Cour d'appel de Dijon, 17 septembre 2013, n° 2012/00688

  • Demande en liquidation de l'astreinte·
  • Décision antérieure sur le préjudice·
  • Personnalité juridique distincte·
  • Poursuite des actes incriminés·
  • Validité du constat d'huissier·
  • Cédant du fonds de commerce·
  • Autorité de la chose jugée·
  • Liquidation de l'astreinte·
  • Révision de l'astreinte·
  • Personnalité juridique

Chronologie de l’affaire

Résumé de la juridiction

Le demandeur, qui a cédé son fonds de commerce, est recevable à agir en liquidation de l’astreinte accompagnant la mesure d’interdiction qui a été ordonnée dans le cadre d’un litige en contrefaçon de modèles et en concurrence déloyale. Il importe peu de savoir si l’astreinte a été prononcée au profit du demandeur en tant que personne physique ou bien en tant que commerçant exploitant le fonds de commerce. Le demandeur ayant exercé son activité en son nom propre, l’entreprise n’avait pas de personnalité juridique distincte de la personne de l’exploitant. De plus, l’acte de cession du fonds de commerce contient une clause écartant expressément la transmission au cessionnaire de l’action en justice en cours. En outre, l’astreinte étant l’accessoire de la décision de justice, le demandeur, seul titulaire du droit d’agir en réparation des actes de contrefaçon et de concurrence déloyale commis avant la cession, et donc seul bénéficiaire des condamnations qui ont été prononcées, est également titulaire du droit d’agir en liquidation de l’astreinte. La mesure d’interdiction de diffuser les produits litigieux qui a été ordonnée implique l’interdiction de proposer à la vente, de manière directe ou indirecte, ces produits quand bien même le demandeur n’aurait pas demandé précisément leur retrait de la vente. Le but était de faire cesser les faits de contrefaçon et de concurrence déloyale, ce qui ne pouvait être réalisé si les produits se trouvaient encore proposés aux consommateurs. Le demandeur est donc fondé à faire constater les violations des interdictions de livraison mais aussi de vente par les distributeurs.

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Sur la décision

Référence :
CA Dijon, 17 sept. 2013, n° 12/00688
Juridiction : Cour d'appel de Dijon
Numéro(s) : 2012/00688
Publication : PIBD 2013, 995, IIID-1615
Sur renvoi de : Cour de cassation, 13 février 2012, N° 10/01054
Décision(s) liée(s) :
  • Cour d'appel de Besançon, 21 novembre 2007 (en réquisition)
  • Tribunal de grande instance de Besançon, juge de l'exécution, 25 avril 2008 (en réquisition)
  • Cour d'appel de Besançon, 23 septembre 2009 (en réquisition)
  • Tribunal de grande instance de Besançon, juge de l'exécution, 9 avril 2010, 2009/02849 (en réquisition)
  • Cour d'appel de Besançon, 10 novembre 2010, 2010/01054 (en réquisition)
  • Cour de cassation, 14 février 2012, C/2011/10488
Domaine propriété intellectuelle : DESSIN ET MODELE
Référence INPI : D20130183
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Sur les parties

Texte intégral

HJ/BM Bruno C C/ SAS FROMAGERIE BADOZ

COUR D’APPEL DE DIJON 1ERE CHAMBRE CIVILE ARRÊT DU 17 SEPTEMBRE 2013 N° 13/ RÉPERTOIRE GÉNÉRAL N° 12/00688

Décision déférée à la Cour : AU FOND du 09 AVRIL 2010, rendue par le TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE BESANCON – RG 1re instance : 09/02849

Après cassation de l’arrêt du 10 novembre 2010

de la COUR D’APPEL DE BESANÇON (RG : 10/01054) par arrêt de la COUR DE CASSATION DE PARIS du 14 février 2012 – (Pourvoi n° C 11-10.488)

APPELANT :

Monsieur Bruno C représenté par Me Florent SOULARD, avocat au barreau de DIJON, assisté de Me Françoise D, avocat au barreau de BESANÇON

