Cour d'appel de Douai, Étrangers, 31 décembre 2022, n° 22/02343

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Douai, étrangers, 31 déc. 2022, n° 22/02343
Juridiction : Cour d'appel de Douai
Numéro(s) : 22/02343
Importance : Inédit
Décision précédente : Tribunal judiciaire de Lille, 28 décembre 2022
Dispositif : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours
Date de dernière mise à jour : 14 janvier 2023
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Sur les parties

Texte intégral

COUR D’APPEL DE DOUAI

Chambre des Libertés Individuelles

N° RG 22/02343 – N° Portalis DBVT-V-B7G-UVIF

N° de Minute : 2356

Ordonnance du samedi 31 décembre 2022

République Française

Au nom du Peuple Français

APPELANT

M. [Y] [R]

né le 28 Mai 2003 à [Localité 2] (ALGERIE)

de nationalité Algérienne

Actuellement retenu au centre de rétention de [Localité 1]

dûment avisé, comparant en personne

assisté de Me Modeste MBULI BONYENGWA, avocat au barreau de LILLE, avocat choisi

INTIMÉ

MONSIEUR LE PREFET DU NORD

dûment avisé, absent non représenté

mémoire en défense reçu le

M. le procureur général : non comparant

MAGISTRAT(E) DELEGUE(E) : Géraldine BORDAGI, présidente de chambre à la cour d’appel de Douai désigné(e) par ordonnance pour remplacer le premier président empêché

assisté(e) de Serge LAWECKI, Greffier

DÉBATS : à l’audience publique du samedi 31 décembre 2022 à 14 h 30

ORDONNANCE : prononcée publiquement à Douai, le samedi 31 décembre 2022 à

Le premier président ou son délégué,

Vu les articles L.740-1 à L.744-17 et R.740-1 à R.744-47 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (CESEDA) ;

Vu l’ordonnance rendue le 29 décembre 2022 par le Juge des libertés et de la détention de LILLE prolongeant la rétention administrative de M. [Y] [R] ;

Vu l’appel interjeté par Me [T] [H] [D] venant au soutien des intérêts de M. [Y] [R] par déclaration reçue au greffe de la cour d’appel de ce siège le 30 décembre 2022 ;

Vu l’audition des parties ;

EXPOSE DU LITIGE

[R] [Y], né le 28 mai 2003 à [Localité 2] (Algérie), ressortissant algérien, a fait l’objet d’une obligation de quitter le territoire français en date du 27 décembre 2022 avec reconduite vers le pays dont il déclare avoir la nationalité.

Cette obligation de quitter le territoire français n’est pas assortie d’un délai de départ volontaire de 30 jours conformément à l’article L 612-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile.

Par décision administrative du même jour figurant dans le même acte, notifiée le même jour, il a été placé en rétention administrative.

Par requête en date du 28 décembre 2022, [R] [Y] a formé devant le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Lille, un recours contre cette décision.

Par ordonnance du 29 décembre 2022, frappée d’appel, le juge des libertés et de la détention a ordonné la jonction du dossier 22/3109 au dossier RG N° 22/03108, déclaré recevable la demande d’annulation du placement en rétention, déclaré recevable la requête en prolongation de la rétention administrative, déclaré régulier le placement en rétention de [R] [Y] , dit n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civil et a ordonné la prolongation de la rétention de [R] [Y] pour une durée de vingt-huit jours à compter du 29 décembre 2022 à 14 heures.

Au titre des moyens soutenus en appel l’étranger conclut à l’infirmation et à l’annulation de l’ordonnance de rejet du recours en annulation du placement en rétention administrative et la prolongation du placement en rétention administrative prononcée par le juge des libertés et de la détention de Lille. Il réclame l’annulation de l’arrêté préfectoral du 27 décembre 2022 de placement en rétention administrative de [R] [Y] du 27 décembre 2022. Il demande aussi dans ses conclusions écrites de condamner 'le Nord à payer au demandeur la somme de 1 500 euros sur pied de l’article L761-1 du CJA, dont distraction à Me [T] [H] [D], lequel s’engage à renoncer, à terme, au bénéfice de l’aide juridictionnelle dont son client fait d’ores et déjà la demande à la cour’ et d’ 'accorder à Monsieur [W] [G] l’aide juridictionnelle provisoire. Au soutien de sa demande en annulation de l’arrêté de placement en rétention administrative, il soulève :

