Cour d'appel de Dijon, Chambre sociale, 31 mars 2011, n° 10/00408

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Dijon, ch. soc., 31 mars 2011, n° 10/00408
Juridiction : Cour d'appel de Dijon
Numéro(s) : 10/00408
Décision précédente : Conseil de prud'hommes de Chalon-sur-Saône, 15 mars 2010, N° 08/216

Sur les parties

Texte intégral

XXX

Y Z

C/

SA ORPEA

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE – AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE DIJON

CHAMBRE SOCIALE

ARRÊT DU 31 MARS 2011

RÉPERTOIRE GÉNÉRAL N° 10/00408

Décision déférée à la Cour : AU FOND du 16 MARS 2010, rendue par le CONSEIL DE PRUD’HOMMES – FORMATION PARITAIRE DE CHALON-SUR-SAONE

RG 1re instance : 08/216

APPELANTE ET INCIDEMMENT INTIMEE :

Y Z

XXX

XXX

comparant en personne, assistée de Monsieur A B (Délégué syndical ouvrier) muni d’un accréditif temporaire de son syndicat du 10 Janvier 2011 et d’un pouvoir spécial de la salariée en date du 22 février 2011

INTIMEE ET INCIDEMMENT APPELANTE :

SA ORPEA

XXX

XXX

représentée par Monsieur F-G H (Directeur de la résidence 'Les Amaltides’ exploitée par la SA ORPEA) muni d’un pouvoir en date du 22 Février 2011, assisté de Maître Olivier BACH, avocat au barreau de LYON substitué par Maître Christèle MORAND-COLLARD de la SELAS YRAMIS, avocat au barreau de LYON

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 22 Février 2011 en audience publique devant la Cour composée de :

Bruno LIOTARD, Président de chambre, Président,

Philippe HOYET, Conseiller,

Robert VIGNARD, Conseiller,

qui en ont délibéré,

GREFFIER LORS DES DEBATS : Françoise REBY,

ARRET rendu contradictoirement,

PRONONCE publiquement par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile,

SIGNE par Bruno LIOTARD, Président de chambre, et par Françoise REBY, Greffier, à qui la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PROCÉDURE

Y Z a été embauchée le 12 avril 2008 par la société ORPEA au sein de l’établissement ''Les Amaltides’ par contrat à durée déterminée en qualité d’auxiliaire de vie, coefficient 125 de la convention collective du 18 avril 2002, avec un horaire de 25 heures hebdomadaires. L’objet de ce contrat était de pourvoir au remplacement partiel de Madame X, également auxiliaire de vie, bénéficiant d’un mi-temps thérapeutique. Ce contrat s’est terminé le mercredi 30 avril 2008.

Y Z a signé un deuxième contrat à durée déterminée de remplacement de Madame X du 1er mai 2008 pour un minimum de 15 jours, se terminant au retour du salarié remplacé et au plus tard le surlendemain du retour à temps plein du salarié remplacé. Ce contrat prévoyait un temps de travail de 75 heures par mois.

Ce second contrat a pris fin le 30 juin 2008.

Y Z, entendant voir juger abusive la rupture de son contrat de travail a saisi le conseil de prud’hommes de Chalon-sur-Saône le 8 juillet 2008.

Statuant par jugement du 16 mars 2010, la juridiction prud’homale a :

Dit qu’il n’y a pas lieu à requalification des contrats de travail à durée déterminée à temps partiel en contrat de travail à durée indéterminée à temps plein ;

condamné la SA ORPEA à verser à Y Z les sommes de :

. 1.000 € pour clause abusive et illicite ;

. 800 € sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile ;

Débouté Y Z de ses autres demandes ;

Débouté la SA ORPEA de sa demande au titre de l’article 700 du Code de procédure civile ;

Mis les dépens à la charge de la SA ORPEA.

Y Z a interjeté appel de cette décision le 8 avril 2010. La SA ORPEA a également formé appel le 22 avril 2010.

Sur la base de conclusions du 1er octobre 2010, soutenues oralement à l’audience, l’appelante sollicite la cour de :

Requalifier la relation contractuelle entre les parties en contrat de travail à durée indéterminée ;

condamner l’employeur à payer à Y Z les sommes de :

. 1.298,70 € à titre d’indemnité de requalification ;

. 1.298,70 € pour non-respect de la procédure de licenciement ;

. 10.000 € de dommages et intérêts pour rupture abusive ;

. 2.000 € de dommages et intérêts pour clause abusive et illicite ;

. 1.000 € sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile, outre aux dépens de l’instance.

