Cour d'appel de Lyon, Chambre sociale a, 13 septembre 2017, n° 16/01365

  • Harcèlement moral·
  • Licenciement·
  • Travail·
  • Reclassement·
  • Dommages et intérêts·
  • Avertissement·
  • Titre·
  • Obligations de sécurité·
  • Intérêt·
  • Entretien

Chronologie de l’affaire

Commentaire0

Augmentez la visibilité de votre blog juridique : vos commentaires d’arrêts peuvent très simplement apparaitre sur toutes les décisions concernées. 

Sur la décision

Référence :
CA Lyon, ch. soc. a, 13 sept. 2017, n° 16/01365
Juridiction : Cour d'appel de Lyon
Numéro(s) : 16/01365
Décision précédente : Conseil de prud'hommes de Lyon, 28 janvier 2016, N° F13/01866
Dispositif : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Sur les parties

Texte intégral

AFFAIRE PRUD’HOMALE : COLLÉGIALE

R.G : 16/01365

[…]

C/

Y

APPEL D’UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de LYON

du 29 Janvier 2016

RG : F 13/01866

COUR D’APPEL DE LYON

CHAMBRE SOCIALE A

ARRÊT DU 13 SEPTEMBRE 2017

APPELANTE :

[…]

[…]

[…]

représentée par Me Philippe CHOULET de l’AARPI CABINET CHOULET AVOCATS, avocat au barreau de LYON substituée par Me PERRON, avocat au barreau de LYON

INTIMÉE :

G Y

née le […] à […]

[…]

[…]

représentée par Me Karine GAYET de la SELARL ALART & ASSOCIES, avocat au barreau de LYON substituée par Me Cécile THORAL, avocat au barreau de LYON

DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 30 Mai 2017

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

AI AJ, Conseiller le plus ancien faisant fonction de Président

Didier PODEVIN, Conseiller

Hervé LEMOINE, Conseiller

Assistés pendant les débats de AG AH, Greffier.

ARRÊT : CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement le 13 Septembre 2017, par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;

Signé par AI AJ, Conseiller le plus ancien faisant fonction de Président, et par AG AH, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

*************

L’Institution Libre Les Chassagnes gère un établissement d’enseignement privé placé sous contrat d’association avec l’Etat, dont la direction était confiée à monsieur H Z jusqu’en juillet 2016. L’établissement dépend de l’Inspection Académique et du Rectorat du Rhône. Il accueille des élèves encadrés par des enseignants à temps plein et à temps partiel, employés de l’Etat. Toutefois, cette institution est sous la tutelle de la Direction Diocésaine de l’Enseignement Catholique qui veille à l’authenticité évangélique du projet éducatif et de sa mise en oeuvre dans l’établissement. Son directeur est nommé par la Direction de l’Enseignement Catholique et reçoit une lettre de mission.

Son organisme de gestion (OGEC) emploie un effectif salarié de moins de 20 équivalents temps plein (ETP) composé du personnel administratif et économique. Il applique la Convention Collective des Personnels de Services Administratif, Economique, Educatif et des Documentalistes du 14 juin 2004.

Par un contrat à durée déterminée en date du 16 avril 2007, l’OGEC LES CHASSAGNES a engagé madame G Y en qualité d’agent d’entretien, et ce, afin d’assurer le remplacement de madame X, alors en arrêt maladie. Un contrat à durée indéterminée lui a été proposé le 27 août 2007. Elle a ainsi été embauchée sur le même poste, correspondant à la catégorie 1 selon la classification des personnels des services administratifs et économiques figurant à l’annexe 1 de la convention collective précitée. Son salaire mensuel brut s’élevait à la somme de 1319,07 euros pour une durée de 138,66 heures.

Madame Y s’est vu infliger le 7 juillet 2009 un avertissement disciplinaire.

Madame Y a été placée en arrêt maladie le 3 juillet 2009. Considérant être victime d’un comportement 'inhumain et illégal', madame Y ne s’est pas présentée aux deux entretiens fixés par la direction les 7 et 17 septembre 2009.

