Cour d'appel de Douai, 27 novembre 2015, n° 14/02990

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Douai, 27 nov. 2015, n° 14/02990
Juridiction : Cour d'appel de Douai
Numéro(s) : 14/02990
Décision précédente : Conseil de prud'hommes de Lille, 28 mars 2013, N° F10/02175

Sur les parties

Texte intégral

ARRÊT DU

27 Novembre 2015

N° 1829/15

RG 14/02990

XXX

Jugement du

Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de LILLE

en date du

29 Mars 2013

(RG F10/02175 -section 4)

NOTIFICATION

à parties

le 27/11/15

Copies avocats

le 27/11/15

COUR D’APPEL DE DOUAI

Chambre Sociale

— Prud’Hommes-

APPELANTE :

Mme Q Y

1090 A CHEMIN MICHEL CIONINI

XXX

Représentée par Me Richard ALEXANDRE, avocat au barreau D’AJACCIO

INTIMÉE :

SAS HELPEVIA

IMMEUBLE NORMANDIE 2

XXX

XXX

Représentée par Me Christophe SENET, avocat au barreau de ROUEN

DÉBATS : à l’audience publique du 02 Septembre 2015

Tenue par A B

magistrat chargé d’instruire l’affaire qui a entendu seul les plaidoiries, les parties ou leurs représentants ne s’y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré,

les parties ayant été avisées à l’issue des débats que l’arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe.

GREFFIER : Serge LAWECKI

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ

A B

: PRÉSIDENT DE CHAMBRE

S T

: CONSEILLER

XXX

: CONSEILLER

Le prononcé de l’arrêt a été prorogé du 30 Octobre 2015 au 27 Novembre 2015 pour plus ample délibéré

ARRÊT : Contradictoire

prononcé par sa mise à disposition au greffe le 27 Novembre 2015,

les parties présentes en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 du code de procédure civile, signé par A B, Président et par Cécile PIQUARD, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DES FAITS

Q Y a été embauchée par contrat de travail à durée indéterminée à compter du 3 octobre 2005 en qualité de responsable de la région Picardie par la société YBC. A la date de son licenciement elle était employée par la société HELPEVIA, percevait un salaire mensuel brut moyen de 5077,57 €. L’entreprise employait de façon habituelle moins de onze salariés.

Après avoir fait l’objet d’un avertissement le 12 novembre 2009, Q Y a été convoquée par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 7 juillet 2010 à un entretien préalable à une sanction disciplinaire le 16 juillet 2010 puis, à l’issue de cet entretien, elle a été destinataire d’un courrier de convocation, remis en main propre le même jour, à un nouvel entretien le 23 juillet 2010 en vue de son licenciement avec mise à pied à titre conservatoire A l’issue de cet entretien, son licenciement pour faute grave lui a été notifié par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 28 juillet 2010.

Les motifs du licenciement tels qu’énoncés dans la lettre sont les suivants :

«Vous avez été convoquée le 16 juillet 2010 à 101100, par lettre recommandée du 7 juillet 2010 reçue le 8 juillet 2010, à un entretien préalable à une sanction disciplinaire avec Monsieur A X , Directeur du Développement et Monsieur A N, Directeur France Nord en présence de G H, Directrice des Ressources Humaines dans les bureaux de la direction, pour lequel vous avez choisi d’être assisté de Monsieur K L, Responsable de Marché Dispositifs Médicaux.

Lors de cet entretien, nous vous avons tout d’abord rappelé différents faits, objet de plusieurs notifications en date du 17 juillet 2009 dans votre entretien annuel signé par vous-même, par lettre de mise en garde en date du 12 novembre 2009 et par courrier en date du 28 janvier 2010. A travers lesquels dans votre comportement en interne en tant que Responsable de Région Nord Picardie Champagne Nord Est, il vous a été reproché :

— votre désinvolture

— votre manque d’écoute, d’intérêt et de respect des personnes

— la non-reconnaissance de votre hiérarchie.