INTIMEE :

SAS FROMAGERIE BADOZ dont le siège social est […] 25300 PONTARLIER représentée par Me Chrystelle VALLEE, membre de la SELARL LEVEQUE ET V, avocat

au barreau de DIJON

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 04 Juin 2013 en audience publique devant la Cour composée de :

Madame JOURDIER, Président de chambre, Président,

Monsieur BESSON, Conseiller, Monsieur PLANTIER, Conseiller, qui en ont délibéré. GREFFIER LORS DES DÉBATS : Madame RANGEARD,

ARRÊT : rendu contradictoirement,

PRONONCE publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile,

SIGNE par Madame JOURDIER, Président de chambre, et par Madame RANGEARD, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Monsieur Bruno C exploitait un fond de commerce de fabrication et vente de fromages, principalement de la spécialité fromagère franc-comtoise appelée 'cancoillotte'. Sur son action qui avait été engagée en 2006 devant le tribunal de commerce de Besançon à l’encontre de la société Fromagerie BADOZ, la cour d’appel de Besançon, par arrêt du 21 novembre 2007 confirmant partiellement le jugement, a consacré la commission par cette société d’actes de contrefaçon de modèles de coupelles, couvercles et pots et d’actes de concurrence déloyale concernant les mêmes produits, et a ordonné une expertise avant-dire droit sur le montant du préjudice de Monsieur C.

Le même arrêt a 'fait défense à la société Fromagerie BADOZ de fabriquer et de diffuser les modèles contrefaisants des modèles de coupelles, pot et couvercle contrefaits, ainsi que les emballages d’entrée de gamme concurrençant de manière déloyale et parasitaire, sous astreinte de mille euros (1.000€) par infraction constatée à l’issue d’un délai de 8 jours suivant la signification du présent arrêt'.

Cet arrêt a été signifié le 22 novembre 2007 à la société Fromagerie BADOZ , qui a saisi dès le 30 novembre le juge de l’exécution du tribunal de grande instance de Besançon, essentiellement d’une demande de suppression de l’astreinte. Par jugement devenu définitif prononcé le 25 avril 2008, le juge de l’exécution a débouté la société Fromagerie BADOZ, constatant que la liquidation de l’astreinte n’avait pas été demandée.

Après dépôt du rapport d’expertise, la cour d’appel de Besançon, par arrêt du 23 septembre 2009, a condamné la société Fromagerie BADOZ à payer à Monsieur Bruno C la somme de 100.000€ à titre de dommages et intérêts pour actes de contrefaçon et la somme de 100.000€ à titre de dommages et intérêts pour concurrence déloyale.

Se prévalant de milliers d’infractions à l’obligation de ne pas faire qui avait été impartie à la société

Fromagerie BADOZ par l’arrêt du 21 novembre 2007, Monsieur Bruno C a assigné celle-ci, par acte d’huissier de justice du 18 novembre 2009, devant le juge de l’exécution du tribunal de grande instance de Besançon, aux fins d’obtenir la liquidation de l’astreinte prononcée par le dit arrêt à la somme de 4.357.000€. La société Fromagerie BADOZ lui a opposé entre autres moyens une fin de non recevoir tirée du défaut de qualité et d’intérêt à agir, au motif que Monsieur Bruno C avait cédé son fonds de commerce par acte du 28 septembre 2007.

Par jugement du 9 avril 2010 le juge de l’exécution du tribunal de grande instance de Besançon a :

— déclaré la S.A.S. Fromagerie BADOZ irrecevable en sa demande tendant à voir constater l’incompétence du juge de l’exécution pour statuer sur la demande de liquidation d’astreinte,

— déclaré Monsieur Bruno C irrecevable en sa demande de liquidation d’astreinte,

— débouté la S.A.S. Fromagerie BADOZ de sa demande de dommages et intérêts,

— débouté Monsieur Bruno C de sa demande au titre des frais non compris dans les dépens,

— débouté la S.A.S. Fromagerie BADOZ de sa demande au titre des frais non compris dans les dépens,

— dit que chacune des parties gardera la charge des dépens par elle exposés.