A l’issue de son arrêt maladie le 15 octobre 2012, madame Y a été revue le 16 octobre 2012 par la Médecine du travail dans le cadre d’une visite de reprise. Un avis d’inaptitude a alors été rédigé en ces termes : 'Inapte au poste d’employée d’entretien. L’état de santé de la salariée, ce jour, ne permet pas d’envisager un reclassement à un poste dans l’entreprise, même avec aménagement'.

Madame Y a été une nouvelle fois convoquée par son employeur à un nouvel entretien fixé le 13 novembre 2012, afin d’envisager d’éventuelles possibilités de reclassement. Elle ne s’est cependant pas rendue à ce nouveau rendez-vous, après avoir indiqué qu’elle souhaitait obtenir une proposition écrite.

Par un courrier recommandé avec accusé de réception du 20 novembre 2012, l’Institution Libre LES CHASSAGNES a informé madame Y qu’il n’existait aucune possibilité de reclassement au sein de l’établissement et qu’elle était en conséquence convoquée à un entretien préalable à son éventuel licenciement, fixé le 27 novembre 2012. Madame Y n’a pas déférée à cette convocation.

Par un courrier recommandé avec accusé de réception du 30 novembre 2012, madame Y s’est vu notifier son licenciement pour inaptitude physique médicalement constatée par le médecin du travail et impossibilité de reclassement.

* * *

Sur la saisine de madame G Y, le Conseil des Prud’hommes de LYON a prononcé le 29 janvier 2016 le jugement suivant :

— Déboute madame Y de ses demandes en harcèlement moral,

— Juge le licenciement sans cause réelle et sérieuse,

— Condamne l’institution libre LES CHASSAGNES à verser à madame Y la somme de 15.000 euros de dommages et intérêts au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse,

— Condanme l’institution libre LES CHASSAGNES à verser à madame Y la somme de 1343,91 euros de dommages et intérêts pour procédure irrégulière de licenciement,

— Condamne l’institution libre LES CHASSAGNES à verser à madame Y la somme de 250 euros pour défaut de mention sur la portabilité,

— Condamne l’institution libre LES CHASSAGNES à remettre à madame Y les documents de rupture : Attestation Pôle Emploi et solde de tout compte rectifiés des condamnations prononcées et ce, sous astreinte de 50 euros par jour de retard à compter du quinzième jour suivant la notification du présent jugement, le conseil se réservant le droit de liquider l’astreinte,

— Condamne l’institution libre LES CHASSAGNES à rembourser le Pôle Emploi les indemnités de chômage payées au salarié licencié du jour de son licenciement au jour du prononcé du jugement, dans la limite de six mois d’indemnités de chômage ;

— Ordonne l’exécution provisoire de l’entier jugement avec application des dispositions de l’article 519 du Code de Procédure Civile ;

— Condamne l’institution libre LES CHASSAGNES à verser à madame Y la somme de 1200 euros au titre de l’article 700 du Code de Procédure Civile,

— Déboute les parties de toutes leurs autres demandes,

— Condamne l’institution libre LES CHASSAGNES aux entiers dépens de l’instance, et éventuels frais d’exécution forcée du présent jugement.

* * *

L’Institution LES CHASSAGNES a interjeté appel de cette décision le 24 février 2016.

A l’occasion de ses dernières écritures telles que visées et exposées oralement à l’audience, l’appelante a sollicité de la cour qu’elle :

— Dise recevable son appel,

— Réforme le jugement attaqué en ce qu’il a considéré que le licenciement de madame Y étant sans cause réelle et sérieuse, la preuve étant rapportée que l’OGEC LES CHASSAGNES a parfaitement satisfait à son obligation de reclassement, et qu’elle n’avait pas à informer madame Y de la faculté pour elle de se faire assister par un conseiller du salarié lors de l’entretien préalable de licenciement pour inaptitude,

— Réforme le jugement déféré en ce qu’il a condamné l’OGEC LES CHASSAGNES à verser à la salariée la somme de 250 euros pour défaut de mention sur la portabilité,

— Confirme le jugement déféré en ce qu’il a considéré que madame Y ne rapportait pas la preuve d’un harcèlement moral imputable à l’employeur et confirme également le jugement en ce qu’il a refusé d’annuler l’avertissement qui lui a été infligé ;

— Condamne la société Y à verser à l’OGEC LES CHASSAGNES la somme de 3000 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de Procédure Civile.

