Cour d'appel de Grenoble, 5 juin 2015, n° 14/03401

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Grenoble, 5 juin 2015, n° 14/03401
Juridiction : Cour d'appel de Grenoble
Numéro(s) : 14/03401
Décision précédente : Tribunal de grande instance de Vienne, 17 juin 2014

Sur les parties

Texte intégral

RG N° 14/03401

N° Minute :

Notification aux parties

par LRAR le

Copies aux avocats

délivrées le

Copie exécutoire

délivrée le

à

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE GRENOBLE

JURIDICTION DU PREMIER PRESIDENT

ORDONNANCE DU VENDREDI 05 JUIN 2015

Appel formé le 18 Juillet 2014 contre une décision rendue par le juge des libertés et de la détention du tribunal de grande instance de Vienne en date du 18 Juin 2014

ENTRE :

APPELANT

SA VERNAL INVESTMENT prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège

c/o MMG Trust (BVI) Corp. XXX

représentée par la SELARL MOULINIER DULATIER ET ASSOCIES, Maître Rémi LLINAS, avocat au barreau de LYON, avocat plaidant et par Me Denis DREYFUS de la SELARL CDMF AVOCATS, avocat au barreau de GRENOBLE, avocat postulant

ET :

INTIME

Le Directeur Général des Finances Publiques, représenté par l’Administrateur Général des Finances Publiques, chargé de la Direction Nationale d’Enquête Fiscale

XXX

XXX

représenté par Me Jean DI FRANCESCO, avocat au barreau de PARIS

DEBATS :

A l’audience publique du 03 Avril 2015 tenue par Gérard MEIGNIE, premier président, assisté de Patrick CHABRIDON, greffier

ORDONNANCE : contradictoire

Prononcée publiquement le 05 Juin 2015 par mise à disposition de l’ordonnance au greffe de la cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au 2e alinéa de l’article 450 du code de procédure civile,

Signée par Gérard MEIGNIE, premier président, et par Patrick CHABRIDON, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

RAPPEL DES FAITS :

Le 18 juin 2014, un inspecteur des finances publiques en poste à la direction nationale des enquêtes fiscales a présenté une requête au juge des libertés du tribunal de Vienne aux fins d’être autorisé selon les prescriptions de l’article L16 B du livre des procédures fiscales, à procéder à des visites domiciliaires dans des locaux situés à Faramans, susceptibles d’être occupés par la société FG Industries et/ou la SCI Safranier et/ou la société Vernal Investment et dans des locaux situés à XXX-X susceptibles d’être occupés par FG Industries et/ou la société Vernal Investment.

Au soutien de cette demande il était exposé que selon des renseignements anonymes reçus par un contrôleur des Finances publiques en poste en Isère, la société Vernal Investment SA, ayant pour activité d’être une holding, ayant son siège dans le Iles Vierges britanniques et détenue par D Y Z exerçait en 2010 et 2011 une activité de négoce international à partir de la société FG Industries SAS (FG : Z Gilibert), dirigée par A B, qui mettait à sa disposition des commerciaux.

A l’adresse de la société Vernal Investment aux Iles Vierges britanniques, sont répertoriées 62 autres sociétés et un cabinet d’avocats spécialisé dans les services fiduciaires d’où il est présumé qu’il ne s’agit que d’une adresse de domiciliation.

Dans un arrêt de la cour de cassation du 23 mars 2011, Y Z el Achkar est présenté comme le dirigeant de la société Vernal Investment. Il est également président fondateur du groupe Z présent en Afrique où il dispose de divers comptes bancaires avec une adresse du titulaire à Ouagadougou au Burkina Faso et d’autres avec une adresse à Paris.

Au Cameroun la SARL Sacam, faisant partie du groupe Z, se présente comme le distributeur de la marque Skoda.

Selon la société Skoda, son importateur exclusif au Mali, Cameroun, Cote d’Ivoire et Togo est la société Vernal Investment qui est joignable à un numéro de téléphone et une adresse de messagerie électronique qui sont tous deux attribués à la société FG Industries située à Faramans où elle a pour activité la fabrication de machines agricoles et forestières.

Cette dernière est détenue majoritairement par Y D Z.

Il en est déduit la présomption que la société Vernal Investment qui dispose aussi de 11 comptes bancaires actifs en France et 3 à Monaco utilise ou utilisait les moyens humains et matériels de la société FG Industries à Faramans et de moyens financiers en France.

D Y Z el Achkar a fait l’objet d’une précédente ordonnance d’autorisation de saisie en 2005 délivrée par un juge de Montargis et dans les éléments présentés, il apparaissait divers mouvements entre des sociétés contrôlées par lui.

