Cour d'appel de Grenoble, Ch. sociale -section a, 2 mai 2017, n° 14/05832

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Grenoble, ch. soc. -sect. a, 2 mai 2017, n° 14/05832
Juridiction : Cour d'appel de Grenoble
Numéro(s) : 14/05832
Décision précédente : Conseil de prud'hommes de Gap, 30 novembre 2014, N° F13/00108
Dispositif : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Sur les parties

Texte intégral

MPB

RG N° 14/05832

N° Minute :

Notifié le :

Copie exécutoire délivrée le :

Me Philippe LECOYER

Me Kader SEBBAR

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE GRENOBLE Ch. Sociale -Section A ARRÊT DU MARDI 2 MAI 2017 Appel d’une décision (N° RG F13/00108)

rendue par le Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de GAP

en date du 01 décembre 2014

suivant déclarations d’appel du 09 Décembre 2014

APPELANTS et INTIMES :

ADSEA 05, prise en la personne de son Président en exercice domicilié en cette qualité audit siège

XXX

XXX

XXX

représentée par Me Philippe LECOYER, avocat au barreau de HAUTES-ALPES substitué par Me Franck MILLIAS, avocat au barreau de HAUTES-ALPES

Monsieur B X

XXX

XXX

représenté par Me Kader SEBBAR, avocat au barreau de HAUTES-ALPES

COMPOSITION DE LA COUR : LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Madame Anne CAMUGLI, Président

Madame Marie Pascale BLANCHARD, Conseiller,

Madame Claire GADAT, Conseiller,

DÉBATS :

A l’audience publique du 22 Novembre 2016,

Mme BLANCHARD, chargée du rapport, a entendu les parties en leurs conclusions et plaidoiries, assistée de Mme Ingrid ANDRIEUX, Greffier, conformément aux dispositions de l’article 945-1 du code de procédure civile, les parties ne s’y étant pas opposées ;

Puis l’affaire a été mise en délibéré au 28 Février 2017 prorogé jusqu’au 2 mai 2017, délibéré au cours duquel il a été rendu compte des débats à la Cour.

L’arrêt a été rendu le 2 Mai 2017.

RG N° 14/05832

M B X a été recruté en qualité de moniteur éducateur par l’ASSOCIATION DEPARTEMENTALE POUR LA SAUVEGARDE DES ENFANTS ET DES ADULTES DES HAUTES ALPES (ADSEA) à compter du 3 juillet 2006. Il a été affecté au CEFTP d’Aspres sur Buëch.

En mars 2013, une salariée a dénoncé des faits de harcèlement moral et l’ADSEA a procédé à une enquête interne.

Le 13 mai 2013, l’ADSEA a convoqué M X à un entretien préalable et lui a notifié une mise à pied conservatoire.

Par lettre recommandée du 31 mai suivant, M X a été licencié pour faute grave.

M X a contesté le licenciement devant le conseil de prud’hommes de Gap qui, par jugement en date du 1er décembre 2014, a :

— déclaré la rupture du contrat de travail sans cause réelle et sérieuse ;

— condamné l’ADSEA à payer à M X les sommes de :

1 300 euros bruts à titre de rappel de salaire ;

130 euros bruts à titre d’indemnité compensatrice de congés payés ;

4 442 euros bruts à titre d’indemnité de préavis ;

444,20 euros bruts à titre d’ indemnité compensatrice de congés payés ;

13 350 euros nets à titre de dommages et intérêts ;

950 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile; – ordonné la délivrance des documents sociaux conformes ;

— ordonné le remboursement aux organismes intéressés des indemnités de chômage – - versées au salarié licencié, dans la limite de six mois ;

— débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires ;

— condamné l’ADSEA aux dépens.

L’ADSEA et M X ont interjeté appel par déclaration au greffe du 9 décembre 2014 enregistrées respectivement les 12 et 15 décembre 2014.

