Cour d'appel de Lyon, 5 février 2015, n° 13/02435

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Lyon, 5 févr. 2015, n° 13/02435
Juridiction : Cour d'appel de Lyon
Numéro(s) : 13/02435
Décision précédente : Tribunal de grande instance de Bourg-en-Bresse, 27 janvier 2013, N° 11/01357

Texte intégral

R.G : 13/02435

Décision du tribunal de grande instance de Bourg-en-Bresse

Au fond du 28 janvier 2013

RG : 11/01357

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE LYON

1re chambre civile A

ARRET DU 05 Février 2015

APPELANTE :

XXX

XXX

XXX

représentée par la SELARL LAFFLY & ASSOCIES-LEXAVOUE LYON, avocat au barreau de LYON

INTIMES :

B Y

né le XXX à BOURG-EN-BRESSE (AIN)

XXX

XXX

représenté par la SCP BAUFUME – SOURBE, avocat au barreau de LYON

assisté de la SCP REFFAY ET ASSOCIES, avocat au barreau de l’AIN

D MOREL épouse Y

née le XXX à BOURG-EN-BRESSE (AIN)

XXX

XXX

représentée par la SCP BAUFUME – SOURBE, avocat au barreau de LYON

assistée de la SCP REFFAY ET ASSOCIES, avocat au barreau de l’AIN

* * * * * *

Date de clôture de l’instruction : 09 Septembre 2014

Date des plaidoiries tenues en audience publique : 13 Novembre 2014

Date de mise à disposition : 29 janvier 2015, prorogée au 05 février 2015, les avocats dûment avisés conformément à l’article 450 dernier alinéa du code de procédure

Composition de la Cour lors des débats et du délibéré :

— Michel GAGET, président

— Z A, conseiller

— Philippe SEMERIVA, conseiller

assistés pendant les débats de Joëlle POITOUX, greffier

A l’audience, Z A a fait le rapport, conformément à l’article 785 du code de procédure civile.

Arrêt contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d’appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,

Signé par Michel GAGET, président, et par Joëlle POITOUX, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

* * * *

Le 10 février 2006, les époux Y ont pris attache avec la XXX (MT) pour l’achat d’une maison située à MONTLUEL mise en vente au prix de 473.000 euros, dont 23 000 euros de frais d’agence.

Ils étaient à cette date propriétaires d’un bien situé à XXX qui sera évalué le 13 février 2006 par la Société MT à la somme de 450.000 euros.

Aux termes d’un compromis de vente en date du 18 février 2006, les époux Y ont acquis, sous la condition suspensive de l’obtention d’un prêt relais sur deux ans, d’un montant de 368.933 euros la maison de MONTLUEL.

Le 27 février 2006, les époux Y donnaient mandat à la SARL MEXIMIEUX

TRANSACTION de vendre leur maison pour un montant de 495.000 euros.

Le 12 avril 2006, un expert du CREDIT FONCIER évaluait le bien mis en vente en vue de

l’octroi du prêt relais.

Le 1er juillet 2006, le consentement des parties à la vente de la maison de MONTLUEL était réitéré par acte authentique, les époux Y en finançant l’acquisition au moyen d’un prêt de 240 000 euros remboursable en 20 ans et d’un prêt relais de 368 933 euros d’une durée de 2 ans devant être remboursé au moyen du prix de vente de leur maison de XXX.

Le 4 février 2008, en l’absence d’acquéreurs, les époux Y confiaient un mandat exclusif de vente à Madame X pour un prix de vente minimum, rémunération du mandataire comprise de 356 000 euros.

Le 25 juin 2008, le bien était finalement vendu pour la somme de 263.000 euros, hors commission du mandataire pour 12 000 euros à la charge des acquéreurs.

Le 8 septembre 2008, les époux Y versaient au Crédit Foncier la somme de 239 315 euros qui ne permettait pas le remboursement du prêt relais dont le solde s’élevait à 156 342,79 euros.

A l’issue d’une négociation, les époux Y ont conclu un protocole transactionnel au termes duquel en contrepartie du versement immédiat de la somme de 80.000 euros et de l’octroi, par le Crédit Foncier d’un prêt de 52 136 euros sur 20 ans, ce dernier acceptait d’abandonner de façon irrévocable sa créance de 25.741,19 euros.