Dans ces mêmes courriers, il vous été demandé une réaction immédiate sur les points suivants:

— Passer d’un 'mode personnel’ à un mode plus 'collectif'

— Maîtriser votre impatience orale et écrite

— Améliorer votre participation lors des réunions

— Utiliser les voies conventionnelles et adaptées

— Réagir de manière appropriée aux situations

Nous vous demandions également expressément de reconnaître et respecter votre hiérarchie suite a vos propos exprimés lors d’un entretien qui s’est tenu le 3 novembre 2009 en présence du PDG, U V et des Directeurs de Développement et France Nord, Messieurs X et Z date à laquelle vous déclariez 'que vous ne reconnaissiez pas votre hiérarchie'.

Malgré ces multiples rappels oraux et écrits effectués depuis un an, nous nous devons a nouveau de vous rappeler a l’ordre.

Après avoir vérifié vos disponibilités, le 2 juin 2010, Monsieur A Z, Directeur France Nord, votre hiérarchique direct vous fixe, comme à l’ensemble de ses collaborateurs, un rendez-vous par le biais d’Outlook pour le 22 juillet, en vue de votre entretien annuel. Alors que tous vos collègues répondent favorablement par retour de mail, de votre côté cette demande de rendez-vous reste sans réponse. Le 14 juin 2010, A Z vous adresse, pour rappel, une seconde invitation par Outlook qui restera elle aussi sans réponse.

Le 25 juin 2010 lors d’une rencontre, A Z vous relance une nouvelle fois sur ce rendez-vous et s’entend répondre 'attendre de savoir si vous alliez avoir un autre rendez-vous ce jour-là complétant vos propos par "venir à reculons à cet entretiens'. Propos réitéré quelques instants plus tard en présence de A X et actés par un-mail le 28 juin 2010.Quelques heures plus tard, le 25 juin 2010 à 20h48, vous finissez enfin par accepter le rendez-vous en écrivant par mail sur un ton ironique 'Comme convenu, j’accepte ton invitation et me réjouis par avance de ce moment privilégié d’échanges avec mon supérieur hiérarchique'.

Lors de notre entretien du 16 juillet 2010, vous confirmez vos propos du 25 juin et l’explication que vous nous donnez concernant votre non réponse à ce rendez-vous est l’attente d’une confirmation d’un autre rendez-vous avec l’un de nos adhérents, sachant que depuis le 2 juin, a aucun moment dans les échanges que vous avez eu avec Monsieur Z et Monsieur X, vous n’en avez fait état;

Nous vous rappelons que l’entretien annuel revêt un caractère obligatoire et que votre attitude souligne une fois de plus un manque de respect et de reconnaissance envers votre hiérarchie.

Suite à la mise en place de nouveaux outils d’analyse, le 25 juin 2010, au cours d’une réunion de travail en présence de votre manager A Z et de E F, Responsable Analyses et Gestion, vous sont présentés les résultats de votre région. Alors que l’esprit de cette réunion se devait constructive et que tous vos homologues, au cours des présentations qui leur avaient été faites, voyaient ces nouveaux outils comme de véritables supports dans leur activité au quotidien. Votre seul commentaire a été de déclarer «ce travail est intéressant mais ne peut être d’aucune aide pour mon quotidien» Vous affichez ainsi, clairement la volonté de vous mettre en marge du système en montrant un esprit négatif et en ne respectant pas le travail accompli par la collaboratrice Helpevia.

Dans un même ordre d’idée, suite a la relance du 18 mai 2010 du dossier Mutualité resté sans réponse vous avez signifié par retour ce même jour à Monsieur A Z que 'malheureusement vous n’aviez eu que très rarement l’occasion d’échanger ces derniers mois dû probablement à des agendas respectivement bien remplis'. Commentaire encore une fois ironique et fort déplacé, quand on sait que, Monsieur Z vous a adressé a plusieurs reprises des mails datés des 5 février, 10 février et 10 mars 2010 dans lesquels il vous proposait de vous accompagner sur différents dossiers. Propositions d’accompagnement auxquels vous n’avez jamais répondu favorablement.

