Cour d'appel de Lyon, 1ère chambre civile a, 12 janvier 2017, n° 15/06205

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Lyon, 1re ch. civ. a, 12 janv. 2017, n° 15/06205
Juridiction : Cour d'appel de Lyon
Numéro(s) : 15/06205
Décision précédente : Cour d'appel de Chambéry, 16 décembre 2013
Dispositif : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Sur les parties

Texte intégral

R.G : 15/06205 Décisions :

— du tribunal de grande instance de Thonon-les-Bains

Au fond du 27 septembre 2012

chambre civile

RG : 2009/01833

— de la cour d’appel de Chambéry (chambre civile – première section) en date du 17 décembre 2013

RG : 12/02242

— de la cour de Cassation (troisième chambre civile) en date du 23 juin 2015

N° 728 F-D

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE LYON 1re chambre civile A ARRET DU 12 Janvier 2017 APPELANTE :

XXX

XXX

XXX

représentée par la SELARL LAFFLY & ASSOCIES-LEXAVOUE LYON, avocat au barreau de LYON

assistée de la SCP PIANTA & ASSOCIES, avocat au barreau de THONON-LES-BAINS

INTIMEE :

XXX

XXX

XXX

représentée par la SCP ELISABETH LIGIER DE MAUROY & LAURENT LIGIER, avocat au barreau de LYON assistée de la SELARL DIXIT AVOCATS, avocat au barreau de LYON

******

Date de clôture de l’instruction : 10 mai 2016

Date des plaidoiries tenues en audience publique : 09 novembre 2016

Date de mise à disposition : 12 janvier 2017

Audience tenue par D-E F, président et Vincent NICOLAS, conseiller, qui ont siégé en rapporteurs sans opposition des avocats dûment avisés et ont rendu compte à la Cour dans leur délibéré,

assistés pendant les débats de Joëlle POITOUX, greffier

A l’audience, D-E F a fait le rapport, conformément à l’article 785 du code de procédure civile.

Composition de la Cour lors du délibéré :

— D-E F, président

— Françoise CLEMENT, conseiller

— Vincent NICOLAS, conseiller

Signé par D-E F, président, et par Joëlle POITOUX, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

****

Par acte sous-seing privé du 20 août 1997 la XXX a donné à bail commercial à la société SPORTS DEPOT THONON, anciennement dénommée CAP SPORTS, un local commercial d’une superficie de 420 m² situé sur le territoire de la commune d’ANTHY SUR LEMAN (Haute-Savoie) au sein du centre commercial dénommé «USINE SHOP».

Le bail conclu initialement pour une durée de neuf années à compter du 1er septembre 1997 moyennant un loyer annuel initial de 162 000 Fr a été renouvelé pour une nouvelle période de neuf années à la demande de la société locataire.

Un litige a opposé les parties quant à l’état d’aménagement et d’entretien du centre commercial quant à l’étendue de la surface louée, quant aux modalités de paiement du loyer, quant au maintien de l’enseigne du centre commercial, quant aux horaires d’ouverture du commerce et quant à l’opération de démolition/reconstruction envisagée par la bailleresse.

Au début de l’année 2009 la XXX a reproché à la société SPORTS DEPOT THONON de ne pas respecter son obligation contractuelle d’ouverture du commerce tous les jours de 9 heures à 20 heures, sauf les dimanches et jours fériés, et lui a fait sommation le 31 mars 2009 de respecter les horaires d’ouverture prévus au contrat de bail.

Par acte d’huissier du 24 juillet 2009 la société SPORTS DEPOT THONON a fait assigner la XXX devant le tribunal de grande instance de Thonon-les-Bains à l’effet d’obtenir la condamnation de la XXX à lui payer la somme de 350 000 € à titre de dommages et intérêts pour manquements à ses obligations contractuelles, notamment d’entretien, et à lui rembourser un trop-perçu de charges locatives d’un montant de 15 888,86 €.

La XXX s’est opposée à ces demandes et a sollicité reconventionnellement la constatation de la résiliation du bail par le jeu de la clause résolutoire pour non-respect par le preneur des horaires d’ouverture du commerce, l’expulsion sous astreinte et subsidiairement la condamnation de la société SPORTS DEPOT THONON à exploiter le fonds dans les conditions prévues au contrat de bail.

Par un premier jugement du 29 mars 2012 le tribunal de grande instance de Thonon-les-Bains a ordonné un transport sur les lieux.

