Cour d'appel de Dijon, 1ere chambre civile, 6 décembre 2011, n° 10/01115

  • Distribution·
  • Sociétés·
  • Commissionnaire·
  • Agent commercial·
  • Magasin·
  • Vente·
  • Contrat de partenariat·
  • Clause d'exclusivité·
  • Enseigne·
  • Commerçant

Chronologie de l’affaire

Commentaire0

Augmentez la visibilité de votre blog juridique : vos commentaires d’arrêts peuvent très simplement apparaitre sur toutes les décisions concernées. 

Sur la décision

Référence :
CA Dijon, 1re ch. civ., 6 déc. 2011, n° 10/01115
Juridiction : Cour d'appel de Dijon
Numéro(s) : 10/01115
Décision précédente : Tribunal de commerce de Chalon-sur-Saône, 28 mars 2010, N° 08/00068

Texte intégral

XXX

E H X épouse B

représentée par son liquidateur amiable Madame B E H S X.

C/

SA A DISTRIBUTION

SCP D, ès qualités de liquidateur judiciaire de la SA A DISTRIBUTION

Expédition et copie exécutoire délivrées aux avoués le 06 Décembre 2011

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE – AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE DIJON

1ERE CHAMBRE CIVILE

ARRÊT DU 06 DECEMBRE 2011

RÉPERTOIRE GÉNÉRAL N° 10/01115

Décision déférée à la Cour : AU FOND du 29 MARS 2010, rendue par le TRIBUNAL DE COMMERCE DE CHALON-SUR-SAONE

RG 1re instance : 2008/68

APPELANTES :

SARL B prise en la personne de son représentant légal

ayant son siège XXX

XXX

représentée par son liquidateur amiable Madame B E H S X.

S le XXX

XXX

XXX

représentées par la SCP FONTAINE TRANCHAND ET SOULARD, avoués à la Cour

assistées de Me Frédéric ZENATI, avocat au Barreau de LYON

INTIMEES :

SA A DISTRIBUTION

ayant son siège XXX

XXX

SCP D, ès qualités de liquidateur judiciaire de la SA A DISTRIBUTION

XXX

XXX

représentées par la SCP AVRIL & HANSSEN, avoués à la Cour

assistées de Me Gilles GRAMMONT, avocat au Barreau de CHALON SUR SAONE

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 27 Septembre 2011 en audience publique devant la Cour composée de :

Madame JOURDIER, Président de chambre, Président, ayant fait le rapport,

Madame VAUTRAIN, Conseiller, assesseur,

Monsieur LECUYER, Conseiller, assesseur,

qui en ont délibéré.

GREFFIER LORS DES DEBATS : Madame Z,

ARRET rendu contradictoirement,

PRONONCE publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile,

SIGNE par Madame JOURDIER, Président de chambre, et par Madame GRANDI-COURCHE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS , PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Par acte du 19 juillet 2001 la société A DISTRIBUTION, spécialiste du vêtement d’enfant de haut de gamme, a conclu avec Madame E B 'agissant tant en son nom personnel qu’au nom de sa société’ (la S.A.R.L. B) un 'contrat de partenariat commission affiliation', par lequel la première confiait à la seconde la vente 'au détail en son nom et pour le compte de A DISTRIBUTION S.A., en qualité de commissionnaire ducroire, la collection A', avec exclusivité dans le 6e arrondissement de Lyon (Rhône), où se situait le magasin de Madame B ,au 32, cours Franklin Roosevelt, ainsi que dans les 2e et 4e arrondissements de la même ville.

Ce contrat était conclu pour une durée de quatre années commençant à courir le 10 juillet 2001, puis renouvelable par tacite reconduction, d’année en année sauf dénonciation par lettre recommandée avec demande d’avis de réception respectant un préavis de 6 mois avant l’échéance.