Le 16 juillet 2010 lors de notre entretien, Monsieur Z vous fait remarquer que cela est plus un acte volontaire de votre part qu’un problème de disponibilité au vu de votre agenda et qu’entre les mois de décembre 2009 et mai 2010, vous auriez eu l’occasion de vous voir à maintes reprises ou de vous appeler en plus des rencontres Innova DM, réunions de Réseaux et Hôpital expo. Au cours de l’entretien, nous vous avons demandé à plusieurs reprises si votre agenda était à jour et reflétait votre activité comme l’impose notre règlement. A chaque fois vous nous avez confirmé que oui, votre agenda était correctement renseigné.

Toujours au cours de cet entretien, nous avons eu de nouveau à vous reprocher un comportement décalé lors de la réunion de l’équipe réseau du 28 juin 2010. Comportement agressif empreint d’un manque de respect vis-à-vis des collaborateurs présents et de votre hiérarchie, ayant donné lieu à des sollicitations de la part de vos homologues auprès de la Directrice des Ressources Humaines en annonçant 'se donner le droit de ne plus participer a ces réunions tant que cela ne se ferait pas dans l’écoute, le respect et la bonne ambiance'.

Nous vous avons interpellé ensuite sur l’usage abusif du matériel Helpevia mis à votre disposition.

A la question connaissez- vous les règles d’utilisation du matériel professionnel mis à votre disposition par Helpevia, votre réponse a été 'je dois en prendre soin'

Dans le règlement intérieur il est stipulé :

— article 6.4: qu’il est interdit d’utiliser les moyens de l’entreprise pour des fins personnelles

— article 4.1: qu’il est interdit de disposer, pour son usage personnel, de matériels ou de fournitures appartenant à l’entreprise sans autorisation préalable.

Pour rappel vous avez signé en date du 13 février 2006 une charte des règles de bon usage de matériel mis à votre disposition qui précise pour le téléphone mobile la mention suivante l’utilisation à titre personnel et familial admise dans des proportions raisonnables.

Aujourd’hui le constat est le suivant :

Notre Technicien Réseau est intervenu à trois reprises sur votre ordinateur en très peu de temps, le mobilisant à chaque fois sur une moyenne de 45 minutes a 50 minutes après une maintenance pour supprimer des fichiers personnels et non professionnels tels que: des sites de jeux de Poker en ligne, des jeux Nintendo téléchargés sur des sites illégaux, de la musique, La dernière intervention a eu lieu le 15 juin 2010.

Le 16 juillet 2010, au cours de l’entretien, soit 2 semaines après la dernière intervention, nous vous avons demandé en présence de K L d’ouvrir votre ordinateur et avons constaté à nouveau l’installation de plus de 200 fichiers de jeux Nintendo illégalement téléchargés. Malgré l’interdiction d’utiliser votre ordinateur à des fins personnelles et malgré les rappels faits a l’occasion des interventions réalisées par nos techniciens pour éliminer l’ensemble des fichiers corrompus endommageant votre ordinateur et susceptible de «polluer» la totalité de notre système informatique, vous avez recommencé vos téléchargements illicites sans vous soucier des risques que vous faisiez encourir a l’entreprise. En réponse aux explications demandées, nous n’avons eu que pour seule réponse : 'le site Nintendo, je ne connais pas je n’y vais pas, mais j’ai une Nintendo DS'.

Comment alors expliquer la présence à plusieurs reprises de fichiers pirates sur votre ordinateur, fichiers bien destinés à l’utilisation d’une console Nintendo DS '

La vérification de votre ordinateur s’est déroulé conformément à l’article 4.4 du règlement intérieur qui stipule :'A tout moment la direction peut avoir accès aux bureaux, comptoirs, armoires, meubles, documents et contenu du matériel informatique appartenant à l’entreprise en présence de la personne concernée'.

Concernant votre téléphone portable, nous vous avons notifié que l’analyse menée sur vos consommations, mettait en évidence, un nombre d’appels passé par vous, 3 à 4 fois supérieur à vos collègues Responsable de Région, et 5 à 7 fois plus de SMS. Comparées à des régions avec un nombre d’adhérents beaucoup plus important, ces niveaux de consommations sont totalement excessifs d’autant plus que notre analyse démontre également que plus de 30% en moyenne de vos appels sont passés en semaine de 20 heures à 8 heures du matin sans compter week-end et congés.