Il en est déduit une continuité d’exploitation de la société Vernal Investment en France qui cependant n’est pas connue des services des impôts de XXX-X pour l’exercice d’une activité professionnelle et elle n’a pas déposé de déclarations d’impôt sur les sociétés ni de déclarations de TVA.

Il en est déduit aussi que la société FG Indsutries SAS est susceptible de détenir dans les locaux qu’elle occupe, tant à Faramans avec la SCI Safranier qu’à XXX-X, des documents et ou des supports d’information relatifs à la fraude présumée.

Par ordonnance du 18 juin 2014, les autorisations de visite sollicitées ont été accordées.

Ces opérations ont eu lieu le 26 juin 2014, au cours desquelles l’ordonnance a été notifiée au représentant présent de la société FG Industries.

Appel a été relevé à l’encontre de l’ordonnance le 18 juillet 2014 par la SA Vernal Investment.

MOYENS DES PARTIES :

Aux termes des ses conclusions, la société Vernal Investment SA demande d’infirmer l’ordonnance du juge des libertés et de condamner la Direction nationale des enquêtes fiscales au paiement de 3000€ pour frais de procès sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Au soutien de son recours, elle fait valoir :

* Au fond :

— le caractère illicite des éléments de preuve en ce qu’ils sont constitués de renseignements anonymes, ce qui n’est pas permis pour l’obtention d’une autorisation de visite domiciliaire, puisque l’article L10-0A du livre des procédures fiscales [il s’agit plus exactement de l’article L10-0AA] dans sa rédaction résultant de la loi du 6 décembre 2013 qui permet désormais l’utilisation de renseignements anonymes n’est pas applicable pour les autorisation de visites domiciliaires.

— une telle déclaration anonyme ne permet pas au juge de contrôler précisément l’origine régulière des renseignements et par suite exercer son contrôle concret.

— les autres éléments produits ne permettent pas de confirmer la fiabilité de cette information. Il s’agit de documents remontant aux années 2002 à 2005, soit bien antérieurs à la fraude présumée commise en 2010/2011. Au surplus la régularité d’une saisie antérieure ayant été contestée, la procédure de rectification engagée contre la société Vernal a été abandonnée.

— une telle déclaration anonyme ne peut constituer une présomption suffisante de l’existence d’une fraude fiscale.

— le contenu de la déclaration est des plus succincts, sans précision sur les produits commercialisés sur le territoire français, ni sur l’intervention supposée de A B dans cette activité, ni sur les commerciaux impliqués dans cette activité.

A l’audience, oralement, il est ajouté que les éléments devant corroborer une dénonciation anonyme doivent être postérieurs à celle-ci.

* En la forme :

— l’ordonnance a été prérédigée par les services fiscaux dans les mêmes termes qu’une ordonnance délivrée par le juge des libertés de Montargis.

— le juge a statué le jour même de présentation de l’ordonnance, alors qu’un volume important de documents lui était soumis.

— une telle pratique, certes validée par la jurisprudence de la Cour de cassation, est cependant contraire aux exigences de l’article 6 de la convention européenne des droits de l’homme.

Le Directeur général des finances publiques en réponse conclut à la confirmation de l’ordonnance et à la condamnation de la société appelante au paiement d’une indemnité pour frais de procès de 2000 €.

Il fait valoir :

— sur la forme que rien n’autorise l’appelante à suspecter que le juge se serait dispensé de contrôler les pièces soumises à son appréciation avant de rendre dans le délai qu’il avait décidé l’ordonnance autorisant la visite domiciliaire.

— sur le fond que l’introduction au livre des procédures fiscales d’un nouvel article L10-0AA n’entraîne aucune interdiction pour l’administration de produire une dénonciation anonyme dans la cadre d’une visite domiciliaire. L’article L126 B du même livre contraint toujours l’administration à produire des pièces obtenus licitement.

— l’emploi d’une déclaration anonyme n’est pas illicite, mais impose seulement de la corroborer par d’autres éléments d’information.

— en l’espèce les autres éléments produits permettent de présumer un agissement de fraude.

Lors des débats à l’audience, le conseil de la société Vernal a demandé que le procès verbal de saisie soit écarté des débats pour apprécier le recours contre l’ordonnance autorisant la saisie.