Par lettre recommandée avec demande d’avis de réception du 14 juillet 2007 à en tête de la société B, sa gérante Madame E B a dénoncé la violation de la clause d’exclusivité emportant, en application de son article 11, la résiliation du contrat aux torts de la société A DISTRIBUTION, en faisant état de la fermeture du magasin A du 3e arrondissement et de l’ouverture prochaine d’un autre magasin dans le 2e arrondissement .

Elle se réservait le droit de demander des indemnités pour le préjudice subi.

Saisi par la société A DISTRIBUTION, suivant assignation du 4 janvier 2008, d’une demande en paiement de factures, pénalités, indemnité pour résistance abusive et dommages et intérêts pour brusque rupture, et d’une demande reconventionnelle de Madame E H B S X et de la S.A.R.L. B en paiement de diverses sommes pour inexécution des obligations contractuelles et compensation, le tribunal de commerce de Chalon-sur- Saône par jugement du 29 mars 2010 :

— a condamné solidairement Madame X et la S.A.R.L. B à payer à la société A DISTRIBUTION :

1°la somme de 30.004,51€ en principal outre intérêts de retard au taux de 1,2% par mois en plus du taux officiel d’escompte à compter de la date du 4 janvier 2008 et 'jusqu’à celle du présent jugement'

2° la somme de 4.500 € au titre de la majoration de 15 % en cas de contentieux,

— a rejeté toutes autres demandes y compris celles fondées sur l’article 700 du code de procédure civile,

— a ordonné l’exécution provisoire,

— a partagé les dépens à égalité.

Par acte du 4 mai 2010, Madame X et la S.A.R.L. B ont formé appel de ce jugement.

Par ordonnance du 12 octobre 2010, le Premier Président de la Cour d’appel de Dijon a rejeté la demande de sursis à exécution provisoire présentée par les appelantes et a ordonné la consignation à la CARPA du barreau de Dijon des sommes mises à la charge de la société B et de Madame X par le jugement déféré.

À l’époque la société A DISTRIBUTION était en cours d’exécution d’un plan de continuation ordonné le 7 janvier 2010 dans le cadre d’un redressement judiciaire ouvert le 8 juillet 2008; la S.A.R.L. B avait déclaré une créance de 20.000€.

Par conclusions du 22 mars 2011 Maître M-N D est intervenu à l’instance d’appel ès qualités de liquidateur à la liquidation judiciaire de la société A DISTRIBUTION, prononcée par jugement du tribunal de commerce de Chalon-sur- Saône du 1er février 2011.

Aux termes de ses dernières conclusions déposées au greffe le 1er avril 2011, Madame X et la S.A.R.L. B, appelantes, demandent à la Cour de réformer le jugement, rendu par le tribunal de commerce de Chalon-sur-Saône le 29 mars 2010, de dire que le contrat conclu avec la société A est improprement dénommé 'contrat de partenariat commission affiliation’ et constitue un contrat d’agent commercial, et d’admettre au passif de la société A DISTRIBUTION les sommes de :

—  127.950€ au titre de l’indemnité de rupture,

—  63.980€ au titre de commissions non versées jusqu’au terme du contrat,

—  67.832€ au titre du préjudice d’exploitation.

Madame X et la S.A.R.L. B demandent ensuite à la Cour de débouter Maître M-N D ès qualités de liquidateur de la société A DISTRIBUTION de ses demandes d’intérêts et de majoration de 15 %, de prononcer la compensation entre les causes contractuelles qui précèdent et la somme de 30.004,51€ demandée par Maître D ès qualités, enfin de condamner le même à payer à Madame X et à la société B la somme de 10.000€ au titre des frais irrépétibles outre les dépens.

Aux termes des dernières conclusions déposées au greffe le 22 décembre 2010 par la société A DISTRIBUTION , et reprises le 22 mars 2011 par le liquidateur , Maître M-N D ès qualités, l’intimée sollicite la confirmation du jugement quant à la condamnation relative à l’impayé sur factures de 30.004,51€, aux intérêts et à la pénalité de 15 % (4.567€), la réformation sur les autres points. Maître M-N D ès qualités demande à la Cour de condamner solidairement Madame X et la S.A.R.L. B à payer à la société A DISTRIBUTION la somme de 5.000€ pour résistance abusive, celle de 89.744 € en réparation du préjudice causé par la rupture du contrat (perte de chiffre d’affaires), enfin de condamner les appelantes aux dépens et à lui payer 6.000€ en application de l’article 700 du code de procédure civile.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 26 septembre 2011.

