Cour d'appel de Lyon, Chambre sociale b, 15 décembre 2017, n° 16/05103

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Lyon, ch. soc. b, 15 déc. 2017, n° 16/05103
Juridiction : Cour d'appel de Lyon
Numéro(s) : 16/05103
Sur renvoi de : Cour de cassation, 24 mai 2016, N° 1034-FD
Dispositif : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Sur les parties

Texte intégral

AFFAIRE PRUD’HOMALE : COLLÉGIALE

R.G : 16/05103

X

C/

CLUB DES SPORTS DE VAL D’ISERE

SAISINE SUR RENVOI CASSATION :

Cour de Cassation

du 25 Mai 2016

Arrêt N°1034-FD

COUR D’APPEL DE LYON

CHAMBRE SOCIALE B

ARRÊT DU 15 DECEMBRE 2017

APPELANT :

Y X

[…]

La Daille

[…]

Comparant en personne, assisté de Me Antoine DOS SANTOS de la SELARL DS-J & ASSOCIES, avocat au barreau de LYON

INTIMÉE :

l’association CLUB DES SPORTS DE VAL D’ISÈRE

[…]

[…]

Représentée par Me Florent DOUSSET de la SELARL ELLIPSE AVOCATS LYON, avocat au barreau de LYON

DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 02 Novembre 2017

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

F G, Président

Didier JOLY, Conseiller

Natacha LAVILLE, Conseiller

Assistés pendant les débats de D E, Greffier.

ARRÊT : CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement le 15 Décembre 2017, par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;

Signé par F G, Président, et par D E, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

*************

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :

Le Club des Sports de Val d’Isère est une association régie par la « Loi de 1901 » dont l’objet est « de propager parmi ses membres et plus généralement parmi la jeunesse, la pratique du sport sous toutes ses formes et principalement le ski ». L’association dispense en particulier des cours et entraînements de ski à des enfants. Ces activités sont assurées par des bénévoles ainsi que par quatre salariés. Pour assurer la mission d’encadrement et d’entraînement, le Club après l’habitude de mobiliser également des moniteurs de ski indépendants inscrits à l’École du ski français. Les entraîneurs sont mis à la disposition du club par l’Ecole du ski français, à laquelle le club verse des honoraires forfaitaires pour la durée de la saison d’hiver.

Y X était moniteur de ski indépendant au sein de l’École du ski français de Val d’Isère et inscrit au régime des travailleurs indépendants. À ce titre, il intervenait auprès du Club des Sports, en qualité de prestataire indépendant à compter du 30 novembre 2002 pour la saison d’hiver. M. X était donc soumis à un contrat de prestation de services. Cette prestation s’est déroulée de décembre à avril de l’année 2002/2003 à 2004/2005 et de décembre 2005 à mars 2006. En échange de sa prestation, M. X percevait des honoraires dont le montant forfaitaire s’élevait 23 000 euros à l’exception de la saison 2005/2006 pour laquelle le montant forfaitaire avait été fixé à 24 000 euros.

En dehors de ces périodes, M. X ne fournissait aucune prestation au Club des Sports.

Le 11 mars 2006, M. X a conduit un groupe d’enfants dans un secteur hors-piste alors que les conditions météorologiques étaient mauvaises et que le risque d’avalanche était élevé.

À l’issue d’une réunion de l’assemblée générale du comité de direction du Club des Sports de Val d’Isère, le 21 mars 2006, le Club a décidé d’exclure M. X. Le Club reproche à M. X d’avoir emmené, malgré plusieurs avertissements antérieurs notamment en 2003 et en 2004 ainsi que des notes de services, un groupe d’enfants sur un secteur hors-piste. Le procès-verbal du comité de direction du Club mentionne qu’ « après discussion, Z A affirme qu’en fin de compte, la décision finale appartient après tout au Président du Club et de la section ski. Les membres présents sont d’accord avec cette proposition. Y ne sera donc plus au Club la saison prochaine ».

Par une lettre du 6 avril 2006, M. X a contesté le fondement de cette rupture.

M. X a été convoqué le 12 avril 2006 par l’École du ski français, laquelle lui a notifié

oralement la décision du Club des Sports de Val d’Isère de l’exclure.

