Cour d'appel de Fort-de-France, Chambre civile, 12 janvier 2021, n° 19/00017

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Fort-de-France, ch. civ., 12 janv. 2021, n° 19/00017
Juridiction : Cour d'appel de Fort-de-France
Numéro(s) : 19/00017
Décision précédente : Tribunal de grande instance de Fort-de-France, 12 décembre 2018, N° 17/00133
Dispositif : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Sur les parties

Texte intégral

ARRET N°

N° RG 19/00017

N°Portalis DBWA-V-B7D-CBQZ

FONDS DE GARANTIE DES VICTIMES DES ACTES DE TERRORISME ET AUTRES INFRACTIONS

C/

Melle B F X

MINISTERE PUBLIC

COUR D’APPEL DE FORT DE FRANCE

CHAMBRE CIVILE

ARRET DU 12 JANVIER 2021

Décision déférée à la cour : Jugement du Commission d’Indemnisation des Victimes de Dommages Résultant d’une Infraction de Fort de France, en date du 13 Décembre 2018, enregistrée sous le n° 17/00133 ;

APPELANT :

FONDS DE GARANTIE DES VICTIMES DES ACTES DE TERRORISME ET AUTRES INFRACTIONS (FGTI), agissant poursuite et diligences de ses représentants légaux domiciliés audit siège

[…]

[…]

Représentée par Me Alexandra REQUET, avocat au barreau de MARTINIQUE

INTIMEE :

Mademoiselle B F X

Domiciliée chez Maître Sandrine-Emmanuel , avocat

[…]

[…]

Représentée par Me Sandrine-Emmanuelle Y, avocat au barreau de MARTINIQUE

MINISTERE PUBLIC :

L’affaire a été communiquée au Ministère Public qui a fait connaître son avis ;

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 18 Septembre 2020, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Mme Claire DONNIZAUX, chargée du rapport. Ce magistrat a rendu compte dans le délibéré de la cour, composée de :

Présidente : Mme Christine PARIS, Présidente de Chambre

Assesseur : Mme Marjorie LACASSAGNE, Conseillère

Assesseur : Mme Claire DONNIZAUX, Conseillère

Greffière, lors des débats : Mme Béatrice PIERRE-GABRIEL,

Les parties ont été avisées, dans les conditions prévues à l’article 450 du code de procédure civile, de la date du prononcé de l’arrêt fixée au 24 novembre 2020, prorogée le 05 Janvier 2021, puis au 12 Janvier 2021 ;

ARRÊT : Contradictoire

EXPOSE DU LITIGE

Madame B X a été victime le 30 août 2008 de faits d’enlèvement, séquestration et viols en réunion, après avoir été témoin du vol avec violences ayant entraîné la mort par égorgement de son compagnon Monsieur G H A à leur domicile.

Pour ces faits, leurs agresseurs principaux ont été condamnés à des peines de 20 et 30 ans de réclusion criminelle, et leurs complices à des peines de 2 et 5 ans d’emprisonnement.

Par requête en date du 6 janvier 2015, Madame B X a saisi le président de la commission d’indemnisation des victimes d’infractions (CIVI) pour solliciter l’indemnisation de son préjudice.

Par ordonnance du 3 décembre 2015, la CIVI a ordonné une expertise et alloué à Madame B X la somme de 45'000 euros à titre provisionnel.

Madame B X a été examinée le 20 avril 2016 par le docteur C D, expert près la cour d’appel de Versailles, et le 26 septembre 2016 par le docteur E Z, sapiteur psychiatre.

Le rapport d’expertise a été déposé le 3 décembre 2016. Il en ressort les conclusions suivantes :

- Dates d’hospitalisations imputables : le 31 août 2008 et du 17 avril 2009 au 1er décembre 2009,

- Durée de l’incapacité professionnelle imputable : du 30 août 2008 au 30 août 2010,

- Déficits fonctionnels temporaires :

- DFT total : les 30 et 31 août 2008, puis du 17 avril 2009 au 1er décembre 2009 ;

- DFT partiel de classe III (75'%) : du 1er septembre 2008 au 16 avril 2009 ;

- DFT partiel de classe II (50'%) : du 2 décembre 2009 au 30 mai 2012 ;

- Aide humaine temporaire : une heure par jour du 1er septembre 2008 au 16 avril 2009,

- Date de consolidation : le 30 mai 2012,

- Déficit fonctionnel permanent : 35'%,

- Souffrances endurées : 5/7, qualifiées d’assez importantes,

- Préjudice professionnel : la reconversion a été faite mais elle n’est pas encore satisfaisante pour l’intéressée,

- Préjudice sexuel : réel, par perte de libido et incapacité de fréquenter un homme, qui provoque une reviviscence insupportable.

Autres préjudices :

Les circonstances de l’agression où Madame X a été menacée physiquement et violée à plusieurs reprises, après avoir assisté à la mort de son époux, caractérisent un préjudice d’angoisse de mort minente avéré.

Il y a le déracinement dû à l’incapacité de ré-affronter le lieu du traumatisme. Une émigration volontaire pour la métropole où elle n’a guère d’attache et où la volonté d’annuler le passé ne lui permet pas de rétablir des liens amicaux ou intimes.

