’il affirme avoir accomplis, un tel tableau n’étant pas suffisamment précis pour permettre à l’employeur de répondre.

Les attestations qu’il produit, émanant de Messieurs O P, vendeur remplaçant de mai 2014 à juin 2015, Q R, vendeur-conseil d novembre 2015 à février 2016, AB AC, vendeur conseil remplaçant de mars 2013 à mai 2014, AD AE, vendeur-conseil depuis le 2 mai 2012, W AF, vendeur depuis le 1er avril 2009 et de Madame AG AH, télé-conseillère de puis le 1er mars 2016, ne contiennent aucune précision complémentaire.

Par suite, le jugement qui a rejeté la demande en paiement d’heures supplémentaires, de

dommages-intérêts pour manquement aux règles relatives à la contrepartie obligatoire en repos compensateurs et en paiement d’une indemnité de travail dissimulé sera confirmé.

Sur la durée maximale journalière et hebdomadaire du travail.

Monsieur X se plaint d’avoir dû sacrifier son temps de pause, d’avoir dépassé les limites légales de la durée du travail, la liste des tournées comportant une moyenne de 60 clients à visiter par jour.

Il est rappelé que les dispositions de l’article L. 3171-4 du code du travail relatives à la répartition de la charge de la preuve des heures de travail effectuées entre l’employeur et le salarié ne sont pas applicables à la preuve du respect des seuils et plafonds prévus par le droit de l’Union européenne, qui incombe à l’employeur, en ce compris le respect de la durée maximale journalière et hebdomadaire.

La SASU Bofrost démontre que le travail spécifique de vendeur-conseil suppose des visites aux heures de repas des clients mais que Monsieur X bénéficiait d’heures de pause, l’ensemble des heures de travail ne dépassant ni la durée journalière, ni la durée hebdomadaire maximale, ce qui conduira à confirmer le jugement qui a rejeté ce chef de demande.

Sur les manquements à l’obligation de sécurité

Monsieur X invoque des méthodes managériales ayant altéré sa santé, le dépassement des durées maximales du travail, un véhicule en mauvais état de maintenance, de confort, de freinage, les propos déplacés et les invectives qui lui étaient adressés, une surveillance permanente et tâtillones, des avertissements infondés et de fréquentes menaces de sanctions, des pressions, une mise au placard ne lui permettant pas de réaliser son chiffre de ventes et sa disparition des photos des membres du personnel, tous éléments caractérisant en outre un harcèlement moral.

Pour l’employeur, ces demandes sont prescrites comme ayant été présentées tardivement au regard des dispositions de l’article L 1471-1 du code du travail'; quant au fond, il rappelle que l’accident dont se plaint Monsieur X n’a pas été reconnu au titre de la législation professionnelle par la Caisse primaire d’assurance maladie, il affirme que le fauteuil du camion était en bon état et réglable, qu’aucun problème de management n’a été signalé, que les délégués du personnel n’ont jamais été saisis et que l’intéressé a bénéficié de toutes les formations.

S’agissant de la prescription biennale de l’article L 1471-1 du code du travail, il est rappelé que le conseil de prud’hommes a été saisi le 5 août 2015, l’affaire étant radiée le 15 février 2016 et rétablie le 31 mars 2017'; les conclusions par lesquelles le salarié a formulé une demande de dommages-intérêts pour violation de l’obligation de sécurité ont été déposées le 12 juin 2017.

Or, dans la mesure où le principe de l’unicité de l’instance était encore applicable, il est de droit que l’interruption de la prescription s’étend d’une action à l’autre si elles ont pour origine le même contrat de travail de sorte la prescription biennale n’avait pas couru.

Sur le fond, l’employeur est tenu, à l’égard de son personnel, d’une obligation de sécurité qui lui impose de prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé des travailleurs; il lui est interdit, dans l’exercice de son pouvoir de direction, de prendre des mesures qui auraient pour objet ou pour effet de compromettre la santé et la sécurité des salariés; toutefois, ne méconnaît pas l’obligation légale lui imposant de prendre les mesures

nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs, l’employeur qui justifie avoir pris toutes les mesures prévues par les articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail.