Saisie des appels de ce jugement, la cour d’appel de Besançon, par arrêt du 10 novembre 2010, a déclaré les appels recevables mais non fondés et a confirmé en toutes ses dispositions le jugement déféré.

Monsieur Bruno C ayant formé un pourvoi, la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, par arrêt prononcé le 14 février 2012 au visa des articles 1382 et 1615 du code civil, ensemble l’article 36 de la loi du 9 juillet 1991, a cassé et annulé le dit arrêt, mais seulement en ce qu’il a dit irrecevable Monsieur C en sa demande de liquidation d’astreinte.

Par acte du 24 avril 2012 Monsieur Bruno C a saisi la cour d’appel de Dijon désignée comme cour de renvoi.

Par ordonnance du 10 janvier 2013, le magistrat chargé de la mise en état a rejeté la demande de la société Fromagerie BADOZ tendant à voir constater la caducité de la déclaration de saisine et ses demandes accessoires, et a condamné celle-ci aux dépens et à payer à Monsieur Bruno C la somme de 1.500€ en application de l’article 700 du code de procédure civile.

Aux termes de ses dernières conclusions remises au greffe le 6 juin 2012, Monsieur Bruno C, appelant, demande à la Cour de :

— réformer le jugement rendu le 9 avril 2010 par le juge de l’exécution de Besançon,

— juger que Monsieur Bruno C a qualité et intérêt pour agir en liquidation d’astreinte,

— juger valables en la forme et au fond les constats d’huissier produits aux débats,

— débouter la société BADOZ de toutes conclusions contraires aux présentes et de sa demande reconventionnelle,

— liquider l’astreinte prononcée par la cour d’appel de Besançon le 21 novembre 2007 à la somme de 4.357.000€,

— condamner la société BADOZ au paiement de cette somme ainsi qu’au paiement d’une somme de 15.000€ au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, enfin de condamner la même aux entiers dépens, en ce compris le coût des constats établis postérieurement à l’arrêt du 21 novembre 2007 rendus nécessaires par son comportement dans le cadre de la liquidation d’astreinte ,

— condamner la société BADOZ aux entiers dépens de première instance et d’appel, ces derniers, tant pour ceux exposés devant la cour d’appel de Besançon que devant la cour d’appel de Dijon.

Aux termes de ses dernières conclusions remises au greffe le 3 septembre 2012, la S.A.S. Fromagerie BADOZ, intimée, sollicite à titre principal la confirmation du jugement rendu le 9 avril 2010 par le juge de l’exécution du tribunal de grande instance de Besançon en ce qu’il a déclaré Monsieur Bruno C irrecevable dans ses demandes. A titre subsidiaire elle demande à la Cour de:

— constater la nullité des procès-verbaux de constat d’huissier des 5,19 et 28 décembre 2007 (pièce adverse 11-0), 19 décembre 2007 (pièce adverse 11-3), 5 décembre 2007 (pièce adverse 11-6), 4 décembre 2007 (pièce adverse 11-9), 17 décembre 2007 (pièces adverses 11-7, 11-10, 11-11, 11-12, et 11-13), 28 décembre 2007 (pièce adverse 11-1 et 11-8), 18 décembre 2007 (pièce adverse 11-2), compte tenu de l’indication erronée d’un mandant exploitant actuellement, ou demeurant au Franois, La belle étoile,

— subsidiairement, constater le défaut de caractère probant des dits procès-verbaux et les écarter des débats,

— constater la nullité des procès-verbaux de constat d’huissier des18 décembre 2007 (pièce adverse 11-2), 28 décembre 2007 (pièce adverse 11-1), 5 décembre 2007 (pièces adverses 11-0, 11-5 et 11-6), 17 décembre 2007 (pièces adverses11-10 et 11-11), compte tenu de l’indication erronée d’un mandant exploitant actuellement, ou demeurant au Franois, La belle étoile, et compte tenu de l’absence d’autorisation expresse et éclairée du dirigeant du point de vente,

