Cour d'appel de Douai, 3 décembre 2015, n° 15/03683

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Douai, 3 déc. 2015, n° 15/03683
Juridiction : Cour d'appel de Douai
Numéro(s) : 15/03683
Décision précédente : Tribunal de grande instance de Béthune, 19 mai 2015, N° 2015/00062

Texte intégral

XXX

Au nom du Peuple Français

COUR D’APPEL DE DOUAI

CHAMBRE 1 SECTION 2

ARRÊT DU 03/12/2015

***

N° MINUTE :

N° RG : 15/03683

Ordonnance de Référé (N° 2015/00062)

rendue le 20 Mai 2015

par le Président du Tribunal de Grande Instance de BÉTHUNE

REF : CPL/VC

APPELANT

Monsieur B Y

Demeurant

XXX

XXX

Représenté et assisté par Me Catherine TROGNON-LERNON, membre de la SCP SELLIER-MICHEL-LEQUINT-HAUGER-TROGNON LERNON, avocat au barreau de LILLE

INTIMÉ

Monsieur Z X

Demeurant

XXX

XXX

Représenté et assisté par Me Pierre DELANNOY, avocat au barreau de LILLE

DÉBATS à l’audience publique du 05 Octobre 2015, tenue par Christian PAUL-LOUBIERE magistrat chargé d’instruire l’affaire qui a entendu seul les plaidoiries, les conseils des parties ne s’y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré (article 786 du Code de Procédure Civile).

Les parties ont été avisées à l’issue des débats que l’arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe.

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Claudine POPEK

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ

Christian PAUL-LOUBIERE, Président

Myriam CHAPEAUX, Conseiller

Sara LAMOTTE, Conseiller

ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 03 Décembre 2015 (date indiquée à l’issue des débats) et signé par Monsieur Christian PAUL-LOUBIERE, Président et Claudine POPEK, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 5 octobre 2015

***

FAITS ET PROCÉDURE

MM. Z X et B Y sont copropriétaires d’un brevet portant sur un procédé de fabrication de plaques minéralogiques publié, sous le numéro FR 2789013, le 6 juillet 2001.

Le 5 novembre 1999, M. X a déposé une demande d’extension européenne n° EP 1024011 visant la France, l’Allemagne, la Grande-Bretagne et l’Irlande.

MM. X et Y ont établi un règlement de copropriété le 10 novembre 1999, aux termes duquel M. X détient 52 % de la propriété du brevet et M. Y 48 %.

Ce règlement a été modifié le 14 janvier 2013 afin de permettre à MM. X et Y d’être tous deux syndics et assurer ensemble la cogérance de la propriété.

Le 10 novembre 1999, la copropriété X-Y a consenti à la société ''Signalisation et Publicité'' (la Société SEP), présidée par M. Z X, un contrat de licence d’exploitation dudit brevet, prévoyant le règlement d’une redevance annuelle de 4% du chiffre d’affaire annuel des ventes réalisées par la SEP.

L’article 14 de ce contrat prévoit la possibilité, pour les concédants, de résilier le contrat, dans le cas où la licenciée n’exécuterait pas ses obligations de régler les redevances stipulées au contrat et selon la procédure de résiliation prévue au contrat, entraînant ainsi, pour la licenciée, l’interdiction immédiate d’utiliser et d’exploiter le procédé objet du brevet et la rendant redevable d’une indemnité équivalente au montant d’une année de redevance moyenne, multipliée par le nombre d’années restant à courir jusqu’au terme normal du contrat.

La mise en 'uvre de cette procédure suppose une décision, sinon unanime, du moins prise à la majorité de la copropriété, conformément à l’article 11 du règlement de copropriété.

Par lettre recommandée en date du 14 janvier 2015, M. X a été mis en demeure, en tant que copropriétaire majoritaire, d’autoriser la collectivité des copropriétaires à mettre en 'uvre la procédure de résiliation du contrat de licence des brevets consentis à la société SEP.