Le dernier contrat s’est achevé à la fin de la saison de l’hiver 2005/2006.

Considérant qu’il était lié à l’association par un contrat de travail et que des sommes tirées du licenciement sans cause réelle et sérieuse devaient lui être allouées, M. X a saisi le 18 février 2008 le conseil de prud’hommes d’Albertville afin d’obtenir :

— la requalification de son contrat de travail en contrat à durée indéterminée depuis sa première embauche le 30 novembre 2002,

— la déclaration du licenciement sans cause réelle et sérieuse,

— la condamnation du Club des Sports de Val d’Isère à lui verser

• 9 600 euros à titre de préavis, outre 960 euros au titre des congés payés sur préavis,

• 4 305 euros à titre d’indemnité de licenciement,

• 36 900 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

• 10 000 euros à titre de préjudice moral

• et 7 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

— la remise des bulletins de paie de 2002 à 2006, d’un certificat de travail, d’une attestation Pôle emploi, d’un reçu de solde de tout compte et l’exécution provisoire du jugement.

Le Club des Sports demandait au conseil de prud’hommes de qualifier le licenciement de Y X en licenciement pour faute grave, de débouter le demandeur de toutes ses demandes et de le condamner à 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Le conseil de prud’hommes d’Albertville, par un jugement du 8 septembre 2008, s’est déclaré incompétent pour trancher le litige en l’absence d’un contrat de travail entre M. X et le Club des Sports et a renvoyé les parties à saisir la juridiction compétente, le tribunal de grande instance d’Albertville.

Sur contredit formé par M. X demandant à la cour de prononcer l’existence d’un contrat de travail avec le Club de Sports, la cour d’appel de Chambéry, par un arrêt du 15 septembre 2009, a :

• infirmé le jugement déféré

• dit que Y X était lié au Club des Sports de Val d’Isère par un contrat de travail,

• dit que le conseil de prud’hommes d’Albertville était compétent pour connaître de la cause,

• renvoyé les parties devant cette juridiction pour qu’il soit statué sur le fond du litige,

• dit n’y avoir lieu à application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

• condamné le Club des sports de Val-d’Isère aux dépens.

Le Club des Sports de Val d’Isère a formé un pourvoi en cassation contre cet arrêt.

Par arrêt du 6 octobre 2010, la chambre sociale de la Cour de cassation a rejeté ce pourvoi, estimant notamment que la cour d’appel « a pu décider que M. X exerçait, dans ses rapports avec le club, son activité dans un lien de subordination, peu important qu’il soit par ailleurs travailleur indépendant ».

Devant le conseil de prud’hommes d’Albertville statuant au fond, M. X a alors demandé la requalification de son contrat de travail, la qualification de licenciement sans cause réelle et

sérieuse de la rupture de son contrat de travail et la condamnation du Club des sports à lui verser différentes sommes ainsi que la remise de différents documents.

Statuant au fond, le conseil de prud’hommes d’Albertville, par un jugement du 11 avril 2011 :

— a retenu toutefois l’existence d’une faute de M. X justifiant son licenciement pour cause réelle et sérieuse, mais non pour faute grave,

— l’a débouté de toutes ses demandes à l’exception de la remise de bulletins de salaire pour la deuxième saison d’hiver 2005/2006 et des documents de fin de contrat,

— condamne M. X aux dépens,

— débouté les parties de leurs autres demandes.

Y X a interjeté appel de ce jugement le 21 avril 2011.

*

Saisie par M. X, la cour d’appel de Chambéry, par arrêt du 2 février 2012, a notamment :

— infirmé le jugement du conseil de prud’hommes d’Albertville du 11 avril 2011, sauf en ce qu’il a débouté Y X de sa demande en paiement d’une indemnité de licenciement,

statuant à nouveau et ajoutant,

— condamné l’association Club des sports de Val d’Isère à payer à Y X les sommes suivantes :

4 800 euros nets au titre des indemnités de préavis, outre 480 euros nets de congés payés y afférents,

1 500 euros de dommages et intérêts pour non-respect de la procédure de licenciement

10 000 euros de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, outre des intérêts moratoire à compter du 2 février 2012,

— débouté M. X de sa demande indemnitaire au titre du caractère vexatoire de la rupture de son contrat de travail,