Quant au harcèlement moral, il est de droit qu’aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

En outre, dans la mesure où les faits sont antérieurs à la loi du 8 août 2016, le salarié doit établir des faits qui permettent de présumer l’existence d’un harcèlement, il appartient au juge d’apprécier si ces éléments, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l’existence d’un harcèlement moral et, dans l’affirmative, il incombe à l’employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Si l’employeur invoque l’irrecevabilité de ce moyen, comme étant présenté pour la première fois devant la cour, il est rappelé que le conseil de prud’hommes ayant été saisi avant le 1er août 2016, Monsieur X est recevable à former des prétentions nouvelles à tous stades de la procédure.

En l’espèce, au demeurant, le harcèlement moral est invoqué comme l’un des éléments constitutif du manquement à l’obligation de sécurité au titre duquel est formé une demande de dommages-intérêts.

Sur le fond, l’appelant verse aux débats la copie d’une lettre en date du 31 juillet’ 2014 réclamant la communication d’un procès-verbal d’une réunion de vendeurs et mentionnant une «'mise au placard'» pendant la période de Noël en relation avec la décision de l’employeur de l’écarter des activités génératrices de commissions pour le cantonner à la livraison de vin'; toutefois, les bulletins de paie révèlent que le salarié a été commissionné à cette période.

En revanche, du point de vue de sa santé, Monsieur X produit, outre les attestations précitées qui ne mentionnent aucune circonstance le concernant personnellement':

— la réclamation adressée le 10 août 2014 par mail par Monsieur X à son supérieur Monsieur E indiquant que : «'le vingt et un juillet, on me donne un camion Mercedes avec un siège cassé, qu’il est impossible de régler, malgré cela, je fais mon trajet sur Sarrebourg, il en résultera des reins brisés ainsi que mon dos, j’ai averti par téléphone et SMS mon chef des ventes. Le lendemain matin, je me suis présenté à mon initiative à la médecine du travail, afin d’expliquer cet énorme souci et de faire constater mon état à ce jour et photo à l’appui du siège, ce qui vous a fortement déplu, je vous ai fait constater l’état catastrophique du siège ainsi qu’à mon chef des ventes, qui avait eu la chance de conduire ce véhicule peu de temps avant moi…'»

— le certificat initial d’accident du travail ' maladie professionnelle du 28 juillet 2014 mentionnant une «'douleur spontanée cervicale avec céphalées favorisée par mauvaise position du siège'»,

— le certificat médical du Docteur Matter du 28 juillet 2014 décrivant une «'pathologie nécessitant une position optimale durant le travail, celle-ci dépendant fortement de l’état de son siège à l’intérieur du camion dans lequel il exerce sa profession. Il serait souhaitable que le siège soit en bon état et adaptable à sa position route'»,

— les recommandations du médecin du travail en date des 22 juillet, 19 et 23 septembre 2014, demandant de mettre à la disposition du salarié un siège avec dossier réglable,

— un certificat médical du Docteur AI AJ, en date du 10 février 2015 faisant état d’une discopathie dégénérative vertébrale de l’intéressé.

Sur ce point, la SASU Bofrost verse certes aux débats des attestations, dont celles de Messieurs F ou Monsieur AK AL, ce dernier considérant que Monsieur X se plaignait de l’entretien des camions dans le seul but de disposer d’un véhicule neuf ou encore celles de Monsieur AA AM, vendeur-livreur et délégué du personnel et de Monsieur AN Y, vendeur-conseil, estimant que ces critiques étaient infondées'; figurent également au dossier l’attestation du gestionnaire de la flotte selon laquelle les camions de la société étaient en bon état, de même que des procès-verbaux du CHSCT en date des 14 février et 2 septembre 2014 indiquant que ces véhicules ont bien entretenus et qu’en cas de difficulté les sièges sont refaits,

Mais, la réitération de la préconisation du médecin du travail d’un siège adapté, sur la période du 22 juillet au 23 septembre 2014, au vu d’une affection du rachis certes préexistante mais qui nécessitait de la part de l’employeur des mesures adaptées qu’il n’a pas prises en méconnaissance des dispositions des articles L 4121-1 et L 4121-2 du code du travail, démontre que l’employeur n’a pas respecté l’obligation de sécurité qui s’imposait à lui.

Sur le fondement de l’article L 1154-1 du code du travail et du harcèlement moral, ces faits qui se sont prolongés et qui peuvent être regardés comme réitérés, pris dans leur ensemble, permettent de présumer un harcèlement moral.

L’employeur ne démontre par aucun élément que tel n’est pas le cas et que la prolongation de la situation dont s’est plaint Monsieur X était motivée par des éléments étrangers à un tel harcèlement.