M. X a refusé, par lettre du 3 février 2015.

C’est dans ces circonstances que M. B Y, agissant en sa qualité de co-syndic de la copropriété X-Y, a assigné M. Z X, pris également en sa qualité de co-syndic de la copropriété X- Y, devant le magistrat de référés du tribunal de grande instance de Béthune afin de voir désigner un mandataire ad 'hoc ;

Il y procédait en application de l’article 13 du règlement de copropriété qui prévoit qu’ « il appartiendra à la partie la plus diligente de solliciter par ordonnance de référé, la désignation d’un mandataire ad hoc ».

Aux termes d’une ordonnance prononcée le 20 mai 2015, le président du tribunal de grande instance de Béthune a :

DIT l’action de M. B Y recevable ;

DÉBOUTÉ M. B Y de sa demande de désignation d’un mandataire ad 'hoc ;

DÉBOUTÉ au surplus ;

CONDAMNÉ M. B Y à payer à M. Z X la somme de 800 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNÉ M. B Y aux dépens

M. Y a interjeté appel de cette décision, par déclaration reçue, par voie électronique, au greffe de la cour le 18 juin 2015.

Dans le dernier état de ses écritures, déposées par voie électronique le 5 octobre 2015, il demande à la cour de :

Confirmer l’ordonnance entreprise en ce qu’elle a dit l’action de M. B Y recevable,

Infirmer l’ordonnance entreprise pour le surplus,

Constater, dire et juger que le jugement du Tribunal de Grande Instance de PARIS en date du 6 juin 2014 n’est pas passé en force de chose jugée,

Constater, dire et juger que le Tribunal de Grande Instance de PARIS dans sa décision du 6 juin 2014 a seulement prononcé la nullité de «la partie française» du brevet européen n° 1024011,

Désigner un mandataire ad 'hoc avec pour mission de représenter le syndic des copropriétaires X-Y, avec pour mission :

de veiller à ce que la SEP cesse immédiatement, à l’issue du contrat de licence qui prend fin le 10 novembre 2015, d’utiliser et d’exploiter le procédé, objet du brevet (article 14 alinéa 3 du contrat de licence de brevet),

de veiller à ce que la SEP, à l’issue du contrat de licence de brevet qui prend fin le 10 novembre 2015, s’interdise de : « divulguer le savoir-faire communiqué par les concédants pendant l’exécution du présent contrat et pendant deux années suivant son expiration ».

de recouvrer les redevances dues par la SEP jusqu’à l’issue du contrat de licence de brevet signé le 10 novembre 1999 qui prend fin le 10 novembre 2015

de prospecter et conclure tout contrat de licence de brevet et/ou de savoir-faire pour le compte de la copropriété X-Y

condamner M. Z X, es qualité de co-syndic de la copropriété X- Y à payer à M. B Y ès qualité de co-syndic de la copropriété X-Y la somme de 2.500 € sur le fondement de l’article 700 du Code de Procédure Civile,

le condamner aux entiers dépens.

Aux termes de ses conclusions récapitulatives, déposées par voie électronique le 2 octobre 2015, M. X demande à la cour de :

Vu les articles 808 et 809 du Code de Procédure Civile,

Vu le règlement de copropriété du 10 novembre 1999,

— dire mal appelé et bien jugé

confirmer l’ordonnance rendue par le TGI de Béthune

Par voie de conséquence

— dire et juger que M. B Y est irrecevable à agir

débouter M. B Y de sa demande de désignation d’un administrateur ad 'hoc

A titre subsidiaire

— dire que sa demande n’est manifestement pas fondée eu égard à la décision rendue par le TGI de PARIS du 6 juin 2014 désormais définitive

En tout état de cause

— condamner M. B Y au règlement d’une somme de 3.000 € sur le fondement de l’article 700 du CPC

le condamner aux entiers dépens de l’instance.

La clôture de l’instruction a été prononcée le 5 octobre 2015.