* * *

A l’occasion de ses ultimes écritures déposées et exposées oralement lors de l’audience, madame Y a demandé à la cour de :

A titre principal,

Dire que madame Y a été victime de faits de harcèlement moral de la part de monsieur Z,

Dire que l’avertissement notifié le 7 juillet 2009 à madame Y est abusif,

Dire que l’institution Libre LES CHASSAGNES a manqué à son obligation de sécurité de résultat,

Dire que l’inaptitude de madame Y constatée aux termes des visites des 16 et 30 octobre 2012, est consécutive à des actes de harcèlement moral,

Dire que le licenciement pour inaptitude et impossibilité de reclassement notifié à madame Y le 30 novembre 2012, est nul,

Condamner l’Institution Libre LES CHASSAGNES à verser à madame Y les sommes suivantes :

— Dommages et intérêts pour harcèlement moral : 16.000 euros nets

— Dommages et intérêts pour manquemement à l’obligation de sécurité : 6.700 euros nets

— Dommages et intérêts pour avertissement injustifié : 2.000 euros nets

— Dommages et intérêts pour licenciement nul : 32.000 euros nets

— Indemnités compensatrice de préavis : 4.031,73 euros bruts

— Congés payés sur préavis : 403,17 euros bruts

A titre subsidiaire

Dire que l’Institution Libre LES CHASSAGNES a manqué à son obligation loyale de recherche de reclassement et/ou d’aménagement de poste à l’égard de madame Y ;

Dire que le licenciement pour inaptitude et impossibilité de reclassement notifié à madame Y le 30 novembre 2012 est abusif,

Condamne l’institution Libre LES CHASSAGNES à verser à madame Y les sommes suivantes :

Dommages et intérêts pour licenciement abusif : 32.000 euros nets

Indemnité compensatrice de préavis : 4.031,73 euros bruts

Congés payés afférents : 403,17 euros bruts

A titre infiniment subsidiaire

Dire que le licenciement notifié à madame Y le 30 novembre 2012 est irrégulier,

En conséquence,

Condamner l’Institution Libre LES CHASSAGNES à verser à madame Y la somme de 1.343,91 euros à titre de dommages et intérêts,

En tout état de cause,

Ordonner la remise sous astreinte de 150 euros par jour de retard à compter du jugement à intervenir les documents rectifiés suivants :

— Solde de tout compte,

— Attestation Pôle Emploi,

Dire que l’institution Libre LES CHASSAGNES n’a pas satisfait à son obligation d’information relative à la portabilité des droits en matière de prévoyance,

En conséquence, Condamne l’Institution Liber LES CHASSAGNES à verser à madame Y la somme de 3000 euros de dommages et intérêts ;

Condamne l’Institution Libre LES CHASSAGNES à verser la somme de 3000 euros au titre de l’article 700 du Code de Procédure Civile, ainsi qu’aux dépens ;

* * *

SUR CE

Attendu que tant l’appel principal interjeté par l'[…] que l’appel incident relevé par madame G Y à l’occasion de ses écritures en réplique, doivent être déclarés réguliers et recevables en la forme ;

1°) sur le harcèlement moral

Attendu qu’aux termes de l’article L.1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ; que selon l’article L1152-2 du code du travail, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l’objet d’une mesure discriminatoire directe ou indirecte, notamment en matière de rémunération, de formation, de reclassement, d’affectation, de

qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat pour avoir subi ou refus de subir des agissements répétés de harcèlement moral et pour avoir témoigné de tels agissements ou les avoir relatés ;

