Cour d'appel de Douai, Sociale d salle 3, 30 novembre 2016, n° 15/01041

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Douai, soc. d salle 3, 30 nov. 2016, n° 15/01041
Juridiction : Cour d'appel de Douai
Numéro(s) : 15/01041
Décision précédente : Conseil de prud'hommes de Lannoy, 11 février 2015, N° F13/00817
Dispositif : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Sur les parties

Texte intégral

ARRÊT DU

30 Novembre 2016

N° 1977/16

RG 15/01041

LG/VR

Jugement du

Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de
LANNOY

en date du

12 Février 2015

(

RG F 13/00817 -section 2

)

NOTIFICATION

à parties

le 30/11/16

Copies avocats

le 30/11/16

COUR D’APPEL DE DOUAI

Chambre Sociale

— 

Prud’Hommes

— 

APPELANTE :

SARL LES GOURMANDISES DE SOPHIE

XXX

5951 HEM

Représentant : Me Romain THIESSET, avocat au barreau de
LILLE

En présence de M. X
Y, gérant de la
Société

INTIMÉ :

M. Z A

XXX

XXX

XXX

Représentant : Me Muriel CUADRADO, avocat au barreau de
LILLE

DÉBATS : à l’audience publique du 08
Septembre 2016

Tenue par Leila GOUTAS, magistrat chargé d’instruire l’affaire qui a entendu seul les plaidoiries, les parties ou leurs représentants ne s’y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré, les parties ayant été avisées à l’issue des débats que l’arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe.

GREFFIER : Jean-Luc
POULAIN

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU
DÉLIBÉRÉ

Bertrand SCHEIBLING : PRÉSIDENT DE
CHAMBRE

B NOUBEL

: CONSEILLER

Leila GOUTAS

: CONSEILLER

ARRÊT : Contradictoire – prononcé par sa mise à disposition au greffe le 30 Novembre 2016, les parties présentes en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 du code de procédure civile, signé par Bertrand SCHEIBLING,
Président et par Serge LAWECKI, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DU LITIGE

La Société LES GOURMANDISES DE SOPHIE est une entreprise familiale qui a pour activité la distribution des produits de confiserie.

Suivant contrat à durée déterminée en date du 18 mars 2013, elle a engagé Monsieur Z
A en qualité de manutentionnaire, la fin de la mission étant fixée au 30 avril 2013.

La relation de travail s’est poursuivie au delà du terme fixé et a cessé le 31 juillet 2013.

Par requête en date du 8 novembre 2013, Monsieur Z A a saisi le Conseil des
Prud’hommes de Lannoy afin de voir requalifier son contrat de travail initial en contrat à durée indéterminée et d’obtenir de son employeur le versement de diverses sommes et indemnités.

Suivant jugement en date du 12 février 2015, la juridiction prud’homale a :

— requalifié la relation de travail en contrat à durée indéterminée;

— condamné la Société LES GOURMANDISES DE
SOPHIE à verser à Monsieur Z A les sommes suivantes :

* 1 430,25 euros au titre de l’indemnité de requalification

* 2 000,00 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement abusif

* 1 000,00 euros au titre des irrégularités de procédure

* 1 000,00 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de
Procédure Civile

— ordonné à la Société LES GOURMANDISES
DE SOPHIE de remettre à Monsieur Z
A une attestation Pôle Emploi conforme au motif du licenciement sans cause réelle et sérieuse, sous astreinte de 30 euros par jour de retard, ce, à compter de l’expiration d’un délai de 30 jours courant à partir du prononcé de la décision.

— s’est réservé compétence pour liquider l’éventuelle astreinte

— rappelé l’exécution provisoire ed plein droit de la décision

— débouté Monsieur Z
A du surplus de ses demandes

— débouté la Société LES GOURMANDISES DE
SOPHIE de sa demande au titre de l’article 700 du
Code de Procédure Civile et l’a condamnée aux entiers dépens.

Par courrier électronique adressé au secrétariat-greffe de la Cour, le 12 mars 2015, la
Société LES
GOURMANDISES DE SOPHIE a interjeté appel de cette décision.