SUR CE,

Sur la recevabilité à agir de M. Y :

Attendu que M. X soutient à nouveau en cause d’appel que M. B Y n’a plus qualité à agir en nomination d’un mandataire ad 'hoc ;

Mais attendu que l’intérêt au succès ou au rejet d’une prétention s’apprécie au jour de l’introduction de la demande en justice et non au jour où le juge statue ;

Que la lettre recommandée adressée par M. X à M. Y, le 15 janvier 2015, réclamant paiement, notamment, de la part des factures afférentes au maintien du brevet litigieux, vaut, comme le retient le premier juge, mise en demeure ;

Et qu’adoptant les motifs de la décision entreprise, la cour relève qu’à la date de l’assignation en référés : le 19 février 2015, M. Y était toujours copropriétaire du brevet litigieux dès lors que le délai de 45 jours, prévu à l’article 9 du règlement de copropriété du 10 novembre 1999, qui a commencé à courir à compter du 15 janvier 2015, n’était pas expiré ;

Qu’en conséquence, l’ordonnance qui a retenu que M. Y était titulaire du droit d’agir au jour de la demande en justice, sera confirmée en ce qu’elle l’a déclaré recevable en son action ;

Sur la désignation d’un mandataire ad 'hoc :

Attendu que M. Y fonde sa demande de désignation d’un administrateur ad 'hoc sur le fondement des articles 808 et 809 du code de procédure civile ;

Qu’il fait valoir, en l’espèce, qu’il n’existait aucune contestation sérieuse qui empêchait le juge des référés de désigner un mandataire ;

Que l’urgence est caractérisée en ce que la SEP a cessé tout paiement des redevances, alors qu’elle continue d’exploiter les brevets et savoir-faire de la copropriété X-Y qui assume, dans le même temps, les redevances relatives au renouvellement et au maintien des brevets ;

Que l’existence d’un différend est justifiée par situation de blocage dans laquelle se trouve la copropriété, toute décision devant être prise à l’unanimité ou à la majorité simple qui ne peut être atteinte par le seul vote de M. B Y qui est copropriétaire minoritaire à hauteur de 48 % ;

Que le trouble manifestement illicite est constitué dès lors que la SEP exploite des brevets dont la nullité et la déchéance n’ont pas été reconnues par une décision ayant autorité de la chose jugée, sans même payer la moindre redevance ;

Qu’en outre, le brevet européen demeure valable dans les autres pays européens que la France et qu’il n’y a pas lieu de surseoir à statuer dans l’attente de l’arrêt à être rendu par la cour d’appel de PARIS ;

Attendu, selon M. X, que le juge des Référés pouvait dire et juger que la désignation n’avait pas lieu d’être au constat de l’inutilité de la désignation d’un mandataire ad Hoc ;

Qu’il se prévaut de la dénonciation du contrat de licence par la SEP, à effet au 10 novembre 2015, et de la déchéance de la partie française du brevet, objet de ce contrat, acquise depuis le 31 janvier 2007 et constaté par le jugement du tribunal de grande instance de Paris du 6 juin 2014, qui mettent à néant tant la demande de résiliation dudit contrat que celle afférente au paiement des redevances, rendant toute action du mandataire ad 'hoc fautive

Que le même jugement du tribunal de grande instance de Paris, devenu, selon M. X, irrévocable, a prononcé la nullité de la partie française du brevet européen n° 1 024 011 en toutes ses revendications ;

Attendu que selon les articles 808 et 809 du code de procédure civile,

«Dans tous les cas d’urgence, le président du tribunal de grande instance peut ordonner en référé toutes les mesures qui ne se heurtent à aucune contestation sérieuse ou que justifie l’existence d’un différend. » ;

« Le président peut toujours, même en présence d’une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s’imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.

Dans les cas où l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable, il peut accorder une provision au créancier, ou ordonner l’exécution de l’obligation même s’il s’agit d’une obligation de faire. » ;

Attendu que sans s’immiscer dans l’appréciation du fond du droit qui relève de la compétence du juge du fond, le magistrat de référés doit examiner si les conditions de sa saisine, au sens des textes sus énoncés, se trouvent réunies afin de lui permettre de statuer sur les mesures sollicitées ;

Attendu qu’il résulte des éléments versés aux débats, que, si le jugement du tribunal de grande instance de Paris du 6 juin 2014, est définitif, il n’apparaît cependant pas être passé en force chose jugée, dans la mesure où l’ordonnance du magistrat de la mise en état, prononçant, le 1er octobre 2015, la caducité de l’appel formé par M. X, peut encore, au jour des débats devant cette cour, être déférée devant la cour d’appel de Paris dans les 15 jours de sa date, en application de l’article 916 al. 2 du code de procédure civile ;