Par jugement du 13 décembre 2018, la CIVI a :

- rejeté les demandes de Madame B X au titre des dépenses de santé actuelles, des frais divers et du préjudice de formation ;

- alloué à Madame B X les sommes suivantes :

1/ en sa qualité de victime directe :

- 26'149,11 euros au titre des pertes de gains professionnels,

- 3'375 euros au titre de l’assistance à tierce personne,

- 88'079,13 euros au titre de la perte de gains professionnels futurs,

- 80'000 euros au titre des incidences professionnelles,

- 29'942 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire,

- 60'000 euros au titre des souffrances endurées (alignées avec le préjudice d’angoisse de mort imminente),

- 119'000 euros au titre du déficit fonctionnel permanent,

- 35'000 euros au titre du préjudice sexuel,

- 35'000 au titre du préjudice d’établissement,

soit une indemnité totale de 476'545,24 euros, dont à déduire la provision de 45'000 euros.

2/ en qualité de victime par ricochet :

- 40'000 euros au titre du préjudice d’affection.

La CIVI a également fixé à 4'000 euros l’indemnité due au titre de l’article 700 du code de procédure civile, dit que l’ensemble des sommes seront versées par le fonds de garantie, et laissé les dépens à la charge du Trésor public.

Par déclaration du 4 janvier 2019, le fonds de garantie des actes de terrorisme et autres infractions a interjeté appel du jugement à raison des postes de préjudice suivant : pertes de gains professionnels, pertes de gains professionnels futurs, déficit fonctionnel temporaire, souffrances endurées, préjudice sexuel et préjudice d’établissement.

Aux termes de ses conclusions d’appel notifiées par voie électronique le 27 mars 2019, auxquelles il est expressément renvoyé pour plus ample exposé des prétentions et moyens, le fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d’autres infractions (FGTI) demande à la cour de :

- déclarer recevable et fondé l’appel interjeté par FGTI.

y faisant droit,

- constater que les premiers juges n’ont pas motivé leur décision au sens de l’article 455 du code de procédure civile,

- infirmer la décision entreprise et, statuant à nouveau :

- dire et juger qu’il convient de tenir compte des sommes effectivement perçues pendant la période d’arrêt de travail jusqu’à la consolidation, soit en l’espèce le 30 mai 2012 pour fixer l’indemnité due au titre de la perte des gains actuels,

- dire et juger que Madame X ne justifie pas des conditions pour prétendre à l’indemnisation au titre de la perte des gains futurs,

- fixer le DFT à la somme globale de 19.653,50 euros,

- fixer l’indemnisation due au titre des souffrances endurées à la somme de 20.000 euros,

- fixer l’indemnisation due au titre du préjudice sexuel à la somme de 10.000 euros,

- fixer l’indemnisation due au titre du préjudice d’établissement à la somme de 10.000 euros,

- confirmer pour le surplus la décision entreprise.

Aux termes de ses conclusions d’intimé du 24 juin 2019 notifiées par voie électronique le 24 juin 2019, auxquelles il est expressément renvoyé pour plus ample exposé des prétentions et moyens, Madame B X, qui a interjeté appel incident sur les postes de préjudice suivants : préjudice de formation, déficit fonctionnel permanent et préjudice par ricochet, demande la condamnation au paiement des sommes de :

1/ en sa qualité de victime directe des faits d’enlèvement, séquestration, viols :

Sur les préjudices patrimoniaux :

Sur les préjudices patrimoniaux temporaires (avant consolidation) :

concernant les pertes de gains professionnels actuels la somme de 27 901,10 euros ;

* Sur les préjudices patrimoniaux permanents :

* Sur les dépenses de santé futures : pour mémoire.

* Sur l’assistance par une tierce personne : la somme de 3375 euros.

* Sur les pertes de gains professionnels futurs : la somme de 463'597,09 euros.

* Sur le préjudice scolaire, universitaire et de formation : la somme de 15'000 euros.

* Sur les préjudices extra patrimoniaux :

* Sur les préjudices extra patrimoniaux temporaires (avant consolidation) :

* Sur le déficit fonctionnel temporaire : la somme de

38 411,80 euros.

* Sur les souffrances endurées : la somme de 200 000 euros, ce poste comprenant désormais le cumul des souffrances endurées caractérisées par le rapport d’expertise et l’angoisse de mort imminente conformément à la jurisprudence de la Cour de Cassation du 2 février 2017(pourvoi n° 16-11.411).

* Sur les préjudices extra patrimoniaux permanents :

* Sur le déficit fonctionnel permanent : la somme de 180'000 euros.

* Sur le préjudice sexuel : la somme de 50'000 euros.

* Sur le préjudice d’établissement : la somme de 50'000 euros.

2/ en sa qualité de victime par ricochet des faits de vol violences ayant entrainé le décès par égorgement de G H A :

- la somme de 80.000 euros sur le fondement de son préjudice moral et d’affection.

Elle sollicite également que les condamnations à intervenir portent intérêts au taux légal à compter du jour du prononcé du jugement à intervenir, la somme de 8000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile dont distraction au profit de Maître Y sur le fondement de l’article 699 du code civil, ainsi que l’exécution provisoire.

Par réquisitions écrites du 12 juin 2019, communiquées aux parties par voie électronique le 21 juin 2019, le procureur général a requis l’infirmation du jugement entrepris et qu’il soit fait droit aux conclusions du fonds de garantie pour les motifs qui y sont repris.