Ne pouvant s’agir à ces heures tardives de communications professionnelles, nous vous avons fait remarquer qu’un tel niveau d’utilisation personnelle était déraisonnable.

A la fin de l’entretien nous vous avons informé, avoir des éléments nouveaux apparus, depuis renvoi de notre première convocation. En raison de la gravité des faits nous vous avons remis en main propre contre décharge le 16 juillet 2010 doublée d’un recommandé, une nouvelle convocation a entretien préalable en vue d’un licenciement pour le 23 juillet 2010 à 14h00. Enfin dans l’attente de ce nouveau rendez-vous, nous vous avons notifié votre mise à pied conservatoire jusqu’à la fin de la procédure.

Vous avez donc été reçue une nouvelle fois le 23 juillet 2010 à 14h00 en présence des Directeurs Développement et France Nord Messieurs X et Z accompagnés de Madame G H, Directrice des Ressources Humaines pour lequel vous avez choisi d’être assisté de Monsieur K L, Responsable de Marché Dispositifs Médicaux.

Le cadre relatif à ce nouvel entretien a été exposé, ainsi qu’un rappel-des motifs exprimés lors des entretiens précédents.

Ensuite nous avons évoqué, en présence de Monsieur K .L qui n’avait pas eu connaissance de ce courrier, votre réponse datée du 20 juillet 2010 et reçu le 22 juillet 2010, à notre entretien du 16 juillet 2010. A cette occasion, nous vous avons fait part que ce courrier n’apportait aucune explication quant aux faits qui vous étaient reprochés et ne reflétait pas l’entretien aussi bien dans la forme que le contenu. En effet vous omettez les points majeurs et délicats évoqués lors de l’entretien et essayez de reporter la faute sur les autres, en parlant même d’un climat délétère dont vous seule parlez, alors même que l’entreprise présente des résultats excellents jamais atteints auparavant, que de nombreux avantages sociaux sont mis en place et que les perspectives d’avenir sont prometteuses.

Nous vous avons demandé si sur les faits actés vous souhaitiez revenir, vous nous avez répondu par la négative.

Puis nous sommes revenus sur votre activité professionnelle et nous vous avons demandé à nouveau si votre agenda était a jour et indiquait bien votre activité au quotidien, vous nous avez de nouveau répondu par l’affirmative. Nous vous avons alors, exprimé notre étonnement quant au nombre de jour sans activité notifiée sur légende, soit en moyenne 4 jours par mois et notamment les lundis et vendredis. A notre demande d’explication, votre réponse a été «je suis très surprise par ce que tu me dis, je n’ai pas d’explication sur le sujet»

Ensuite, nous vous avons fait part de notre étonnement de constater qu’au regard des relevés de péages, de carburants, de notes de restaurants, vous passiez régulièrement, en Normandie en dehors de votre région, de nombreux week-ends prolongés allant du vendredi au lundi, en utilisant la encore a des fins personnelles le matériel professionnel mis à votre disposition.

Nous vous avons de nouveau rappelé les règles de notre charte de bonne conduite et de notre règlement intérieur signé par vous-même, règlement que personne n’est censée ignorer.

«Mademoiselle Y est autorisée à utiliser le véhicule qui lui est confié à des fins personnelles, les frais de carburant et péages liés à l’utilisation du véhicule pendant ses congés ou RTT sont à la charge de Mademoiselle Y étant entendu que cette utilisation sera raisonnable et renseignée sur le carnet de bord».

A la question, avez-vous des explications ' Réponse 'je n’ai pas d’explication parce que très surprise par tes propos’ Nous poursuivons, sur l’usage abusif du téléphone mobile, et présentons le complément d’analyse réalisé sur les consommations des 4 derniers mois. Cette étude, montre qu’en retraitant les informations relatives aux appels passés en ne conservant que les numéros personnels appelés (numéros qui apparaissent la nuit et le week-end) on arrive à un taux moyen d’utilisation a titre personnel de près de 70%.

A la question, avez-vous des explications ' Réponse 'Je n’ai pas d’explication';

Enfin, nous tentons d’obtenir des explications sur l’utilisation personnelle abusive de l’ordinateur.

