Cour d'appel de Douai, 19 décembre 2014, n° 14/01512

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Douai, 19 déc. 2014, n° 14/01512
Juridiction : Cour d'appel de Douai
Numéro(s) : 14/01512
Décision précédente : Conseil de prud'hommes d'Arras, 17 février 2014, N° 13/569

Sur les parties

Texte intégral

ARRÊT DU

19 Décembre 2014

N° 2460/14

RG 14/01512

XXX

Jugement du

Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire d’ARRAS

en date du

18 Février 2014

(RG 13/569 -section 2)

NOTIFICATION

à parties

le 19/12/2014

Copies avocats

le 19/12/2014

COUR D’APPEL DE DOUAI

Chambre Sociale

— Prud’Hommes-

APPELANT :

M. A B

XXX

XXX

Présent et assisté de M. Y Z (Délégué syndical CGT), régulièrement mandaté

INTIMÉE :

SARL BIO EN ARTOIS

XXX

XXX

Représentant : Me Antoine VAAST, avocat au barreau D’ARRAS

DÉBATS : à l’audience publique du 28 Novembre 2014

Tenue par E F

magistrat chargé d’instruire l’affaire qui a entendu seul les plaidoiries, les parties ou leurs représentants ne s’y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré,

les parties ayant été avisées à l’issue des débats que l’arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe.

GREFFIER : Annie LESIEUR

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ

C D

: PRÉSIDENT DE CHAMBRE

E F

: CONSEILLER

G-H I

: CONSEILLER

ARRÊT : Contradictoire

prononcé par sa mise à disposition au greffe le 19 Décembre 2014,

les parties présentes en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 du code de procédure civile, signé par C D, Président et par Stéphanie LOTTEGIER, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS, PROCÉDURE, PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

La SARL BIO EN ARTOIS avait embauché M. A B en qualité de responsable rayon fruits et légumes vrac par contrat à durée indéterminée du 13 février 2011.

Après l’avoir mis à pied à titre conservatoire, la SARL BIO EN ARTOIS a notifié à M. A B par courrier du 20 janvier 2012 son licenciement pour faute lourde.

Saisi par M. A B le 15 février 2012 d’une contestation de son licenciement par la SARL BIO EN ARTOIS, le conseil de prud’hommes d’Arras, par jugement en date du 18 février 2014, auquel il y a lieu de se reporter pour l’exposé des faits et des prétentions et moyens antérieurs des parties, a :

— dit que le licenciement reposait sur une cause réelle et sérieuse ;

— condamné la SARL BIO EN ARTOIS à lui payer les sommes suivantes :

* 3.670,71 € à titre d’indemnité de préavis et 367,07 € au titre des congés payés afférents ;

* 395,30 € au titre de l’indemnité de licenciement ;

* 797,02 € à titre de rappel de salaire pendant la mise à pied à titre conservatoire et 79,70 € au titre des congés payés afférents ;

* 1.270 € au titre de l’indemnité compensatrice de congés payés ;

* 50 € à titre de dommages-intérêts pour absence de visite médicale d’embauche ;

* 535 € par application de l’article 700 du Code de procédure civile ;

* avec intérêts au taux légal à compter du 17 février 2012 pour les sommes de nature salariale et à compter du jugement pour les autres sommes ;

— ordonné à la SARL BIO EN ARTOIS de remettre à M. A B les documents conformes au jugement, sous astreinte provisoire ;

— débouté M. A B de toutes ses autres demandes et la SARL BIO EN ARTOIS de sa demande reconventionnelle ;

— condamné la SARL BIO EN ARTOIS aux dépens.

M. A B a fait appel de ce jugement le 17 mars 2014.

M. A B demande à la cour de réformer le jugement et :

— de dire que son licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse ;

— de condamner la SARL BIO EN ARTOIS à lui payer :

* 12.000 € à titre de dommages-intérêts pour licenciement abusif ;

* 5.343,62 € à titre de remboursement de ses frais de déplacement ;

* 1.820 € et les congés payés afférents au titre de la prime de résultat 2011 ;

* 1.500 € à titre de dommages-intérêts pour manquement à l’obligation de sécurité de résultat ;

* 1.000 € à titre de dommages-intérêts pour manquement à l’obligation de portabilité santé et prévoyance ;

* 2.000 € par application de l’article 700 du Code de procédure civile ;

* avec intérêts au taux légal et application de l’article 1154 du code civil.