En application de l’article 455 du code de procédure civile, la Cour se réfère, pour un plus ample exposé des prétentions et des moyens des parties, à leurs dernières conclusions sus-visées.

MOTIFS DE LA DÉCISION

sur la demande de requalification du contrat du 19 juillet 2001

Attendu que les appelantes soutiennent qu’en dépit des termes du contrat du 19 juillet 2001, la société B était liée avec la société A DISTRIBUTION non pas par un contrat de commission mais par un contrat d’agent commercial régi par les articles L.134-1 et suivants du code de commerce ;

Attendu que le contrat en question, intitulé 'contrat de partenariat commission affiliation', expose en préambule que la société A DISTRIBUTION :

'souhaite se lier avec des partenaires commerçants indépendants, vendant les produits en leur nom mais pour le compte de A DISTRIBUTION SA, en qualité de commissionnaire ducroire.

La mise à disposition des marchandises est effectuée pour éviter au partenaire le coût de l’acquisition des marchandises, le financement du stock, ainsi que pour assurer une gestion efficace du stock.

Le commissionnaire affilié possède une boutique sise au 32,cours Franklin Roosevelt, XXX […]

Le présent contrat n’implique aucune restriction à la liberté du commissionnaire affilié dans la direction de son entreprise qui est entièrement sous sa responsabilité , à ses seuls avantages et risques dont il est seul juge’ ;

Que l’article 1er confère à Madame E B 'agissant tant en son nom personnel qu’au nom de sa société’ l’exclusivité de la vente de la collection A dans la zone territoriale des 6e, 4e et 2e arrondissements de Lyon, la société A DISTRIBUTION s’interdisant 'de concéder un droit analogue ou tout droit d’usage de cette enseigne dans les limites de ce territoire’ ;

Q’aux termes de l’article 4, la société A DISTRIBUTION s’engage à fournir à son commissionnaire des prestations d’assistance, initiale et permanente ; que l’article 5 énumère les obligations de son partenaire destinées à protéger les droits de propriété intellectuelle de A et l’identité et la qualité de son réseau : respect de l’exclusivité, des normes, des standards et des actions du réseau, répondre aux demandes d’information sur la situation de l’entreprise et accepter les inventaires, etc… ;

Attendu que l’article 6 stipule dans son premier paragraphe que 'le commissionnaire affilié demeure un commerçant indépendant qui assure personnellement, avec le concours de tout préposé de son choix, la gestion et l’exploitation de son entreprise et conserve l’exclusive responsabilité des résultats de son exploitation, et plus généralement de ses actes, n’étant en aucun cas mandataire de A DISTRIBUTION SA ou habilité à engager cette dernière’ ;

Attendu que l’article 7 organise les conditions de livraison, de stockage, de reprise et de paiement des articles A, de sorte que 'le prix des marchandises, lors de la vente à un client final, sera encaissé par le commissionnaire affilié sur un compte spécialement ouvert à son nom’ ; que l’article 8 précise que les tarifs ne pourront pas être modifiés sans l’accord de la société A DISTRIBUTION, que le commissionnaire aura droit à une commission égale à 39 % HT du chiffre d’affaires HT, qu’il éditera tous les 10 jours une facture de commissions qui lui sera réglée par compensation sur 'les sommes facturées par A DISTRIBUTION SA au titre de la vente de ses produits par le commissionnaire affilié. Le commissionnaire affilié devra donner à A DISTRIBUTION SA une autorisation de prélèvement bancaire sur le compte ouvert à son nom. Le solde du prix de vente sera prélevé automatiquement par A DISTRIBUTION SA à l’issue de chaque décade.