A la question, avez-vous des explications ' Réponse 'Je n’ai pas d’explication parce que très surprise par tes propos'.

Aujourd’hui notre constat est le suivant :

— Non-reconnaissance de votre hiérarchie,

— Attitude irrespectueuse et méprisante à l’égard de certains de vos collègues,

— Un niveau d’activité, comme en témoigne votre agenda, largement insuffisant (Très peu de rendez-vous professionnels et beaucoup de plages vides), et qui pourtant ne vous a pas laissé le temps de communiquer avec votre responsable hiérarchique,

— Utilisation abusive du téléphone portable mis à disposition par l’entreprise, pour un nombre d’appels moyens de plus de 400 appels par mois pour vos conversations personnelles, sur la période de mars à juin 20l0 soit 70% de l’ensemble de vos appels. Dans le même temps, utilisation intensive de SMS à usage personnel,

— Utilisation abusive de l’ordinateur portable mis à disposition a des fins personnelles, nécessitant de multiples actions correctives suite aux téléchargements de fichiers interdits et corrompus,

— Utilisation abusive du véhicule, de la carte TOTAL et du télépéage mis à votre disposition par l’entreprise dans des départements hors de la localisation géographique sur laquelle vous exercez votre mission Dépenses personnelles que vous faites supporter à l’entreprise des jours de la semaine et pendant les week-ends,

— Des notes régulières de frais de repas sans autre frais et sans renseignement dans votre agenda qui pourraient nous éclairer sur une quelconque activité et des notes de frais pas en corrélation avec votre agenda.

Ces faits inadmissibles portent gravement préjudice à l’entreprise et mettent en évidence votre volonté à ne pas respecter les règles en vigueur dans l’entreprise et ce malgré les multiples remarques qui vous été signifiées.

Vous n’avez pas souhaité apporter d’explication ou de justification des faits reprochés. En conséquence, nous vous notifions votre licenciement pour faute grave.

Votre contrat de travail sera donc rompu à partir du jour de la première présentation du présent courrier.'

Par requête reçue le 29 novembre 2010, la salariée a saisi le Conseil de Prud’hommes de Lille afin de faire constater l’irrégularité et l’illégitimité de son licenciement, et d’obtenir le versement d’indemnités de rupture.

Par jugement en date du 29 mars 2013 le Conseil de Prud’hommes l’a déboutée de sa demande et condamné à payer à la société HELPEVIA 750 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et à lui rembourser 360 euros au titre des amendes de stationnement.

Q Y a interjeté appel de ce jugement.

Selon ses dernières écritures et observations orales soutenues à l’audience du 2 septembre 2015, elle sollicite de la Cour l’infirmation du jugement entrepris et la condamnation de la société au paiement de :

1929,20 euros à titre de rappel de salaire sur la mise à pied à titre conservatoire

15232,71 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis

1523,27 euros au titre des congés payés y afférents

8180,51 euros à titre d’indemnité conventionnelle de licenciement

60930,90 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

5077,57 euros à titre d’indemnité pour non-respect de la procédure de licenciement

40000 euros en réparation du préjudice personnel subi

5000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

L’appelante expose que la procédure de licenciement est irrégulière, qu’elle a été convoquée en vue d’un entretien préalable à une simple sanction disciplinaire, que le délai minimal entre la convocation et l’entretien n’a pas été respecté, que l’entretien en date du 16 juillet 2010 s’est déroulé dans des conditions déloyales, l’employeur étant représenté par trois personnes, que le second entretien du 23 juillet 2010 était aussi irrégulier, que le licenciement constitue en réalité une double sanction, qu’elle n’a commis aucune faute susceptible d’être sanctionnée, que la preuve de la réalité des faits reprochés n’est pas rapportée, que durant les cinq années de présence au sein de l’entreprise elle a remboursé intégralement les notes de frais, que la sanction est enfin disproportionnée par rapport aux faits reprochés, qu’elle n’a pas utilisé abusivement et illégalement les matériels et les moyens mis à sa disposition, qu’enfin ces faits n’ont occasionné aucun préjudice à la société.