L’instruction a été clôturée le 9 juin 2020. L’affaire a été fixée à l’audience du 18 septembre 2020 et mise en délibéré au 24 novembre 2020, prorogé au 5 puis au 12 janvier 2021.

MOTIFS :

A titre liminaire, il doit être rappelé que l’appel tend, en application de l’article 542 du code de procédure civile soit à la réformation, soit à l’annulation du jugement. Il ne sera donc pas statué sur les demandes de confirmation des chefs de jugement non critiqués.

Les chefs de préjudice suivants ont donc été définitivement évalués :

- dépense de santé actuelle : 0

- frais divers : 0

- assistance à tierce personne : 3'375 euros

- incidences professionnelles : 80'000 euros.

Par ailleurs, il y a lieu de souligner que l’expert médico-légal et le sapiteur psychiatre, qui ont examiné la victime plus de 7 ans après les faits, ont l’un et l’autre fait précéder leur rapport de l’avertissement suivant, attestant du caractère exceptionnel des préjudices subis par Madame B X :

«'Madame B X est une personne dont la seule définition qui lui correspond sort des habituels diagnostics de la nosographie psychiatrique et médico-légale. On peut la résumer en un mot : «'c’est une larme'».

En effet, dans tous les sens du terme, elle ne parvient pas à parler sans être secouée de sanglots, et elle a trouvé comme ressource pour survivre que de quitter son département et de tenter de ne jamais parler de ce qui lui est arrivé aux nouvelles personnes de rencontre. N’y parvenant pas vraiment, elle reste cloîtrée chez elle en dehors de ses temps de travail, ne participe à aucune discussion, à aucun loisir, et ne se lie à personne pour n’avoir pas à raconter son histoire.

En effet, ce n’est qu’en donnant le change dans un mutisme intérieur qu’elle parvient à figurer au monde.

Les faits qu’elle a subis, de torture, de séquestration, de viols, après l’assassinat à l’arme blanche de son conjoint, devant ses yeux, puis son immigration définitive de son île natale qu’elle n’avait jamais quittée jusqu’alors, traînant avec elle le souvenir de son malheur et les reviviscences de son traumatisme, sont comparables aux survivants de certaines catastrophes.

C’est pourquoi elle n’a pu bénéficier que d’un séjour à l’hôpital psychiatrique du 17 avril 2009 au 1er décembre 2009.

Elle prend l’avion pour Paris ne voulant pas retourner dans sa famille à Fort-de-France, trop honteuse de ce qui lui est arrivé et sachant qu’il lui était impossible de formuler quoi que ce soit à ses proches.

Elle risque de traverser encore plusieurs années de mutisme volontaire, car la seule fois où elle a tenté de nouer une relation et qu’elle a raconté son histoire, elle n’a pas supporter de rester avec cet homme, puisque le seul fait du partage avec autrui du drame qui lui est arrivé réactualise son malheur.

C’est aussi pourquoi elle n’a jamais accepté de se faire traiter et n’est allée à aucune consultation psychiatrique ou psychologique, ni même chez le médecin généralise depuis qu’elle est en métropole.

Cela fait 7 ans que sa seule ressource est de rester clandestine, non pas sur le plan social et administratif, mais dans sa manière d’être au monde.

Elle a vécu chez sa tante pendant trois ans sans lui dire les épreuves qu’elle avait traversées, et sa tante feignant de les ignorer.

Pour terminer ce préambule, disons plus classiquement qu’elle présente une dépression traumatique majeure qui obère toute perspective d’avenir.

Son opposition à tout traitement fait partie intégrante de cette dépression et ne peut en aucun cas lui être reproché.

Cloîtrée, isolée, semi-mutique, anhédonique (perte de toute envie et de tout plaisir) sont les termes sémiologiques qui conviennent auxquelles on pourrait ajouter la survie par investissement du quotidien, pour une durée qu’on ne peut pas pronostiquer'».

I- Sur les préjudices de Madame B X en qualité de victime directe

A- Préjudices patrimoniaux

1 - Préjudices patrimoniaux temporaires

Sur les pertes de gains professionnels actuels

L’expert a fixé l’incapacité totale de travail du 30 août 2008 au 1er décembre 2009 en Martinique, puis du 2 décembre 2009 au 30 août 2010.

Au cours de cette période, Madame B X n’a pu travailler et percevoir de revenus de son activité professionnelle. En revanche elle a perçu des indemnités journalières.

La CIVI a accordé à Madame B X la somme de 26'149,11 euros, sans motiver sa décision sur ce point.

Le FGTI relève que la CIVI n’a pas tenu compte des revenus que Madame B X a perçus pendant sa période d’arrêt de travail jusqu’à sa consolidation, tels qu’ils résultent des pièces produites par celle-ci devant la CIVI, à savoir :

- en 2008 : 7'036 euros,

- en 2009 : 4'576 euros,

- en 2010 : 9'771 euros,

- en 2011 : 6'765 euros,

- en 2012 : 16'094 euros.

Madame B X demande la somme de 27'901,10 euros, sollicitée en première instance, expliquant qu’elle était salariée au moment des faits et percevait un salaire net d’environ 725,07 euros par mois, et avoir perçu la somme de 6'939,62 euros au titre des

indemnités journalières du 5 septembre 2008 au 15 décembre 2009.