Pour l’exposé des moyens de M. A B, il y a lieu de se reporter à ses conclusions visées par le greffe dont le contenu a été repris oralement lors des débats devant la cour à l’audience du 28 novembre 2014.

De son côté, la SARL BIO EN ARTOIS demande à la cour :

— de dire que le licenciement repose sur une faute lourde, subsidiairement, sur une faute grave et, à titre infiniment subsidiaire, sur une cause réelle et sérieuse ;

— de confirmer le jugement frappé d’appel en ce qu’il a débouté M. A B de ses autres chefs de demandes et lui a alloué la somme de 50 € au titre de l’absence de visite médicale ;

— de condamner M. A B à lui payer la somme de 1.500 € par application de l’article 700 du Code de procédure civile.

Pour l’exposé des moyens de la SARL BIO EN ARTOIS, il y a lieu de se reporter à ses conclusions visées par le greffe dont le contenu a été repris oralement lors des débats devant la cour à l’audience du 28 novembre 2014.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur le licenciement

Le courrier de licenciement, daté du 20 janvier 2012, est ainsi motivé :

' Comme suite à l’entretien que nous avons eu le 29 décembre 2011, en application de l’article L 1232-6 du Code de Travail, nous vous notifions par la présente votre licenciement sans préavis ni indemnité pour faute lourde et ceci pour les motifs exposés lors de cet entretien à savoir :

Bénéficiant de notre confiance au moment de la création de notre établissement, vous avez été embauché en qualité de responsable du rayon fruits et légumes, vrac et vous n’avez pas rempli vos fonctions et attributions comme espéré trahissant finalement cette confiance en accomplissant des actes illicites.

En effet, nous avons observé après quelques mois que vous ne sembliez plus très motivé arrivant de plus en plus fréquemment en retard, prenant les commandes auprès des fournisseurs de plus en plus tardivement, situation qui s’est encore aggravée à compter du mois d’Août 2011 et qui a donné lieu à des observations régulières de notre part.

Au surplus, procédant à des commandes de manière anarchique, les approvisionnements ainsi effectués ont généré des pertes de plus en plus importantes depuis le mois de septembre, notamment en fruits et légumes, sans parler du manque de fraîcheur de ces produits proposés à la vente et des répercussions sur notre image…

Vous n’avez pas entendu tenir compte des remarques qui vous ont été faites à ce propos de sorte que votre comportement a entraîné une baisse générale des résultats dans l’activité qui vous était confiée pour les fruits et les légumes.

S’agissant du vrac, vous n’avez jamais mis en place les procédures de contrôle de date, ni utilisé les nouveaux bacs pourtant acquis à votre demande, pas plus que vous n’avez respecté les procédures concernant le nettoyage des bacs mettant ainsi en péril le magasin bien évidemment tenu par des règles très strictes en matière d’hygiène !

Refusant de corriger ces erreurs, vous nous avez annoncé que vous alliez démissionner pour intégrer une nouvelle structure à Saint Orner.

N’acceptant pas de participer à une réunion fixée avec les salariés le 16 décembre pour faire le point sur la situation et sur des anomalies qui venaient d’être découvertes vous avez mis fin à toute discussion prétendant ,« c 'est n 'importe quoi » ne voulant pas entendre les propos de votre employeur, refusant toute explication et tout dialogue et faisant ainsi preuve d’une évidente insubordination.

Outre la gestion des stocks et le suivi des commandes sans vouloir se conformer aux instructions et refusant de prendre en compte les remarques, il vous est reproché d’avoir cherché à dissimuler l’importance des pertes en fruits et légumes en ne comptabilisant pas celles-ci ou en les dissimulant dans des poubelles prévues pour d’autres déchets.

Il a été par ailleurs procédé à un contrôle au niveau de la tenue de caisse dont les résultats sont édifiants pour ce qui vous concerne puisque nous avons pu nous apercevoir que vous vous êtes octroyé des remises supérieures à celles dont bénéficient les membres du personnel (50 % au lieu de 20) ou des remises sur des produits pour lesquels aucune réduction n’est possible (pâtisseries et autres) n’hésitant pas égalenent à faire profiter d’avantages de ce type une association qui vous est chère sur des bases supérieures à ce qui est accordé aux associations (20% au lieu de 10).