Selon ses dernières écritures et observations orales soutenues à l’audience du 2 septembre 2015, la société HELPEVIA intimée sollicite de la cour la confirmation du jugement entrepris, à titre subsidiaire, la réduction des prétentions de l’appelante à de plus justes proportions et, en tout état de cause, la condamnation de cette dernière à lui rembourser la somme de 360 euros et à lui verser 4000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

La société soutient que la procédure de licenciement et la mise à pied conservatoire sont régulières, que la mise à pied ne constituait pas une sanction disciplinaire, que la faute grave est caractérisée, qu’elle est fondée sur l’attitude de l’appelante vis à vis de ses collègues et de sa hiérarchie, que la salariée a utilisé de façon abusive et illégale les moyens qui étaient mis à sa disposition, qu’à titre subsidiaire, l’indemnité sollicitée au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse est disproportionné, l’appelante ayant trouvé immédiatement un emploi, qu’elle n’a subi aucun préjudice personnel distinct, qu’elle est en outre responsable des contraventions au stationnement qui lui ont été infligées pour un montant total de 360 €.

MOTIFS DE L’ARRET

Attendu en application de l’article L1234-1 du code du travail que les griefs énoncés dans la lettre de licenciement qui fixe les limites du litige sont le défaut de reconnaissance par l’appelante de sa hiérarchie, une attitude irrespectueuse et méprisante à l’égard de certains de ses collègues, un niveau d’activité insuffisant, une utilisation abusive du téléphone portable, de l’ordinateur et du véhicule de fonction et des notes irrégulières de frais de repas ;

Attendu, sur la non reconnaissance de la hiérarchie, que la société reproche à l’appelante une absence de soumission et de déférence se manifestant par une attitude qualifiée d’ironique et désinvolte constatée les 28 mai, 2 et 20 juin 2010 ; que toutefois le fait de déplorer, dans un courriel en date du 28 mai 2010 adressé à A Z, son supérieur hiérarchique, de ne pas avoir la possibilité de bénéficier d’échanges avec ce dernier en raison de l’importance de leurs charges de travail respectives ne saurait être interprété comme une manifestation d’ironie, compte tenu du reste de la correspondance dont cette phrase n’est qu’un élément ; que ne peut non plus être considéré comme une atteinte à l’autorité de ce dernier, le retard de l’appelante à répondre immédiatement à une convocation adressée plus d’un mois et demi à l’avance, la réponse étant transmise le 25 juin 2010, soit près d’un mois avant la date de l’entretien ; qu’il en est de même du contenu de cette réponse au ton certes ironique, l’appelante déclarant se réjouir à l’avance du moment qualifié de privilégié que constituerait cet entretien annuel qui n’aura d’ailleurs pas lieu, mais ne dépassant pas les limites de la politesse à laquelle l’appelante était tenue envers son supérieur hiérarchique ;

Attendu, sur l’attitude irrespectueuse à l’égard de ses collègues de travail, qu’il est reproché à l’appelante d’avoir critiqué sans raison le travail accompli par l’une de ses collègues et d’avoir adopté un comportement agressif lors d’une réunion organisée le 28 juin 2010 ; que toutefois le défaut de reconnaissance de la valeur du travail accompli par E F, assistante de réseau, ne constitue pas une faute, l’appelante ne déniant pas à ce travail une telle qualité mais se bornant à douter de son intérêt pour ses missions quotidiennes ; que s’agissant de l’agressivité alléguée, la société n’en fait nullement état dans ses écritures ; qu’en outre l’appelante rapporte dans un courrier en date du 20 juillet 2010 qu’à l’issue de la réunion rappelée précédemment, plusieurs de ses homologues avaient fait savoir qu’ils envisageaient de ne plus participer à de telles réunions si l’ambiance et le mode de travail ne changeaient pas ; qu’il n’est donc nullement démontré qu’il puisse être attribué à cette dernière un comportement empreint d’agressivité et la responsabilité du climat dénoncé par ses collègues de travail ;

Attendu, sur l’insuffisance du niveau d’activité de l’appelante, que la société n’apporte aucun élément susceptible de caractériser de tels faits et n’en fait pas état dans ses écritures ;