Elle sollicite en conséquent le montant de ce salaire net du 1er septembre 2008 au 30 mai

2012, date de sa consolidation, diminué du montant des indemnités journalières, mais augmenté du montant de la CSG et de la CRDS sur le montant de ces indemnités journalières.

L’appréciation de la perte de gain professionnel actuel se fait in concreto, de sorte qu’il appartient à la victime de démontrer qu’elle a subi une perte de revenu.

Madame X démontre qu’elle percevait un salaire net de 725,07 euros par mois avant les faits. Elle a perçu 6 939,62 euros d’indemnités journalières brutes pour la période comprise entre septembre 2008 et décembre 2019.

Contrairement à l’appréciation de la CIVI, l’indemnité brute versée par la caisse de sécurité sociale au titre des indemnités journalières doit être diminuée de la valeur de la CGS et de la CRDS sur ce montant. Ainsi le montant net des indemnités journalières pris en compte est de 6 939,62 euros ' 6 939,62 euros x 6,7 % = 6 474,67 euros.

Madame X justifie donc d’un manque à gagner, sur la période de septembre 2008 à décembre 2009, d’un montant de : (725,07 euros net/ mois x 16 mois) ' 6 474,67 euros net d’indemnités journalières = 5'126,45 euros, somme qui correspond à la perte de revenus professionnels actuels entre septembre 2008 et décembre 2019.

S’agissant de la période postérieure, de janvier 2010 à mai 2012, date de sa consolidation, Madame X justifie qu’elle n’a plus perçu aucune indemnité journalière.

Elle a cependant déclaré les revenus suivants :

- au titre de ses revenus 2010 : 9'771 euros

- au titre de ses revenus 2011 : 6'765 euros

- au titre de ses revenus 2012 : 16'094 euros

Elle ne fournit pas de justificatifs de la nature de ses revenus 2010 et 2011, de sorte que la cour ne peut apprécier s’il s’agit de revenus du travail, de revenus de substitution ou de prestations sociales perçues au titre de la solidarité nationale, qui auraient le cas échéant pu ne pas être déduits du préjudice de la victime. Tous les revenus déclarés en 2010 et 2011 devront donc être intégrés au calcul.

En revanche Madame X justifie avoir travaillé tout en long de l’année 2012 comme salariée en qualité d’aide médico-psychologique pour l’APAJH. La date de consolidation étant intervenue au cours de l’année 2012, le calcul du revenu devant être

pris en compte au titre des revenus perçus avant consolidation doit être effectué au prorata de la période écoulée au moment de la consolidation, soit 5 mois sur 12.

Le mode de calcul de la perte de revenus professionnels actuels pour la période comprise entre janvier 2010 et mai 2012 est donc le suivant :

— (725,07 euros x 29 mois) ' (9 771 euros + 6 765 euros + 16'094 euros x 5/12) = – 2 214,80 euros.

Ce solde négatif révèle que Madame X a perçu au cours de cette période un revenu mensuel plus important que le revenu mensuel qu’elle percevait au moment des faits. Il s’en déduit une absence de perte de revenu professionnel actuel entre janvier 2010 et mai 2012.

Le montant de l’indemnisation due au titre de la perte de revenus actuels devra donc être révisé et fixé à la somme de 5'126,45 euros.

2- Préjudices patrimoniaux permanentes.

Sur les pertes de gains professionnels futurs

Sans motivation particulière sur ce point ni explication du mode de calcul retenu, la CIVI a accordé à Madame X la somme de 88'079,13 euros au titre de la perte de gains professionnels futurs.

Le FGTI critique la décision de la CIVI en ce qu’elle n’est pas motivée et ne tient pas compte des revenus de Madame B X. Il estime que celle-ci ne justifie ni d’une impossibilité de travailler du fait du dommage, ni d’une réduction de travail, ni d’une perte de revenu.

Madame B X sollicite la somme de 463'597,09 euros, dont 88'079,13 euros au titre de la période échue, comprise entre la date de la consolidation et le 13 décembre 2018, date de la décision de la CIVI, et 375'517,96 euros au titre de la période à échoir.

Elle explique qu’elle était âgée de 23 ans au moment des faits et justifie qu’elle était embauchée à mi-temps comme employée polyvalente dans la restauration en contrat à durée indéterminée, pour un salaire mensuel de 725,07 euros. Elle soutient que sa situation professionnelle était amenée à évoluer et à s’améliorer, et sollicite dès lors une indemnisation sur la base d’un salaire équivalent au SMIC à temps plein sur toute la période, échue et à échoir.

La perte de gains professionnels futurs résulte de la perte de l’emploi ou du changement d’emploi. Ce préjudice est évalué à partir des revenus antérieurs afin de déterminer la perte annuelle, le revenu de référence étant toujours le revenu net annuel imposable avant les faits dommageables.

Le calcul proposé par Madame X est erroné dès lors qu’il n’est pas fondé sur un différentiel de revenus, Madame X sollicitant l’intégralité d’une rémunération au niveau du SMIC à temps plein, sans référence au salaire perçu avant les faits, ni déduction des revenus perçus ou susceptibles de l’être après les faits.