Conformément à des conclusions du 14 février 2011, reprises oralement à la barre, la SA ORPEA demande à la cour de :

A titre principal

Confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a considéré que les deux contrats de travail à durée déterminée et à temps partiel des 12 avril et 1er mai 2008 avaient été valablement conclus ;

Réformer le jugement entrepris en ce qu’il a considéré que la clause d’exclusivité figurant au contrat de travail causait un préjudice à Y Z ;

En conséquence,

Débouter Y Z de l’intégralité de ses demandes ;

Condamner Y Z aux entiers dépens ainsi qu’au paiement de la somme de 1.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

A titre subsidiaire

Limiter toute éventuelle indemnisation à de plus justes proportions, au regard de la faible ancienneté de Y Z et de la preuve non rapportée d’un quelconque préjudice.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des moyens soutenus par les parties, la cour entend se référer à la décision entreprise et aux écritures susvisées.

SUR QUOI,

Sur la jonction

Attendu qu’aux termes de l’article 367 du code de procédure civile, le juge peut, à la demande des parties ou d’office, ordonner la jonction de plusieurs instances pendantes devant lui s’il existe entre les litiges un lien tel qu’il soit de l’intérêt d’une bonne justice de les faire instruire ou juger ensemble ;

Qu’en l’espèce, l’appel principal et l’appel incident ayant, dans la même cause, fait l’objet de deux enregistrements différents, il relève d’une bonne administration de la justice d’ordonner leur jonction ;

Sur la requalification en contrat de travail à durée indéterminée

Attendu qu’aux termes de l’article L. 1242-2 du Code du travail, un contrat de travail à durée déterminée ne peut être conclu que pour l’exécution d’une tâche précise et temporaire, et s’agissant du remplacement d’un salarié absent seulement dans les cas suivants :

a) absence ;

b) passage provisoire à temps partiel, conclu par avenant à son contrat de travail ou par échange écrit entre ce salarié et son employeur ;

c) suspension de son contrat de travail ;

d) départ définitif précédant la suppression de son poste de travail après consultation du comité d’entreprise ou, à défaut, des délégués du personnel, s’il en existe ;

e) attente de l’entrée en service effective du salarié recruté par contrat à durée indéterminée appelé à le remplacer ;

Attendu que rien n’interdit qu’il ne soit pourvu que partiellement au remplacement du salarié absent ; qu’en revanche, ne peut avoir été embauché exclusivement pour remplacer un salarié absent et ne peut relever du cas prévu au 1° de l’article L. 1242-2 du Code du travail, le salarié embauché par contrat de travail à durée déterminée pour un horaire de travail supérieur à celui effectué par le salarié qu’il est censé remplacer (Soc. 20 mars 1990)' ;

Attendu qu’en l’espèce, il résulte de la pièce n°6 de l’intimée que la salariée remplacée par Y Z était employée sur la base d’un 0,74 équivalent temps plein ; que, selon la pièce n°5 de la même partie, la durée de travail à mi-temps thérapeutique de Madame X a été ramenée à la moitié de son temps de travail habituel soit, selon les semaines, alternativement 12 ou 15 heures ;

Qu’une embauche de Y Z, pour remplacer la salariée concernée par ce mi-temps, aurait donc dû être effectuée sur une base au maximum de l’ordre de 60 h par mois ; que, selon son premier contrat, elle a été embauchée pour effectuer 112 heures par mois et, selon le second, pour travailler 75 heures par mois ;

Que l’embauche de l’appelante ne peut donc relever du cas prévu au 1° de l’article L. 1242-2 du code du travail ;

Attendu que le motif invoqué dans les contrats à durée déterminée successivement conclus étant erronés et le véritable motif ne correspondant pas à l’un des cas de recours autorisé par la loi, le contrat de travail de Y Z doit être requalifié en contrat de travail à durée indéterminée ; que le jugement entrepris qui a jugé le contraire doit être réformé sur ce point ;

Sur les conséquences de la requalification

Attendu qu’aux termes de l’article L. 1245-2 du Code du travail, lorsqu’il est fait droit à une demande de requalification, la juridiction accorde au salarié une indemnité à la charge de l’employeur qui ne peut être inférieure à un mois de salaire ; qu’en l’espèce, le dernier salaire de Y Z, hors indemnité de fin de contrat et indemnité de congés payés, a été de 631,70 €' ; que son salaire moyen a été en mai et juin 2008 de 698,32 €' ;

