Cour d'appel de Lyon, 27 mai 2014, n° 12/09276

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Lyon, 27 mai 2014, n° 12/09276
Juridiction : Cour d'appel de Lyon
Numéro(s) : 12/09276
Décision précédente : Conseil de prud'hommes de Lyon, 17 décembre 2012, N° F10/02019

Texte intégral

AFFAIRE PRUD’HOMALE : COLLÉGIALE

R.G : 12/09276

ASSOCIATION B C

C/

E

APPEL D’UNE DÉCISION DU :

Conseil de prud’hommes – Formation de départage de LYON

du 18 Décembre 2012

RG : F 10/02019

COUR D’APPEL DE LYON

CHAMBRE SOCIALE A

ARRÊT DU 27 MAI 2014

APPELANTE :

ASSOCIATION B C

XXX

69110 SAINTE-FOY-LES-LYON

représentée par Me Stéphane BOURQUELOT de la SELARL CAPSTAN RHONE- ALPES, avocat au barreau de LYON

INTIMÉ :

D E

né le XXX à XXX

XXX

XXX

comparant en personne, assisté de Me Georges MEYER de la SELARL DELGADO & MEYER, avocat au barreau de LYON substituée par Me Catherine BOTTIN-VAILLANT, avocat au barreau de LYON

DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 25 Février 2014

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Didier JOLY, Président

Mireille SEMERIVA, Conseiller

Agnès THAUNAT, Conseiller

Assistés pendant les débats de Sophie MASCRIER, Greffier.

ARRÊT : CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement le 27 Mai 2014, par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;

Signé par Didier JOLY, Président, et par Sophie MASCRIER, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

*************

Le 22 février 2006, D E a été engagé sans contrat écrit par l’association B C en qualité de directeur adjoint du pôle hébergement, responsable vie sociale, au sein du centre Odette WITKOWSKA qui accueillait à Sainte-Foy-lès-Lyon plus de 80 personnes handicapées, dont une soixantaine étaient hébergées sur place.

Son contrat de travail était soumis à la convention collective nationale de l’hospitalisation privée à but non lucratif.

Ses bulletins de paie portaient la mention 'cadre dirigeant'. En dernier lieu, D E bénéficiait de l’échelon 6, coefficient 734 dans la classification applicable et son salaire mensuel brut était de 4 752,14 €. Il disposait d’un logement de fonction.

Dans le cadre de ses fonctions, D E avait pour mission de gérer l’organisation et la coordination du travail de plusieurs services (foyer de vie, foyer d’hébergement, service d’accueil de jour et service d’accompagnement à la vie sociale).

Du 1er décembre 2008 au mois de juin 2009, le centre WITKOWSKA s’est trouvé sans directeur à la suite du départ à la retraite du titulaire du poste.

Certaines prérogatives inhérentes à la fonction de directeur de l’ESAT ont été confiées pendant cette période à des membres du comité de direction ayant le statut de cadre. Des avenants contractuels temporaires ont été signés par l’association B C avec F G, X Y et D E.

Un nouveau directeur, H-I J, a pris ses fonctions en juin 2009.

Il avait sous son autorité :

Z A, responsable qualité/sécurité/hygiène/maintenance,

D E, directeur adjoint hébergement, responsable vie sociale,

X Y, directeur adjoint, responsable vie professionnelle,

F G, gestion financière/comptabilité.

En novembre 2009, D E a tenté d’évoquer sa situation professionnelle avec le président de l’association, mais celui-ci l’a renvoyé vers H-I J.

Une rupture conventionnelle du contrat de travail de D E a été envisagée par H-I J. D’accord sur le principe, le salarié souhaitait au préalable trouver un autre emploi ainsi qu’il l’a indiqué au directeur le 10 décembre 2009.

Par lettre remise en main propre le 4 mars 2010, D E a pris acte de la rupture de son contrat de travail dans les termes suivants :

Depuis plusieurs mois, la relation de travail que vous m’imposez n’est plus compatible avec les règles essentielles de collaboration professionnelle, s’agissant qui plus est de deux cadres dirigeants.

En effet, à plusieurs reprises, vous m’avez demandé avec insistance de quitter l’établissement rapidement, et avez notamment évoqué une rupture conventionnelle que j’ai été contraint d’accepter sur le principe, pour mettre un terme à une relation professionnelle devenue invivable.

Pourtant, vous la différez de plusieurs mois, préférant me voir craquer et démissionner.

Ma santé n’a pas de prix, elle est déjà mise à mal par la manière dont vous me considérez personnellement et celle dont vous considérez le travail que je m’efforce de mener à bien dans le climat délétère d’insécurité qui est installé, faute de soutien de mon supérieur hiérarchique.

Les principaux éléments de cette dégradation de mes conditions de travail sont les suivants:

Demandes répétées de me voir quitter l’établissement,

Multiples tentatives de déstabilisation,

Non transmission d’informations directement liées au service que je gère,

Négation de ma capacité d’action et de ma marge de manoeuvre de cadre dirigeant,

Exigence de soumission inconditionnelle à votre autorité,

Propos et attitudes vexatoires.