Par ailleurs, il résulte des déclarations de revenus de Madame X que celle-ci a perçu, postérieurement aux faits dont elle a été victime, des revenus substantiellement supérieurs à ceux qu’elle percevait auparavant, de sorte que la perte de gain n’est pas démontrée. Madame X a ainsi déclaré des revenus de 16'654 euros au titre de l’année 2012, 20'165 euros au titre de l’année 2013, 20'162 euros au titre de l’année 2014, alors qu’elle percevait un revenu annuel de 8'700 euros avant son agression.

Il est en revanche établi que Madame X, du fait de l’intensité de son traumatisme, ne peut plus exercer la profession qu’elle exerçait et pour laquelle elle était formée dans l’hôtellerie et la restauration, laquelle implique des contacts fréquents et nombreux avec des inconnus et des collègues, ce qu’elle n’est plus en mesure de supporter en raison de ses angoisses.

Elle a donc engagé une reconversion professionnelle totale pour devenir aide médico-psychologique, activité dont elle perçoit des revenus plus importants. Cependant comme le souligne l’expert, cette reconversion n’est pas encore satisfaisante pour elle, car ce travail est mentalement éprouvant et lui demande des efforts importants en ce qu’il implique

d’être en relation avec des personnes difficiles alors qu’elle n’aspire qu’à travailler tranquillement et le plus seule possible.

Pour autant, le préjudice résultant de la pénibilité du travail et de l’impossibilité d’exercer l’activité antérieure, en lien direct avec le profond traumatisme dont elle a été victime, a déjà été indemnisé au titre de l’incidence professionnelle, ainsi qu’il résulte de l’argumentation développée par Madame X dans ses écritures au soutien de la confirmation de ce poste de préjudice.

Le jugement de la CIVI doit donc être infirmé, aucune somme ne pouvant être allouée à Madame X au titre de la perte de gains professionnels futurs.

Sur le préjudice scolaire, universitaire et de formation

Sans motiver sa décision non plus sur ce point, la CIVI a débouté Madame X de sa demande au titre du préjudice de formation.

Madame B X réitère sa demande de première instance d’un montant de 15'000 euros, sur le fondement de la perte d’une année de formation qu’elle a dû subir afin de procéder à sa reconversion professionnelle, puisqu’elle n’était plus en mesure d’exercer sa profession dans l’hôtellerie-restauration. Elle a à ce titre obtenu le 17 juin 2011 son certificat de sécurité civile, et le 20 décembre 2011 son diplôme d’État d’aide médico-psychologique.

Cette demande est toutefois mal fondée en ce que le préjudice de formation est au contraire constitué par la perte de la possibilité de suivre ou de poursuivre un cursus de formation engagé ou envisagé, dès lors que cette impossibilité de suivre la formation concernée est liée au fait dommageable.

Le fait d’avoir pu suivre une formation ne peut être constitutif d’un préjudice, d’autant que Madame X ne démontre pas que cette année de formation a eu un coût financier ou a donné lieu à une perte de revenus.

Madame X ne peut dès lors prétendre à être indemnisée de ce chef. Le jugement sera confirmé sur ce point.

B- Préjudices extra patrimoniaux

En préambule à l’évaluation des préjudices non économiques de Madame X, il est nécessaire, non seulement de rappeler l’avertissement précité, donné par les deux experts en introduction de leur rapport pour attester du caractère exceptionnel du préjudice de l’intéressée, mais également de citer leur analyse médico-légale des manifestations du traumatisme de la victime :

«'A l’image des rescapés d’une catastrophe, Madame B X présente un syndrome du survivant. La culpabilité qu’elle peut éprouver en regard de la mort de son conjoint est inabordable.

En revanche, la dépression est majeure, chronique et résistante, avec à l’examen, tristesse, pauvreté du geste, inhibition psycho-motrice, sanglots irrépressibles.

Cette dépression fait suite à un syndrome traumatique majeur avec phobie du lieu et de toute l’île de la Martinique, méfiance, crainte des représailles, réminiscences diurnes et nocturnes.

Elle nous a demandé de gommer volontairement tous les noms ou les indices qui pourraient

la faire repérer. C’est pourquoi ces précisions ne figurent pas dans le corps du rapport ci-dessous.

Anhédonie totale.

- 1m55 ' 45 kilos. Elle a beaucoup maigri et a repris un peu depuis.

Bien qu’elle formule quelques ambitions professionnelles mesurées, en rapport avec ses capacités culturo-scolaires, qu’elle sait médiocres, et dont elle tire un sentiment d’infériorité, il n’y a pas chez elle de perspective d’avenir et de vision du futur, pour ce qui est de la reconstruction d’une vie familiale, qui devait être son idéal, compte-tenu de son entourage familial et de son intégration dans sa belle-famille.'»

Le docteur Z, sapiteur psychiatre, ajoute qu''«'en fonction de tous les éléments rapportés ci-dessus, l’évaluation des dommages doit obligatoirement se faire hors barème.'»

1- Préjudices extra patrimoniaux temporaires

Sur le déficit fonctionnel temporaire

Le déficit fonctionnel temporaire permet d’indemniser l’aspect non économique de l’incapacité temporaire, à savoir la perte de qualité de vie de la victime et des joies usuelles de la vie courante avant consolidation, ainsi que le préjudice temporaire d’agrément.