Attendu, sur l’utilisation abusive du téléphone portable, qu’il résulte des listings produits par la société que l’appelante a eu recours à de multiples reprises à son téléphone portable durant les fins de semaine , les congés ou les jours fériés ; que toutefois il résulte du document établi par la société intitulé «règles de fonctionnement et de bon usage» que l’utilisation du téléphone mobile à des fins personnelles et familiales était admise dans des proportions qualifiées de raisonnables ; qu’il était ajouté que toutes les factures reçues étaient contrôlées et tout dépassement inconsidéré du forfait devait être justifié ; que l’adjectif «raisonnable» est par nature subjectif ; que l’intimée qui effectuait pourtant des contrôles n’a jamais rappelé à l’ordre l’appelante en raison d’une consommation inconsidérée ; qu’elle ne fait par ailleurs nullement état du préjudice qu’elle aurait subi du fait de ce dépassement ; qu’enfin la consommation reprochée n’a pas nui à la qualité du travail de la salariée ;

Attendu, sur l’utilisation abusive de l’ordinateur portable, que le mémoire établi par la société n’édicte aucune règle de fonctionnement propre à ce dernier matériel ; que seul le règlement intérieur est applicable ; qu’il n’est pas contesté que son article 6.4 interdisait l’utilisation des moyens de l’entreprise à des fins personnelles ; qu’il résulte du courriel rédigé par I J, administrateur système et réseaux, en date du 29 juin 2010 que sur l’ordinateur de l’appelante avaient été chargés des bibliothèques I Tunes, des jeux Nintendo, des films des photos et des vidéos personnelles occupant en tout un espace de 10 giga octets ; que l’administrateur assure avoir passé à trois reprises 45 minutes chaque fois pour procéder à la restauration de l’ordinateur ; que si un tel chargement en raison de son ampleur est abusif, la société ne démontre pas que ces données résultaient de piratages ou présentaient un caractère illicite ;

Attendu, sur l’utilisation abusive du véhicule, de la carte essence et du télépéage, qu’il apparaît des pièces versées aux débats que l’appelante était autorisée à utiliser à des fins personnelles le véhicule de fonction qui était mis à sa disposition par la société ; que dans ce dernier cas, elle devait prendre en charge les frais de carburant et de péage ; que la seule restriction apportée à cette autorisation était à nouveau fondée sur un critère subjectif, à savoir le caractère raisonnable d’un tel usage ; qu’au demeurant, si l’appelante a parcouru entre mars et juin 2010 2143 kilomètres pour des déplacements personnels, la société ne démontre pas en quoi une moyenne de 500 kilomètres par mois peut être qualifiée d’abusive alors que par ailleurs elle avait connaissance du kilométrage parcouru au moyen du carnet de bord rempli par l’appelante et du tableau mensuel reprenant les frais de route ; que par ailleurs, la société se borne à affirmer dans ses écritures que l’appelante a utilisé la carte essence Total de façon abusive sans apporter le moindre élément de preuve de cet abus ; que cinq des six télépéages dont la régularité est contestée se rapportent à des voyages effectués en Normandie, région ne relevant pas de la zone de prospection de la salariée ; que toutefois cette dernière justifie certains de ses déplacements principalement par des rendez-vous au siège de la société sis à Rouen ; qu’en revanche elle n’explique pas l’usage du télépéage à quatre reprises entre les 20 et 23 juillet 2010 alors qu’elle faisait l’objet d’une mise à pied à titre conservatoire ; que ces derniers faits sont bien fautifs ;

Attendu enfin, sur les frais de repas dépourvus de justification, que la société se borne à reprendre ce grief sans apporter le moindre élément de preuve à l’appui de ses affirmations ni fournir la moindre précision tant sur les frais eux-mêmes que sur la période à laquelle elle se réfère ;

Attendu en conséquence que seuls sont établis l’utilisation abusive de l’ordinateur portable et de la carte de télépéage ; que si ces faits sont bien fautifs, leur sanction par la mise en 'uvre d’une procédure de licenciement apparait disproportionnée ; que le licenciement est donc dépourvu de cause réelle et sérieuse ;