Par courrier officiel de leur conseil en date du 4 août 2010, les époux Y mettaient en demeure la Société MT de leur régler, outre les frais exposés pour la défense de leurs intérêts à parfaire, la somme de 61107,29 euros correspondant :

— pour 31 107,29 euros au coût supplémentaire de l’opération par rapport à celui initialement envisagé sur la base de son évaluation de leur bien,

— pour 20 000 euros à la réparation de leur préjudice résultant de leur perte de chance de vendre leur bien dans des délais raisonnables et à un prix plus élevé,

— pour 10 000 euros, à la réparation de leur préjudice moral respectif, soit 5000 euros pour chacun d’eux.

La Société MT ne s’est pas exécutée.

Après assignation en date du 8 avril 2011, par jugement en date du 28 janvier 2013, le tribunal de grande instance de Bourg-en-Bresse a :

— dit que la XXX a manqué à son obligation de conseil à l’égard de Monsieur et Mademe Y et est responsable des préjudices qu’ils ont subis,

— dit que la XXX doit payer à Monsieur et Madame Y :

— une indemnité de 61.554,80 euros à raison de leur préjudice financier,

— une indemnité de 2.000 euros à raison du préjudice moral subi,

— débouté Monsieur et Madame Y de leur demande d’indemnisation de la perte de chance de céder leur bien dans des délais raisonnables et à un prix plus élevé,

— dit que ces sommes porteront intérêts au taux légal à compter du 4 août 2010, outre anatocisme,

— débouté la XXX de l’ensemble de ses demandes,

— dit que la XXX doit payer à Monsieur et Madame Y une indemnité de 4.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

— dit n’y avoir lieu à exécution provisoire,

— condamné la XXX aux entiers dépens de l’instance, avec droit de recouvrement directau profit de la SCP REFFAY et Associés, avocat.

Par déclaration en date du 26 mars 2013, la XXX a interjeté appel de ce jugement.

Aux termes de ses dernières conclusions n°4 en date du 5 mai 2014, la XXX demande à la cour, d’infirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions et :

A titre principal,

— dire que la XXX n’a aucunement manqué à ses obligations et que sa responsabilité ne saurait être engagée,

Subsidiairement,

— dire qu’il n’existe pas de lien de causalité entre les préjudices allégués et les manquements reprochés à la XXX dans la mesure où les consorts Y ont contracté le prêt litigieux sur la base de l’expertise réalisée par le CREDIT FONCIER, seul responsable de l’appréciation de la situation et du déblocage des fonds.

Très subsidiairement,

— dire que la perte de chance des consorts Y ne sera indemnisée qu’à titre symbolique et les débouter de toutes autres demandes,

En toute hypothèse,

— condamner les époux Y à payer à la XXX la somme de 6.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

— condamner les époux Y aux dépens d’instance et d’appel, avec droit de recouvrement direct au profit de la SCP LAFFLY & Associés, avocat.

Aux termes de leurs dernières conclusions récapitulatives n°3 en date du 13 juin 2014, Monsieur et Madame Y demandent à la cour, au visa des articles 1116, 1147 et 1991 et suivants du Code civil, de confirmer le jugement rendu par le tribunal de grande instance de Bourg-en-Bresse en date du 28 janvier 2013 en toutes ses dispositions, et notamment en ce qu’il a :

— dit que la XXX a manqué à son obligation de conseil à l’égard de Monsieur B Y et de Madame D Y née MOREL et est responsable des préjudices qu’ils ont subis,

— dit que la XXX doit payer à de Monsieur B Y et Madame D Y née MOREL :

. une indemnité de 61 554,80 euros à raison de leur préjudice financier,

. une indemnité de 2 000 euros à raison du préjudice moral subi,

— dit que la XXX doit payer à Monsieur B Y et Madame D Y née MOREL une indemnité de 4 000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, et condamné la XXX aux entiers dépens de l’instance,

Y ajoutant de :

— condamner la XXX à payer à Monsieur B Y et à Madame D Y née MOREL les sommes mises à sa charge par la décision rendue par le tribunal de grande instance de Bourg-en-Bresse en date du 28 janvier 2013,

En tout état de cause,

— débouter la XXX de l’ensemble de ses demandes notamment financières,

— condamner la XXXS à payer à Monsieur B Y et Madame D Y née MOREL une indemnité de 6000,00 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

— condamner la même aux entiers dépens de l’instance, avec droit de recouvrement direct au profit de la SCP BAUFUME SOURBE, avocat.