Attendu qu’au vu des articles L1152-1 et L1154-1 du code du travail, lorsque le salarié établit la matérialité de faits précis et concordants constituant selon lui un harcèlement, il appartient au juge d’apprécier si ces éléments, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l’existence d’un harcèlement moral ; dans l’affirmative, il appartient à l’employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement ;

Attendu que le juge doit examiner l’ensemble des faits invoqués par le salarié, afin ensuite de déterminer si ceux-ci sont susceptibles de laisser présumer une situation de harcèlement moral ;

Attendu qu’à titre principal, madame G Y a prétendu avoir été victime de faits de harcèlement moral de la part du directeur de l’Institution Libre LES CHASSAGNES, monsieur Z, notamment sous la forme d’agissements répétés dégradant ses conditions de travail ; qu’elle a également prétendu que ces conditions de travail avaient été la cause de la dégradation de son état de santé ;

Attendu que madame Y a rappelé qu’en sa qualité d’agent d’entretien, elle travaillait sous la subordination de monsieur A, responsable du service entretien ; qu’elle indique que très rapidement, ses relations ont été difficiles ; qu’elle lui reproche en particulier de n’avoir cessé de la dénigrer volontairement et de la dévaloriser, à l’instar de l’ensemble des femmes qu’il a sous ses ordres ; qu’il lui demandait également de refaire une tâche qu’elle venait pourtant de terminer ; qu’elle a ainsi affirmé avoir été contrainte de céder à ses exigences, craignant pour son emploi ;

Qu’à l’appui de ces différentes allégations, madame Y a produit diverses attestations :

Pièce 18 : monsieur I D : 'J’atteste avoir vu madame Y pleurer à plusieurs reprises, s’interrogeant sur son avenir et son emploi. En effet, madame Y m’indiquait qu’elle était en situation de conflit avec son employeur, ce qui la plongeait dans un état quasi dépressif, d’après ce qu’elle me disait.'

Pièce 19 : madame J E : ' je suis une amie de madame Y et peux attester que celle-ci se portait bien physiquement et moralement avant de travailler aux Chassagnes. Depuis son embauche dans cet établissement, elle venait me voir régulièrement et me racontait ce que lui faisait subir son employeur. Celui-ci lui a même interdit l’accès au local à produits, interdit une pause pendant le travail. Il la menaçait sans arrêt de licenciement. Après tout cela, elle a craqué psychologiquement ; elle a été hospitalisée à l’époque. Il avait réussi à l’atteindre moralement'.

Pièce 20 : 'madame Q-AA M-N (enseignante) : 'peu de temps avant son départ en congé maladie, G Y est entrée en salle des professeurs du collège où je venais d’arriver. Elle pleurait, tremblait, semblait effrayée. J’ai bien entendu demandé ce qu’il lui arrivait. Elle n’arrivait pas à parler. J’ai eu du mal à la tranquilliser. Elle était dans un état pitoyable psychologiquement ; en sanglottant, elle m’a avouée que monsieur Z, le chef d’établissement, lui menait la vie dure, la poussant à bout ; il voulait qu’elle parte. Il lui avait confisqué les clefs et ne pouvait plus accéder aux toilettes du collège pour les nettoyer ; elle m’a attrapé l’avant bras me suppliant de l’aider. J’ai essayé d’en savoir plus et elle m’a expliquée que monsieur Z avait commencé par lui demander de lui préparer des couscous et un jour elle a refusé, ce qui n’a pas plus au chef d’établissement. J’ai conseillé à madame Y de prendre un rendez-vous chez le médecin. Elle semblait désespérée et paniquait à l’idée de croiser monsieur Z. Elle n’arrêtait pas d’ouvrir la porte pour guêter si ce dernier arrivait, en me disant qu’il était méchant avec elle, qu’elle avait besoin de travailler mais qu’elle était à bout de force aux conditions de travail imposées par monsieur Z. J’ai réussi à lui faire promettre de consulter et elle est sortie dans le couloir. Après quoi, je n’ai pas revu madame Y. J’ai appris de façon fortuite qu’elle était en maladie et remplacée. J’affirme avoir vu ce jour là, madame Y au bord du désespoir, ne sachant pas où trouver de l’aide'.