— ordonné à l’association Club des sports de Val-d’Isère :

• d’établir de remettre à Y X des bulletins de salaire pour tous les mois où il a travaillé lors des saisons d’hiver 2002/2003, 2003/2004, 2004/2005 et 2005/2006, les sommes qui lui ont été servies constituant de ses salaires nets,

• pour ces mêmes mois, de régulariser la situation de Y X à l’égard de la sécurité sociale en réglant les cotisations afférentes à ses salaires, elle lui ayant justifié dans un délai de 6 mois à compter de la notification du présent arrêt,

• d’établir et de remettre à Y X un certificat de travail, une attestation Pôle Emploi et un reçu pour solde de tout compte, conformes au présent arrêt ;

— condamné l’association aux entiers dépens et à payer à Y X la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Le Club des Sports a alors formé un pourvoi principal en cassation concernant l’injonction d’affilier M. X à un régime de sécurité sociale et sur l’absence de cause réelle et sérieuse du licenciement. M. X a formé, quant à lui, un pourvoi incident concernant le calcul de l’ancienneté appliqué par la cour d’appel pour déterminer ses droits à indemnisation.

La chambre sociale de la Cour de cassation, par un arrêt du 23 octobre 2013, a :

— rejeté les trois moyens du pourvoi principal en cassation formé par l’association Club des Sports de Val d’Isère, au visa de l’article L. 3123-31 du code du travail sur le contrat de travail intermittent

— a cassé l’arrêt de la cour d’appel de Chambéry dans les termes suivants:

« Casse et annule, mais seulement en ce qu’il déboute Monsieur X de sa demande d’indemnité de licenciement et fixe à 4800 € l’indemnité de préavis, outre 480 € au titre des congés payés afférents, à 1500 € l’indemnité pour non-respect de la procédure de licenciement et à 10'000 € les dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, l’arrêt rendu le 2 février 2012, entre les parties, par la cour d’appel de Chambéry ;

Remet en conséquence, sur ces points, la cause les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d’appel de Grenoble. »

Cette cassation partielle, prononcée au visa de l’article L 3123'31 du code du travail, est ainsi motivée :

« attendu que pour débouter le salarié de sa demande d’indemnité de licenciement et limiter à certaines sommes les condamnations au titre de l’indemnité de préavis, des congés payés afférents, de l’indemnité pour non-respect de la procédure de licenciement et de l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, l’arrêt retient que son ancienneté doit être décomptée certes depuis le 30 novembre 2002, mais en tenant compte des seules périodes travaillées pendant les 4 saisons qu’a duré le contrat, les périodes non travaillées étant considérées comme des périodes de suspension du contrat, qui, en l’absence de dispositions particulières, ne sont pas considérées dans le calcul de l’ancienneté ;

qu’en statuant ainsi, sans constater l’existence d’un accord collectif permettant le recours à un contrat de travail intermittent pour l’emploi concerné, et alors qu’elle avait relevé l’absence de contrat écrit définissant les périodes travaillées et non travaillées, la cour d’appel a violé le texte susvisé ; »

Y X a saisi la cour de Grenoble en tant que cour d’appel de renvoi par courrier du 29 octobre 2013.

En l’état de ses dernières conclusions, Y X demandait à la cour d’appel de Grenoble de :

'dire qu’il était lié au Club des sports de Val-d’Isère par un contrat à durée indéterminée à temps complet ;

'dire qu’au moment de la rupture du contrat, il avait 3 ans et 6 mois d’ancienneté,

'dire que son maintien dans une fausse relation de travailleur indépendant constitue du travail dissimulé ;

'condamner l’association à lui verser les sommes de

• 100'800 euros nets à titre de rappel de salaire, outre 10'080 € nets au titre des congés payés afférents, couvrant les périodes d’intersaison durant lesquelles le club ne lui a fourni travail,

• ni salaire ; 9600 € nets d’indemnité compensatrice de préavis, outre 960 € au titre des congés payés afférents ;

• 4305 € à titre d’indemnité de licenciement ;

• 36'900 € à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

• 36'900 € à titre de dommages-intérêts pour travail dissimulé ;

• 6150 € pour non-respect de la procédure de licenciement ;

• 15'000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’à supporter la charge des entiers dépens.