le défaut de motivation suffisante en ce que [R] [Y] dispose d’une domiciliation stable dont l’absence de détention de document d’identité ni sa volonté de rester sur le territoire français ne suffisent à écarter l’assignation à résidence ;

l’inexactitude des allégations sur le non respect de l’assignation à résidence considérant que [R] [Y] n’a pas eu connaissance de cette mesure ;

la violation de l’article L 731-1 du CESEDA en ce que l’autorité préfectorale a fait une erreur d’appréciation de droit en considérant que [R] [Y] ne pouvait bénéficier d’une assignation à résidence et de fait, l’intéressé disposant d’une adresse fixe à

Roubaix.

MOTIFS DE LA DÉCISION

De manière liminaire il est rappelé que les prérogatives judiciaires se limitent à vérifier la régularité et le bien fondé de la décision restreignant la liberté de l’étranger en plaçant ce dernier en rétention, ainsi qu’à vérifier la nécessité de la prolongation de la rétention au vu des diligences faites par l’administration pour l’exécution de l’expulsion et le maintien de la rétention dans la plus courte durée possible.

Sur la recevabilité de l’appel :

L’appel de l’étranger ayant été introduit dans les formes et délais légaux est recevable.

La décision du premier juge déférée ayant joint la requête en annulation de l’arrêté de placement et la demande du préfet en prolongation de la rétention, l’ensemble des moyens soutenus pourront être appréciés par la cour d’appel.

— Sur les moyens tirés du contrôle de la légalité externe et de la légalité interne de l’arrêté initial de placement en rétention :

Au titre de son contrôle, le juge judiciaire doit s’assurer, notamment, que l’arrêté administratif de placement en rétention se trouve suffisamment motivé en fait et en droit par rapport aux critères posés par l’article L 741-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile.

Sur la motivation de l’arrêté de placement en rétention administrative

L’obligation de motivation des actes administratifs, sanctionnée au titre du contrôle de la légalité externe de l’acte, doit être existante, factuelle en rapport avec la situation de l’intéressé et non stéréotypée.

Cependant, cette motivation n’est pas tenue de reprendre l’ensemble des éléments de la personnalité ou de la situation de fait de l’intéressé dès lors qu’elle contient des motifs spécifiques à l’étranger sur lesquels l’autorité préfectorale a appuyé sa décision.

Ainsi, dés lors que l’arrêté de placement en rétention administrative contient des motivations individualisées justifiant, au regard des articles L 741-1 et L 612-3 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, l’option prise par l’autorité préfectorale quant à la rétention et mentionnant l’absence de vulnérabilité au sens de l’article L 741-4 du même code, l’acte administratif doit être reconnu comme comportant une motivation suffisante indépendamment de toute appréciation de fond.

En l’espèce l’arrêté de placement en rétention administrative est motivé en relevant que [R] [Y] est entré sur le territoire français le 7 avril 2019 avec un passeport algérien valable jusqu’au 16 août 2022; qu’il a été confié à l’Aide sociale à l’enfance et placé . Sa demande de titre de séjour a été rejetée en ce qu’il n’a pas justifié de la poursuite d’études ni de projet professionnel. L’autorité préfectorale a justement retenue que l’arrivée sur le territoire français de l’intéressé est récente que sa famille est installée en Algérie et qu’il n’a pas justifié ni de l’identité, ni de la domiciliation voire de la régularité du séjour d’une de ses soeurs dont il prétend qu’elle serait domiciliée en France. Il n’a pas présenté son passeport ni de la stabilité d’un hébergement ainsi que d’une insertion sociale et professionnelle.

Indépendamment de toute appréciation de fond, cette motivation est suffisante en soi, le préfet n’est pas tenu de motiver sa décision sur l’ensemble des critères de personnalité de l’étranger dés lors qu’il s’appuie sur des motifs suffisants pour justifier l’inanité du recours à l’assignation à résidence.