Pièce 21 : monsieur K L, C et retraité : 'Madame G Y, femme de ménage au Collège ' LES CHASSAGNES’ lorsque j’exerçais la profession de C, a tout comme moi, subi un très fort harcèlement de la part de monsieur Z, chef d’établissement. Madame Y faisait son travail avec beaucoup de sérieux. Malgré cela, monsieur Z la surveillait, était toujours après elle et de ce fait, elle venait m’en parler et semblait de plus en plus déstabilisée par ce harcèlement. Je l’ai rencontrée un jour, à la médecine du travail ; elle était malade et très fatiguée. Nous avons parlé ensemble de ce problème commun et j’ai pu comprendre qu’elle était déjà bien atteinte par le comportement de monsieur Z. J’ai ensuite appris qu’elle avait eu un cancer et elle m’a précisée que cette maladie n’était pas étrangère au comportement de monsieur Z. J’ai vécu la même chose avec ce chef d’établissement et j’ai été arrêté en maladie durant trois années. Madame Y a suite plongé dans un déprime très forte. L’ensemble de la communauté éducative s’est même posée des questions n’ayant aucune nouvelle de madame Y’ ;

Attendu que si l’appelante apparaît bien fondée à opposer aux témoignages de monsieur D et de madame E le fait que tous deux ne faisaient pas partie de l’établissement et n’ont ainsi été témoins d’aucun fait en se contentant tout au plus de rapporter les propos de madame Y, il doit être constaté en revanche que les propos tenus par madame M N, enseignante, et par monsieur L, ancien Conseiller Principal d’Education, sont de nature à rendre vraisemblables les faits dénoncés par madame Y ;

Attendu qu’en outre les différents certificats médicaux produits, de même que l’avis de la médecine du travail lors de la visite de reprise du travail viennent acréditer les révélations de madame Y, ainsi que les différents témoignages précités :

— Pièce 22 : Dossier médical de la médecine du travail confirmant un suivi psychiatrique depuis le mois de juillet 2009, avec mention d’une hospitalisation, et traitement oncologique, pour parvenir après plusieurs arrêts de travail à un avis d’inaptitude totale au poste d’employée d’entretien, ne permettant pas un reclassement à un poste dans l’entreprise, même avec aménagement ;

— Pièce 24 :attestation rédigée par madame O P en sa qualité de Psychologue clinicienne : 'Atteste recevoir madame G Y en entretiens réguliers de soutien psychologique, depuis août 2009, suite à des faits de harcèlement moral rencontrés dans son travail dont elle dit être victime' ;

— Pièce 25 : certificat médical du docteur AA AB AC daté du 15 décembre 2009 : 'certifie que madame G Y a été hospitalisée à N2 du 11 au 15 décembre 2009. Elle nous avait été adressée par le docteur Q R pour dépression sévère. La patiente se plaint depuis le mois de juillet d’une tristesse de l’humeur avec pleurs, troubles du sommeil, anorexie, perte de poids non chiffrée, envahissement par des ruminations anxieuses et pensées intrusives concernant 'l’injustice subie au travail'. Le tableau observé dans les services est effectivement celui d’un syndrome dépressif sévère avec des éléments pouvant évoquer un stress post-traumatique. Son état nécessite la poursuite d’un traitement médicamenteux et une hospitalisation.' ;