Cette mesure a été exécutée le 12 juin 2012.

Par un deuxième jugement du 27 septembre 2012 le tribunal a débouté la XXX de l’ensemble de ses demandes reconventionnelles, a condamné cette dernière avec exécution provisoire à payer à la société SPORTS DEPOT THONON la somme de 11 657,24 € avec intérêts au taux légal au titre de la répétition d’un indu de charges pour la période de cinq années non prescrite précédant la demande en justice, a constaté le manquement de la XXX à ses obligations contractuelles et avant dire droit sur le préjudice subi par la société SPORTS DEPOT THONON a ordonné une expertise confiée à Monsieur Z A avec mission de déterminer le préjudice subi par le preneur en relation stricte avec les manquements du bailleur à ses obligations et de déterminer l’indemnité d’éviction qui serait due en cas de résiliation du bail.

Le tribunal a notamment relevé que le bâtiment, qui n’était plus entretenu, semblait déserté, qu’il n’existait plus d’exploitation commerciale au rez-de-chaussée et que l’enseigne du centre commercial avait été déposée par le bailleur.

Sur l’appel de la XXX la cour d’appel de Chambéry, par arrêt du 17 décembre 2013, a déclaré irrecevable, comme étant nouvelle en appel, la demande de résiliation du bail commercial formée par la société SPORTS DEPOT THONON, a confirmé le jugement en ce qu’il avait condamné la SCI au remboursement d’un trop-perçu de charges de 11 657,24 €, mais, par voie de réformation, a constaté la résiliation de plein droit du bail à compter du 30 avril 2009 pour non respect par le preneur des horaires contractuels d’ouverture du commerce après sommation infructueuse visant la clause résolutoire du 31 mars 2009, a ordonné l’expulsion de la société SPORTS DEPOT THONON et l’a déboutée de l’ensemble de ses autres demandes.

La société SPORTS DEPOT THONON a libéré les locaux le 27 mars 2014.

Sur le pourvoi formé par la société SPORTS DEPOT THONON, la Cour de cassation, par arrêt du 23 juin 2015 a cassé et annulé dans toutes ses dispositions l’arrêt rendu le 17 décembre 2013 par la cour d’appel de Chambéry et a renvoyé l’affaire et les parties devant la cour d’appel de Lyon.

Il est reproché à la cour d’appel de Chambéry d’une part de ne pas avoir recherché si la demande reconventionnelle de la société locataire en résiliation du bail aux torts exclusifs de la bailleresse ne se rattachait pas avec un lien suffisant à la demande de cette dernière, et d’autre part de ne pas avoir recherché, comme il lui était demandé, si la clause résolutoire n’avait pas été mise en 'uvre de mauvaise foi par la XXX.

La XXX a saisi la cour de renvoi selon déclaration reçue le 20 juillet 2015.

Vu les dernières conclusions signifiées et déposées le 1er mars 2016 par la XXX qui demande à la cour, par voie de réformation partielle du jugement : '' de confirmer le jugement en ce qu’il l’a condamnée au paiement de la somme de 11 657,24 € au titre des charges indues,de lui donner acte de ce que cette somme a été payée et de débouter la société SPORTS DEPOT THONON de sa demande en dommages et intérêts pour gestion fautive des charges locatives,

'' de déclarer irrecevable la demande d’aménagement des horaires d’ouverture de son magasin formée par la société SPORTS DEPOT THONON et de débouter celle-ci de sa demande de dommages et intérêts formée à ce titre,

'' de débouter la société SPORTS DEPOT THONON de sa demande de résiliation judiciaire du bail aux torts de la bailleresse,

'' de débouter la société SPORTS DEPOT THONON de sa demande d’expertise,

'' de débouter la société SPORTS DEPOT THONON de sa demande en paiement de la somme de 601 000 € à titre de dommages et intérêts,

'' de constater la résiliation de plein droit du bail par le jeu de la clause résolutoire pour non-respect par la société locataire des horaires contractuels d’ouverture du commerce,

'' subsidiairement de prononcer la résiliation du bail pour non-respect des horaires d’ouverture du commerce et pour manquement du preneur à son obligation d’affecter à usage de réserve et de bureaux une surface de 190 m²,

'' de donner acte à la société SPORTS DEPOT THONON de sa décision de libérer spontanément les lieux le 27 mars 2014,

'' de condamner la société SPORTS DEPOT THONON au paiement d’une indemnité de procédure de 5 000 €.