— subsidiairement, constater le défaut de caractère probant des dits procès-verbaux et les écarter des débats,

— constater que la société Fromagerie BADOZ a parfaitement exécuté l’arrêt rendu par la cour d’appel de Besançon le 21 novembre 2007,

En conséquence, débouter Monsieur C de l’ensemble de ses prétentions,

A titre infiniment subsidiairement supprimer l’astreinte prévue par le dit arrêt, à défaut la réduire à la somme de un euro symbolique,

En tout état de cause :

— constater que l’arrêt rendu par la cour d’appel de Besançon le '21 novembre 2007" [ en réalité: 23 septembre 2009] a débouté Monsieur Bruno C de sa demande tendant à voir condamner la société Fromagerie BADOZ à lui rembourser le coût des constats établis postérieurement à l’arrêt du 21 novembre 2007,

— débouter Monsieur Bruno C de sa demande,

— condamner Monsieur Bruno C à verser à la société Fromagerie BADOZ la somme de 10.000€ sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

— condamner Monsieur Bruno C aux entiers dépens.

La clôture de la mise en état a été prononcée par ordonnance du 18 avril 2013.

En application de l’article 455 du code de procédure civile, la Cour se réfère, pour un plus ample exposé des prétentions et des moyens des parties, à leurs dernières conclusions sus-visées.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Attendu qu’aucune des parties ne critique le jugement déféré en ce qu’il a déclaré irrecevable le moyen tiré de l’incompétence du juge de l’exécution pour statuer sur la demande de liquidation d’astreinte ;

sur la recevabilité de la demande de liquidation d’astreinte

Attendu que la société Fromagerie BADOZ soutient que l’action en liquidation d’astreinte engagée par Monsieur Bruno C est irrecevable pour plusieurs motifs ;

Qu’elle soutient tout d’abord qu’il faudrait 'distinguer Monsieur Bruno C personne physique et Monsieur Bruno C commerçant exploitant l’entreprise 'La Belle étoile Poitrey', que du fait de sa radiation du registre du commerce et des sociétés à la suite de la vente de son fonds, 'l’entreprise 'La Belle étoile Poitrey’ n’a plus d’existence légale et que Monsieur Bruno C en qualité de commerçant et d’exploitant de l’entreprise 'La Belle étoile Poitrey’ est irrecevable pour défaut de qualité et d’intérêt à agir dans son action engagée à l’encontre de la société Fromagerie BADOZ ';

Que cependant peu importe de savoir si la cour d’appel de Besançon a prononcé l’astreinte au profit de Monsieur Bruno C ou bien de 'Monsieur Bruno C commerçant exploitant l’entreprise La Belle étoile Poitrey’ ; qu’en effet Monsieur Bruno C ayant exercé son activité commerciale en nom propre, l’entreprise 'La Belle étoile Poitrey’ n’avait pas de personnalité juridique distincte de la personne de l’exploitant ; que même si Monsieur Bruno C n’a plus la qualité de commerçant, sa radiation du registre du commerce et des sociétés ne lui a pas fait perdre le bénéfice des décisions prononcées par l’arrêt de la cour d’appel de Besançon du 21 novembre 2007 ;

Attendu que la société Fromagerie BADOZ soutient ensuite que l’action de Monsieur Bruno C est irrecevable du fait que depuis la cession de son fonds de commerce le

28 septembre 2007, il n’a plus d’intérêt à agir pour faire cesser la violation des droits de propriété intellectuelle qui ont été cédés avec le fonds ;

Attendu cependant que, d’une part, si une action en justice relative au fonds de commerce peut en tant qu’accessoire du fonds cédé être transmise au cessionnaire, les parties peuvent y déroger ; qu’en l’espèce l’acte de cession du fonds de commerce contient une clause écartant expressément la transmission par le cédant, Monsieur Bruno C, au cessionnaire la société MONTANA , de l’action en justice en cours, puisque la clause stipule que 'le cédant déclare conserver à sa charge la poursuite de la procédure’ ;