— Pièce 26 : Docteur AD-AE AF psychiatre le 08 novembre 2012 : 'Madame Y est venue me voir en novembre 2009. Elle présentait alors un état de souffrance intense tout à fait caractéristique des personnes qui vient une situation de harcèlement moral au travail… Son état a mis beaucoup de temps à s’améliorer et a été aggravé de nouveau à la suite de la découverte d’un cancer du sein… Elle présente un état dépressif profond… une phobie sociale qui a réduit de façon très importante sa vie familiale et sociale… Il me paraît important que qu’elle puisse reprendre contact avec la médecine du travail afin que notre confrère puisse envisager avec elle la possibilité d’une inaptitude définitive à tout poste dans cette entreprise car nous avons maintenant le recul suffisant pour affirmer que tant que cette relation devenue pathogène pour elle persistera, elle ne pourra guère s’améliorer…' ;

— Pièce 31 : Journal tenu par madame Y qui décrit son ressenti entre le 24 août 2009 et le premier septembre 2009 et exprime ainsi ses angoisses, ainsi qu’une certaine détresse ;

Attendu que madame Y s’est vu notifier le 7 juillet 2009 un avertissement disciplinaire rédigé en ces termes (cf pièce 5 intimée) : 'Nous vous confirmons par la présente lettre le reproche que nous vous avons adressé lors de notre entretien du 2 juillet 2009 à 17 heures. Ce reproche porte sur le fait que vous avez modifié vos horaires de travail sans autorisation ni seulement avertir votre hiérarchie. Pendant cet entretien, vous avez commencé par nier ce changement d’horaire puis ensuite vous avez fini par le reconnaître. Comme il est d’usage dans notre entreprise, lorsque les élèves sont partis, les horaires du personnel d’entretien peuvent être modifiés à la demande du personnel. Vos collègues sont donc venues et en concertation nous avons établi leurs nouveaux horaires jusqu’à leur départ en congé. Un salarié ne peut en aucun cas décider seul d’une modification de ses horaires de travail’ ;

Attendu que madame Y conteste aujourd’hui la validité de cet avertissement, considérant cette mesure disciplinaire comme un nouveau fait de harcèlement ;

Attendu qu’en dépit des allégations contraires à cet égard, la matérialité des faits a toujours été contestée par l’intimée, notamment à l’occasion de ses courriers successifs du mois de juillet 2009 ; qu’ en outre, madame Y a remarqué à juste titre que l’appelante n’établissait pas de manière précise la réalité de ses retards successifs, ou de ses changements d’horaires sans autorisation préalable ; que l’attestation rédigée par monsieur F produite aux débats (Pièce 21) est rédigée en des termes vagues, non circonstanciés ; qu’en conséquence, le jugement déféré doit être infirmé en ce qu’il a rejeté la demande d’annulation de cette mesure disciplinaire ; qu’en statuant à nouveau, l’avertissement disciplinaire prononcé le 7 juillet 2009 sera annulé ; que l’Institution Libre LES CHASSAGNES sera en outre condamnée à verser à madame G Y une somme de 250 euros de dommages et intérêts à ce titre ;

Attendu que l’Institution Libre LES CHASSAGNES a également produit aux débats plusieurs attestations contraires:

— Pièce 22 appelante : Monsieur Z : 'j’atteste sur l’honneur n’avoir jamais en aucune façon exercé la moindre pression ou harcèlement sur madame Y…' ;

— Pièce 23 appelante : madame S T, comptable : 'Je n’ai jamais été témoin de situation qui pourrait mettre en doute l’intégralité de monsieur J. Z. J’ai toujours travaillé en toute confiance avec lui. Etant membre du comité d’entreprise et suppléante déléguée du personnel, je n’ai pas eu connaissance de plaintes de cette personne vis à vis de monsieur Z' ;

— Pièce 24 appelante : Madame V W, employée de service aux CHASSAGNES : '… Certifie que madame Y ne respectait pas les horaires de travail et était une personne pas très sociable. Monsieur Z est une personne qui nous fait confiance et personnellement je n’ai jamais eu de problème avec lui. De plus, je n’ai jamais vu monsieur Z ou monsieur F lui faire du harcèlement à aucun moment'