Vu les dernières conclusions signifiées et déposées le 28 avril 2016 par la XXX qui demande à la cour de confirmer le jugement en ce qu’il a débouté la XXX de sa demande de résiliation du bail aux torts du locataire et constaté le manquement de la bailleresse à ses obligations, mais de réformer le jugement pour le surplus et en conséquence :

'' de condamner la XXX à lui payer la somme de 20 000 € à titre de dommages et intérêts du fait de ses agissements abusifs s’agissant des horaires d’ouverture du commerce,

'' de condamner la XXX à lui payer la somme de 15 942,39 € au titre du trop perçu de charges locatives, outre une somme de 10 000 € à titre de dommages et intérêts pour manquement de la bailleresse à ses obligations en matière de gestion des charges et pour résistance abusive,

'' de condamner la XXX à lui payer la somme de 601 000 €, telle que chiffrée par son expert-comptable, à titre de dommages et intérêts pour manquement du bailleur à ses obligations,

'' subsidiairement d’ordonner une expertise aux fins d’évaluation de l’indemnité d’éviction lui revenant,

'' de prononcer la résiliation judiciaire du bail aux torts de la SCI bailleresse de rejeter l’ensemble des demandes reconventionnelles,

'' de condamner la XXX à lui payer une indemnité de 50 000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile. *

**

MOTIFS DE L’ARRET

Sur la demande en constatation ou en prononcé de la résiliation du bail formée par la XXX :

Il est soutenu par la XXX :

'' que la société SPORTS DEPOT THONON n’a pas respecté son obligation contractuelle d’ouvrir le commerce tous les jours de 9 h à 20 h sauf les dimanches et jours fériés, malgré une sommation du 31 mars 2009 visant la clause résolutoire,

'' qu’elle n’a pas mis en 'uvre de mauvaise foi la clause résolutoire, alors qu’elle n’a jamais toléré la violation par la locataire de ses obligations en matière d’horaires d’ouverture, que l’inexécution a été reconnue et est établie avec certitude, que le défaut d’entretien qui lui est reproché n’est pas établi et serait sans lien avec le non-respect des horaires d’ouverture,

'' que la violation par la société locataire des horaires contractuels d’ouverture du commerce et l’intégration fautive dans la surface commerciale de vente de la partie des locaux affectés contractuellement à un usage de bureaux et de réserve constitue des manquements graves, qui justifient en toute hypothèse le prononcé de la résiliation judiciaire du bail.

Il est répliqué par la société SPORTS DEPOT THONON :

'' que les horaires d’ouverture très contraignants (de 9 heures à 20 heures sauf dimanches et jours fériés), qui lui ont été imposés sans justification dans le bail eu égard à la faible fréquentation du centre commercial, n’ont jamais été pratiqués pendant une période de 10 années sans protestation de la part du bailleur,

'' qu’il ne résulte d’aucune pièce du dossier que la sommation est demeurée sans effet dans le délai d’un mois de sa délivrance,

'' qu’en toute hypothèse la demande d’application de la clause résolutoire relève d’un abus manifeste de la bailleresse, qui a elle-même manqué gravement à ses obligations en faisant procéder à la dépose de l’enseigne du centre commercial, en interrompant l’éclairage des parties communes pendant une période de 35 jours, en privant les abords du bâtiment d’éclairage extérieur, en ne réalisant pas l’entretien de la galerie et en ne procédant pas à la location des boutiques vides dans des conditions normales,

'' que les locaux n’ont pas été modifiés depuis la date d’effet du bail et que la bailleresse n’ignore rien de la situation.

Sur ce

Par acte d’huissier du 31 mars 2009 la XXX a fait sommation à la société SPORTS DEPOT THONON de respecter les horaires contractuels d’ouverture de son commerce, fixés par le bail de 9 heures à 20 heures tous les jours saufs les dimanches et jours fériés, sous peine de mise en 'uvre de la clause résolutoire dont les termes sont reproduits dans l’acte.

Le non-respect des horaires contractuels d’ouverture a été expressément reconnu par la société locataire, ainsi qu’il résulte du courrier de son conseil du 7 avril 2009 aux termes duquel celui-ci, après avoir expliqué que l’amplitude horaire ne correspondait plus au fonctionnement actuel de la galerie, qu’aucun des autres commerces ne pratiquait une telle amplitude et qu’une ouverture jusqu’à 20 heures était économiquement incompatible avec la fréquentation de la galerie, a demandé à la SCI de revenir sur sa prétention, qualifiée d’abusive, en acceptant la régularisation d’un avenant et à défaut a indiqué que sa cliente se conformerait à l’injonction afin de ne pas risquer la résiliation du bail, mais engagerait toute procédure judiciaire nécessaire aux fins d’indemnisation.