Sur l’erreur d’appréciation de l’arrêté de placement en rétention

L’erreur manifeste d’appréciation doit s’apprécier par rapport aux éléments de fait dont disposait l’autorité préfectorale au moment où l’arrêté de placement en rétention a été adopté et non au regard des éléments ultérieurement porté à la connaissance de la cour.

Il apparaît en l’espèce que l’arrêté préfectoral de placement en rétention a considéré, au visa de l’article L741-1 renvoyant aux cas prévus aux articles L 612-3 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, que l’étranger appelant ne présentait pas suffisamment de garanties de représentation pour attendre l’exécution de son éloignement en étant assigné à résidence, notamment pour :

— avoir connaissance de se trouver en situation irrégulière sur le territoire français tout en ayant la volonté de ne pas régulariser sa situation (paragraphes 1°,2°,3°),

— avoir explicitement déclaré son intention de ne pas se conformer à son obligation de quitter le territoire français (paragraphe 4°),

— s’être soustrait à l’exécution d’une précédente mesure d’éloignement (paragraphe 5°),

— être dépourvu de document d’identité ou de voyage, ou avoir tenté de se soustraire aux contrôles des autorités de police ou refusé de se soumettre aux relevés d’empreintes digitales ou de photographie, et ne pas disposer 'd’une résidence effective et permanente dans un local affecté à son habitation principale’ permettant de justifier d’une mesure d’assignation à résidence administrative (paragraphe 8°).

Il est établi par les pièces versées aux débats qu’un précédent arrêté portant obligation de quitter le territoire français en date du 13 juillet 2021 avait été prononcé à l’encontre de [R] [Y] qui n’a pas réclamé la lettre recommandée avec avis de réception portant notification de cette décision. Cependant, contrairement à ces allégations à l’audience devant la cour, dans son audition devant les policiers, [R] [Y] a reconnu avoir eu connaissance de cette décision. Il n’a communiqué aucun renseignement à la préfecture du Nord sur domiciliation effective. Enfin, il a exprimé son refus de quitter le territoire français et s’est d’ailleurs maintenu après rejet de sa demande de titre de séjour.

Il incombe à l’autorité préfectorale de mesurer l’ensemble de ces éléments pour apprécier le risque de soustraction à la décision d’éloignement.

A ce titre, il peut être légitimement être considérée par l’autorité préfectorale que l’existence d’une adresse pouvant être qualifiée de 'résidence effective’ soit néanmoins insuffisante pour accorder à l’étranger une assignation à résidence, dés lors que d’autres éléments de fait permettent raisonnablement de considérer que l’étranger n’entend pas se conformer à l’obligation de quitter le territoire français.

Par ailleurs, l’absence de passeport en cours de validité ne permet pas d’écarter automatiquement une assignation en résidence administrative, cette seule circonstance ne caractérise pas pour autant l’erreur d’appréciation.

A ce titre il importe de rappeler qu’il appartient à l’étranger, soumis aux règles de procédure civile, de démontrer l’existence d’une adresse stable et personnelle à laquelle il pourrait le cas échéant être assigné à résidence plutôt que de faire l’objet d’un placement en rétention administrative.

En l’espèce, l’arrêté de placement en rétention administrative a été pris en considération des déclarations de l’étranger sur une domiciliation dont l’autorité administrative au vue des autres éléments susvisés a pu considérer que cette indication était insuffisante pour garantir la mise à exécution de la mesure d’éloignement.

En conséquence , l’autorité préfectorale du Nord n’a pas commis d’erreur d’appréciation en ordonnant le placement en rétention administrative de [R] [Y].

Il convient de confirmer l’ordonnance déférée en ce que l’arrêté de placement en rétention administrative a été déclaré régulier.

— Sur le fond :

En dépit d’une domiciliation chez un ami dont il n’est pas établi qu’il s’agisse d’un hébergement régulier, stable et pérenne , [R] [Y] ne justifie pas de la poursuite d’étude. Sa famille réside en Algérie . Il est en France depuis avril 2019, soit depuis un temps assez court. Il ne justifie d’aucune insertion sociale ni professionnelle alors qu’il a bénéficié d’une mesure de placement et d’un accompagnement par l’aide sociale à l’enfance durant sa minorité. Il n’est plus en possession de son passeport.