Que, d’autre part, l’astreinte est un accessoire de la décision de justice dont elle est chargée d’assurer l’exécution, et n’est pas destinée à la réparation du préjudice subi par le créancier de l’obligation qu’elle assortit ; que l’action en liquidation de l’astreinte est donc la continuation de l’action précédente ayant abouti au prononcé de l’astreinte ; que Monsieur Bruno C seul titulaire du droit d’agir en réparation des actes de contrefaçon et de concurrence déloyale commis avant la cession, et donc seul bénéficiaire des condamnations prononcées par la cour d’appel de Besançon, comme il a été vu plus haut, est donc également titulaire du droit d’agir en liquidation d’astreinte ;

Qu’enfin Monsieur Bruno C bénéficiaire des décisions prises par l’arrêt de la cour d’appel de Besançon du 21 novembre 2007 a un intérêt évident à voir sanctionner l’inexécution de ces décisions ;

Attendu que Monsieur Bruno C doit donc être déclaré recevable à agir en liquidation d’astreinte ;

Attendu qu’avant de statuer sur l’éventuelle révision de l’astreinte provisoire en fonction du comportement de la société Fromagerie BADOZ dans l’exécution de l’arrêt du 21 novembre 2007, il faut examiner les moyens de nullité des procès- verbaux de constat ;

sur les moyens de nullités des procès-verbaux de constat

Attendu que la société Fromagerie BADOZ critique la validité des constats d’huissier de justice de décembre 2007 dont se prévaut Monsieur Bruno C aux motifs :

— que l’huissier indique que Monsieur Bruno C commercialise les cancoillottes Poitrey La belle étoile, et demeure à Franoy (Doubs), alors que ce n’était plus le cas à la date à laquelle ils ont été établis, ce qui a induit en erreur ses interlocuteurs,

— qu’ils ont été effectués sans autorisation judiciaire, ne mentionnent pas que l’autorisation du 'dirigeant des points de vente concernés’ a été recueillie après information sur sa possibilité de refuser,

Attendu, sur le premier grief, que l’on ne voit pas en quoi les interlocuteurs de l’huissier de justice ont été trompés sur la qualité du requérant ; qu’au contraire l’indication de l’activité professionnelle dans le cadre de laquelle est intervenue la condamnation motivant les constats leur donnait une information utile sur les

constatations souhaitées, peu important la cessation récente de cette activité ; que de plus cette indication, et celle de l’adresse périmée, n’ont pu causer aucun préjudice à la personne à qui le constat est opposé c’est-à-dire la société Fromagerie BADOZ, parfaitement informée de la cession du fonds de commerce et ne pouvant avoir aucun doute sur l’identité de son adversaire ;

Attendu sur le deuxième grief qu’un huissier de justice a le droit d’effectuer des constatations sans autorisation judiciaire préalable, même dans un lieu privé, à condition d’être autorisé à pénétrer dans les lieux par le propriétaire ou le titulaire du droit de les occuper, et que le propriétaire ou l’occupant ne s’oppose à ses constatations ;

Qu’aucun texte n’impose à l’huissier de justice de mentionner dans son acte qu’il a informé son interlocuteur de son droit de lui refuser son intervention ; que le fait de demander à quelqu’un son autorisation lui laisse nécessairement le choix d’accepter ou de refuser ;

Attendu qu’en l’espèce il résulte de l’examen des constats critiqués qu’ils rappellent tous en préambule l’arrêt du 21 novembre 2007 et la mission reçue de Monsieur Bruno C de faire des constatations utiles à la sauvegarde de ses intérêts vis-à-vis de la société Fromagerie BADOZ ;

Qu’ensuite les huissiers de justice relatent comme suit leurs diligences :