Par ailleurs, compte tenu de sa qualité de commissionnaire ducroire, sont à la charge du commissionnaire affilié: les impayés clients, les chèques sans provision, irréguliers, frauduleux, volés ou établis malgré une interdiction bancaire, le recouvrement sur la clientèle, les écarts de stock’ ;

Attendu que l’article L.132-1 du code de commerce dispose 'Le commissionnaire est celui qui agit en son propre nom ou sous un nom social pour le compte d’un commettant’ ;

Que selon l’article L.134-1 ' l’agent commercial est un mandataire qui, à titre de profession indépendante, sans être lié par un contrat de louage de services, est chargé, de façon permanente, de négocier, et, éventuellement, de conclure des contrats de vente, d’achat, de location ou de prestations de services, au nom et pour le compte de producteurs, d’industriels, de commerçants ou d’autres agents commerciaux’ ;

Attendu que si l’on s’en tient à la lettre du contrat du 19 juillet 2001, la situation de la S.A.R.L. B est bien celle d’un commissionnaire, mandataire agissant en son nom et pour le compte de la société A DISTRIBUTION ;

Attendu que Mme X, en son nom et comme liquidateur de la S.A.R.L. B radiée du registre du commerce et des sociétés, soutient essentiellement qu’en réalité l’affiliée n’agissait pas en son nom mais au nom de son prétendu commettant, qu’elle n’était pas propriétaire d’un fonds de commerce, dont les éléments tels que l’enseigne appartenaient à la société A DISTRIBUTION, ni d’une clientèle, les acheteurs étant attirés par la marque; qu’elle soutient encore que 'la propriété des marchandises était transférée directement de la société A DISTRIBUTION aux clients sans transiter par le patrimoine de Madame B ou de sa société', invoquant le fait que les tickets de caisse remis aux clients de la boutique ne laissaient apparaître que la société A, le nom de B n’y étant ajouté qu’à partir de 2007 ; que Madame X et la société B affirment qu’elles n’étaient pas tenues de verser un prix d’achat pour les marchandises qui leur étaient confiées mais seulement d’une 'reddition de compte', étant d’ailleurs obligées de verser les sommes perçues des clients sur un compte bancaire dont la société A DISTRIBUTION avait en réalité la maîtrise en raison de l’autorisation de prélèvement ; qu’elles ajoutent que l’indépendance du commerçant, affirmée par le contrat, est contredite par les directives de la société A DISTRIBUTION et les contraintes imposées dans la gestion du commerce : fixation des prix, présentation des produits, méthodes de commercialisation…;

Attendu que tout d’abord les états comptables versés aux débats, établis par la société Y, expert-comptable de la S.A.R.L. B, démontrent que l’activité de distribution des produits A a été exercée juridiquement par la société B, S.A.R.L. inscrite au registre du commerce et des sociétés, et ayant contracté avec la société A DISTRIBUTION par sa gérante Madame X puisqu’elle est visée par l’article 1er du contrat; qu’en effet les ventes des produits A figurent en recettes et les factures de la société A DISTRIBUTION sont comptabilisées dans le compte de charges 'achats de marchandises’ ; que les appelantes ne sauraient soutenir le contraire alors que la lettre de rupture du 14 juillet 2007 est à en-tête de la S.A.R.L. ;

Que pour apprécier la nature du contrat du 19 juillet 2001, peu importe donc l’absence d’immatriculation de Madame X au registre du commerce et des sociétés, ni le libellé à son nom personnel des courriers échangés avec la société A DISTRIBUTION, ni les autres éléments tenant à la personne de Madame X qui agissait en qualité de représentante légale de la S.A.R.L. ;