Un arrêté portant obligation de quitter le territoire français a déjà été prononcé le 13 juillet 2021 et n’a pas été mis à exécution.

Dès lors, la rétention administrative de [R] [Y] est justifiée.

Il ressort de l’article L 741-3 du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile que l’administration doit justifier avoir effectué toutes les 'diligences utiles’ suffisantes pour réduire au maximum la période de rétention de l’étranger.

En l’espèce les services de la préfecture ont effectué une demande de routage et pris attache avec les autorités consulaires de l’Etat dont l’étranger revendique la nationalité pendant la période de rétention.

Les diligences ont été entreprises par les autorités françaises dés le 28 décembre 2022, soit lendemain du placement en rétention ce qui constitue un délai raisonnable.

Sur la demande d’indemnité pour frais de procédure :

Les dispositions de l’article L 761-1 du code de justice administrative ne s’appliquent pas aux procédures traitées par les juridictions judiciaires.

S’agissant d’une procédure civile la demande d’indemnité est fondée sur les dispositions de l’article 700 du code de procédure civile dont l’équité ni les circonstances de l’espèce ne commandent d’en faire application. [R] [Y] sera débouté.

Dans ses conclusions écrites, non soutenues à l’audience devant la cour;il est sollicité le bénéfice de l’aide juridictionnelle au profit d’une personne [W] [G]dont l’identité n’est pas celle de [R] [Y] ; il n’y a pas lieu de statuer sur ce chef de demande.

PAR CES MOTIFS

DÉCLARE l’appel recevable ;

REJETTE l’exception d’illégalité portant sur l’arrêté de placement en rétention administrative du 27 décembre 2022,

DECLARE régulier l’arrêté de placement en rétention administrative de [R] [Y] du 27 décembre 2022 de monsieur le préfet du Nord,

CONFIRME l’ordonnance entreprise en toutes ses dispositions,

REJETTE toute demande en indemnité formée par [R] [Y].

DIT que la présente ordonnance sera communiquée au ministère public par les soins du greffe ;

DIT que la présente ordonnance sera notifiée dans les meilleurs délais à l’appelant, à son conseil et à l’autorité administrative.

Serge LAWECKI,

Greffier

Géraldine BORDAGI, présidente de chambre

N° RG 22/02343 – N° Portalis DBVT-V-B7G-UVIF

REÇU NOTIFICATION DE L’ORDONNANCE 2356 DU 31 Décembre 2022 ET DE L’EXERCICE DES VOIES DE RECOURS :

Vu les articles 612 et suivants du Code de procédure civile et R743-20 du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile

Pour information :

L’ordonnance n’est pas susceptible d’opposition.

Le pourvoi en cassation est ouvert à l’étranger, à l’autorité administrative qui a prononcé le maintien en zone d’attente ou la rétention et au ministère public.

Le délai de pourvoi en cassation est de deux mois à compter de la notification.

Le pourvoi est formé par déclaration écrite remise au secrétariat greffe de la Cour de cassation par l’avocat au Conseil d’Etat et à la Cour de cassation constitué par le demandeur.

Reçu copie et pris connaissance le samedi 31 décembre 2022 :

— M. [Y] [R]

— l’interprète

— l’avocat de M. [Y] [R]

— l’avocat de MONSIEUR LE PREFET DU NORD

— décision notifiée à M. [Y] [R] le samedi 31 décembre 2022

— décision transmise par courriel pour notification à MONSIEUR LE PREFET DU NORD et à Maître [T] [H] [D] le samedi 31 décembre 2022

— décision communiquée au tribunal administratif de Lille

— décision communiquée à M. le procureur général :

— copie à l’escorte, au Juge des libertés et de la détention de LILLE

Le greffier, le samedi 31 décembre 2022

N° RG 22/02343 – N° Portalis DBVT-V-B7G-UVIF

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