— la S.C.P. NETILLARD-ALLENBACH-CARTIER (constat des 5, 19 et 28 décembre 2007 : pièce Crelerot N°11-0) indique s’être présen tée au siège du magasin, avoir exposé le motif de sa présence, et avoir recueilli l’acceptation d’un directeur ou d’un salarié du magasin (M. X… responsable du secteur alimentaire, M. Y … responsable du rayon frais, M. Z… manager de rayon., Mme J… chef de rayon crémerie, etc….),

— Me David M a rencontré le directeur du magasin, a décliné l’objet de sa mission et a été autorisé par celui-ci à y procéder (constats du 19 décembre : pièce Crelerot N°11-3, du 28 décembre : n°11-8 et du 29 décembre 2 007 : n°11-16),

— la S.C.P. THOUARD COUETOUX TOURNOUX (constat du 5 décembre 2007 pièce n°11-6) a reçu dans les mêmes conditions au magasin Intermarché l’accord d’un associé de la société exploitante, et pour le magasin Géant Casino l’accord du directeur, et chacun a délégué un préposé pour l’assister dans ses opérations,

— Me Michel J (constat du 17 décembre 2007 n°11-7) a rencontré le P.D.G. de l’Intermarché qui a accepté les opérations et y a assisté après avoir été informé de leur but,

— la S.C.P. Drouin Vuillaume (constat du 4 décembre n°11-9) a de même informé le responsable magasin qui a autorisé expressément les opérations,

— la S.C.P. Giroud Leloup (constats du 17 décembre n°11-10 et 11-11) a rencontré M. H…. à qui elle a fait état de sa mission et qui l’a autorisée à y procéder,

— la S.C.P. CREMMEL BOCKSTALLER (constats du 17 décembre n°11-12 et 11-13) s’est adressé à l’accueil, a décliné son identité et exposé le but de sa mission ; l’hôtesse d’accueil a averti la direction qui a autorisé les opérations de constat ;

Attendu que peu importe que l’autorisation ait été donnée par le représentant légal ou par un salarié, l’huissier de justice n’ayant aucune raison de s’immiscer dans les délégations de pouvoir au sein de l’entreprise où il officie;

Attendu qu’aucune cause de nullité n’affecte donc les constats précités qui dès lors seront retenus comme moyens de preuve;

Attendu qu’en revanche les constats effectués par la S.C.P. TUAILLON BILDSTEIN, huissier de justice à Montbéliard, (constats des 5 décembre,18 décembre et 28 décembre 2007 formant les pièces 11-1 ,11-2 et 11-5) mentionnent, après le rappel de la mission, seulement que l’huissier de justice s’est rendu à tel magasin où en présence de X…[salarié] il a comptabilisé les pots etc…; qu’aucune mention ne permet de vérifier que l’interlocuteur a été informé de la mission et y a consenti ;

Que par conséquent ces trois constats ne permettent pas de s’assurer que les opérations ont été conduites loyalement ;qu’à défaut de constituer une cause d’annulation des actes de l’huissier de justice, cette carence conduit à enlever toute force probante aux trois constats de la S.C.P. TUAILLON BILDSTEIN;

sur la liquidation de l’astreinte

Attendu que selon l’article 36 de la loi du 9 juillet 1991 en vigueur à l’époque des faits : 'L’astreinte provisoire est liquidée en tenant compte du comportement de celui à qui l’injonction a été adressée et des difficultés qu’il a rencontrées pour l’exécuter ;

[…]

L’astreinte provisoire ou définitive est supprimée en tout ou en partie s’il est établi que l’inexécution ou le retard dans l’exécution de l’injonction du juge provient en tout ou en partie d’une cause étrangère.' ;

Attendu que les considérations sur le préjudice de Monsieur Bruno C sont inopérantes au regard de la liquidation d’astreinte ;

Attendu que l’obligation assortie de l’astreinte a été formulée comme suit par l’arrêt de l’arrêt de la cour d’appel de Besançon du 21 novembre 2007 :