Attendu que la clientèle, même attirée par une marque connue, est également attachée à l’emplacement du magasin et aux qualités de ceux qui le tiennent; que la société B payait un loyer comptabilisé dans ses charges et bénéficiait d’un bail commercial; qu’elle tenait du contrat d’affiliation le droit d’utiliser la marque et l’enseigne A ; qu’au chapitre immobilisations de son bilan 2006 figure le fonds commercial pour 60.679€, et des immobilisations corporelles 'agencements’ pour 39.573€ démontrant que la société B était propriétaire d’au moins une partie du matériel servant à l’exploitation du fonds; que cette dernière est donc mal fondée à affirmer qu’elle n’avait pas de fonds de commerce ; que la cession du seul droit au bail pour 150.000€ le 10 juillet 2008 ne contredit pas l’existence des autres éléments de fonds de commerce précités au cours des années 2001 à 2007 ;

Attendu que s’agissant de la vente des marchandises, les clauses du contrat relatives à la livraison par le fournisseur, à la constitution des stocks et à la reprise des invendus ne sont que l’application de l’avantage de trésorerie consenti au distributeur dispensé de supporter le coût des stocks ; que ni cette méthode, ni le différé de paiement n’excluent qu’une vente soit conclue entre le distributeur et le client final ; qu’il en est de même pour le mécanisme contractuel des paiements entre la société B et la société A DISTRIBUTION ; que l’autorisation de prélèvement sur le compte bancaire encaissant le prix des articles vendus dans la boutique est sans conteste une garantie pour le fournisseur qui a livré des marchandises avant d’en recevoir le prix, mais ne suffit pas à exclure l’existence d’une vente entre la société A DISTRIBUTION et la société B ; que n’est pas plus significative l’absence de référence du distributeur sur les tickets de caisse, la seule mention A évoquant d’ailleurs la marque et l’enseigne, dont l’usage par l’affilié était autorisé par l’article 3 du contrat, mais n’identifiant pas la société A DISTRIBUTION ;

Que demeure le fait incontournable que les ventes d’articles par la S.A.R.L. B dans sa propre boutique étaient enregistrées dans sa propre comptabilité (compte 707101), de même que l’achat des marchandises A (compte 607101) ; que la qualité juridique de vendeur conférée à la S.A.R.L. B est confirmée par le fait que sa gérante était seule au contact de la clientèle et qu’elle supportait les risques des incidents de paiement et des écarts de stocks, comme stipulé à l’article 8 du contrat ;

Qu’ainsi la société B a bien vendu entre 2001 et 2007 en son propre nom et pour le compte de la société A DISTRIBUTION les produits livrés par cette dernière ;

Attendu que s’agissant de l’indépendance du commerçant, le principe affirmé par le contrat est effectivement limité par les contraintes quant aux tarifs et aux pratiques commerciales imposées par la société A DISTRIBUTION ; que cependant celles-ci ont comme contrepartie les avantages de l’appartenance à un réseau bénéficiant d’une notoriété et d’une marque connue et les prestations d’assistance fournies par la société A DISTRIBUTION ; qu’elles laissent à l’affilié l’autonomie de sa gestion et de son exploitation, notamment le soin d’adapter son action commerciale et ses charges à ce cadre ; qu’en tout cas les limites à sa libre gestion consenties par la S.A.R.L. B ne font pas disparaître son autonomie juridique et commerciale, et ne lui ôtent pas sa qualité de vendeur des articles A dont la distribution lui a été confiée ;

Attendu qu’un agent commercial, qui n’a pas la qualité de commerçant, ne saurait vendre en son nom des marchandises; que par conséquent les appelantes sont mal fondées à demander la requalification du contrat du 19 juillet 2001 en contrat d’agent commercial ; que toutes leurs demandes fondées sur le régime de l’agent commercial sont donc injustifiées ;

sur la demande relative à la rupture du contrat

Attendu que l’article 10 du contrat prévoyait au-delà du terme fixé à la fin de la période des soldes de la saison d’été 2005, la tacite reconduction d’année en année sauf dénonciation du contrat six mois d’avance par lettre recommandée avec demande d’avis de réception ; que la S.A.R.L. B a dénoncé le contrat par lettre recommandée du 14 juillet 2007 prenant acte de la rupture du contrat avec effet immédiat en raison de la violation, imputée à la société A DISTRIBUTION, de la clause d’exclusivité ;

