Cour d'appel de Lyon, 20 février 2013, n° 12/02540

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Lyon, 20 févr. 2013, n° 12/02540
Juridiction : Cour d'appel de Lyon
Numéro(s) : 12/02540
Décision précédente : Conseil de prud'hommes de Lyon, 1er mars 2012, N° F10/02691

Sur les parties

Texte intégral

AFFAIRE PRUD’HOMALE

X

R.G : 12/02540

Y

C/

ASSOCIATION SOCIETE LYONNAISE POUR L’ENFANCE ET L’ADOLESCENCE

APPEL D’UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de LYON

du 02 Mars 2012

RG : F 10/02691

COUR D’APPEL DE LYON

CHAMBRE SOCIALE A

ARRÊT DU 20 FEVRIER 2013

APPELANTE :

A Y

née le XXX à XXX

XXX

XXX

comparant en personne, assistée de Me Jean-michel PENIN, avocat au barreau de LYON

INTIMÉE :

ASSOCIATION SOCIETE LYONNAISE POUR L’ENFANCE ET L’ADOLESCENCE

XXX

XXX

représentée par la SCP JOSEPH AGUERA & ASSOCIES (Me Christian BROCHARD), avocats au barreau de LYON substituée par la SCP JOSEPH AGUERA ET ASSOCIES (Me Géraldine MOUGENOT), avocats au barreau de LYON

DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 14 Novembre 2012

Présidée par Mireille SEMERIVA, Conseiller, magistrat X, (sans opposition des parties dûment avisées) qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré, assistée pendant les débats de Sophie MASCRIER, Greffier.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Didier JOLY, Président

Hervé GUILBERT, Conseiller

Mireille SEMERIVA, Conseiller

ARRÊT : CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement le 20 Février 2013 par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;

Signé par Didier JOLY, Président et par Sophie MASCRIER, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

********************

EXPOSE DU LITIGE :

Le 7 janvier 2002, l’Association rhodanienne pour le développement de l’action sociale a engagé A Y en qualité d’auxiliaire de puériculture, 1er échelon indice 263 de la fonction publique territoriale dans le cadre d’un contrat à durée indéterminée à temps complet.

Ses activités ont été reprises par l’Association société lyonnaise pour l’enfance et l’adolescence (SLEA) et le salaire mensuel brut de base a été fixé en dernier lieu à 1 495,62 € outre diverses primes.

Après avoir été convoquée à un entretien préalable à un éventuel licenciement et mise à pied à titre conservatoire le 19 mai 2010, A Y a été licenciée pour faute grave par courrier du 28 juin 2010 ainsi libellé :

«  Je vous ai reçue le 3 juin dernier pour entendre vos explications sur les faits qui se sont déroulés le 12 mai 2010 au sein de la crèche Chocolatine.

Ce jour là une violente altercation vous a opposée à l’une de vos collègues de travail, madame Z.

Au mois de janvier 2010 déjà, à l’occasion d’une altercation que vous aviez eue avec une autre de vos collègues, mademoiselle Djelti, nous vous avions dit combien ces comportements, en présence de jeunes enfants et du reste de l’équipe étaient inacceptables.

Force est de constater que vous n’avez pas été en mesure de modifier le mode de vos relations professionnelles avec vos collègues.

Le 12 mai dernier, en effet, Madame Z a été contrainte d’en venir aux mains avec vous compte tenu des propos particulièrement graves, humiliant et dégradants, que vous avez eu envers elle, en présence de témoins, et qui l’ont poussée à bout compte tenu de leur accumulation.

Dans ces conditions, votre maintien dans l’Association s’avère impossible et je vous informe de votre licenciement immédiat pour faute grave."

Contestant le bien fondé de cette mesure, A Y a saisi le Conseil de Prud’hommes de Lyon, section activités diverses, qui, par jugement du 2 mars 2012, l’a déboutée de ses demandes.

A Y a interjeté appel de cette décision par déclaration du 2 avril 2012.