L’expert a évalué le déficit fonctionnel temporaire comme

suit :

DFT total à 100'% les 30 et 31 août 2008, correspondant aux 2 jours de prise en charge de Madame X par les urgences du CHU de Fort-de-France à la suite des faits, puis aux 7 mois et demi d’hospitalisation à sa demande dans l’antenne des Trois Ilets du service de psychiatrie du CHU de Martinique ;

DFT partielle de classe III (75'%) du 1er septembre 2008 au 16 avril 2009, période au cours de laquelle Madame X a résidé chez sa mère où elle est restée cloîtrée ;

DFT total à 100'% du 17 avril 2009 au 1er décembre 2009, correspondant à son hospitalisation à sa demande dans l’antenne des Trois Ilets du service de psychiatrie du CHU de Martinique ;

DFT partielle de classe II (50'%) du 2 décembre 2009, jour de son départ pour la métropole, au 30 mai 2012, date de la consolidation, période de deux an et demi au cours de laquelle Madame X a résidé chez sa tante en région parisienne. La date de la consolidation (30 mai 2012) est fixée au jour où elle a pris son indépendance et s’est installée seule

La CIVI a accordé à Madame B X, au titre du déficit fonctionnel temporaire, la somme de 29'942 euros, sans motiver sa décision sur ce point ni préciser sa méthode de calcul.

Le FGTI demande à la cour de réduire ce poste de préjudice à la somme de 19'653,50 euros sur la base d’une somme de 23 euros par jour de gêne totale, soit :

- DFT total : 23 euros x 228 jours = 5 244 euros

- DFT de 75'% : 17,25 euros x 228 jours = 3 933 euros

- DFT de 50'% : 11,50 euros x 911 jours = 10 476,50 euros.

Madame B X maintient sa demande initiale de fixer le montant du déficit fonctionnel temporaire à la somme de 38'411,80 euros, sur la base du SMIC journalier, d’une valeur comprise entre 44,03 euros et 46, 61 euros par jour, selon la période de référence.

Il convient de rappeler que le déficit fonctionnel temporaire, poste de préjudice non économique, qui doit donc être déconnecté d’une quelconque base salariale, est habituellement évalué sur la base d’une somme journalière ou mensuelle afin notamment d’indemniser la personne du fait de son incapacité à accomplir totalement ou partiellement ses activités habituelles et de profiter des joies usuelles de l’existence.

Cette somme est habituellement comprise entre 25 et 33 euros par jour, selon la gravité du handicap. Elle doit cependant être ici réévaluée pour tenir compte du caractère particulièrement exceptionnel du préjudice subi par Madame X dans les conditions de son existence, les experts ayant notamment relevé, parmi les séquelles de son agression, une anhédonie totale, c’est à dire une perte totale de désir et de plaisir. Avant sa consolidation, elle est notamment restée enfermée chez sa mère, puis hospitalisée en psychiatrie, puis cloîtrée chez sa tante, ne sortant que pour les besoins de sa formation ou la reprise d’une activité professionnelle.

Au regard de l’incapacité de Madame X et de la gravité de son préjudice, le déficit fonctionnel temporaire sera justement indemnisé sur la base de 40 euros par jour.

Il convient donc de réformer le jugement en fixant l’indemnisation du déficit fonctionnel temporaire comme suit :

- pour la période des 30 et 31 août 2008 et du 16 avril 2009 au 1er décembre 2009 :

228 jours x 40 euros x 100'% = 9120 euros.

- pour la période du 1er septembre 2008 au 16 avril 2009 :

228 jours x 40 euros x 75'% = 6840 euros

- pour la période du 2 décembre 2009 au 30 mai 2012 :

911 jours x 40 euros x 50'% = 18'220 euros

soit un total de 34'180 euros.

Sur les souffrances endurées

L’expert a évalué les souffrances endurées à 5/7. Elles sont qualifiées d’assez importantes. Il évoque par ailleurs, au titre d’un poste de préjudice distinct, le préjudice résultant de l’angoisse de mort imminente, ressentie par Madame X pendant les 2 jours qu’ont duré son agression.

La CIVI a accordé à Madame X la somme de 60'000 euros au titre des souffrances endurées.

Le FGTI estime que ce poste de préjudice doit être ramené à 20'000 euros.

Madame B X sollicite comme en première instance une indemnité de 200'000 euros, dont 150'000 euros au titre des souffrances endurées stricto sensu, et 5'000 euros au titre du préjudice lié à l’angoisse de mort imminente.

Elle fait notamment valoir que le rapport d’expertise judiciaire a été rédigé avant le revirement jurisprudentiel de la cour de cassation qui a intégré le préjudice tiré de l’angoisse de morte imminente aux souffrances endurées, et relève notamment que l’expert a classé ce poste de préjudice de manière autonome.

Il ressort en effet des conclusions de l’expertise que l’expert n’a pas intégré le préjudice d’angoisse de mort imminente dans l’évaluation à 5 sur une échelle de 7 des souffrances endurées, puisqu’il en a fait un chef de préjudice distinct.

La seule description des faits dont a été victime Madame B X témoigne de l’intensité des souffrances endurées.