Que l’intimée conteste ce grief et reproche à Madame X et la société B d’avoir rompu leurs conventions sans respecter le préavis et en laissant des factures impayées ; qu’en effet le contrat s’était poursuivi après les soldes de la saison d’été 2007, le terme suivant se situant après les soldes d’été de 2008 ;

Attendu que cependant la société A DISTRIBUTION dans l’article 1er du contrat confiait à Madame X et à la société B la vente au détail de la collection A en exclusivité dans les 6e, 4e et 2e arrondissement de Lyon, et précisait qu’elle s’interdisait de concéder un droit analogue ou tout droit d’usage de cette enseigne dans les limites de ce territoire ; que l’article 11 du contrat stipule qu’il 'pourra être résilié par l’une ou l’autre des parties en cas d’inexécution par son contractant de l’une des quelconques de ses clauses notamment, et sans que cette liste soit exhaustive : violation d’une clause d’exclusivité, non-respect d’une norme de qualité par le commissionnaire affilié.' ;

Que Madame X et la société B établissent par des pièces incontestables (attestations, constats d’huissier et dossier de permis de construire) que la société A DISTRIBUTION, qui avait fermé à l’automne 2006 un magasin dans le centre commercial 'La part Dieu’ dans le 3e arrondissement de Lyon, a dès la fin d’année 2006 décidé d’ouvrir un nouveau magasin à l’enseigne A dans le 2e arrondissement, donc dans la zone d’exclusivité territoriale concédée à la société B, que dès février 2007 la société A DISTRIBUTION se prévalait auprès de la copropriété de l’immeuble XXX 2e) d’un bail commercial afin d’être autorisée à effectuer des travaux dans les locaux, que les formalités administratives ont été accomplies entre mars et avril 2007 et que la presse spécialisée annonçait en avril 2007 l’ouverture prochaine d’une boutique A, qui a finalement eu lieu en octobre 2007 ;

Que les descriptifs et les plans d’aménagement de ce magasin conçu selon le modèle et à l’enseigne A contredisent la société A DISTRIBUTION dans ces affirmations sur le fait qu’elle aurait ouvert un magasin d’une autre de ses marques si le contrat n’avait pas été rompu par la S.A.R.L. B ;

Attendu qu’ainsi au jour de la lettre de rupture, la société A DISTRIBUTION, à défaut de préavis de résiliation notifié en janvier 2007 avait laissé la tacite reconduction se produire jusqu’au mois de juin 2008 et s’était néanmoins déjà engagée dans un processus irréversible d’ouverture d’un magasin à l’enseigne A dans la zone territoriale concédée exclusivement à la S.A.R.L. B ; que contrairement à ce que soutient la société A DISTRIBUTION, la rédaction du contrat, et au surplus l’obligation légale de l’exécuter de bonne foi, exclut tout autre point de vente à l’enseigne A dans cette zone, même géré directement par la société A DISTRIBUTION, sous peine de priver de toute efficacité la clause d’exclusivité dont bénéficie le commissionnaire-affilié, lui-même obligé en vertu de l’article 7 de vendre exclusivement des produits A ;

Attendu que par conséquent il est établi que la société A DISTRIBUTION a violé la clause d’exclusivité consentie à son contractant et que, même en faisant abstraction des ventes de produits A par un soldeur dans le 6e arrondissement constatées en août 2007 et des autres griefs formulés par les appelantes, cela autorisait la société B le 14 juillet 2007 à imputer la rupture du contrat à la société A DISTRIBUTION en application de son article 11 ;

Attendu qu’une demande d’indemnisation des conséquences de la rupture était déjà présentée en première instance, si bien que la société A DISTRIBUTION invoque à tort l’irrecevabilité des demandes nouvelles en appel; que Madame X et la société B sont fondées à demander l’indemnisation du seul préjudice résultant de cette rupture, et sans pouvoir se fonder sur les textes relatifs aux agents commerciaux, qui ne leur sont pas applicables ;