En présence d’une infraction dont la réalité contractuelle n’est pas contestée il appartient au preneur d’établir que la sommation a été suivie d’effet dans le délai d’un mois de sa délivrance, et non pas au bailleur de démontrer que l’inexécution a perduré dans ce délai.

N’offrant pas d’établir qu’elle s’est effectivement conformée aux horaires d’ouverture prévus au bail dans le mois qui a suivi la délivrance de la sommation du 31 mars 2009, la société SPORTS DEPOT THONON ne peut donc soutenir que la clause résolutoire n’a pas pu jouer, alors qu’il résulte des constatations de l’huissier HANIFI que l’amplitude horaire d’ouverture du commerce n’était toujours pas respectée les 12, 13, 14, 15, 16, 19 octobre 2009 et 7 novembre 2009.

Il résulte toutefois des pièces du dossier :

'' que le non-respect par la société SPORTS DEPOT THONON de ses horaires contractuels d’ouverture a été toléré sans protestation par la XXX durant de nombreuses années, ce qui est établi par le fait que les horaires effectifs d’ouverture du commerce (le lundi de 14 heures à 19 heures et du mardi au samedi de 9 heures à 12 heures et de 14 heures à 19 heures) étaient affichés sur la devanture ainsi que cela ressort notamment des photographies versées au dossier par l’appelante elle-même,

'' qu’aucune protestation écrite ou mise en demeure n’a été adressée de ce chef à la société SPORTS DEPOT THONON durant de nombreuses années, étant observé que l’on ignore la teneur des deux courriers des 18 et 23 mars 2009 qui ont précédé la sommation du 31 mars 2009, dont l’existence est attestée par la réponse du conseil du preneur du 7 avril 2009, mais qui ne sont pas versés au dossier,

'' que jusqu’au mois de mars 2009 la XXX n’a manifestement pas attaché d’importance particulière aux horaires d’ouverture effective du commerce, ce qui est notamment révélé par le fait que dans sa sommation interpellative du 22 février 2007 il est expressément mentionné que «le magasin doit être, conformément aux dispositions du bail, ouvert tous les jours de

9 heures à 12 heures et de 14 heures à 19 heures sauf le dimanche et les jours fériés»,

'' qu’au demeurant il n’est pas expliqué en quoi le bon fonctionnement de la galerie marchande exigeait que le commerce exploité par la société SPORTS DEPOT THONON demeurât ouvert sans interruption jusqu’à 20 heures, et ce d’autant plus qu’il est établi qu’aucun autre commerce dépendant du centre commercial n’était astreint à une telle amplitude horaire.

La cour estime par conséquent que c’est manifestement en réponse aux graves reproches qui lui étaient faits relativement à l’état d’aménagement et d’entretien du centre commercial, au montant des charges et à la dépose de l’enseigne de la galerie marchande, mais aussi, et surtout, en raison du fait que des désaccords persistants retardaient la mise en 'uvre de son projet de démolition/reconstruction, que la XXX s’est opportunément prévalue de la clause résolutoire en invoquant un manquement contractuel mineur.

Il est ainsi soutenu à bon droit que la clause résolutoire a été mise en 'uvre de mauvaise foi par la SCI bailleresse, ce qui fait obstacle à la constatation de la résiliation de plein droit du bail pour non-respect des horaires contractuels d’ouverture du commerce. Pour les mêmes raisons ce grief, qui ne présente pas un caractère de gravité suffisant, ne saurait conduire la cour à prononcer la résiliation judiciaire du bail aux torts de la société preneuse.

La résiliation judiciaire du bail ne saurait pas davantage être prononcée en raison de la modification qui aurait été fautivement apportée par la société SPORTS DEPOT THONON à la distribution des lieux loués.

S’il résulte des clauses du bail conclu entre les parties le 20 août 1997 que les locaux loués d’une superficie totale de 420 m² comprennent 190 m² de sanitaires, bureaux, réserves et stockage, il ressort du plan destiné à la commission de sécurité déposé en préfecture par la XXX dès le mois de juillet 1987 que la surface totale effective de vente est en réalité de 390 m² pour une surface totale de 440 m².