'fait défense à la S.A.S. Fromagerie BADOZ de fabriquer et diffuser les modèles contrefaisants des modèles de coupelles, pot et couvercle contrefaits, ainsi que les emballages d’entrée de gamme concurrençant de manière déloyale et parasitaire, sous astreinte de mille euros (1.000€) par infraction constatée à l’issue d’un délai de 8 jours suivant la signification du présent arrêt',

Qu’il ressort de l’arrêt précité que les modèles interdits sont les différentes variétés des pots de 'Cancoillote du fromager’ de 200g, des pots de 'La Marmite’ de 200g et les pots d’entrée de gamme ;

Que la signification de l’arrêt ayant eu lieu le 22 novembre 2007, l’interdiction de diffusion était exécutoire dès ce jour, le délai de 8 jours ne concernant que la possibilité de constater les infractions, et permettant ainsi à la société Fromagerie BADOZ de se mettre en conformité avec la décision de justice jusqu’au 1er décembre 2007 ;

Attendu que l’interdiction de diffusion impliquait l’interdiction de proposer à la vente, de manière directe ou indirecte, les produits litigieux, quand bien même Monsieur Bruno C n’aurait pas demandé précisément à la cour d’appel d’ordonner leur retrait de la vente ; qu’en effet le but était de faire cesser les faits de contrefaçon et de concurrence déloyale, ce qui ne pouvait être réalisé si les produits incriminés se trouvaient encore proposés aux consommateurs ; que même si dans certains courriers de son avocat Monsieur Bruno C se plaignait seulement de la persistance de livraisons, on ne peut pas en déduire qu’il reconnaissait que des ventes pouvaient continuer ; qu’à compter du 2 décembre Monsieur C était donc fondé à faire constater les violations des interdictions de livraison et de vente prononcées par l’arrêt du 21 novembre ;

Attendu qu’il est établi par les constats d’huissier réguliers rappelés ci-dessus que des livraisons comprenant les pots interdits ont encore eu lieu le 30 novembre et les 3 et 5 décembre 2007 et que ces derniers ont été encore offerts à la vente dans plusieurs grandes surfaces de la région tout au long du mois de décembre 2007 ;

Attendu que sans tenir compte des constats de la S.C.P. TUAILLON BILDSTEIN, les infractions constatées régulièrement par les autres huissiers sont exactement dénombrées dans les conclusions de l’appelant ; que les renseignements recueillis sérieusement par ces huissiers de justice sont suffisants pour apporter la preuve tant de livraisons postérieures au 23 novembre 2007 que de la présence du nombre indiqué de pots interdits ; que les contestations de la société Fromagerie BADOZ n’apportent pas la preuve contraire ; qu’ainsi dans les constat N°11-6, 11-7 et 11-9, l’appelant n’a compté parmi les pots décrits par l’huissier de justice que les pots contrefaisants ou illicites; que de même à partir des constats sans photos, ne sont dénombrés que les pots dont la description permet de s’assurer qu’il s’agit des pots interdits ;

Que par conséquent , les trois constats annulés portant sur 1104 pots (448 + 471 + 175), les infractions régulièrement constatées sont au nombre de 3.253 (4357-1104) ;

Attendu que dans son jugement du 25 avril 2008, le juge de l’exécution du tribunal de grande instance de Besançon a motivé le rejet de la demande de suppression d’astreinte par le fait que le créancier de l’obligation n’avait pas encore formé de demande de liquidation d’astreinte ; que l’autorité de la chose jugée ne s’oppose donc pas à ce que dans le cadre de la demande de liquidation d’astreinte présentée par Monsieur Bruno C, la société Fromagerie BADOZ formule une nouvelle demande de suppression ;

Attendu qu’à l’appui de sa demande de suppression ou de révision de l’astreinte, la société Fromagerie BADOZ fait valoir qu’elle a fait au plus vite compte tenu des délais pour disposer de nouveaux emballages et exposé beaucoup de frais pour

exécuter l’arrêt : destructions pour 35.000€, création d’une nouvelle gamme d’emballages pour 20.955€, et qu’elle était contrainte d’honorer ses contrats tant avec les producteurs de lait qu’avec les distributeurs ;