Attendu que ces attestations sont insuffisamment probantes et ne remettent manifestement pas en cause la crédibilité des éléments de preuve rapportés par madame Y;

Attendu que ces éléments, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l’existence d’une situation de harcèlement moral ;

Attendu qu’il appartient alors à l’employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement ; que cette preuve n’est cependant pas rapportée en l’espèce ; que la simple convocation de l’intéressée à plusieurs rendez-vous, et ce, immédiatement après avoir notifié à madame Y une mesure disciplinaire, était au contraire de nature à être perçue comme un nouveau mode de pression psychologique, alors qu’elle se trouvait manifestement en situation de faiblesse ; que la dégradation de l’état de santé de madame Y n’a provoqué aucune autre réaction de la part de son employeur, telle que la saisine des délégués du personnel ou même du C.H.S.C.T ;qu’en toutes hypothèses, l’employeur manque à son obligation de sécurité de résultat dès qu’un salarié est victime de tels faits, même s’il prend les mesures nécessaires pour y remédier aussitôt qu’il en a connaissance ;

Attendu qu’ainsi, le jugement déféré doit être réformé en ce qu’il a jugé que madame Y n’a pas été victime d’une situation de harcèlement moral imputable à son employeur ;

Attendu qu’en outre, l’Institution Libre LES CHASSAGNES a violé l’obligation de sécurité de résultat qu’elle devait à sa salariée ;

Attendu qu’en conséquence, l’Institution libre LES CHASSAGNES doit être condamnée à verser à madame Y des dommages et intérêts à un double titre :

— La somme de 7.000 euros de dommages et intérêts pour harcèlement moral,

— La somme de 3.000 euros de dommages et intérêts au titre de la violation de l’obligation de sécurité de résultat ;

2°) sur le licenciement

Attendu que madame G Y s’est vu notifier son licenciement pour inaptitude et impossibilité de reclassement le 30 novembre 2012, et ce, au vu des deux avis de la médecine du travail des 16 et 30 octobre 2012 ;

Attendu qu’en application des dispositions de l’article 1152-3 du code du travail, toute rupture du contrat de travail intervenue en méconnaissance de l’interdiction de harcèlement moral est nulle de plein droit ; qu’une telle interdiction s’applique également aux licenciement prononcés pour inaptitude et impossibilité de reclassement ; qu’il est en effet démontré en l’espèce que l’état de santé de madame Y s’est considérablement dégradé par l’effet du harcèlement moral dont elle a été la victime ;

Attendu qu’en conséquence, il convient de prononcer l’annulation du licenciement litigieux ;

Attendu que le salarié victime d’un licenciement nul et qui ne réclame pas sa réintégration dans l’entreprise, a droit, quelles que soient son ancienneté et la taille de l’entreprise, aux indemnités de ruptures et à une indemnité au moins égale à six mois de salaire au titre du caractère illicite du licenciement ; qu’en outre, l’indemnité de préavis est due, même si la salarié n’était pas en mesure de l’exécuter ;

Attendu que pour justifier sa demande de dommages et intérêts, madame Y a indiqué à la cour que son état de santé a justifié qu’elle soit reconnue invalide par la CPAM (pièces 17 et 27 intimée) ; que son âge et l’insuffisance de ses qualification ne lui ont pas permis de retrouver un emploi ; qu’elle ne perçoit aujourd’hui qu’une pension d’invalidité ; que l’examen des pièces médicales confirme que son état de santé psychologique est encore aujourd’hui fortement fragilisé ;

Attendu qu’en conséquence, l’Institution Libre LES CHASSAGNES sera condamnée à lui verser la somme de 15.840 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul;

Attendu qu’au titre de l’indemnité de préavis (trois mois), l’Institution Libre LES CHASSAGNES sera condamnée à lui verser la somme de 4.031,73 euros bruts, outre la somme de 403,17 euros au titre des congés payés afférents ;