Je considère que ces manquements portent atteinte à ma santé et ne me permettent pas de poursuivre la relation de travail. C’est pourquoi je vous notifie par la présente ma décision de prendre acte de la rupture de mon contrat de travail à compter de ce jour.

Par courrier du 9 mars 2010, le directeur du centre WITKOWSKA a contesté les faits évoqués à l’appui de la prise d’acte de la rupture, qui devait, selon lui, produire les effets d’une démission. Il a indiqué à D E qu’il serait libéré de tout engagement après exécution d’un délai de préavis de deux mois soit le 3 mai.

Par lettre du 18 mars 2010, le directeur du centre a fait savoir à D E que son préavis se terminerait le 3 juin 210 compte tenu d’une erreur commise dans le délai de préavis qui était de trois mois en cas de démission.

D E a quitté son poste le 3 mai 2010.

Il a saisi le Conseil de prud’hommes de LYON le 19 mai 2010.

*

* *

LA COUR,

Statuant sur l’appel interjeté le 26 décembre 2012 par l’association B C du jugement rendu le 18 décembre 2012 par la formation de départage du Conseil de prud’hommes de LYON (section encadrement) qui a :

— dit et jugé que la prise d’acte de la rupture de son contrat de travail par D E le 4 mars 2010 doit produire les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse,

— condamné l’association B C à payer à D E les sommes suivantes:

19 008,57 euros de reliquat sur indemnité compensatrice de préavis,

1 900,85 euros au titre des congés payés afférents,

20 592,59 euros à titre d’indemnité de licenciement,

29 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

2 000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile,

— ordonné la remise par l’association B C d’un bulletin de salaire, d’une attestation pôle emploi et d’un certificat de travail conformes à la présente décision,

— dit n’y avoir lieu à ordonner l’exécution provisoire,

— débouté les parties de leurs autres demandes,

— condamné l’association B C aux dépens ;

Vu les conclusions régulièrement communiquées au soutien de ses observations orales du 25 février 2014 par l’association B C qui demande à la Cour de :

— dire et juger que les faits qui fondent la prise d’acte de D E ne sont ni établis, ni justifiés,

— rejeter la demande de D E de voir écarter le courrier qu’il a rédigé,

— dire et juger que la prise d’acte doit produire les effets d’une démission,

— constater qu’il s’était engagé à réalisé le préavis dû,

En conséquence,

— réformer la décision entreprise en ce qu’elle a dit que la prise d’acte devait produire les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse,

— débouter D E de l’ensemble de ses demandes,

— le condamner à payer à l’association 4 752,14 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis du fait du non respect de cet engagement,

— condamner D E à verser à l’association 3 000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile ;

Vu les conclusions régulièrement communiquées au soutien de ses observations orales du 25 février 2014 par D E qui demande à la Cour de :

— confirmer le jugement entrepris à l’exception du montant de l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

— condamner l’association B C à payer à D E la somme de

49 400 euros nets de CSG et de CRDS à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

— condamner l’association B C à verser à D E la somme de

2 000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens ;

Sur les effets de la prise d’acte :

Attendu que lorsqu’un salarié prend acte de la rupture de son contrat de travail en raison de faits qu’il reproche à son employeur, cette rupture produit les effets, soit d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse si les faits invoqués la justifiaient, soit, dans le cas contraire, d’une démission ;

Attendu qu’aux termes de l’article L 3111-2 du code du travail, sont considérés comme ayant la qualité de cadre dirigeant les cadres auxquels sont confiées des responsabilités dont l’importance implique une grande indépendance dans l’organisation de leur emploi du temps, qui sont habilités à prendre des décisions de façon largement autonome et qui perçoivent une rémunération se situant dans les niveaux les plus élevés des systèmes de rémunération pratiqués dans leur entreprise ou établissement ; que ces critères cumulatifs impliquent que seuls relèvent de cette catégorie les cadres participant à la direction de l’entreprise ;

Que selon l’article 7 de l’avenant n°99-01 du 4 mars 1999 à la convention collective applicable, les cadres dirigeants sont ceux qui disposent par délégation d’un pouvoir de direction général et permanent et d’une très large autonomie dans l’organisation de leurs horaires de travail ; que sont concernés, les directeurs, les directeurs-adjoints, les gestionnaires, prévus à l’article A 1.4.2, ainsi que les médecins-directeurs prévus à l’article A 1.5.1.2 de la convention collective nationale du 31 octobre 1951 disposant de la délégation et de l’autonomie visée au présent alinéa ;

Qu’en l’espèce, la qualité de cadre dirigeant de D E n’est pas remise en cause par l’association B C ;