La clôture de l’instruction est intervenue le 9 septembre 2014.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur le manquement de la XXX à son obligation de conseil

L’avis de valeur rédigé par la société MT le 13 février 2006, est rédigé comme suit :

' -nature du bien Maison, dépendance + terrain avec plan d’eau

Cet avis de valeur a pour objet de vous informer de la valeur estimée de votre bien compte-tenu:

— de l’état actuel du marché immobilier,

— des résultats de l’indice de l’immobilier ORPI

— des statistiques provenant des fichiers informatiques ORPI: biens mis en vente, critères de recherche des acquéreurs, ventes réalisées…

— des techniques d’évaluation ORPI

— points forts du bien: localisation, cachet de l’ensemble, pièces d’eau, état de la rénovation, dépendances à exploiter en très bon état, un ensemble coup de coeur,

A ce jour, la valeur de votre bien est estimée à 450 000 euros pour l’ensemble'.

Pour dire que la Société MT a manqué à son obligation de conseil, après avoir rappelé d’une part que celui-ci consiste à formuler une appréciation circonstanciée et à orienter le choix du bénéficiaire de l’obligation, d’autre part que la société MT avait connaissance que cet avis conditionnait les conditions d’achat des époux Y pour le bien qu’ils projetaient d’acheter par son intermédiaire, le jugement retient que :

— l’évaluation faite surévaluait le bien en ne mentionnant que les points forts du bien sans tenir compte des éléments négatifs de la maison pourtant relevés facilement par une évaluation ultérieure, points forts que la société MT qualifiera ensuite de points faibles dans ses conclusions et ne comportait, contrairement à l’usage, ni l’indication d’une fourchette haute et basse de la valeur du bien ni réserves alors même que la société MT plaide que cette maison était difficile à évaluer,

— la société MT n’a pas dissuadé les époux Y de mettre en vente leur bien à un prix encore plus surévalué de 495 000 euros, alors qu’un prix irréaliste fait fuir les prospects et diminue les chances de vendre pendant plusieurs mois,

— la société MT a manqué de diligence dans la commercialisation du bien, puis, en 2008, a continué à le proposer à la vente alors qu’elle avait connaissance qu’un mandat exclusif avait été confié à un autre agent immobilier, de surcroît sans tenir compte de la baisse de prix, ceci étant de nature à jeter la suspicion sur un bien proposé selon les agences avec de grands écarts de prix.

La société MT ne conteste pas avoir été tenue vis à vis des époux Y à un devoir d’information et de conseil lui imposant de donner une information loyale sur la valeur du bien mis en vente mais rappelle que l’agent immobilier n’est pas tenu à une obligation de résultat quant à l’estimation qu’il donne.

Et c’est bien une estimation qui a été donnée par la société MT ( 'la valeur de votre bien est estimée').

Néanmoins, débitrice dans sa propre thèse d’une obligation de conseil et de renseignement, il appartient à la société MT de rapporter la preuve qu’elle y a satisfait.

Pour y parvenir, elle doit justifier des éléments qu’elle a pris en considération pour établir cet avis de valeur et elle ne saurait se contenter d’affirmer qu’il n’est pas démontré en quoi elle aurait manqué à ses obligations en faisant valoir que le premier juge n’a caractérisé aucune faute à son encontre mais seulement retenu la différence entre la valeur estimée et le prix de vente définitif alors même que divers paramètres extérieurs qui peuvent l’expliquer ont été occultés, notamment la grave crise du marché immobilier qui a fait lourdement chuté les prix.

Elle ne verse aux débats aucun élément susceptible de corroborer son évaluation, alors même qu’elle énumérait dans cet avis ceux lui ayant servi de base pour l’établir et ne conteste pas que, comme l’a retenu le premier juge, elle considérait que cette maison était difficile à évaluer et que les points forts mis en avant dans l’avis de valeur étaient aussi des points faibles.

Et elle ne justifie pas plus de l’évolution du marché immobilier qui aurait fait chuter les prix entre son avis de valeur et le moment où l’immeuble a finalement été cédé.

Son manquement à son obligation de conseil est établi.

Les époux Y stigmatisent une autre faute de la société MT tenant à ce qu’elle n’a pas mis en oeuvre l’ensemble des moyens nécessaires à la vente de leur bien, en voulant pour preuve que la société MT ne justifie que de trois bons de visite en deux ans, dont le dernier plus de deux ans après l’obtention du mandat.