Sur ces deux fondements, Monsieur X est en droit d’être indemnisé du préjudice qu’il a subi et qui peut être évalué à 1.500 euros, ce en quoi le jugement sera infirmé.

Sur le licenciement

La lettre de licenciement est ainsi motivée':

«'Nous faisons suite à notre convocation du 24 septembre 2014 pour un entretien 'xé au mardi 7 octobre, entretien au cours duquel vous étiez assisté de M. AD AE et le soussigné était assisté de M. W D.

Nous vous notifions par la présente votre licenciement pour faute grave pour les raisons que nous vous avons évoquées lors de l’entretien précité, et que nous vous rappelons ci-dessous.

Vous avez été engagé au sein de la sociéte Bofrost France Distribution SAS le 5 novembre 2012, en qualité de vendeur-conseil.

Aux termes de votre contrat de travail vous deviez notamment, dans le respect de la politique commerciale de la société, organiser et mettre en oeuvre la prospection de nouveaux clients dans les conditions définies par la société, votre rôle commercial constituant un élément déterminant de votre fonction.

Vous étiez par ailleurs tenu à une obligation de loyauté envers votre hiérarchie.

La description du poste qui vous a été remise lors de votre embauche rappelait expressément que le contact client est l’élément essentiel de la prestation de travail du vendeur-conseil.

Or, malgré nos multiples observations verbales, ainsi que la mise à pied disciplinaire que nous avons été contraints de notifier le 13 août dernier, nous déplorons l’inexécution manifeste de vos obligations contractuelles essentielles et une déloyauté caractérisée.

Pour preuve, depuis votre reprise d’activité, le vendredi 19 septembre 2014, vos résultats commerciaux sont catastrophiques, et traduisent manifestement une inactivité complète sur le terrain et une déficience inacceptable et une absence totale de performance.

Vous vous vantez même!

En effet, pour les journées du vendredi 19 septembre, lundi 22 septembre, mardi 23 septembre, mercredi 24 septembre et jeudi 25 septembre 2014, vos résultats sont éloquents, avec aucune création clients.

De même, nous avons appris le 25 septembre dernier, que vous avez eu un comportement et des propos inacceptables a l’égard du soussigné, et cela devant un collaborateur Bofrost ainsi qu’un prestataire VDI mandaté par l’agence.

En effet, vous n’avez pas hésité à mettre en scène et simuler une conversation téléphonique avec le soussigné, au cours de laquelle vous avez tenu des propos scandaleux, discréditant le soussigné.

Ce comportement fait suite au simulacre d’accident du travail, en date du lundi 21 juillet 2014, 1er jour de votre prise d’activité, fondé selon vous sur une mise à disposition par l’entreprise d’un matériel détérioré.

Cela était totalement faux, nous avons contesté la nature d’accident du travail auprès de la sécurité sociale qui l’a rejeté en date du 17 septembre 2014 au motif de l’absence de fait accidentel brutal et soudain et de divergence sur la date de l’accident.

Vous n’aviez pas hésité à discréditer l’entreprise en vous présentant directement auprès du médecin du travail pour faire constater le soi-disant état catastrophique du véhicule.

Lors de l’entretien préalable, vous n’avez apporté aucun élément permettant de modi’er notre

appréciation de la situation.

Dans ces conditions nous sommes contraints de rompre votre contrat de travail.

Vous cesserez donc définitivement d’appartenir au personnel de la société, le jour de l’envoi de la présente. »

Monsieur X fait valoir qu’à supposer établis certains de ses manquements, ils s’expliquent par ceux de l’employeur qui ne l’a pas mis en mesure d’exécuter normalement son travail, il considère que la conversation téléphonique alléguée n’est pas établie comme l’insuffisance de résultat, qui, en tout cas, n’est pas fautive et il rappelle qu’il était en droit de demander la qualification de l’accident du travail, qui n’avait rien d’un simulacre, le rejet par la caisse résultant de l’absence de témoins, les constatations des médecins contredisant l’existence d’une simulation.

La SASU Bofrost répond que les faits sont établis et suffisamment graves pour justifier la

rupture immédiate du contrat de travail.

La lettre de licenciement qui fixe les limites du litige, doit être suffisamment motivée et viser des faits et griefs matériellement vérifiables sous peine de rendre le licenciement dénué de cause réelle et sérieuse.

La faute grave, qui seule peut justifier une mise à pied à titre conservatoire, est celle qui rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise; il appartient à l’employeur qui l’invoque, de rapporter la preuve de l’existence d’une faute grave.