Il est ainsi démontré, en l’absence de preuve contraire, que cette distribution correspond à l’état des lieux existant à l’origine de la location, étant observé qu’il ne résulte pas des pièces du dossier que la société SPORTS DEPOT THONON aurait procédé au cours du bail à des travaux d’aménagement destinés à accroître la surface de vente.

En toute hypothèse la XXX, qui se borne à faire état de façon purement abstraite de l’incidence des coefficients de pondération sur la valeur locative, n’établit pas, avis technique à l’appui, que la répartition entre les surfaces techniques et les surfaces de vente, telle que mentionnée dans le contrat de bail, a affecté la fixation du loyer d’origine, ni par voie de conséquence qu’elle aurait subi une perte effective de revenus locatifs.

Dès lors, à supposer même que la société SPORTS DEPOT THONON, qui le conteste, ait procédé sans autorisation à une augmentation de la surface affectée à la réception de la clientèle, un tel manquement, en l’absence de préjudice prouvé, ne serait pas suffisamment grave pour justifier le prononcé de la résiliation judiciaire du bail.

La XXX sera par conséquent déboutée de ses demandes en constatation ou en prononcé de la résiliation du bail aux torts du preneur.

Sur la demande en prononcé de la résiliation judiciaire du bail formée par la XXX

La société SPORTS DEPOT THONON fait valoir qu’elle a été contrainte de quitter les lieux après signification de l’arrêt de la cour d’appel de Chambéry qui lui imposait de libérer les locaux dans le délai incompressible d’un mois, ce qui l’autorise à solliciter la résiliation du bail aux torts de la SCI propriétaire qui n’a pas exécuté ses obligations contractuelles.

Elle soutient que la XXX a manqué gravement à ses obligations :

'' en ne réalisant pas l’entretien extérieur du bâtiment,

'' en laissant l’immeuble à l’abandon,

'' en ne procédant pas à la relocation durable des autres locaux de la galerie marchande,

'' en déposant l’enseigne du centre commercial,

'' en interrompant l’éclairage intérieur des parties communes pendant une longue période de 35 jours et en laissant sans éclairage les parkings et les extérieurs du bâtiment avec pour effet de rendre la galerie marchande inaccessible au public la nuit, '' en tentant de mauvaise foi de la contraindre au départ sans bourse déliée.

Elle ajoute qu’à défaut de garanties suffisantes d’indemnisation et de délais elle n’a pas pu accepter la proposition amiable de la SCI de démolir et reconstruire l’immeuble.

Elle réclame des dommages et intérêts correspondant au coût du licenciement de son personnel (100 000 €), à ses frais de déménagement (31 000 €) et à sa perte d’exploitation évaluée par son expert-comptable (470 000 €), et subsidiairement demande à la cour d’ordonner une expertise aux fins d’évaluation de l’indemnité d’éviction lui revenant.

Il est répliqué par la XXX :

'' que la demande nouvelle en résiliation judiciaire du bail formée pour la première fois en appel par la société SPORTS DEPOT THONON est irrecevable alors qu’elle ne tend pas aux mêmes fins que la demande initiale en dommages et intérêts et en exécution de travaux, qui laissait subsister le contrat,

'' qu’en toute hypothèse cette demande est infondée, alors que c’est volontairement, sans y être contrainte, que la société SPORTS DEPOT THONON a libéré les lieux après la signification de l’arrêt de la cour d’appel de Chambéry qui ne valait pas sommation,

'' que la société SPORTS DEPOT THONON a refusé de régulariser le protocole d’accord de démolition/reconstruction, bien qu’un local de remplacement situé à proximité immédiate lui ait été proposé pour la durée des travaux,

'' que l’enseigne du centre commercial n’existait pas à la date de prise d’effet du bail,

'' que l’interruption de l’éclairage intérieur des parties communes aux mois de mai et juin n’est à l’origine d’aucun préjudice, tandis qu’il est démontré que l’éclairage extérieur fonctionnait,

'' qu’en l’absence de stipulation particulière elle n’était pas tenue d’assurer à la société SPORTS DEPOT THONON le maintien d’un environnement commercial favorable, étant précisé qu’elle a déployé des efforts constants et réalisé des investissements pour attirer de nouveaux locataires, ce qui a conduit à la conclusion de plusieurs baux.