Et attendu que le premier juge n’a pas fait une exacte appréciation de la décision rendue par le tribunal de grande instance de PARIS le 6 juin 2014, lequel a prononcé la nullité la seule partie française du brevet européen n° 1 024 011, et non la nullité du brevet européen restant valable pour l’Allemagne, la Grande Bretagne et l’Irlande et ainsi susceptible d’exploitation dans ces pays ;

Qu’ainsi la copropriété X-Y apparaît, en l’état de la procédure, fondée à réclamer le paiement des redevances à la Société SEP comme à prendre toutes dispositions utiles afin de poursuivre l’exploitation du brevet en concluant d’autres contrats de licence ;

Que la Société SEP ayant résilié le contrat de licence à effet au 10 novembre 2015, la copropriété a intérêt à veiller au respect par elle de cet engagement ;

Que M. Y en sa qualité d’associé minoritaire (48 %), ne peut prendre aucune décision dans l’intérêt de la copropriété dès lors qu’en vertu de l’article 13 du règlement de copropriété, les décisions sont prises à la majorité simple et que l’existence d’une mésentente avec M. X les rend impossibles ;

Qu’une telle mésentente entre copropriétaires rend anormal le fonctionnement de la copropriété des brevets ;

Attendu qu’il se déduit de ces motifs que le juge des référés ne pouvait considérer que la mesure sollicitée était sans utilité ;

Qu’il y a lieu, en conséquence, d’infirmer la décision déférée et de procéder à la désignation d’un mandataire ad 'hoc, dont la mission sera définie au dispositif du présent arrêt ;

Sur les frais irrépétibles de procédure et les dépens :

Attendu que tant l’équité que le sens de l’arrêt justifient de condamner M. X à payer à M. Y la somme de 2.000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

Que la demande faite, au même titre, par l’intimé sera rejetée ;

PAR CES MOTIFS :

La cour,

Statuant par mise à disposition au greffe, contradictoirement,

Confirme l’ordonnance déférée en ce qu’elle a :

Dit M. Y recevable en son action ;

L’infirme en ce qu’elle a :

Débouté M. Y de sa demande de désignation d’un mandataire ad 'hoc ;

Statuant à nouveau,

Désigne Maître Gilbert DECLERCQ, XXX comme mandataire ad 'hoc avec pour mission de représenter les copropriétaires X-Y, avec pour mission de :

— veiller à ce que la SEP cesse immédiatement, à l’issue du contrat de licence qui prend fin le 10 novembre 2015, d’utiliser et d’exploiter le procédé, objet du brevet (article 14 alinéa 3 du contrat de licence de brevet),

— veiller à ce que la SEP, à l’issue du contrat de licence de brevet qui prend fin le 10 novembre 2015, s’interdise de : « divulguer le savoir-faire communiqué par les concédants pendant l’exécution du présent contrat et pendant deux années suivant son expiration ». ;

— liquider et recouvrer les redevances qui, le cas échéant, seraient dues par la SEP jusqu’à l’issue du contrat de licence de brevet, signé le 10 novembre 1999, qui prend fin le 10 novembre 2015 ;

— prospecter et conclure tout contrat de licence de brevet et/ou de savoir-faire pour le compte de la copropriété X-Y ;

Fixe à 3.000 € la provision à valoir sur les honoraires et frais de l’administrateur qui seront mis à la charge de M. Y ;

Y ajoutant,

Condamne M. Z X, ès qualités de co-syndic de la copropriété X- Y, à payer à M. B Y ès qualités de co-syndic de la copropriété X-Y, la somme de 2.000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

Le condamne aux dépens d’appel ;

Déboute les parties de toutes demandes, fins ou prétentions, plus amples ou contraires ;

Dit que les dépens pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

Le Greffier Le Président,

C. POPEK C. PAUL-LOUBIERE

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  1. Code de procédure civile
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