En ce qui concerne le fait que Monsieur X a demandé la reconnaissance d’un accident du travail à la Caisse primaire d’assurance maladie qui a rejeté cette demande, il ne peut être regardé comme fautif, l’intéressé étant en droit de recourir à toutes les voies administratives que lui ouvre la loi.

Il en va de même des doléances de Monsieur X auprès du médecin du travail qu’il était en droit de décrire et dont rien ne permet de constater qu’il s’agit d’une simulation.

S’agissant des résultats insuffisants reprochés à Monsieur X pour les journées des 19 au 24 septembre 2014, résultant selon l’employeur d’une inactivité complète, aucun élément ne permet de retenir le caractère fautif de cette absence de résultat'; en effet, le seul document auquel se réfère l’employeur est l’attestation produite par la SASU Bofrost émanant de Monsieur AO B, conseiller local, laquelle se borne à faire état d’une inactivité de l’intéressé une seule journée, dont la date n’est pas précisée.

En revanche, l’employeur a appris le 25 septembre 2014 les propos tenus par l’intéressé retracés dans l’attestation précitée de Monsieur B à savoir, d’une part, la mise en scène d’une conversation téléphonique fictive au cours de laquelle Monsieur X a tenu des propos très triviaux à l’encontre de Monsieur E, son supérieur, comme s’il était en ligne avec lui, et à la suite duquel il a dit à ses collègues que «'Monsieur E était un pédé, un enculé'»'; or, de tels propos ne permettent pas le maintien du contrat de travail et constituent une faute grave.

Par suite, le jugement doit être confirmé en ce qu’il a statué en ce sens, débouté Monsieur X de ses demandes de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et pour licenciement brutal et vexatoire, de ses indemnités de rupture et du salaire de la période de mise à pied conservatoire.

Sur les dépens et l’application de l’article 700 du Code de procédure civile

La SASU Bofrost, succombant dans une partie de ses prétentions, sera condamnée aux dépens de première instance et d’appel.

Une somme de 1.200 euros sera allouée à sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile pour la procédure d’appel, s’ajoutant à celle que lui ont accordée à ce titre les premiers juges.

La SASU Bofrost sera déboutée de la demande qu’elle a formée à ce titre devant la Cour.

PAR CES MOTIFS,

LA COUR, statuant par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, contradictoirement et en dernier ressort, après en avoir délibéré conformément à la loi,

DECLARE l’appel recevable.

INFIRME le jugement entrepris en ce qu’il a':

— dit que la convention de forfait en jours était valable,

— débouté Monsieur X de ses demandes en annulation de la mise à pied disciplinaire du 13 août 2014 et en paiement d’un rappel de salaire pour la période de mise à pied disciplinaire, de dommages-intérêts pour sanction infondée et de dommages-intérêts pour manquement de l’employeur à son obligation de sécurité.

Statuant à nouveau dans cette limite,

DIT que la convention de forfait en jours est nulle.

ANNULE la mise à pied disciplinaire du 13 août 2014.

CONDAMNE la SASU Bofrost à payer à Monsieur G X':

- 1.000 euros (mille euros) à titre de dommages-intérêts la nullité de la convention de forfait en jours,

- 1.500 euros (mille cinq cents euros) à titre de dommages-intérêts pour méconnaissance par l’employeur de son obligation de sécurité,

- 379,55 euros (trois cent soixante dix neuf euros et cinquante cinq centimes) au titre du rappel de salaire correspondant à la durée de la mise à pied disciplinaire,

- 37,95 euros (trente sept euros et quatre vingt quinze centimes) au titre des congés payés afférents,

- 800 euros (huit cents euros) à titre de dommages-intérêts pour sanction infondée.

DIT que ces sommes porteront intérêt au taux légal à compter du jour du présent arrêt.

CONDAMNE la SASU Bofrost aux dépens de première instance.

CONFIRME le jugement en toutes ses autres dispositions.

Y ajoutant,

CONDAMNE la SASU Bofrost à payer à Monsieur X 1.200 euros (mille deux cents euros) sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile au titre de la procédure d’appel, somme s’ajoutant à celle qu’ont accordée les premiers juges.

DEBOUTE la SASU Bofrost de sa demande formée sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile devant la Cour.

CONDAMNE la SASU Bofrost aux dépens d’appel.

Le Greffier, Le Président,

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Cour d'appel de Colmar, Chambre 4 a, 10 décembre 2020, n° 18/04841