Sur ce

La recevabilité de la demande

Il est de principe que les demandes reconventionnelles, en première instance comme en appel, peuvent être formées tant par le défendeur sur la demande initiale que par le demandeur initial en défense aux prétentions reconventionnelles de son adversaire.

La demande en prononcé de la résiliation judiciaire du bail aux torts de la bailleresse formée en appel par la société SPORTS DEPOT THONON en défense à la demande reconventionnelle en constatation ou en prononcé de la résiliation du bail formée par la XXX constitue donc également une demande reconventionnelle bien qu’émanant de la demanderesse à l’action.

En application des articles 70 et 567 du code de procédure civile une telle demande est recevable qu’autant qu’elle se rattache par un lien suffisant à la prétention originaire qui la provoque.

Il existe nécessairement un lien suffisant au sens de l’article 70 susvisé entre les demandes réciproques en constatation ou en prononcé de la résiliation du bail alors qu’il est demandé à la juridiction saisie de se prononcer sur la bonne ou mauvaise exécution des obligations pesant respectivement sur chacune des parties à la même convention de location commerciale.

La demande de résiliation judiciaire du bail formée par la société SPORTS DEPOT THONON se rattache par ailleurs par un lien suffisant aux prétentions originaires de cette dernière, puisque la libération des lieux loués depuis plus de deux années après l’arrêt rendu par la cour d’appel de Chambéry a créé une situation de fait nouvelle, sur les conséquences de laquelle il appartient à la cour de statuer par l’effet dévolutif de l’appel.

La demande de résiliation judiciaire du bail formée par la société SPORTS DEPOT THONON sera par conséquent déclarée recevable.

Le bien-fondé de la demande

Les clés du local commercial ont été restituées le 27 mars 2014 après signification le 27 décembre 2013 de l’arrêt de la cour d’appel de Chambéry en date du 17 décembre 2013 qui ordonnait l’expulsion de la société SPORTS DEPOT THONON dans le délai d’un mois de la signification de la décision.

C’est donc en exécution de cette décision exécutoire que les clés ont été remises à l’huissier de la XXX «agissant en vertu de l’arrêt rendu en date du 17 décembre 2013 par la cour d’appel de Chambéry», peu important que l’acte de signification de l’arrêt d’expulsion n’ait pas été assorti d’une sommation de libérer les lieux.

La XXX n’est dès lors pas fondée à soutenir que la société SPORTS DEPOT THONON a volontairement renoncé au bénéfice du bail.

Les 29 et 30 mai 2007 la société SPORTS DEPOT THONON a fait constater par l’huissier B C que les façades des deux magasins voisins étaient obturées par des plaques de contreplaqué, que le couloir séparant le magasin SPORTS DEPOT du commerce situé sur sa droite, également vide, était uniquement éclairé par les néons d’issue de secours, que plus de la moitié des tubes néons de l’étage ne fonctionnait pas, que onze panneaux du plafond de l’étage étaient manquants, que les deux issues de secours du rez-de-chaussée étaient condamnées par des plaques d’aggloméré, que la plupart des néons de la galerie commune du rez-de-chaussée ne fonctionnaient pas, que plusieurs devantures étaient taggées, que l’issue de secours du magasin HOME DU TISSU situé au rez-de-chaussée était impraticable, que le démontage à l’aide d’une grue de l’enseigne du centre commercial était en cours tandis qu’un permis de démolir était affiché, que les plates-bandes au niveau des parkings n’étaient plus entretenues, qu’un lampadaire extérieur était cassé, qu’il n’y avait pas d’accès handicapés à l’étage et que l’éclairage des parkings extérieurs ne fonctionnait pas.

Le 19 mai 2009 le même huissier a constaté que la galerie était toujours dans le même état, alors que la plupart des magasins étaient fermés et inoccupés, que les couloirs n’étaient pas éclairés, que les devantures étaient grossièrement obturées, qu’il n’existait aucun panneau ou écriteau mentionnant que les locaux vides étaient à louer, que le fond de la galerie était recouvert de deux graffitis, que le marquage au sol des parkings extérieurs était effacé, que les espaces verts n’étaient toujours pas entretenus, que les luminaires destinés à éclairer la façade du bâtiment étaient absents.

Le 6 mai 2009 la XXX a procédé à la résiliation de son contrat d’abonnement d’électricité pour les parties communes du centre commercial, ainsi qu’il résulte de la facture de résiliation du 11 mai 2009.