L’examen des documents informatiques retraçant les opérations que vous avez effectuées a permis de déceler des manipulations en plus des manquements dans le domaine des réductions que vous vous êtes accordées de manière anormale ou dont vous avez fait bénéficier des tiers sans le moindre accord de votre employeur.

Ainsi, il est apparu que vous avez effectué des achats personnels sans éditer les tickets de caisse correspondant, situation qui a notamment été révélée le 16 décembre 2011.

Ceci constitue manifestement un cas de détournement, des vérifications ont alors été opérées et il est apparu au fil des contrôles que malheureusement vous vous adonniez à de telles pratiques depuis mars 2011 prenant également soin d’effacer des lignes en informatique après avoir procédé à des achats personnels.

Nous ayons découvert également que vous étiez parvenu à passer vos achats personnels sur le compte d’autres salariés après avoir trouvé trace de nombreux tickets annulés, les salariés attestant qu’il ne s’agit en aucune manière d’une opération qu’ils auraient effectuée.

De très nombreux tickets avec rendus d’espèces ont été découverts et ceux ci ne correspondent à aucune opération de vente à un client mais à un encaissement effectué à votre profit (4Kg d’endives pour 23,26 euros le 25 novembre ou 28,21 euros le 17 décembre…)

A ces différents griefs, il y a lieu d’ajouter vos agissements du mercredi 21 décembre puisqu’après avoir reconnu devant témoins être l’auteur de détournement, vous n’avez pas hésité à bousculer votre employeur puis à l’insulter et enfin à empêcher le fonctionnement de l’établissement jusqu’à ce que les forces de l’ordre viennent mettre fin à vos exactions.

Compte tenu de tout ce qui précède, votre licenciement prend effet immédiatement.'

Il ressort du procès-verbal daté du 19 décembre 2011 établi par Me VANHOVE, huissier de justice, que celle-ci a constaté :

— que pour de nombreux produits proposés à la vente relevant du rayon dont M. A B était responsable, la date limite d’utilisation optimale était dépassée de plusieurs jours, voire pour certains produits de plusieurs semaines ;

— que dans la réserve du magasin se trouvait 75 kg de boulgour en stock, stock hors de proportion avec les ventes mensuelles de ce produit d’un montant maximum relevé de 17 kg.

Il ressort d’un autre procès-verbal daté du 16 janvier 2012 également établi par Me VANHOVE que celle-ci a constaté, à partir de la consultation du logiciel de gestion 'PROGINOV', qu’entre le 1er mars et le 21 décembre 2011, M. A B a annulé sur son compte des achats facturés sans qu’il y ait retour de marchandises, pour un montant total estimé par l’employeur de 2.351,15 € HT.

Interrogé par les services de police le 10 février 2012 dans le cadre de l’enquête diligentée suite au dépôt de plainte par le gérant de la SARL BIO EN ARTOIS, M. A B avait répondu (cf procès-verbal n° 2011/009013/008), à la question : 'Comment expliquez-vous que toutes ces annulations soient faites sur votre compte 'A’ '' : 'Je ne comprends pas', et avait par ailleurs indiqué : 'J’aimerais bien savoir comment peut-on sortir 2.351,15 € sans que le gérant s’en aperçoive avant'.

En revanche, la SARL BIO EN ARTOIS ne rapporte pas la preuve, dont elle avait la charge, de la réalité de l’ensemble des autres faits qu’elle reprochait à M. A B dans son courrier de licenciement, étant précisé que la 'bousculade’ du 21 décembre 2011 entre M. A B et le gérant de la SARL BIO EN ARTOIS peut s’expliquer par les tensions existant entre eux à ce moment, qui était celui auquel la SARL BIO EN ARTOIS voulait lui remettre la lettre de convocation à l’entretien préalable avec mise à pied à titre conservatoire immédiate.

Dans ces conditions, au regard des seuls faits considérés comme établis par la cour, le jugement frappé d’appel sera confirmé en ce qu’il a dit que le licenciement de M. A B reposait sur une cause réelle et sérieuse, mais pas sur une faute lourde, ni sur une faute grave.

Il sera également confirmé en ce qui concerne les conséquences financières de ce licenciement, reconnu fondé uniquement pour cause réelle et sérieuse, c’est-à-dire l’indemnité compensatrice de préavis et les congés payés afférents, l’indemnité de licenciement et le rappel de salaire au titre de la mise à pied, et l’indemnité compensatrice de congés payés, dont les montants ne sont pas contestés par la SARL BIO EN ARTOIS.