Vu les conclusions de l’ADSEA 05 reprises dans ses explications orales à l’audience du 22 novembre 2016, auxquelles il est fait expressément référence pour l’exposé de ses moyens et au terme desquelles elle demande à la cour de :

— infirmer le jugement entrepris en ce qu’il a considéré le licenciement bien fondé et le confirmer pour le surplus ;

— débouter M X de l’intégralité de ses prétentions ;

— condamner M X à lui verser la somme de 2000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Vu les conclusions de M X reprises dans ses explications orales à l’audience du 22 novembre 2016, auxquelles il est fait expressément référence pour l’exposé de ses moyens et au terme desquelles il entend voir :

— dire et juger nul le licenciement ;

— condamner l’employeur à communiquer le témoignage de Mme C D sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

— condamner l’employeur à lui verser les sommes de :

—  53 304 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement abusif ;

—  12 000 euros en réparation de son préjudice moral tenant aux conditions vexatoires de la rupture ;

—  30 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement discriminatoire ;

—  1300 euros bruts à titre de rappel de salaire ;

—  130 euros bruts à titre d’ indemnité compensatrice de congés payés ;

—  4442 euros bruts à titre d’indemnité de préavis ;

—  444 euros bruts à titre d’indemnité compensatrice de congés payés ;

—  2221 euros en paiement des congés payés ;

—  2500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DECISION : 1°) sur le licenciement :

Selon la lettre de licenciement du 31 mai 2013, qui fixe les limites du litige, le grief énoncé par l’ADSEA comme motif de la sanction disciplinaire est le harcèlement moral à l’égard d’une salariée et de plusieurs anciens salariés de l’établissement d’Aspres sur Buëch, comportement révélé par une enquête sur les conditions de travail de la salariée concernée.

Ce grief constitue un motif précis et vérifiable au sens des dispositions de l’article 1232-6 du code du travail qui n’imposent pas à l’employeur de détailler des faits datés, la possibilité lui étant offerte en cas de litige d’invoquer les circonstances de fait justifiant le motif.

Selon l’article L.1152-1 du code du travail, le harcèlement moral se caractérise par des agissements répétés ayant pour objet ou effet de dégrader les conditions de travail du salarié victime, cette dégradation constituant une atteinte potentielle à ses droits, sa dignité, sa santé physique ou mentale, ou sa carrière.

Dans un courrier du 13 mars 2013, Mme Y, recrutée en octobre 2012, s’est plainte du comportement adopté à son égard par son collègue, M X, qui selon ses dires refusait de lui dire bonjour, sortait du bureau dès qu’elle s’y présentait, lui faisait des reproches injustifiés, ne lui parlait pas lorsqu’ils travaillaient en binôme ou se montrait agressif à son égard, lui faisait peur. Elle a fait état de sa crainte de devoir s’adresser à lui, de sa difficulté à travailler dans ces conditions et à trouver sa place dans l’équipe, exprimant : « je viens travailler avec la boule au ventre ».

Mme Z, psychologue de l’établissement, relate elle aussi une rencontre avec M X empreinte d’agressivité, suivie de l’adoption à son égard d’un comportement discourtois et d’évitement.

Mme A a également témoigné d’un comportement agressif de M X à son égard.

L’enquête conduite par l’ADSEA a consisté en l’audition de Mme Y, de M X et de sept autres salariés ou ex salariés, par le directeur de l’établissement, la responsable des ressources humaines et un délégué du personnel.

Ces auditions ont confirmé les difficultés relationnelles entre M X et Mme Y, mais également avec d’autres salariés et ex-salariés de l’établissement (Mme A).

De leurs déclarations, il ressort à l’égard de plusieurs salariés des manifestations d’agressivité de la part de M X, alternant avec des attitudes d’indifférence marquées par le refus des salutations d’usage, voire du moindre échange.

Il a également été fait état de l’utilisation par M X à l’égard de l’un d’entre eux du sobriquet ('crâne d’oeuf') qui lui était attribué par les jeunes du centre et de la tenue de propos méprisants et dégradants à l’égard de ce collègue.

L’enquête a ainsi fait ressortir le « positionnement professionnel négatif » de M X à l’égard de certains de ses collègues les mettant en difficultés dans leur exercice professionnel, un comportement d’abstention hostile générant des relations de travail tendues, voire la peur de son contact et de ses réactions.