Attendu que les demandes fondées sur des pertes d’exploitation pendant la durée d’exécution du contrat ne sont pas justifiées, n’ayant aucun lien avec sa résiliation; que les appelantes invoquent une 'faute délictuelle résultant du fait de contracter au préjudice d’autrui', fondement à réparation incompatible avec les conventions conclues entre les parties ; que la demande de réparation ne peut pas non plus reposer sur le postulat non démontré que l’absence de rentabilité du magasin provenait de la faute de la société A DISTRIBUTION ; qu’au contraire, et comme il a été vu plus haut, il appartenait à l’affilié, commerçant indépendant d’assurer une saine gestion et d’assumer les risques de son exploitation ;

Attendu qu’en revanche la violation par la société A DISTRIBUTION de la clause d’exclusivité est incontestablement à l’origine d’un manque à gagner pour la société B ; que la commission contractuelle de 39 % du chiffre d’affaires hors taxes avait été portée d’un commun accord à 50 % à compter de l’année 2006 ; que compte tenu de la durée normale restant à courir du contrat et du chiffre d’affaires moyen réalisé par la société B les années précédentes avec les produits A (environ 145.000€), mais également de la liberté retrouvée par la S.A.R.L. B de contracter avec d’autres fournisseurs et qu’elle aurait pu mettre à profit, la réparation du préjudice résultant de la résiliation aux torts de la société A DISTRIBUTION doit être fixée à 60.000€ ;

sur la demande en paiement de factures de la société A DISTRIBUTION

Attendu que la société A DISTRIBUTION produit la copie des factures, établies au nom de la gérante de la société B et à l’adresse du siège social, relatives aux vêtements vendus dans le magasin de l’affiliée dans les derniers mois, et le relevé de compte sur la période d’avril à septembre 2007 intégrant aussi les avoirs; que Madame X et la société B ne contestent pas le montant de 30.004,51€ impayé au 13 septembre 2007 figurant sur le relevé de compte de la société A DISTRIBUTION ; qu’elles ne contestent pas leur obligation résultant du contrat de payer cette somme à la société A DISTRIBUTION ; que leur condamnation in solidum est donc justifiée, sans que les intéressées puissent faire valoir une exception d’inexécution dont les conditions ne sont pas réunies puisque c’est le prix de marchandises déjà revendues ;

Que pour les intérêts, le contrat de partenariat n’en prévoyait pas puisque le système de prélèvement sur le compte bancaire recevant le prix de vente des articles au client final, de la différence entre ce prix et la commission due, ne devait en théorie pas laisser place à des impayés ;

Que néanmoins à compter de 2006 se sont constitués des encours impayés, du fait certainement que le compte bancaire de la S.A.R.L. B fonctionnait à découvert ; que la société A DISTRIBUTION se prévaut des conditions générales de vente figurant au dos des factures adressées à Madame B, et de la mention de renvoi à ces conditions figurant au recto des factures, pour demander des intérêts à un taux oscillant entre 2,95 % et 6,20 % par mois ainsi qu’une pénalité de 15 % ramenée à 4.500 € dans le dispositif de ses conclusions ;

Attendu que cependant les mentions de la facture ne valent pas accord entre les parties sur la stipulation d’intérêts autres que légaux et sur des pénalités, d’abord parce qu’il s’agit de clauses type conçues, selon leurs termes, pour des ventes de produits commandés à la société A DISTRIBUTION par des clients et prises dans [ses] magasins, ce qui ne correspond pas à la situation contractuelle, ensuite parce que les clauses sont imprécises et contradictoires ; qu’en effet au § 9° il est écrit en toutes petites lettres :

'en cas de retard de paiement ou d’échéance non respectée, nous chargeons un intérêt de 1,2 % par mois en plus du taux officiel d’escompte'

et au §11°:

'en cas de poursuite concluant à notre avantage le montant de la facture est majoré de 15 %, outre les frais judiciaires et intérêts légaux’ ;

