Cour d'appel de Dijon, Chambre sociale, 25 octobre 2018, n° 17/00135

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Dijon, ch. soc., 25 oct. 2018, n° 17/00135
Juridiction : Cour d'appel de Dijon
Numéro(s) : 17/00135
Décision précédente : Conseil de prud'hommes de Chalon-sur-Saône, 27 avril 2015, N° 13/00601
Dispositif : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Sur les parties

Texte intégral

MFR/FG

René X

C/

Société TLD – aux droits

de la société TRANSPORTS BOUDON

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE – AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE DIJON

CHAMBRE SOCIALE

ARRÊT DU 25 OCTOBRE 2018

N° RG 17/00135

Décision déférée à la Cour : Jugement Au fond, origine Conseil de Prud’hommes – Formation

paritaire de CHALON-SUR-SAÔNE, section CO, décision attaquée en date du 28 Avril 2015,

enregistrée sous le n° 13/00601

APPELANT :

René X

1188 route de Bourg-en-Bresse

[…]

représenté par Me Emmanuelle COMBIER, avocat au barreau de MACON/CHAROLLES

INTIMÉE :

Société TLD – aux droits de la société TRANSPORTS BOUDON

[…]

77320 LA FERTE-GAUCHER

représentée par Me Jean-charles MEUNIER de la SCP ADIDA ET ASSOCIES, avocat au barreau de CHALON-SUR-SAONE, substitué par Me Jérôme DUQUENNOY, avocat au barreau de CHALON-SUR-SAONE

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l’article 945-1 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 20 septembre 2018 en audience publique, les parties ne s’y étant pas opposées, devant F-D G, Conseiller et Karine HERBO, Conseiller, chargés d’instruire l’affaire. Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries lors du délibéré, la Cour étant alors composée de :

F-D G, Conseiller, président,

Karine HERBO, Conseiller,

F-Aleth TRAPET, Conseiller,

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Claire VILAÇA,

ARRÊT : rendu contradictoirement,

PRONONCÉ par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile,

SIGNÉ par F-D G, Conseiller, et par D E, Greffier, à qui la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PROCÉDURE

Monsieur X a été embauché par la société Transports Delisle aux droits de laquelle se trouve la société Transports Boudon, le 7 janvier 2002, en qualité de conducteur routier.

Le 21 avril 2010 Monsieur X a été victime d’un accident du travail.

Après plusieurs arrêts de travail il a été déclaré inapte à son poste de travail à l’issue d’une seule visite de reprise ayant eu lieu le 16 avril 2013.

Par lettre recommandée en date du 7 juin 2013 la société Transports Boudon lui a notifié son licenciement pour inaptitude et impossibilité de reclassement.

Contestant le motif réel et sérieux de son licenciement Monsieur X a saisi le conseil de prud’hommes de Chalon-sur-Saône le 12 novembre 2013 afin qu’il soit jugé que son licenciement ne reposait pas sur une cause réelle et sérieuse, que des indemnités de rupture lui soient allouées et afin que lui soit allouée l’indemnité au titre du non-respect par l’employeur de son obligation de protection de sa santé et de sa sécurité.

Par jugement en date du 28 avril 2015 le conseil de prud’hommes a dit que l’entreprise avait satisfait à ses obligations à son égard, tant en matière de sécurité de résultat qu’en matière de recherche de reclassement consécutive à son inaptitude, dit que le licenciement de Monsieur X reposait sur une cause réelle et sérieuse et a débouté celui-ci de l’ensemble de ses prétentions.

Monsieur X a relevé appel de cette décision.

Aux termes de ses écritures reprises à l’audience il demande à la cour d’infirmer le jugement déféré et, statuant à nouveau, de dire que son licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse et de condamner la société Transports Boudon, à lui verser la somme de 37'440 € à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et celle de 2 500 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Par conclusions également reprises à l’audience la société Transports Boudon demande à la cour de confirmer le jugement déféré et de condamner Monsieur X à lui verser la somme de 2 500 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Attendu que suite à l’accident du travail dont il a été victime le 21 avril 2010, Monsieur X a été déclaré inapte à son poste de travail lors de la visite de reprise du 16 avril 2013 ; que l’avis d’inaptitude est ainsi rédigé: « inapte un poste de travail comprenant d’autres activités que la conduite d’un véhicule à boîte automatique. Inapte à des tâches comprenant des manutentions, des contraintes posturales, des montées et des descentes d’échelle, des déplacements à pied. Apte un poste de type administratif. Le deuxième examen médical n’aura pas lieu (article R. 4624-31 du code du travail). »

Sur l’origine de l’inaptitude

Attendu que Monsieur X fait valoir que cette inaptitude professionnelle a eu pour origine le comportement fautif de son employeur qui, suite à son accident du travail, n’a pas respecté les préconisations du médecin du travail ;