M X qui requiert la production du compte rendu d’audition de Mme D, n’explique pas en quoi cette audition, si elle a eu lieu, serait déterminante puisqu’à la supposer favorable pour lui, elle ne rendrait compte que de l’état des relations qu’il a eu avec cette personne, sans pour autant invalider les déclarations concordantes des autres salariés qui relèvent que son comportement variait d’une personne à l’autre, ce que démontrent parfaitement les témoignages qu’il produit lui même en sa faveur.

Il apparaît que les comportement décrits à l’encontre de M X ont dégradé les conditions de travail de plusieurs de ses collègues, dont certains ont choisi de quitter l’établissement, et ont eu, notamment en ce qui concerne Mme Y, des retentissements sur la santé psychique.

Les faits de harcèlement moral ainsi caractérisés constituent une cause réelle et sérieuse de licenciement disciplinaire et ne permettaient effectivement pas son maintien au sein de l’établissement, justifiant la faute grave retenue à son encontre.

En conséquence, le jugement du conseil de prud’hommes de Gap sera infirmé et M X sera débouté de ses demandes financières relatives à la mise à pied et au licenciement.

2°) sur la discrimination :

Aux termes de l’article L.1132-1 du code du travail, aucun salarié ne peut être sanctionné ou licencié en raison de son origine, de son sexe, de ses m’urs, de son orientation sexuelle, de son âge, de sa situation de famille ou de sa grossesse, de ses caractéristiques génétiques, de son appartenance ou de sa non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation ou une race, de ses opinions politiques, de ses activités syndicales ou mutualistes, de ses convictions religieuses, de son apparence physique, de son nom de famille ou en raison de son état de santé ou de son handicap.

L’article L.1134-1 du code du travail prévoit qu’en cas de litige relatif à l’application de ce texte, le salarié concerné présente des éléments de fait laissant supposer l’existence d’une discrimination directe ou indirecte telle que définie par l’article 1er de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008, au vu desquels il incombe à l’employeur de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination, et le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles.

Si M X invoque le fait que son licenciement a été motivé par ses origines, il ne produit aucun élément de nature à étayer ses affirmations.

En l’état des explications et des pièces fournies, la matérialité d’éléments de fait précis et concordants laissant supposer l’existence d’une discrimination directe ou indirecte n’est pas démontrée.

Les demandes de M X relatives à la discrimination et au licenciement ne peuvent qu’être rejetées et le jugement du conseil de prud’hommes sera confirmé sur ce point.

3°) sur la demande en paiement de l’indemnité compensatrice de congés payés :

Aucun des éléments produits devant la cour ne permettent à M X d’établir qu’il n’a pas été indemnisé des jours de congés acquis dont la rupture de son contrat de travail l’a empêché de bénéficier.

C’est donc à bon droit que le conseil de prud’hommes a rejeté sa demande en paiement et sa décision sera confirmée.

4°) sur l’application de l’article 700 du code de procédure civile :

Aucune considération d’équité n’impose de faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile à l’encontre de M X et la demande de l’ADSEA sera rejetée.

PAR CES MOTIFS : La Cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, après en avoir délibéré conformément à la loi,

INFIRME partiellement le jugement du conseil de prud’hommes de Gap en ce qu’il a déclaré la rupture du contrat de travail sans cause réelle et sérieuse et condamné l’ASSOCIATION DEPARTEMENTALE POUR LA SAUVEGARDE DES ENFANTS ET DES ADULTES DES HAUTES ALPES à verser à M B X diverses sommes à titre de rappel de salaire, d’indemnité compensatrice de licenciement, d’indemnité compensatrice de congés payés et de dommages et intérêts, ainsi qu’à la charge des dépens ;

Statuant à nouveau ;

DEBOUTE M B X de ses demandes fondées sur le licenciement ;

CONFIRME le jugement pour le surplus ;

DEBOUTE l’ASSOCIATION DEPARTEMENTALE POUR LA SAUVEGARDE DES ENFANTS ET DES ADULTES DES HAUTES ALPES de sa demande fondée sur l’article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE M B X aux dépens de première instance et d’appel.

Prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

Signé par Madame CAMUGLI, Président, et par Madame ANDRIEUX, Greffier, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

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