Qu’au vu de ces éléments, la cour condamne la SA ORPEA à payer à Y Z la somme de 700 € à titre d’indemnité de requalification ;

Attendu que le contrat ayant été requalifié en contrat à durée indéterminée, la cessation de la relation de travail le 30 juin 2008, suite à simple information verbale donnée, selon la direction, le 16 juin 2008, s’analyse en un licenciement irrégulier et sans cause réelle et sérieuse ;

Attendu qu’un licenciement sans forme et abusif cause nécessairement un préjudice à la salariée ; que cependant, celle-ci a été licenciée à l’âge de 23 ans, alors qu’elle avait une très faible ancienneté et s’abstient de produire tout élément relatif à sa situation postérieurement à ce licenciement ; qu’il convient donc de retenir dans ces conditions que le préjudice subi est de nature essentiellement moral ;

Que la cour en fera une exacte appréciation en allouant à la salariée la somme de 250 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement abusif et celle de 100 € pour licenciement irrégulier ;

Sur la clause d’exclusivité

Attendu que la clause par laquelle un salarié s’engage à consacrer l’exclusivité de son activité à un employeur porte atteinte à la liberté du travail ; qu’elle n’est valable que si elle est indispensable à la protection des intérêts légitimes de l’entreprise et si elle est justifiée par la nature de la tâche à accomplir et proportionnée au but recherché ; qu’il en résulte que la clause d’un contrat de travail par laquelle un salarié s’engage à travailler pour un employeur à titre exclusif et à temps partiel ne peut lui être opposée et lui interdire de se consacrer à temps complet à son activité professionnelle (Soc. 11 juillet 2000) ;

Attendu que le premier contrat de travail de Y Z, à l’exclusion du second, comportait une clause ainsi libellée :

'Clause d’exclusivité

Pendant toute la durée du présent contrat, Y Z Y devra réserver à l’entreprise l’exclusivité de ses services et ne pourra avoir aucune occupation professionnelle, même non concurrente, sauf accord préalable de la direction'' ;

Attendu que s’agissant des fonctions de l’appelante, embauchée à temps partiel, l’employeur ne saurait soutenir qu’une telle clause était nécessaire à la protection des intérêts légitimes de l’entreprise ; que c’est donc à juste titre que les premiers juges l’ont dit abusive, même si la qualification d’inopposable paraît juridiquement plus exacte ;

Que cependant, alors que cette clause n’a été mentionnée que dans le premier contrat, d’une durée de moins de trois semaines, c’est en faisant une appréciation très excessive du préjudice de la salariée que le conseil de prud’hommes lui a alloué la somme de 1.000 € de dommages et intérêts, alors que l’appelante n’allègue pas que le respect de cette clause l’aurait amenée à s’abstenir de toute recherche d’un emploi de complément et encore moins qu’elle aurait été amenée à décliner une offre ;

Que la cour, réformant le jugement de ce chef, condamne la SA ORPEA à payer à l’appelante la somme de 100 € de dommages et intérêts en compensation du préjudice qui lui a été occasionné par le respect de cette clause qui lui était inopposable ;

Sur les dépens

Attendu que la SA ORPEA qui succombe au principal doit être condamnée aux dépens ;

Sur les frais irrépétibles

Attendu que la SA ORPEA doit être déboutée de sa demande d’indemnité sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile ;

Que, la cour, réformant de ce chef la décision entreprise, fixe sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile à 300 € l’indemnité due à Y Z par la SA ORPEA, au titre de ses frais irrépétibles de première instance et d’appel ;

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Ordonne la jonction des dossiers 10/0408 et 10/0465' ;

Infirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions, excepté celle par laquelle il a dit Y Z en droit d’obtenir réparation du préjudice que lui a occasionné le respect de la clause d’exclusivité ;

Statuant à nouveau et ajoutant,

Requalifie en contrat de travail à durée indéterminée les contrats de travail à durée déterminée passés entre la SA ORPEA et Y Z ;

Condamne la SA ORPEA à payer à Y Z les sommes de :

700 € à titre d’indemnité de requalification ;

100 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement irrégulier ;

250 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement abusif ;

100 € à titre de dommages et intérêts au titre de la clause d’exclusivité ;

Déboute la SA ORPEA de sa demande d’indemnité sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la SA ORPEA à payer à Y Z la somme de 300 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, au titre de ses frais irrépétibles de première instance et d’appel ;

Condamne la SA ORPEA aux dépens.

Le greffier Le président

Françoise REBY Bruno LIOTARD

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