Aux termes de son procès-verbal de transport sur les lieux du 12 juin 2012 le tribunal a notamment constaté qu’il n’existait plus aucune exploitation commerciale au rez-de-chaussée et qu’à l’étage il ne subsistait que le commerce de la société SPORTS DEPOT THONON et un café restaurant, que les locaux semblaient désaffectés, que les toilettes publiques comportaient des graffitis et, surtout, que les abords extérieurs du bâtiment n’étaient plus entretenus et qu’une benne à ordures empêchait l’accès des camions de livraison.

Le 21 février 2013 l’huissier X Y a constaté la présence de nombreuses zones d’ombre et d’obscurité dans les parties communes du centre commercial en raison du non fonctionnement de nombreux éclairages (néons et spots), l’existence de plusieurs tags, et l’absence totale de fonctionnement de l’ensemble des éclairages extérieurs (globes lumineux et spots de façade), ainsi que l’absence totale d’entretien des parkings et des voies de roulement.

Il résulte incontestablement de l’ensemble de ces éléments que la XXX a gravement manqué sur une longue période à son obligation d’entretien et de réparation des parties communes du centre commercial.

En tentant sans succès au début de l’année 2009 de transférer aux commerçants la gestion du centre commercial, la SCI a d’ailleurs clairement démontré sa volonté de ne plus assurer la maintenance et l’entretien du bâtiment et de ses abords dans le but manifeste de contraindre les quelques commerces subsistants à un accord sur son projet de démolition/reconstruction.

À cet effet il sera observé que c’est sans abus que la société SPORTS DEPOT THONON a refusé la proposition de local de remplacement, puisque la bailleresse ne lui a pas apporté les garanties d’indemnisation et de délais qu’elle réclamait légitimement.

La cour estime par conséquent qu’en laissant de façon répétée sans éclairage une partie des espaces intérieurs communs et la totalité des abords extérieurs, qu’en déposant l’enseigne du centre commercial qui permettait d’attirer la clientèle de passage et qu’en ne prenant aucune disposition pour remédier à l’aspect désaffecté et délabré de la galerie marchande, la XXX a failli à ses obligations et a ainsi directement porté atteinte aux conditions d’exploitation des commerces, même s’il n’est pas établi qu’elle a délibérément choisi de ne pas procéder à la relocation des locaux vacants.

Ces manquements sont d’une gravité suffisante pour que soit prononcée à ses torts la résiliation du bail commercial la liant à la société SPORTS DEPOT THONON.

Sur la demande en dommages et intérêts formée par la société SPORTS DEPOT THONON

La résiliation du bail aux torts du propriétaire ouvre droit pour le preneur au paiement de dommages et intérêts.

La société SPORTS DEPOT THONON, qui a libéré les lieux le 27 mars 2014 en exécution de l’arrêt de la cour d’appel de Chambéry, a procédé au licenciement de l’ensemble de son personnel.

Elle justifie, notamment au moyen des fiches de paie du mois de mars 2014, avoir versé aux six salariés licenciés diverses indemnités de rupture.

Elle a également supporté le coût du financement des contrats de sécurisation professionnelle.

Au vu des justificatifs fournis il sera par conséquent fait droit à ce chef de demande indemnitaire à concurrence de la somme de 99 653,44 €, qui n’est pas contestée dans son quantum.

Elle produit par ailleurs un décompte précis de ses frais de déménagement, qui se sont élevés à la somme de 2598,98 euros, laquelle sera également mise à la charge de la XXX.

Elle chiffre par ailleurs précisément, poste par poste, les frais de publicité qu’elle a exposés à l’occasion de la cessation d’activité de son établissement d’ ANTHY SUR LEMAN. Il sera également fait droit à ce chef de demande à concurrence de la somme justifiée de 6182,06 €.

Elle ne saurait toutefois obtenir le remboursement de la totalité des frais d’avocat qu’elle a exposés au cours de l’ensemble de la procédure judiciaire, alors que ces dépenses relèvent des frais irrépétibles visés à l’article 700 du code de procédure civile.

Enfin ne produisant aucun document comptable, elle ne peut se fonder sur la seule attestation d’un expert comptable pour réclamer une somme de 470 000 € au titre d’une prétendue perte d’exploitation annuelle, alors surtout qu’elle ne justifie nullement d’une impossibilité de réinstallation dans la zone de chalandise du centre commercial «USINE SHOP».