Aux termes de ses conclusions régulièrement communiquées au soutien de ses observations orales du 14 novembre 2012, elle demande à la Cour de dire le licenciement sans cause réelle et sérieuse et de condamner la SLEA à lui payer les sommes de :

' 33 000 € à titre de dommages-intérêts,

' 3 606,66 € à titre d’indemnité compensatrice de préavis et 360,67 € au titre des congés payés afférents,

' 3 116,42 € à titre d’indemnité de licenciement,

' 481 € à titre de rappel de salaire pendant la mise à pied conservatoire et 48,10 € au titre des congés payés afférents,

' 3 000 € en application de l’article 700 du code de procédure civile.

Dans ses écritures régulièrement communiquées au soutien de ses observations orales du 14 novembre 2012, la SLEA conclut à la confirmation du jugement entrepris et à l’allocation d’une indemnité de 1 500 € au titre des frais irrépétibles.

MOTIFS DE LA DECISION :

Le licenciement prononcé pour faute grave a nécessairement un caractère disciplinaire.

Les motifs invoqués par l’employeur doivent être précis, objectifs et vérifiables.

Il résulte des dispositions combinées des articles L 1232-6 et L 1235-1 du code du travail que devant le juge, saisi d’un litige dont la lettre de licenciement fixe les limites, il incombe à l’employeur qui a licencié un salarié pour faute grave, d’une part d’établir l’exactitude des faits imputés à celui-ci dans la lettre, d’autre part de démontrer que ces faits constituent une violation des obligations découlant du contrat de travail ou des relations de travail d’une importance telle qu’elle rend impossible le maintien de ce salarié dans l’entreprise pendant la durée limitée du préavis.

L’employeur reproche à A Y une altercation survenue entre elle et une collègue de travail, C Z, le 12 mai 2010.

Le seul témoin des faits est Maud CORSIN, directrice de la crèche, qui, le jour même, en a fait par courriel le rapport suivant à sa direction:

«  Faits :

Désaccord sur l’aménagement de l’espace dans la section des bébés, explication en ma présence entre Melle Y et Mme Z au sein de la section, en présence de deux bébés.

Le ton commence à monter, je leur demande de sortir de la section pour s’expliquer, aucune possibilité de la part de Melle Y, ne préfère pas dialoguer avec elle, commence à l’incendier « tu es qu’une remplaçante, tu ferais mieux de la fermer, tu es une fouille merde… », Mme Z essaya de se défendre, aucune possibilité, j’interviens à plusieurs reprises pour faire baisser le ton et les stopper sur le champ, impossibilité d’écoute. Melle Y dit à Mme Z 'Dégage« à trois reprises, Mme Z demande des excuses à Melle Y, pas de possibilité, Mme Z en vient aux mains en lui tirant les cheveux et lui donnant un coup à la joue, je m’interpose et les sépare du mieux possible avec difficulté. Chacune parti de leur côté, Melle Y appela la police de suite »je rêve, je me fais agresser sur mon lieu de travail". La police intervient au bout d’un quart d’heure, pris la déposition de chacune et pris mes coordonnées afin que je puisse être entendue.

Melle Y partit car son temps de travail fut fini et Mme Z reprit son travail."

Dans le rapport écrit établi en suivant le même jour, la relation de ces faits a été reprise dans des termes identiques sauf la dernière exclamation de A Y ainsi retranscrite : « Je rêve, je me fais agresser sur mon lieu de travail, ça ne m’étonne pas venant d’elle et surtout d’une noire, qu’elle réagisse comme ça ».

A la suite de ces faits, par jugement du tribunal de police du 24 novembre 2010 devenu définitif, C Z a été déclarée coupable de faits de violences volontaires ayant entraîné une incapacité totale de travail inférieure à 8 jours (3 jours), condamnée à ce titre au paiement d’une amende contraventionnelle de 100 €, déclarée responsable des conséquences dommageables des faits reprochés et condamnée à payer à A Y une somme de 800 € à titre de dommages-intérêts.

L’altercation survenue le 12 mai 2010 est établie.

Les faits tels que décrits immédiatement par Maud CORSIN et réitérés par elle tant dans son rapport écrit que dans son audition par les services de police sont corroborés par le courrier adressé par C Z à la direction de la SLEA le 27 mai 2010.

Les mêmes termes sont utilisés.

A Y qui a eu accès à l’ensemble de la procédure en sa qualité de partie civile ne produit pas les procès-verbaux d’audition qui ont été établis par les services de police lorsqu’elle les a appelés.