Pour sa part, l’association Club des sports de Val-d’Isère s’est opposée à l’ensemble de ces prétentions, demandant que :

'le salaire de Y X soit fixé la somme de 4800 € bruts ;

'le préavis soit fixé à la somme de 9600 € bruts outre congés payés ;

'les dommages-intérêts soient fixés au minimum légal.

Elle s’est opposée à toute demande au titre du travail dissimulé faute d’éléments intentionnels, ainsi qu’à la demande de rappel de salaires et congés payés afférents au titre des périodes d’intersaison. Enfin elle a sollicité la condamnation de Y X à lui payer la somme de 2000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Saisie sur renvoi de cassation partielle par M. X, la cour d’appel de Grenoble, par un arrêt du 9 décembre 2014, a :

'dit que le salaire mensuel de référence de 4800 € bruts ;

'débouté Y X de sa demande de rappel de salaire et congés payés afférents, de sa demande au titre du travail dissimulé ;

'condamné l’association Club des sports de Val-d’Isère à verser à Y X les sommes de :

• 9600 € bruts au titre de l’indemnité compensatrice de préavis, outre 960 € bruts au titre des congés payés afférents ;

• 680 €au titre de l’indemnité de licenciement ;

• 4800 € à titre de dommages-intérêts pour non-respect de la procédure de licenciement ;

• 14'500 € à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

'condamné l’association Club des sports de Val-d’Isère à verser à Y X la somme de 3000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

'condamné l’association Club des sports de Val-d’Isère à supporter la charge des entiers dépens.

M. X a formé un pourvoi en cassation contre cette décision.

Par un arrêt du 25 mai 2016, la chambre sociale de la Cour de cassation a prononcé une cassation partielle de l’arrêt de la condamner appel de Grenoble dans les termes suivants : « casse et annule, mais seulement ce qu’il déboute le salarié de sa demande de rappel de salaires et de congés payés afférents, l’arrêt rendu le 9 décembre 2014, entre les parties, par la cour d’appel de Grenoble ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d’appel de Lyon. »

La Cour a en outre condamné l’association Club des Sports de Val d’Isère à verser à Y X la somme de 3000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Cette cassation partielle, prononcée au visa de l’article L 3123-31 du code du travail, était ainsi motivée :

« Attendu, d’abord, que dans les entreprises pour lesquelles une convention ou un accord collectif de travail étendu ou une convention ou accord d’entreprise ou d’établissement le prévoit, des contrats de travail intermittents peuvent être conclus afin de pourvoir les emplois permanents, définis par cette convention ou cet accord, qui par nature comportent une alternance de périodes travaillées et non travaillées ; qu’il en résulte que le contrat de travail intermittent conclu malgré l’absence d’une telle convention ou d’un tel accord collectif est illicite et doit être requalifié en contrat de travail à temps complet ;

Attendu, ensuite, que le travail intermittent a pour objet de pourvoir des emplois permanents qui par nature comportent une alternance de périodes travaillées et non travaillées ; qu’il en résulte qu’en l’absence dedéfinition de ces périodes dans le contrat de travail, ce dernier doit être requalifié en contrat à durée indéterminée de droit commun à temps plein ;

Attendu que pour débouter le salarié de sa demande de rappel de salaires et congés payés afférents et de sa demande au titre du travail dissimulé l’arrêt retient que le salarié s’était placé, à titre principal, pour obtenir la requalification de son contrat de travail, sur le terrain de la violation des dispositions applicables au contrat de travail intermittent qui, par définition, comporte une alternance de périodes travaillées et non travaillées ; que la cour d’appel de Chambéry a relevé que le salarié ne contestait pas le fait qu’il avait été convenu qu’il serait à la disposition du Club des sports de Val d’Isère pendant les saisons d’hiver ; que dès lors, le salarié ne peut, sans contradiction, au vu de la position qu’il a adoptée devant la cour d’appel de Chambéry, venir aujourd’hui soutenir que le Club des sports déployait une activité en intersaison et qu’il aurait pu être fait appel à lui en ces occasions de sorte qu’il était contraint de se tenir à disposition ; qu’il ne peut être tiré aucune conséquence du procès-verbal de réunion des entraîneurs du 12 mai 2003 au cours de laquelle le salarié a demandé si le Club avait besoin de lui pour l’été dans la mesure où le procès-verbal n’est pas produit en intégralité et qu’en conséquence, il n’est pas possible de savoir si une réponse a ou non été apportée à cette question ; que surtout, le Club des sports rapporte la preuve que, pour l’été 2003, le salarié a exercé, à temps complet une activité de professeur de parapente à Chamonix ; que l’ensemble de ces éléments permet d’établir qu’il a toujours été convenu que le salarié ne serait mis à disposition du Club des sports de Val d’Isère que pour la saison d’hiver ; qu’ainsi, le Club des sports de Val d’Isère combat valablement la présomption de travail à temps complet ;