Il a été établi par l’information judiciaire que Madame X, alors âgée de 23 ans, a été maintenue par les cheveux avec un couteau sous la gorge pendant que son compagnon était égorgé sous ses yeux, qu’elle a ensuite été forcée d’assister à la fouille de sa maison toujours maintenue par les cheveux, puis enlevée à bord de son propre véhicule pour faciliter la fuite des criminels, violée par deux hommes dans un champ de cannes à sucre, d’abord sur le capot de la voiture puis au sol, transportée ligotée et bâillonnée dans la voiture, avant d’être séquestrée dans une maison isolée pendant deux jours, violée à nouveau, et enfin abandonnée attachée sur le lit sur lequel elle avait été violée.

Le caractère particulièrement sordide de ces faits nécessite une indemnisation qui tiennent compte des immenses souffrances tant physiques que psychiques subies par Madame X au moment des faits, de l’angoisse permanente de mourir pendant les deux jours qu’a duré son calvaire, mais aussi de la persistance de ces souffrances et angoisses jusqu’à la date de la consolidation, comme en attestent les experts.

Les souffrances endurées jusqu’à la date de consolidation, en ce compris l’angoisse de mort imminente, peuvent être qualifiées d’exceptionnelles et seront justement évaluées à la somme de 100'000 euros. Le jugement sera réformé en ce sens.

2- Préjudices extra patrimoniaux permanents.

Sur le déficit fonctionnel permanent

Ce poste tend à indemniser la réduction définitive (après consolidation) du potentiel physique, psychosensoriel, ou intellectuel résultant de l’atteinte à l’intégrité anatomo-physiologique, à laquelle s’ajoute les phénomènes douloureux et les répercussions psychologiques, et notamment le préjudice moral et les troubles dans les conditions d’existence (personnelles, familiales et sociales).

Il s’agit, pour la période postérieure à la consolidation, de la perte de qualité de vie, des souffrances après consolidation et des troubles ressentis par la victime dans ses conditions d’existence (personnelles, familiales et sociales) du fait des séquelles tant physiques que mentales qu’elle conserve.

L’expert a évalué à 35'% le déficit fonctionnel permanent.

La CIVI a fixé le montant de l’indemnité à ce titre à la somme de 119'000 euros, en retenant une valeur de point de 3'400 euros. Le FGTI en demande la confirmation.

Appelante sur ce poste de préjudice, Madame B X réitère la demande formulée en première instance d’un montant de 180'000 euros, faisant valoir que les experts n’ont pas intégré à leur calcul du DFP l’angoisse de mort imminente postérieure à la date de la consolidation.

Elle soutient que l’angoisse de mort imminente, dès lors qu’elle se poursuit au delà de la date de la consolidation, doit être indemnisée au titre du déficit fonctionnel permanent, mais que les experts en ont fait un chef de préjudice distinct de leur évaluation au titre du DFP, ce qui est exact.

Il résulte en effet des constatations des experts que l’angoisse de mort n’a plus quitté Madame X depuis les faits, même postérieurement à sa consolidation, dès lors que plus de 7 ans après les crimes subis, elle a encore exprimé aux experts sa crainte d’être retrouvée par ses agresseurs, et continue d’adopter des attitudes de phobie sociale et d’évitement.

Compte tenu de ces éléments, mais également de l’anhédonie totale relevée par les experts chez Madame X, qui a perdu toute envie et tout plaisir dans l’existence, se trouve cloîtrée, isolée, semi-mutique et dans un état de «'survie par l’investissement du quotidien'», la valeur du point doit être fixée à 4 000 euros, et le préjudice issu du déficit fonctionnel permanent de 35'% être en conséquence fixé à 35'x 4 000 euros = 140'000 euros.

Sur le préjudice sexuel

L’expertise révèle que le préjudice sexuel est réel par perte de la libido et l’incapacité de fréquenter un homme, qui provoque une reviviscence insupportable.

La CIVI a accordé à Madame B X la somme de 35'000 euros au titre du préjudice sexuel.

Le FGTI propose une indemnité réduite à 10'000 euros, faisant valoir que le préjudice sexuel de Madame X est uniquement lié à l’une des trois branches de ce chef de préjudice, à savoir la perte de libido, à l’exclusion des deux autres branches que sont le préjudice morphologique et le préjudice lié à une impossibilité ou une difficulté à procréer.

Madame B X maintient sa demande initiale d’une indemnité de 50'000 euros, soutenant notamment qu’elle se trouve à l’âge où elle devrait être en mesure de se construire une vie affective et sexuelle.

La perte totale de libido et l’impossibilité de fréquenter un homme sans être rattrapée par son traumatisme justifient la fixation de ce poste de préjudice à la somme de 35'000 euros, comme l’a justement apprécié la CIVI, dont la décision sera confirmée sur ce point.

Sur le préjudice d’établissement

Le préjudice d’établissement consiste en la perte d’espoir et de chance normale de réaliser un projet de vie familiale en raison de la gravité de l’incapacité de la victime.

L’expertise a relevé un préjudice d’établissement dans le sens où Madame X s’est imposé une émigration volontaire pour la métropole où elle n’a guère d’attache et où la volonté d’annuler le passé ne lui permet pas de rétablir des liens amicaux ou intimes. On peut penser que la succession des logements qu’elle a traversés est due, certes à sa précarité sociale, mais également à la fuite de son passé.

Les experts ont en outre relevé qu’il n’y a pas chez Madame X de perspective d’avenir

et de vision du futur, pour ce qui est de la reconstruction d’une vie familiale, qui devait être son idéal, compte-tenu de son entourage familial et de son intégration dans sa belle-famille.