Et la société MT, sur laquelle pèse une obligation de moyen, ne verse là encore aux débats aucun autre élément de nature à justifier des moyens qu’elle a mis en oeuvre pour susciter des visites et tenter de vendre cet immeuble.

Ce manquement est établi.

Les époux Y plaident enfin que la société MT n’a pas respecté les limites de son mandat, ayant continué de publier l’annonce de la vente de leur bien alors même que sa vente exclusive avait été confiée à Madame X dès le 4 février 2008: mais n’étant pas prétendu que la société MT avait été informée de la résiliation de son mandat, ce grief ne saurait être retenu.

Sur le préjudice résultant du manquement de la société MT à son obligation de conseil

Le tribunal a retenu que le préjudice subi par les époux Y du fait du manquement de la société MT à son obligation de conseil consistait en une perte de chance dès lors que la décision qu’ils auraient prise (ndr : si l’obligation avait été remplie) est incertaine.

Se basant sur le montant du préjudice financier réclamé par les époux Y, correspondant à la différence entre le coût de l’opération initiale, basé sur l’estimation de leur maison ,et le coût de l’opération effectivement réalisée compte-tenu de son prix de vente et retenant que la probabilité que la vente de leur bien couvre le remboursement du prêt relais était de 65 %, le tribunal a évalué la réparation de cette perte de chance à 61 554,80 euros.

La société MT objecte tout d’abord que l’existence d’une surestimation n’est pas établie.

Mais il a déjà été exposé en quoi la société MT avait manqué à son obligation de conseil et elle est toujours incapable de justifier, à hauteur de cour, que cette estimation était fondée.

La société MT plaide ensuite que la preuve d’un lien de causalité entre les manquements qui lui sont reprochés et le préjudice qu’il lui est demandé de réparer n’est pas rapportée.

Les époux Y soutiennent pour leur part que, sans cette surestimation qui était peu ou prou similaire au prix d’achat du bien de MONTLUEL, ils auraient revu leur projet et n’auraient pas mis en vente leur bien et acquis la maison de MONTLUEL au prix sollicité et plaident qu’il s’agissait d’un stratagème constitutif de manoeuvres dolosives mis en place par la société MT pour les convaincre de leur capacité financière pour acquérir en toute quiétude le bien pour lequel elle détenait un mandat, sans négociation et moyennant le paiement de sa commission sans aucune remise.

Il est exact qu’il n’y a pas de lien de causalité certain entre l’exactitude d’une estimation et la vente de l’immeuble au prix estimé.

Il n’est pas prétendu par ailleurs que le prix payé pour l’immeuble acquis et celui obtenu pour leur maison n’étaient pas conformes aux prix du marché, non plus qu’en revendant leur maison, les époux Y auraient subi une perte.

Le préjudice qui résulterait de ce que, en possession d’une attestation non surévaluée, ils auraient négocié le prix d’acquisition ou le montant de la commission de la société MT est purement hypothétique.

En revanche, il est effectif que l’avis de valeur donné par la société MT était de nature à les rassurer sur la réalisation de cette opération: le préjudice qu’ils ont subi, en lien direct avec l’estimation fautive de la société MT est un préjudice moral de déception tenant à ce que l’opération ne s’est pas réalisée dans la quiétude qu’ils avaient espérée.

Le jugement déféré est infirmé en ce qu’il a retenu l’existence d’un préjudice financier et confirmé concernant le principe et l’évaluation de leur préjudice moral, la cour n’étant pas saisie d’un appel incident sur ce point.

Sur les frais irrépétibles

L’équité conduit à laisser à la charge de chaque partie les frais irrépétibles exposés à hauteur d’appel.

Sur les dépens

Les parties qui succombent l’une et l’autre partiellement dans leurs prétentions conservent à leur charge ceux qu’elles ont exposés à hauteur d’appel.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Infirmant partiellement le jugement déféré,

Déboute Monsieur et Madame B Y de leur demande en réparation de leur préjudice financier,

Confirme le jugement déféré pour le surplus,

Y ajoutant,

Déboute les parties de leurs demandes au titre des frais irrépétibles exposés à hauteur d’appel,

Laisse à la charge de chaque partie les dépens exposés à hauteur d’appel.

LE GREFFIER LE PRESIDENT

Joëlle POITOUX Michel GAGET



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  2. Code civil
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