Attendu qu’il n’existe pas de contestation sur le montant du rappel de salaire dû par suite de la mise à pied conservatoire devenue sans objet, ainsi que sur l’indemnité compensatrice de préavis et sur l’indemnité de licenciement ; qu’il convient de faire droit à la demande de l’appelante de ces chefs ;

Attendu en application de l’article L1235-5 du code du travail que l’appelante jouissait d’une ancienneté de plus de quatre années à la date de son licenciement ; qu’alors qu’aucune faute justifiant le licenciement n’était caractérisée, la société a néanmoins mis à pied à titre conservatoire la salariée en la privant immédiatement de toute ressource ; qu’en réparation du préjudice ainsi subi il convient de condamner la société au paiement de 30 000 € ;

Attendu en application des articles L1232-2 et L1235-5 du code du travail que la mise en 'uvre de la procédure de licenciement résulte de la convocation, par remise en main propre le 16 juillet 2010, à un entretien le 23 juillet 2010 ; que le délai de cinq jours ouvrables a bien été respecté ; que toutefois il apparait que l’entretien s’est déroulé en présence du directeur du développement, du directeur France-Nord et du directeur des ressources humaines ; que contrairement à ce que soutient l’intimée, la présence de ces personnes n’était plus nécessaire à la bonne compréhension de la situation de l’appelante ; qu’elles avaient déjà été amenées à éclairer les faits reprochés à la salariée lors du précédent entretien en date du 16 juillet 2010 auquel elles avaient assisté ; qu’en agissant de la sorte, l’employeur a en réalité érigé le dernier entretien préalable en enquête et l’a détourné de son objet ; que la procédure de licenciement est bien entachée d’irrégularité ; qu’en réparation du préjudice subi il convient d’allouer à l’appelante la somme qu’elle a sollicitée ;

Attendu que l’appelante ne démontre pas l’existence d’un préjudice distinct de celui ayant donné lieu à réparation ;

Attendu que l’appelante n’émet aucune observation sur la demande reconventionnelle présentée par la société, relative au remboursement de la somme de 360 € correspondant à des amendes non payées pour des infractions au stationnement commises avec le véhicule de fonction et ayant donné lieu à condamnation au paiement de cette somme par les premiers juges ;

Attendu qu’il ne serait pas équitable de laisser à la charge de l’appelante les frais qu’elle a dû exposer, tant devant le Conseil de Prud’hommes qu’en cause d’appel, et qui ne sont pas compris dans les dépens ; qu’il convient de lui allouer une somme de 3000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

PAR CES MOTIFS.

La Cour, statuant publiquement et contradictoirement,

INFIRME le jugement déféré ;

ET STATUANT A NOUVEAU

CONDAMNE la société HELPEVIA à verser à Q Y

1929,20 euros (mille neuf cent vingt neuf euros et vingt centimes) à titre de rappel de salaire sur la mise à pied à titre conservatoire

15232,71 euros (quinze mille deux cent trente deux euros et soixante et onze centimes) à titre d’indemnité compensatrice de préavis

1523,27 euros (mille cinq cent vingt trois euros et vingt sept centimes) au titre des congés payés y afférents

8180,51 euros (huit mille cent quatre vingt euros et cinquante et un centimes) à titre d’indemnité conventionnelle de licenciement

30000 euros (trente mille euros) à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

5077,57 euros (cinq mille soixante dix sept euros et cinquante sept centimes) à titre d’indemnité pour non-respect de la procédure de licenciement ;

CONDAMNE Q Y à rembourser à la société HELPEVIA 360 euros (trois cent soixante euros) correspondant aux amendes pour infractions au stationnement réglées par la société ;

DIT que pour le paiement de ces sommes il pourra être procédé par compensation ;

DEBOUTE Q Y du surplus de sa demande ;

CONDAMNE la société HELPEVIA à verser à Q Y 3000 euros (trois mille euros) au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE la société HELPEVIA aux dépens.

LE GREFFIER LE PRESIDENT

C. PIQUARD P. B

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Textes cités dans la décision

  1. Code de procédure civile
  2. Code du travail
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Cour d'appel de Douai, 27 novembre 2015, n° 14/02990