Les attestations produites par Madame X révèlent en effet qu’elle vivait en couple avec Monsieur A depuis 5 ans et qu’elle partageait sa vie familiale, en particulier avec les enfants de celui-ci.

La CIVI a accordé à Madame X la somme de 35'000 euros au titre du préjudice d’établissement.

Le FGTI estime cette somme excessive et propose de la ramener à 10'000 euros.

Madame B X demande la somme de 50'000 euros, comme en première instance.

Les constatations précitées des experts, l’absence totale de perspective ainsi que le jeune âge de Madame X justifient la confirmation de décision de la CIVI sur la fixation du préjudice d’établissement à la somme de 35'000 euros.

II- Sur le préjudice de Madame B X en sa qualité de victime par ricochet

La CIVI a accordé à Madame B X la somme de 40'000 euros au titre du préjudice d’affection du fait de la perte de son concubin.

Le FGTI n’a pas contesté ce montant.

Appelante sur ce chef de préjudice, Madame B X sollicite la somme de 80'000 euros, demandée en première instance au titre de son préjudice moral et d’affection.

Il est démontré que Madame B X a emménagé très jeune avec Monsieur A, âgée d’à peine 18 ans, et qu’ils ont partagé une vie commune pendant 5 ans jusqu’au 30 août 2008, jour où celle-ci a été le témoin du meurtre de son compagnon dans des conditions particulièrement atroces. Il est également établi qu’elle était bien intégrée à sa belle-famille et qu’elle fréquentait régulièrement les enfants de son compagnon.

Ces éléments justifient l’allocation d’une somme de 40'000 euros au titre du préjudice moral et d’affection, qui a été justement apprécié par la CIVI, dont la décision sera confirmée sur ce point.

III- Sur les autres demandes

Les sommes dues en indemnisation des préjudices de Madame X portent intérêts au taux légal à compter du jugement à concurrence des sommes allouées par le jugement, et à compter de la présente décision pour le surplus.

La demande d’exécution provisoire est sans objet, s’agissant d’une décision rendue en appel.

En raison de la nature du litige, les dépens d’appel seront laissés à la charge du Trésor public.

Il n’est pas inéquitable, en raison de l’issue du litige, d’allouer à Madame X la somme de 3'000 euros, dont distraction au profit de Maître Y, sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Statuant par arrêt contradictoire, rendu par mise à disposition au greffe,

INFIRME le jugement de la commission d’indemnisation des victimes d’infractions du tribunal de grande instance de Fort-de-France du 13 décembre 2018 en ce qu’il a alloué à Madame B X ès qualités de victime directe :

- Au titre des pertes de gains professionnels : 26'149,11 euros

- Au titre de la perte de gains professionnels futurs : 88'079,13 euros,

- Au titre du déficit fonctionnel temporaire : 29'942 euros,

- Au titre des souffrances endurées (alignées avec le préjudice d’angoisse de mort imminente) : 60'000 euros,

- Au titre du déficit fonctionnel permanent : 119'000 euros,

Soit une indemnité totale de 476'545,24 euros, dont à déduire la provision de 45'000 euros.

Statuant à nouveau,

DEBOUTE Madame B X de sa demande au titre de la perte de gains professionnels futurs ;

ALLOUE à Madame B X ès qualité de victime directe :

- Au titre des pertes de gains professionnels : 5'126,45 euros, portant intérêt au taux légal à compter du jugement du 13 décembre 2018 ;

- Au titre du déficit fonctionnel temporaire : 34'180 euros, dont 29'942 euros portant intérêts au taux légal à compter du jugement du 13 décembre 2018, et 4'238 euros portant intérêts au taux légal à compter de la présente décision ;

- Au titre des souffrances endurées, en ce compris le préjudice d’angoisse de mort imminente : 100'000 euros, dont 60'000 euros portant intérêts au taux légal à compter du jugement du 13 décembre 2018, et 40'000 euros portant intérêts au taux légal à compter de la présente décision ;

- Au titre du déficit fonctionnel permanent : 140'000 euros, dont 119'000 euros portant intérêts au taux légal à compter du jugement du 13 décembre 2018, et 21'000 euros portant intérêts au taux légal à compter de la présente décision ;

Soit une indemnité totale, au titre de tous les préjudices confirmés et fixés par la présente décision, d’un montant de 472'681,45 euros dont à déduire la provision de 45'000 euros ;

Y ajoutant,

DIT que la demande d’exécution provisoire est sans objet ;

FIXE à 3'000 euros le montant de l’indemnité due à Madame B X au titre des frais irrépétibles d’appel sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

DIT que le fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d’autres infractions procèdera au règlement de toutes les sommes fixées par le présent arrêt au bénéfice de Madame B X ;

DIT que les dépens d’appel resteront à la charge du Trésor public.

Signé par Mme Christine PARIS, Présidente de Chambre et Mme Béatrice PIERRE-GABRIEL, Greffière, lors du prononcé à laquelle la minute a été remise.

LA GREFFIERE, LA PRESIDENTE,

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Textes cités dans la décision

  1. Code de procédure civile
  2. Code civil
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Cour d'appel de Fort-de-France, Chambre civile, 12 janvier 2021, n° 19/00017