Or attendu qu’il n’est versé aux débats par Monsieur X aucun document médical établissant un lien entre son activité professionnelle et une prétendue aggravation de son état de santé suite à son accident du travail du 21 avril 2010 ;

qu’il est justifié que, lors d’une visite ayant eu lieu le 14 mai 2012, à la demande du médecin du travail, Monsieur X a été déclaré : « apte à son poste concernant la conduite. Aptitude aux contraintes physiques(contraintes posturales, montée et descente de la citerne à déterminer après définition d’une fiche de poste »;

que par lettre du 29 mai 2012 le médecin du travail a informé l’employeur qu’il avait souhaité revoir Monsieur X le 14 mai 2012 ,suite à un arrêt de travail, lequel lui avait expliqué les difficultés qu’il rencontrait dans ses tâches eu égard aux contraintes physiques liées aux montées et descentes de la citerne et au lavage ou rinçage du matériel ;

qu’il demandait, par ce courrier, à l’employeur qui lui avait fait un récapitulatif des missions confiées à son salarié, de préciser les aspects du poste relatif au nombre de chargement et de livraison journaliers;

que la société transports Boudon verse aux débats un récapitulatif des montées et descentes de la citerne par Monsieur X, chaque jour travaillé, entre le 20 février et le 14 juin 2012, dont il résulte que le nombre de montées et descentes oscillait entre 7 et 11 par semaine ce qui n’était pas excessif eu égard à la préconisation du médecin du travail, lors d’une visite ayant eu lieu le 18 juillet 2011, selon laquelle les montées et descentes répétitives de la citerne ne devaient pas être supérieures à une dizaine par jour ;

que, suite à la visite du 14 mai 2012, le médecin du travail (le Docteur Y) a conclu que Monsieur X était apte à son poste concernant la conduite et que l’aptitude aux contraintes physiques(contraintes posturales, montée descente de la citerne) serait à déterminer après définition d’une fiche de poste ;

Que le 26 juin 2012 l’employeur a informé le médecin du travail que sa demande avait été transmise au docteur Z du centre AISMT 30 de Nîmes qui avait en charge le suivi médical des salariés positionnés sur l’activité vins et alcools de la SAS Transports Boudon ;

que par ce courrier, versé aux débats ,il demandait au docteur Z si une fiche de poste détaillée sur le poste de travail de conducteur routier « vins et alcools » de la société avait été établie et à défaut s’il pouvait apporter des précisions au docteur Y ;

que Monsieur X a été en arrêt de travail du 10 juillet au 15 octobre 2012, puis du 28 octobre au 5 novembre2012, date à laquelle le docteur Y a déclaré Monsieur X « apte à la reprise à un poste comprenant surtout de la conduite, pas de descente et de montées répétitives de la citerne ou de la cabine et pas de manutention » ;

que la société transports Boudon a, le 13 novembre 2012, adressé à ce médecin une lettre aux termes de laquelle il lui indiquait que cet avis ne lui permettait pas, en l’état, de refaire travailler Monsieur X car il faudrait préalablement préciser les termes « surtout » et « répétitives » afin que puissent être respectées ces restrictions et que, par ailleurs, quel que soient les ensembles routiers utilisés, la manutention était inévitable ;

que Monsieur X était alors mis en congé par son employeur ;

qu’il est enfin justifié par la société transports Boudon qu’à l’issue de son arrêt maladie pour rechute de l’accident du travail du 27 novembre au 17 décembre 2012, Monsieur X devait reprendre un poste au sein de la société TLD, dont il était le salarié avant d’avoir été muté au sein de la société Boudon, pour occuper un poste de conducteur routier ou conducteur longue distance, affecté à des trafics nationaux et internationaux en citerne liquide alimentaire ;

Que par lettre du 13 décembre 2012 la société transports Boudot informait le médecin du travail de cette mutation envisagée et lui précisait que, affecté à ce poste, Monsieur X disposerait d’un tracteur équipé d’une boîte automatique et n’effectuerait jamais plus de dix livraisons quotidiennes, que le nombre de lavages qu’il serait amené à effectuer par ses propres moyens serait limité d’autant que la société TLD effectue beaucoup plus de lavages en station de lavage agréée, qu’il n’utiliserait pas régulièrement les transports en commun tout en étant tout de même amené à retourner parfois à son domicile par ce moyen de transport ;

Que Monsieur X a, finalement, été en arrêt de travail du 27 novembre 2012 au 15 avril 2013 et que, lors de la visite médicale de reprise ayant eu lieu le 16 avril 2013 il a été déclaré « inapte à un poste de travail comprenant d’autres activités que la conduite sur un véhicule à boîte automatique. mais apte à un poste de type administratif… » ;