Que la référence à un taux officiel d’escompte est trop vague et ne saurait justifier le calcul de la société A DISTRIBUTION effectué sur la base du taux de prêt marginal publié par la Banque centrale européenne ;

Que par conséquent l’impayé de 30.004,51€ sera augmenté seulement des intérêts au taux légal à compter du 4 janvier 2008, date de l’assignation valant mise en demeure ;

Que cependant la consignation ordonnée par le Premier Président le 12 octobre 2010 a arrêté le cours des intérêts et rend sans objet la demande de capitalisation des intérêts ;

Attendu que la compensation peut jouer entre les deux dettes réciproques et connexes puisque découlant du même contrat, d’autant plus que la créance de dommages et intérêts a pour origine la résiliation du contrat, survenue antérieurement à l’ouverture du redressement judiciaire de la société A DISTRIBUTION prononcée le 8 juillet 2008 ; qu’enfin une créance qui n’aurait pas été déclarée dans les délais au mandataire judiciaire n’est pas éteinte, mais seulement écartée des répartitions ; que rien ne s’oppose donc à la fixation de la créance de Madame X et de la société B par la Cour ;

Attendu que la société A DISTRIBUTION qui porte la responsabilité de la rupture du contrat est mal fondée à demander une indemnité pour brusque rupture comme une indemnité pour résistance abusive ;

Attendu que les parties succombant partiellement dans leurs prétentions, chacune gardera la charge de ses propres dépens ;

Que néanmoins en équité une somme de 5.000€ doit être mise à la charge de la société A DISTRIBUTION prise en la personne de son mandataire liquidateur au titre des frais irrépétibles exposés par Madame X et la société B ;

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

INFIRME le jugement déféré et statuant à nouveau :

CONDAMNE in solidum Madame X et la société B à payer à la société A DISTRIBUTION prise en la personne de son mandataire-liquidateur Maître M-N D la somme de 30.004,51€ outre les intérêts au taux légal à compter du 4 janvier 2008 et jusqu’au jour de la réalisation de la consignation ordonnée par le Premier Président ;

DIT n’y avoir lieu à capitalisation des intérêts ;

REJETTE comme non contractuelles les demandes d’intérêts autres que légaux et de pénalités ;

JUGE que le 'contrat de partenariat commission affiliation’ conclu le 19 juillet 2001 entre la société A DISTRIBUTION et Madame E B S C en son nom et au nom de sa société la S.A.R.L. B n’est pas un contrat d’agent commercial ;

En conséquence REJETTE toutes les demandes formées par Madame X et la société B reposant sur le statut d’agent commercial qui n’est pas applicable ;

JUGE que la rupture du contrat de partenariat est imputable à la société A DISTRIBUTION et que le préjudice en résultant pour Madame X et la société B s’établit à 60.000€ ;

REJETTE les demandes de dommages et intérêts et d’indemnité pour frais de procédure présentées par la société A DISTRIBUTION ;

DIT que les conditions de la compensation entre les créances réciproques et connexes sont réunies ;

En conséquence FIXE la créance de Madame X et de la société B à l’encontre la société A DISTRIBUTION représentée par son mandataire-liquidateur Maître M-N D à la différence entre le montant des deux créances réciproques ;

CONDAMNE la société A DISTRIBUTION prise en la personne de son mandataire-liquidateur Maître M-N D à payer à Madame X et la société B la somme de 5.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

DIT que chacune des parties gardera la charge de ses dépens de première instance et d’appel ;

Accorde à la S.C.P. AVRIL-HANSSEN et à la S.C.P. FONTAINE TRANCHANT SOULARD, avoués à la Cour, le bénéfice des dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

Le greffier, Le président,

Extraits similaires
highlight
Extraits similaires
Extraits les plus copiés
Extraits similaires

Textes cités dans la décision

  1. Code de commerce
  2. Code de procédure civile
Inscrivez-vous gratuitement pour imprimer votre décision
Cour d'appel de Dijon, 1ere chambre civile, 6 décembre 2011, n° 10/01115