Qu’il résulte des débats et des pièces que la Maison Odette WITKOWSKA n’allait pas bien et vivait une 'crise institutionnelle’ pendant la période de vacance du poste de directeur ; que D E l’a admis le 26 mai 2009 devant le comité d’établissement en caressant l’espoir que cette crise prenne fin avec l’arrivée d’un nouveau directeur qui apporterait un regard extérieur ; qu’une main anonyme a apposé sur le compte rendu de réunion communiqué par l’association la mention : 'Reconnaissance que l’Institution va mal et qu’elle vit une crise institutionnelle. Elle vit essentiellement la démence d'1 seul homme ! ' ; que dans une attestation du 23 mai 2011, H-I J dit avoir mesuré 'l’ampleur des dégâts’ et le haut niveau de plainte des salariés à l’encontre de D E pendant les cinq semaines d’absence de ce dernier à compter du 22 juin 2009, pour congés trimestriels, congé de maladie et congés payés ; que le projet de rupture conventionnelle qu’il a proposé à D E en septembre 2009 s’inscrivait dans le prolongement des difficultés managériales de l’intimé et des tensions importantes constatées ; que le salarié n’a apporté à cette proposition qu’une réponse dilatoire ; que la question de savoir si la responsabilité de D E était en cause dans les dysfonctionnements constatée est impossible à trancher en l’état des éléments communiqués ; qu’elle est d’ailleurs sans intérêt pour la solution du présent litige ; que seuls comptent la conviction de H-I J à cet égard, sa perte de confiance à l’égard de son adjoint et son souhait de voir celui-ci quitter l’établissement dans l’intérêt de tous ; qu’un tel état d’esprit ne pouvait manquer de peser sur l’exercice par H-I J de ses fonctions et sur les relations professionnelles de ce dernier avec D E ; que la Cour retient des pièces communiquées que le directeur s’occupait de tout, ce qu’il a admis implicitement dans un courriel du 9 décembre 2009 ('il semble que je sois amené à prendre des initiatives, normalement qui vous sont dévolues'), ce qui paradoxalement ne l’a pas empêché d’écrire le 5 février 2010 : 'Je trouve un peu détestable que vous considériez que ce que vous décidez s’impose à moi sans concertation ni même information au préalable, posture peu compatible avec le lien de subordination juridique inhérent à votre statut d’adjoint’ ; que la contradiction entre ces deux courriels n’est qu’apparente tant ils procèdent d’un même sentiment de défiance de H-I J envers D E, que par un mécanisme projectif, le premier a pourtant imputé au second dans son courriel du 5 février 2010 ; qu’en dernier lieu, D E, cadre dirigeant, ne pouvait ni s’absenter une journée pour raison personnelle ni visiter un centre de formation professionnelle (FORJA) sans autorisation ; que l’ampleur des justifications qu’il devait fournir à tout propos ne laisse pas d’étonner ; que H-I J a remis en cause la qualité de cadre dirigeant de D E en ne se bornant pas à définir de grandes orientations et en prétendant décider de tout au quotidien en transformant son adjoint en agent d’exécution ; que dans un tel contexte, le 'recadrage’ du positionnement de D E, annoncé par le directeur dans le courriel du 5 février 2010 était effectivement nécessaire ; que l’atteinte portée par le représentant de l’employeur aux prérogatives et responsabilités du salarié justifiait la prise d’acte de la rupture du contrat de travail, qui produira les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

Qu’en conséquence, le jugement entrepris sera confirmé sur ce point ;

Sur l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse :

Attendu que D E qui a été licencié sans cause réelle et sérieuse, alors qu’il avait plus de deux ans d’ancienneté dans une entreprise occupant habituellement au moins onze salariés, est en droit de prétendre, en application de l’article L 1235-3 du code du travail, à une indemnité qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois ; que le salarié ne démontre l’existence d’aucun élément particulier de préjudice justifiant une indemnisation supérieure au montant qui a été retenu par le Conseil de prud’hommes et qui est suffisant pour réparer les conséquences de la perte de revenus inhérente au nouvel emploi ;

Attendu en outre qu’en application des dispositions de l’article L 1235-4 du code du travail, il convient d’ordonner le remboursement par l’association B C à PÔLE EMPLOI des indemnités de chômage éventuellement payées à D E du jour du licenciement au jour du présent arrêt, dans la limite de trois mois d’indemnités de chômage ;

Sur les indemnités de rupture :

Attendu que la prise d’acte de la rupture entraînant la cessation immédiate du contrat de travail, le juge qui décide que les faits invoqués justifiaient la rupture laquelle produit alors les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse, doit accorder au salarié qui le demande, l’indemnité de préavis et les congés payés afférents ;

Attendu qu’aucune des parties ne remet en cause les bases sur lesquelles le Conseil de prud’hommes a liquidé les droits de D E aux indemnités de rupture ;

PAR CES MOTIFS,

Confirme le jugement entrepris,

Y ajoutant :

Ordonne le remboursement par l’association B C à PÔLE EMPLOI des indemnités de chômage éventuellement payées à D E du jour du licenciement au jour du présent arrêt, dans la limite de trois mois d’indemnités de chômage,

Condamne l’association B C à payer à D E la somme de deux mille euros (2 000 €) sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

Condamne l’association B C aux dépens d’appel.

Le greffier Le Président

S. MASCRIER D. JOLY

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