Sur la demande en remboursement des frais de déplacement

M. A B fonde sa demande de ce chef sur la promesse d’embauche datée du 19 décembre 2010 dans laquelle la SARL BIO EN ARTOIS indiquait qu’il serait 'remboursé de ses frais de déplacements, notamment dans le cadre des développements de partenariat avec les agriculteurs bio.'

M. A B demande à ce titre uniquement le remboursement de ses frais de trajet entre son domicile et son lieu de travail.

Par ailleurs, il résulte de son CV établi par X produit aux débats par la SARL BIO EN ARTOIS qu’avant de travailler pour la SARL BIO EN ARTOIS, il travaillait pour BIOCOOP Valenciennes pour 1.200 € net mensuel et qu’il souhaitait obtenir chez BIOCOOP Arras un salaire net mensuel de 1.500 / 1.600 € 'compte tenu de ses frais de route'.

Le salaire effectivement convenu dans le contrat de travail conclu entre M. A B et la SARL BIO EN ARTOIS a été de 1.800 € brut par mois.

Le bulletin de paie du mois de décembre 2012 mentionne le remboursement de frais de déplacements dont M. A B reconnaît lui-même qu’il s’agit de déplacements liés aux contacts avec les producteurs.

Il résulte de tous ces éléments que ce qui a été convenu entre les parties dans la promesse d’embauche était uniquement le remboursement des frais de déplacement professionnels et non pas les frais de trajet.

Le jugement frappé d’appel sera confirmé en ce qu’il a débouté M. A B de ce chef de demande.

Sur la demande au titre de la prime de résultat 2011

M. A B fonde sa demande de ce chef sur un document intitulé Avenant n° 1 (cf sa pièce n° 5), qui est manuscrit, n’est ni daté ni signé par qui que ce soit et se contente d’indiquer, en ce qui le concerne : 'M M C'.

Ce document prévoit en outre une prime annuelle sur la base d’un chiffre d’affaires de 65.000 € à réaliser à compter du 1er octobre 2011, alors que M. A B a été licencié en janvier 2012.

Dans ces conditions, le jugement frappé d’appel sera confirmé en ce qu’il a débouté M. A B de ce chef de demande.

Sur la demande au titre du manquement à l’obligation de portabilité santé et prévoyance

Les motifs par lesquels les premiers juges ont débouté M. A B de ce chef de demande sont pertinents et la cour les adopte, sauf à préciser que la disposition applicable est l’article 14 de l’ANI (Accord National Interprofessionnel) du 11 janvier 2008.

Sur le manquement à l’obligation de visite médicale d’embauche

La réalité de ce manquement n’est pas contestée, ni le principe du droit à indemnisation du salarié.

Le seul point en litige est le montant de cette indemnisation. Sur ce point, la cour ne peut que rappeler que l’évaluation du montant de cette indemnisation doit être faite non pas en fonction de la gravité ou non du manquement, mais uniquement en fonction de l’importance du préjudice subi, si bien que la comparaison faite par le salarié avec le montant de l’amende encourue du fait de l’infraction pénale correspondante n’est pas pertinente.

M. A B ne justifiant d’aucun préjudice personnel particulier, l’évaluation faite par les premiers juges, soit 50 €, sera confirmée.

Sur les intérêts

Conformément aux dispositions des articles 1153 et 1153-1 du code civil, les condamnations prononcées emportent intérêts au taux légal :

— à compter de la date de réception par l’employeur de sa convocation devant le bureau de conciliation, soit en l’espèce le 17 février 2012, pour l’indemnité compensatrice de préavis, de licenciement, le salaire et ses accessoires et d’une façon générale pour toutes sommes de nature salariale ;

— à compter de la décision y faisant droit pour toute somme de nature indemnitaire.

La capitalisation des intérêts demandée par M. A B sera ordonnée dans les conditions prévues par l’article 1154 du code civil.

DÉCISION DE LA COUR :

' Confirme en toutes ses dispositions le jugement frappé d’appel ;

' Y ajoutant :

— ordonne la capitalisation des intérêts dus pour au moins une année entière ;

— déboute M. A B du surplus de sa demande fondée sur l’article 700 du Code de procédure civile et la SARL BIO EN ARTOIS de sa demande sur le même fondement ;

— condamne M. A B aux dépens d’appel.

Le Greffier, Le Président,

S. LOTTEGIER E. D

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