Le trouble commercial nécessairement subi du fait de la libération des lieux loués en exécution de l’arrêt d’expulsion cassé ouvre toutefois droit à indemnisation, que la cour est en mesure de chiffrer à la somme de 100 000 € en l’état des éléments d’appréciation dont elle dispose.

Sans qu’il soit nécessaire de recourir avant dire droit à une expertise, il sera par conséquent fait droit à la demande en dommages-intérêts formée par la société SPORTS DEPOT THONON à concurrence de la somme de 208 434,48 € ( 99 653,44 + 2 598,98 + 6 182,06 + 100 000).

Sur les charges locatives

Il est soutenu par la société SPORTS DEPOT THONON que la SCI a irrégulièrement facturé les charges, non pas au prorata des mètres carrés loués, mais au prorata du nombre de locataires en place, et prétend qu’aucune prescription ne peut lui être opposée eu égard à l’abus de droit et à la mauvaise foi du propriétaire et en raison du fait qu’elle s’est aperçue pour la première fois de l’erreur en 2009.

La XXX, qui ne conteste pas le principe de l’indu, se prévaut de la prescription quinquennale de l’article 2224 du code civil en expliquant que l’erreur ne peut être qualifiée d’abus de droit.

Sur ce

Par des motifs pertinents que la cour adopte les premiers juges, faisant application de la prescription de cinq ans de l’article 2224 du code civil, qu’aucun abus de droit non caractérisé ne permet d’écarter, ont justement limité la répétition de l’indu à la période de cinq ans précédant la demande en justice.

Le jugement mérite par conséquent confirmation en ce qu’il a fait droit à ce chef de demande à concurrence de la somme de 11 657,24 € avec intérêts au taux légal à compter de l’assignation, y compris en ce qu’il a rejeté la demande complémentaire de dommages et intérêts à défaut de preuve rapportée d’un préjudice distinct.

Sur la demande en dommages et intérêts du fait des agissements abusifs du bailleur relativement aux horaires d’ouverture du commerce

N’établissant pas que sur l’injonction du propriétaire elle s’est effectivement conformée aux horaires d’ouverture prévus au bail, dont il a été au contraire constaté au cours des mois d’octobre et novembre 2009 qu’ils n’étaient pas appliqués, la société SPORTS DEPOT THONON ne démontre pas avoir dû exposer en pure perte des frais pour maintenir son commerce ouvert sans interruption de 9 heures à 20 heures.

La demande indemnitaire fondée sur le comportement qualifié d’abusif de la bailleresse sera par conséquent rejetée. Sur l’article 700 du code de procédure civile

L’équité commande de faire application de l’article 700 du code de procédure civile au profit de la société intimée.

*

**

PAR CES MOTIFS

La Cour,

statuant sur renvoi après cassation contradictoirement par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile et après en avoir délibéré conformément à la loi,

Confirme le jugement déféré en ce qu’il a débouté la XXX de sa demande reconventionnelle en constatation de la résiliation de plein droit du bail pour non-respect des horaires contractuels d’ouverture du commerce, condamné la XXX à payer à la XXX la somme de 11 657,24 € avec intérêts au titre de la répétition des charges indues, rejeté la demande en dommages et intérêts pour gestion fautive des charges locatives et consacré le manquement de la XXX à ses obligations,

Réforme le jugement déféré pour le surplus et statuant à nouveau en y ajoutant :

' déboute la XXX de sa demande en prononcé de la résiliation du bail aux torts du preneur,

' déclare recevable et bien fondée la demande en résiliation judiciaire du bail formée par la XXX et prononce la résiliation du bail aux torts de la XXX,

' condamne la XXX à payer à la XXX la somme de 208 434,48 € à titre de dommages et intérêts,

' déboute la XXX de sa demande en dommages et intérêts du fait des agissements abusifs du bailleur relativement aux horaires d’ouverture du commerce,

' condamne la XXX à payer à la XXX une indemnité de 10 000 € en application de l’article 700 du code de procédure civile,

Condamne la XXX aux entiers dépens, y compris ceux afférents à la décision cassée, dont distraction pour ceux de la présente procédure d’appel au profit de la SCP d’avocats LIGIER DE MAUROY & LIGIER.

LE GREFFIER LE PRESIDENT

Joëlle POITOUX D-E F

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Textes cités dans la décision

  1. Code de procédure civile
  2. Code civil
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Cour d'appel de Lyon, 1ère chambre civile a, 12 janvier 2017, n° 15/06205