Que cependant la société Fromagerie BADOZ ne démontre pas, et d’ailleurs ne soutient pas, qu’elle n’avait pas les moyens d’empêcher à compter du 23 novembre 2007 la poursuite de la livraison des distributeurs et la mise en rayon des produits interdits ; que par fax du 5 décembre 2007, elle a demandé à certaines grandes surfaces le retrait des produits incriminés livrés après le 1er décembre ; que les informations recueillies par certains huissiers montrent que ce retrait n’a pas été effectif du fait que la société Fromagerie BADOZ n’a pas mis les moyens nécessaires ;

Que néanmoins elle justifie que la création et l’impression de nouveaux emballages nécessitaient un délai de 7 semaines (sa pièce 5) ; qu’aucune infraction n’a été constatée au-delà de la sixième semaine après la signification de l’arrêt ;

Que ces circonstances ne justifient pas de supprimer l’astreinte provisoire, mais de réviser celle-ci en la fixant à 25€ par infraction constatée ;

Qu’il sera donc fait droit à la demande de liquidation d’astreinte à hauteur de 81.325€ ;

sur le coût des constats

Attendu que dans le dispositif de ses conclusions Monsieur Bruno C demande à la Cour de condamner la société Fromagerie BADOZ 'aux entiers dépens, en ce compris le coût des constats établis postérieurement à l’arrêt du 21 novembre 2007 rendus nécessaires par son comportement dans le cadre de la liquidation d’astreinte' ;

Que la société Fromagerie BADOZ y oppose l’autorité de la chose jugée par la cour d’appel de Besançon dans son arrêt du 23 septembre 2009 ;

Attendu que le dispositif de l’arrêt précité ne se prononce pas sur la charge du coût des constats de décembre 2007 ; que la demande de Monsieur Bruno C est donc recevable ;

Attendu cependant que les frais correspondant à des actes d’huissier de justice établis à la demande d’un plaideur et ne faisant pas partie des actes de procédure obligatoires ne peuvent pas être comptés au nombre des dépens ;

Qu’en revanche cette dépense entre en compte pour l’appréciation de l’indemnité mise à la charge, en application de l’article 700 du code de procédure civile, de la société Fromagerie BADOZ , partie perdante, et comme telle condamnée aux dépens;

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

statuant dans la limite de sa saisine résultant de la cassation partielle prononcée par l’arrêt de la Cour de cassation du 14 février 2012,

INFIRME le jugement déféré en ce qu’il a dit Monsieur Bruno C irrecevable en sa demande de liquidation d’astreinte ;

Statuant à nouveau :

DÉCLARE RECEVABLE l’action de Monsieur Bruno C en liquidation de l’astreinte prononcée par la cour d’appel de Besançon dans son arrêt du 21 septembre 2007 ;

ÉCARTE des débats comme non probants les constats effectués à la requête de Monsieur Bruno C par la S.C.P. TUAILLON BILDSTEIN, huissier de justice à Montbéliard, (constats des 5 décembre,18 décembre et 28 décembre 2007 formant les pièces 11-1 ,11-2 et 11-5) ;

REJETTE les demandes tendant à voir prononcer la nullité ou à écarter des débats les autres constats dressés en décembre 2007 à la requête de Monsieur Bruno C ;

LIQUIDE l’astreinte prononcée par la cour d’appel de Besançon le 21 novembre 2007 à la somme de 81.325€ et en conséquence CONDAMNE la S.A.S. Fromagerie BADOZ à payer à Monsieur Bruno C cette somme de 81.325€ ; REJETTE la demande tendant à inclure dans les dépens le coût des constats de décembre 2007 ; CONDAMNE la société Fromagerie BADOZ à payer à Monsieur Bruno C la somme de 10.000€ en application de l’article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE la société Fromagerie BADOZ aux entiers dépens tant de première instance que d’appel, y compris ceux de l’arrêt cassé.

Le Greffier, Le Président,

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Cour d'appel de Dijon, 17 septembre 2013, n° 2012/00688