3°) sur les autres demandes

3-1 sur l’information relative à la portabilité en matière de prévoyance

Attendu que la lettre de licenciement notifiée à madame Y ne porte aucune mention relative à la portabilité de ses droits en matière de prévoyance ; qu’à ce titre, le jugement déféré sera confirmé en ce qu’il a condamné l’Institution Libre LES CHASSAGNES à verser à madame Y la somme de 250 euros de dommages et intérêts au vu du préjudice subi eu égard aux circonstances de la cause;

3-2 sur la remise des documents de fin de contrat

Attendu que l’Institution Libre LES CHASSAGNES sera également condamnée à remettre à madame Y le solde de tout compte et l’attestation pôle Emploi dûment rectifiés, et ce, dans le délai d’un mois qui suivra le prononcé du présent arrêt, et ce, astreinte provisoire de 50 euros par jour de retard à compter de cette date ;

4°) sur les frais irrépétibles et les dépens

Attendu que l’institution libre LES CHASSAGNES sera enfin condamnée d’une part, à verser à madame G Y la somme de 1.500 euros au titre des frais de l’article 700 du Code de Procédure Civile de première instance et d’appel, et d’autre part, aux entiers dépens de première instance et d’appel ;

PAR CES MOTIFS

La Cour, après en avoir délibéré conformément à la loi, statuant publiquement et contradictoirement ;

Déclare tant l’appel principal interjeté par l'[…] que l’appel incident relevé par madame G Y à l’occasion de ses écritures en réplique, réguliers et recevables en la forme ;

Confirme le jugement déféré en ce qu’il condamné l’Institution Libre LES CHASSAGNES à verser à madame Y la somme de 250 euros de dommages et intérêts au titre du défaut d’information relative à la portabilité en matière de prévoyance ;

Réforme pour le surplus le jugement déféré en toutes ses dispositions,

Statuant à nouveau,

Prononce l’annulation de l’avertissement disciplinaire prononcé le 7 juillet 2009;

Dit que madame G Y a été victime de harcèlement moral,

Dit que l'[…] a violé l’obligation de sécurité de résultat due à madame G Y ;

En conséquence,

Condamne l'[…] à verser à madame G Y les sommes suivantes :

— La somme de 7.000 euros de dommages et intérêts pour harcèlement moral,

— La somme de 3.000 euros de dommages et intérêts au titre de la violation de l’obligation de sécurité de résultat ;

— la somme de 250 euros à titre de dommages et intérêts au titre de l’avertissement annulé ;

Prononce l’annulation du licenciement prononcé à l’encontre de madame G Y pour inaptitude et impossibilité de reclassement le 30 novembre 2012 ;

Condamne l'[…] à verser à madame G Y les sommes suivantes :

— la somme de 15.840 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul;

— la somme de 4.031,73 euros bruts au titre de l’indemnité de préavis (trois mois), outre la somme de 403,17 euros au titre des congés payés afférents ;

Ordonne à l’Institution Libre LES CHASSAGNES de à remettre à madame Y le solde de tout compte et l’attestation pôle Emploi dûment rectifiés, et ce, dans le délai d’un mois qui suivra le prononcé du présent arrêt, et ce, sous astreinte provisoire de 50 euros par jour de retard à compter de cette date ;

Condamne l’institution libre LES CHASSAGNES à rembourser le Pôle Emploi les indemnités de chômage payées au salarié licencié du jour de son licenciement au jour du prononcé du jugement, dans la limite de six mois d’indemnités de chômage ;

Condamne l'[…] à verser à madame G Y la somme de 1.500 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, et au titre des frais irrépétibles de première instance et d’appel ;

Condamne l'[…] aux entiers dépens de première instance et d’appel.

Le greffier Le Président

AG AH AI AJ

Chercher les extraits similaires
highlight
Chercher les extraits similaires
Extraits les plus copiés
Chercher les extraits similaires
Inscrivez-vous gratuitement pour imprimer votre décision
Cour d'appel de Lyon, Chambre sociale a, 13 septembre 2017, n° 16/01365