A l’audience du 8 septembre 2016, où l’affaire est évoquée, les parties reprennent oralement leurs dernières écritures reçues respectivement, le 9 mars 2016 et le 8 septembre 2016 auxquelles il convient de se référer pour plus ample exposé des faits, moyens et prétentions.

La Société LES GOURMANDISES DE SOPHIE demande à la Cour de :

— réformer la décision de première instance;

— débouter Monsieur Z
A de l’ensemble de ses demandes.

— condamner Monsieur Z
A au paiement d’une indemnité de 3000 euros en application de l’article 700 du Code de Procédure Civile .

Monsieur Z A sollicite, pour sa part :

— la confirmation du jugement rendu par le Conseil des
Prud’hommes de Lannoy, le 12 février 2015.

— Condamner la SARL LES GOURMANDISES DE SOPHIE au paiement d’une indemnité de 1500 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de Procédure
Civile.

SUR CE LA COUR

I) Sur la demande de requalification du contrat de travail initial

Monsieur A soutient que le contrat de travail à durée déterminée qu’il a signé est irrégulier en ce qu’il ne respecte pas le formalisme imposé par la loi, ce qui justifie sa demande indemnitaire.

La Société LES GOURMANDISES DE SOPHIE explique qu’en réalité deux contrats ont été signés le même jour et que ces deux actes se complètent, de sorte qu’en associant leur contenu respectif, il ne peut qu’être constaté qu’ils comportent les mentions essentielles exigées par la loi, de sorte qu’aucune indemnité de requalification n’est due.

L’article L 1242-12 du code du travail exige pour tout contrat de travail à durée déterminée, l’établissement d’un écrit entre l’employeur et le salarié, l’indication de la définition précise de son motif , figurant, nécessairement dans ceux limitativement prévus à l’article L 1242-1 du même code.

A défaut, et comme le prévoit l’article L 1245-1 du code du Travail, le contrat est présumé conclu

pour une durée indéterminée. Cette présomption est irréfragable à l’égard de l’employeur.

Ce texte énumère, par ailleurs les diverses mentions devant figurer sur ce type de contrat, dont l’omission peut, selon le cas, entraîner la requalification de l’acte en contrat à durée indéterminée.

La Cour observe qu’en l’espèce, chacune des parties produit un exemplaire différent du contrat de travail établi lors de l’embauche du salarié .

Les deux documents, datés du 18 mars 2013 et signés par Monsieur A, de par leurs intitulés et contenus ne sauraient être considérés comme complémentaires, comme le soutient la partie appelante, mais apparaissent bien comme deux actes juridiques distincts puisque l’un est nommé 'contrat à durée déterminée – remplacement de personnel en maladie’ et mentionne une date de début d’exécution au 18 mars 2013, tandis que l’autre est désigné comme étant ' un contrat à durée déterminée à temps partiel’ avec un commencement d’exécution fixé au 5 avril 2013.

Les fiches de paie ainsi que le certificat de travail et l’attestation Assédic, versés aux débats mentionnent tous un début d’exécution de la relation professionnelle au 5 avril 2013, ce qui permet d’en déduire que seul le second contrat évoqué a reçu application.

Or, ce contrat ( comme l’autre d’ailleurs) est entaché d’une irrégularité manifeste puisqu’il ne comporte pas le motif justifiant le recours à une embauche à durée déterminée, ce qui suffit à justifier sa requalification en contrat à durée indéterminée.

Au surplus, il convient de relever que la relation contractuelle s’est manifestement poursuivie jusqu’au 31 juillet 2013, soit bien après le terme conventionnellement stipulé, ce qui entraîne, de facto, la novation du contrat initial en contrat à durée indéterminée .

En conséquence, le jugement déféré en ce qu’il a requalifié la relation de travail en contrat à durée indéterminée et en ce qu’il a condamné l’employeur à verser à Monsieur A une indemnité à ce titre de 1430,25 euros ( indemnité calculée sur la base d’un temps plein correspondant au vu des fiches de paie au volume réel de travail effectué, et sur la base des derniers salaires moyens mensuels perçus), sera confirmé .