MOTIFS DE L’ORDONNANCE :

Attendu en droit que l’article L16 B du livre des procédures fiscales permet à l’autorité judiciaire, sur la demande de représentants de l’administration fiscale, lorsqu’il existe des présomptions de fraude portant sur des achats ou ventes sans factures, sur des factures ou documents ne se rapportant pas à des opérations réelles, sur des écritures comptables obligatoires inexactes ou fictives, d’autoriser les visites domiciliaires même en des lieux privés pour y rechercher et saisir toutes pièces et documents tendant à rapporter la preuve d’agissements frauduleux ;

Attendu que les représentants de l’administration fiscale doivent joindre à leur demande tous les éléments d’information en leur possession de nature à justifier la visite et le juge doit vérifier concrètement que la demande d’autorisation qui lui est soumise est bien fondée, en motivant sa décision par l’indication des éléments de fait et de droit qu’il retient et qu’il est présumé l’existence d’agissements frauduleux dont la preuve est recherchée ;

— Sur les procès verbaux de saisie :

Attendu que les procès-verbaux de visite et du compte-rendu de celle-ci n’ont pas lieu d’être examinés dans le cadre du présent recours qui doit l’être au seul vu des pièces qui ont été soumises au premier juge ;

Que la demande orale de voir écarter des débats ces procès verbaux se trouve nécessairement satisfaite ;

— Sur la forme :

Attendu en droit que ni l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme, ni les articles 455 et 458 du code de procédure civile invoqués par la société appelante n’interdisent à un requérant de présenter à l’appui de sa requête un projet d’ordonnance que le juge reste toujours libre de ne pas reprendre ou de modifier ;

Qu’en l’espèce rien ne permet en tous cas en l’espèce de présumer l’ineffectivité de son contrôle ;

Qu’en outre dans une procédure non contradictoire compte tenu de sa finalité, telle qu’une procédure sur requête qui ménage ensuite un recours effectif ultérieur, le juge ne peut évidemment s’appuyer que sur les motifs qui sont avancés par le requérant et les pièces produites par lui, sauf à refuser l’autorisation requise s’il estime qu’ils lui apparaissent insuffisants ;

Qu’enfin le volume des pièces jointes n’est pas tel qu’il ne permette un examen le jour même de la présentation de la requête ;

Que le moyen ne saurait prospérer ;

— Sur le caractère licite ou non des déclarations anonymes et le bien fondé de la requête :

Attendu en droit qu’il n’est nullement interdit au juge de se fonder sur une déclaration anonyme à la condition que celle-ci soit corroborée par des éléments extérieurs, que ceux-ci soient postérieurs ou antérieurs à ladite dénonciation ;

Qu’en l’espèce il a été produit une attestation établie le 11 juin 2014 par un contrôleur des Finances publiques en résidence à Grenoble, selon laquelle une personne désirant garder l’anonymat lui faisait part de ce que la SA Vernal Investment avait exercé en 2010 et 2011 une activité de négoce dans le secteur du commerce international à partir des locaux de la société FG industrie, étant précisé que les deux sociétés avaient la même personne physique comme directeur à savoir A B ;

Que cette information anonyme, insuffisante en elle-même à autoriser la visite, a bien été corroborée par divers éléments extérieurs tendant à faire présumer une fraude fiscale ;

Qu’en effet, il a été justifié de ce que la société Skoda fournisseur de Vernal Investment en divers pays d’Afrique, faisait figurer sur son site internet que cette société Vernal était était joignable à un numéro de téléphone et une messagerie électronique dont il est apparu qu’ils étaient attribués à la société FG Industries à Faramans ;

Que ces éléments, complétés par d’autres plus anciens relatifs aux liens entre les différentes personnes morales et leurs dirigeants tels qu’il sont rappelés dans la requête et repris ci-avant, sont suffisants pour laisser présumer une fraude puisque la société Vernal ne dépose pas de déclarations aux services des impôts compétents pour l’activité qu’elle est susceptible d’exercer depuis les établissement situés à Faramans et XXX- X ;

Que le moyen au fond ne saurait davantage prospérer ;

— Sur les frais de procès :

Attendu que la société appelante qui succombe en ses prétentions sera condamnée aux dépens et à payer à son adversaire une somme de 2000 € pour autres frais de procès sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

PAR CES MOTIFS :

Nous, Gérard MEIGNIE, premier président de la cour d’appel de Grenoble, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,

DISONS que les procès verbaux relatant les opérations de visite et la saisie de documents n’ont pas lieu d’être examinés dans le cadre du recours contre l’ordonnance ayant autorisé ces opérations,

CONFIRMONS l’ordonnance déférée,

CONDAMNONS la société Vernal Investment aux dépens et au paiement au directeur général des Finances publiques d’une somme de 2000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Le greffier Le premier président

P. CHABRIDON G. MEIGNIE

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