Qu’au vu de l’ensemble de ces éléments il n’est pas démontré que la société Transports Boudon ait mis Monsieur X en situation de devoir exécuter des tâches ne correspondant pas aux préconisations du médecin du travail, les documents versés aux débats établissant au contraire le souci permanent de la société Transports Boudon de se conformer aux avis du médecin du travail avec lequel elle était en relation régulière ;

que, dans ces conditions, aucun manquement de l’employeur à son obligation d’assurer la santé de ses salariés n’est établi à l’encontre de la société Transport Boudon ;

Sur l’obligation de reclassement

Attendu que par application des dispositions de l’article L. 1226-10 du code du travail lorsque, à l’issue des périodes de suspension du contrat de travail consécutive à un accident du travail ou une maladie professionnelle, le salarié est déclaré inapte par le médecin du travail à reprendre l’emploi qu’il occupait précédemment, l’employeur lui propose un autre emploi approprié à ses capacités. Cette proposition prend en compte, après avis des délégués du personnel, des conclusions écrites du médecin du travail et des indications qu’il formule sur l’aptitude du salarié à exercer l’une des tâches existant dans l’entreprise ; l’emploi proposé est aussi comparable que possible à l’emploi précédemment occupé, au besoin par la mise en 'uvre de mesures telles que mutations, transformation de poste ou aménagement du temps de travail ;

Attendu que la société transports Boudon justifie avoir interrogé les différentes sociétés du groupe par mail du 25 avril 2013 ;

qu’il résulte des réponses e-mail versées aux débats que, si aucune d’entre elles n’a proposé un poste technique, trois ont répondu être éventuellement en mesure de proposer un poste de reclassement pour Monsieur X correspondant aux préconisations du médecin du travail ;

que Monsieur A de Delisle Logistique a indiqué : « nous pourrions avoir besoin d’un employé administratif au service exploitation Delisle Logistique à Château -B » ;

que Monsieur C a répondu de la manière suivante : « suite à ta demande de poste vacant sur la Ferté Gaucher, je n’ai rien à ce jour. Néanmoins peut-être sera-t-il possible en fonction des éléments qui seront fournis par la médecine du travail de créer un poste administratif à temps partiel qui consisterait au tri du courrier voire au contrôle des temps de travail des conducteurs routiers du groupe. À ta disposition pour en reparler en temps opportun. » ;

Que Jonathan a adressé la réponse suivante « sur Pont-Saint-Esprit, nous aurions éventuellement un poste de sédentaire à temps partiel (saisie informatique, saisie de commandes, etc.) mais disponible qu’à partir d’octobre 2013 » ;

Or attendu, alors que par lettre du 25 avril 2013, adressée à la société Transports Boudon, le docteur Y précisait que Monsieur X « pouvait occuper un poste administratif qui ne devra pas comporter une station debout prolongée, des déplacements répétés ou longs au sein de l’entreprise ou des montées d’escalier. Il n’y a pas de restrictions concernant le temps de travail », celle-ci ne justifie pas avoir demandé des précisions sur ces postes aux expéditeurs des e-mails qui pourtant le suggéraient, avant, éventuellement, de demander au médecin du travail son avis sur la possibilité pour son salarié d’occuper l’un où l’autre de ces postes, ni avoir proposé ces postes à Monsieur X et ne s’explique pas plus sur le motif pour lequel aucune de ces démarches n’ a été effectuée ;

qu’elle a, ainsi, manqué à l’obligation pesant sur elle de faire une recherche complète de reclassement en vertu des dispositions de l’article L. 1226-10 du code du travail ;

que l’ impossibilité de reclassement de Monsieur X n’étant,de la sorte, pas établie, son licenciement ne repose pas sur une cause réelle et sérieuse ;

que par application des dispositions de l’article L. 1226-15 du code du travail alinéa 3, une indemnité est due à Monsieur X dont le montant ne peut être inférieur à douze mois de salaire ;

qu’eu égard aux éléments du dossier et, notamment, à l’ancienneté du salarié dans l’entreprise au moment de son licenciement, une somme de 30'000 € doit lui être allouée à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

PAR CES MOTIFS

La cour,

Infirme le jugement déféré,

Statuant à nouveau,

Dit que la société Transports Boudon n’a pas manqué à son obligation de sécurité,

Dit que le licenciement de Monsieur X ne repose pas sur une cause réelle et sérieuse,

Condamne la société transports Boudon à lui verser la somme de 30'000 € à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

Condamne la société transports Boudon à lui verser la somme de 1 500 € au titre de ses frais irrépétibles engagés en première instance et en cause d’appel,

Condamne la société Transports Boudon aux dépens de première instance et d’appel.

Le greffier Le président

D E F-D G

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Textes cités dans la décision

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