II) Sur la validité de la démission et les demandes subséquentes

La démission se définit comme un acte unilatéral par lequel le salarié manifeste de façon claire et non équivoque sa volonté de mettre fin au contrat de travail. Elle ne se présume pas. Elle n’obéit à aucun formalisme particulier et n’a pas à être motivée.

Elle doit être donnée librement.

La jurisprudence a rappelé à que le salarié qui entend remettre en cause la validité de sa démission, non à raison de l’existence d’un différend antérieur ou concommittant à sa décision de rompre, susceptible de s’analyser en une prise d’acte, mais au motif de la contrainte ayant vicié son consentement, doit agir en annulation de l’acte mais ne peut, quand bien même le vice du consentement ne serait pas retenu par les juges du fond, solliciter la requalification de la démission en prise d’acte de la rupture aux torts de l’employeur.

En l’espèce, Monsieur A soutient qu’il n’a jamais eu la volonté de démissionner de son emploi . Arguant de son jeune âge ( 19 ans) et de son inexpérience, il déclare qu’il a été contraint par son employeur de rédiger les deux lettres de démission jointes à la procédure, ajoutant que d’autres salariés ont eu à connaître des mêmes pratiques.

L’intéressé n’invoque donc aucun manquement imputable à la Société LES GOURMANDISES
DE

SOPHIE, qui l’aurait conduit à prendre la décision de démissionner mais remet en cause la validité même de sa démission qui n’aurait pas été donnée librement .

Il ne sollicite, pour autant, pas la nullité de celle-ci .

Pour justifier de la réalité de la contrainte exercée à son égard au moment de la remise de sa démission, Monsieur A se prévaut des éléments suivants :

— l’existence de deux courriers de rupture à des dates rapprochées

— les erreurs et anomalies figurant sur les courriers (erreur sur la date de début d’exécution du contrat , mention erronée de la rupture d’un contrat à durée déterminée alors que la relation est devenue à durée indéterminée)

— l’absence de réaction de l’employeur à réception de ces courriers

— autre témoignages émanant d’anciens salariés de l’entreprise.

En premier lieu, il convient de relever que les deux courriers de démission litigieux ont été établis à deux jours d’intervalle, soit le 29 juillet 2013 et le 31 juillet 2013 et ne comportent aucune réserve.

Le premier mentionne 'par cette lettre, je vous informe de ma décision de quitter le poste de remplacement de Mickaël C que j’occupe depuis le 4 avril 2013 en contrat à durée déterminée, dans votre entreprise. La fin de mon contrat sera donc effective le 9 août 2013.'

Le second est libellé comme suit : ' Par la présente, je souhaite vous faire part de ma décision de quitter mon poste que j’occupe depuis le 4 avril 2013, le 31 juillet 2013 au sein des Gourmandises de
Sophie.'

L’existence de deux courriers rédigés à des périodes distinctes implique donc que les pressions dénoncées par le salarié aient été employées au moins à deux reprises.

Or, sur ce point, Monsieur A n’est guère précis sur les circonstances présidant à l’établissement de ces écrits, dont il n’est pas contesté qu’ils émanent de sa main.

L’intéressé ne décrit pas davantage quelles auraient été les méthodes utilisées par la SARL
LES
GOURMANDISES DE SOPHIE pour l’inciter à écrire contre son gré ces lettres de rupture.

En tout état de cause, s’il est exact que des inexactitudes et anomalies affectent ces courriers établis, effectivement à des dates rapprochées, ce seul constat ne saurait suffire à démontrer qu’ils sont le fruit d’une pression de l’employeur.

De même, aucune conséquence ne peut être tirée de l’absence de réaction de la Direction de l’entreprise suite à l’envoi des lettres de démission, l’effectivité de ce mode de rupture n’étant pas conditionnée à l’acceptation préalable de l’employeur, s’agissant d’un contrat qui était devenu à durée indéterminée dès le 1er mais 2013.

Par ailleurs, le Cour relève que le salarié a expliqué lors des débats et dans ses écritures, avoir parlé à ses parents des conditions dans lesquelles il aurait remis sa première démission, ce, peu de temps après avoir rédigé celle-ci. Ceux-ci lui auraient, alors, conseillé de contester le contenu de ce courrier auprès de l’employeur.