On peut en déduire qu’ils ne présentent pas les faits de façon différente.

Le tribunal de police appelé à se prononcer sur les faits de violences volontaires dont elle a été l’objet a déclaré C Z responsable des conséquences des coups infligés. Il n’a pas statué la cause de ces violences et n’écarte donc pas une éventuelle provocation.

Mais le licenciement décidé par la SLEA ne repose que sur ces faits du 12 mai 2010.

Elle ne peut en effet ni se référer à des sanctions dont elle ne fait d’ailleurs pas état dans la lettre de licenciement de licenciement et qui, antérieures de plus de trois ans à la procédure, ne sauraient aggraver les faits allégués, ni à un comportement similaire en janvier 2010 alors qu’après une convocation à un entretien préalable à une sanction, elle ne lui a donné aucune suite.

Elle ne peut pas plus invoquer une accumulation d’agressions de la part de A Y pour expliquer la violence de la réaction de C Z alors que rien ne vient corroborer une telle affirmation et que A Y reprenait son poste après un congé de maladie suivi d’une période de formation.

Aucune injure raciste n’a été proférée ainsi que le répète à plusieurs reprises Maud CORSIN aux services de police sur leur interrogation.

Un tel reproche n’est d’ailleurs pas formulé dans la lettre de licenciement.

Ne restent dès lors que les propos rapportés dans le premier courriel soit « tu es qu’une remplaçante, tu ferais mieux de la fermer, tu es une fouille merde… » et « dégages » répétés à trois reprises.

Ces propos sont inadaptés, déplacés et grossiers.

Ils ne peuvent cependant être appréciés à l’aune de la violence de la réaction qu’ils ont suscitée. C Z a porté des coups ayant entraîné une incapacité de trois jours et elle a été sanctionnée par une mise à pied de trois jours.

Le fait unique reproché à A Y ayant 8 ans d’ancienneté est réel mais insuffisamment sérieux pour justifier un licenciement a fortiori pour faute grave..

Le jugement entrepris sera en conséquence réformé et la SLEA condamnée à payer à A Y les sommes non contestées en leur montant de :

—  3 606,66 € à titre d’indemnité compensatrice de préavis et 360,67 € au titre des congés payés afférents,

—  3 116,42 € à titre d’indemnité légale de licenciement,

—  481 € à titre de rappel de salaire pendant la mise à pied conservatoire et 48,10 € au titre des congés payés afférents.

Aux termes des dispositions combinées des articles L 1235-3 et 1235-5 du code du travail, si le licenciement d’un salarié ayant plus de deux ans d’ancienneté dans une entreprise employant habituellement au moins 11 salariés survient pour une cause qui n’est pas réelle et sérieuse, le juge octroie une indemnité, à la charge de l’employeur, qui ne peut être inférieure aux salaires de six derniers mois.

Agée de 32 ans à la date de la rupture après 8 ans passés dans l’entreprise, A Y a retrouvé un emploi en octobre 2010 en qualité d’éducatrice jeunes enfants assorti d’une rémunération supérieure à la précédente.

Au vu de ces éléments, la SLEA devra lui verser une indemnisation de 11 000 €

PAR CES MOTIFS :

La Cour,

Réforme le jugement entrepris,

Dit le licenciement sans cause réelle et sérieuse,

Condamne l’Association société lyonnaise pour l’enfance et l’adolescence à payer à A Y les sommes de :

—  3 606,66 € à titre d’indemnité compensatrice de préavis et 360,67 € au titre des congés payés afférents,

—  3 116,42 € à titre d’indemnité légale de licenciement,

—  481 € à titre de rappel de salaire pendant la mise à pied conservatoire et 48,10 € au titre des congés payés afférents,

avec intérêts au taux légal à compter de la réception par l’employeur de la convocation devant le bureau de conciliation soit le 5 juillet 2010,

—  11 000 € avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt,

—  2 500 € en application de l’article 700 du code de procédure civile,

Condamne l’Association société lyonnaise pour l’enfance et l’adolescence aux dépens.

Le greffier Le Président

S. MASCRIER D. JOLY

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Textes cités dans la décision

  1. Code de procédure civile
  2. Code du travail
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