Or, force est de constater, qu’à aucun moment l’intéressé n’allègue ni ne rapporte avoir exprimé le souhait de se rétracter ou avoir formulé une réclamation à ce titre .

Bien au contraire, il est constant que la seconde lettre de démission a été établie, après que Monsieur A ait recueilli l’avis parental.

A cette époque, ce dernier, bien qu’alerté, selon ses dires, sur l’anormalité de la situation, a pourtant rédigé un second courrier aux termes duquel il a, sans équivoque, réitéré son souhait de mettre fin au contrat .

S’agissant des quatre attestations produites aux débats, émanant d’anciens salariés de l’entreprise, elles font effectivement toutes état de pressions exercées par l’employeur, soit, pour apporter un témoignage en défaveur d’un autre salarié (attestation de Madame D E), soit pour signer une lettre d’avertissement (attestation de Madame F G), soit pour signer un contrat ( attestation de Madame C) ou encore une lettre de démission (Monsieur B
H).

Toutefois, les pièces transmises par la partie appelante ( notamment pièces 11 à 13 et 24, 26, 28 et 36) permettent d’accueillir avec réserve ces différents témoignages, dont le contenu n’est, en tout état de cause, étayé par aucun élément de preuve objectif.

En effet, il est justifié d’une part, du climat de tensions régnant au sein de l’entreprise avec une scission entre les salariés dénonçant des faits de harcèlement moral imputable à l’employeur et ceux défendant celui-ci et soutenant la thèse d’un complot, d’autre part, il apparaît qu’à tout le moins deux des salariées ayant établi une attestation, se trouvaient en litige avec la Société au moment où elles ont rédigé celle-ci (Madame C, licenciée le 22 février 2013 pour faute lourde et ayant déposé plainte contre son employeur pour harcèlement moral et Madame F G, licenciée pour faute grave le 8 juillet 2013).

Au surplus, il convient de souligner qu’aucun de ces témoins n’évoque la situation de Monsieur A et ne fournit d’information sur les circonstances dans lesquelles celui-ci a rédigé ses deux lettres de démission.

Or, l’existence de pressions à l’égard de quelques salariés de l’entreprise, au demeurant pas établie en l’état des pièces du dossier, ne permet pas d’en déduire que nécessairement l’intimé a subi les mêmes agissements.

Il résulte de l’ensemble de ces éléments qu’aucune contrainte n’est établie, de sorte que

la démission de Monsieur A doit être déclarée comme claire, libre et non équivoque et donc parfaitement valable.

En conséquence, il conviendra de rejeter les demandes financières formulées au titre de la rupture du contrat de travail ainsi que les demandes subséquentes.

Le jugement entrepris sera donc infirmé sur ce point.

III ) Sur les frais irrepétibles et les dépens

L’équité commande de ne faire application, en cause d’appel, des dispositions de l’article 700 du
Code de Procédure Civile.

La Société LES GOURMANDISES DE SOPHIE, sera, en revanche, condamnée aux entiers dépens.

PAR CES MOTIFS

LA COUR, statuant par arrêt contradictoire rendu publiquement,

CONFIRME partiellement le jugement entrepris en ce qu’il a :

— requalifié la relation de travail en contrat à durée indéterminée ;

— condamné la Société LES GOURMANDISES DE
SOPHIE à verser à Monsieur Z A les sommes suivantes :

* 1 430,25 euros au titre de l’indemnité de requalification

* 1 000,00 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de
Procédure Civile ;

L’INFIRME pour le surplus ;

Statuant à nouveau,

DÉBOUTE Monsieur Z
A de l’ensemble de ses demandes au titre de la requalification de la rupture du contrat de travail ;

DIT n’ y avoir lieu, en cause d’appel, de faire application des dispositions de l’article 700 du Code de
Procédure Civile ;

DÉBOUTE les parties de leurs demandes plus amples ou contraires ;

CONDAMNE la Société LES GOURMANDISES DE
SOPHIE aux entiers dépens.

Le Greffier, Le Président,

S. LAWECKI B. SCHEIBLING

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Textes cités dans la décision

  1. Code de procédure civile
  2. Code du travail
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