Qu’en statuant ainsi, alors qu’en l’absence de contrat écrit contenant la définition des périodes travaillées et non travaillées, le contrat de travail intermittent devait être requalifié en contrat à temps plein ce qui ouvrait droit pour le salarié à un rappel de salaire correspondant, la cour d’appel a violé le texte susvisé ; »

Y X a, par lettre recommandée du 16 juin 2016, saisi la cour d’appel de Lyon statuant comme cour de renvoi.

*

Au termes de ses dernières conclusions, Y X demande aujourd’hui à la présente cour d’appel de :

— réformer l’arrêt de la cour d’appel de Grenoble du 9 décembre 2014 en ce qu’elle a rejeté la demande de rappel de salaire et congés payés afférents au titre des périodes d’intersaison formée par Y X ,

— condamner le Club des Sports de Val d’Isère à payer à Y X la somme de 100 800 euros nets au titre des rappels de salaire couvrant une période de 21 mois, sur la base d’un salaire

mensuel net de 4 800 euros, outre 10 080 euros nets à titre de congés payés,

— condamner le Club des Sports de Val d’Isère aux entiers dépens et au paiement d’une indemnité de 20 000 euros par application de l’article 700 du code de procédure civile.

Au soutien de ces demandes, Y X expose :

— que par l’arrêt rendu le 25 mai 2016, la chambre sociale de la Cour de cassation affirme « (') qu’en l’absence de contrat écrit contenant la définition des périodes travaillées et non travaillées, le contrat de travail intermittent devait être requalifié en contrat à temps plein ce qui ouvrait droit pour le salarié à un rappel de salaire correspondant (…) » ;

— que la relation de travail ne doit pas être qualifiée de contrat de travail à durée déterminée ou de contrat de travail à temps partiel mais de contrat de travail intermittent, la Cour de cassation ayant constaté l’alternance de périodes travaillées et non travaillées ;

— qu’en l’absence de contrat à durée déterminée établi par écrit, le contrat est réputé conclu pour une durée indéterminée en vertu de l’article L. 1442-12 du code du travail. Seul le régime légal relatif au travail intermittent doit s’appliquer étant donné que la prestation de Y X comprenait à la fois des périodes travaillées et non travaillées. Les conditions de forme relatives au contrat de travail intermittent n’étant pas remplies, la relation de travail doit être qualifiée de contrat à durée indéterminée à temps complet. L’employeur ne peut pas en apporter la preuve contraire.

— que la requalification automatique en contrat de travail à temps plein ouvre droit, pour le salarié, à un rappel de salaire, y compris pendant les périodes d’intersaison où il n’a fourni aucune prestation de travail, peu importe que l’entreprise ait apporté la preuve que le salarié n’était pas à sa disposition permanente pendant ces périodes.

Pour sa part, l’association le Club des Sports de Val d’Isère demande aujourd’hui à la cour d’appel de :

— dire et juger qu’un contrat de prestation de service ne peut être requalifié qu’en contrat de travail présumé à temps plein et non pas en un contrat de travail intermittent ;

— dire et juger que cette présomption simple peut être combattue si le Club des Sports apporte la preuve que Y X n’était pas à sa disposition permamente durant les périodes non travaillées ;

— dire et juger que le Club des Sports apporte la preuve que Y X n’était pas à sa disposition permamente pendant les périodes d’intersaison. Par conséquent, le contrat de travail ne peut pas être requalifié en contrat de travail à temps plein ;

— Débouter Y X de ses demandes de rappel de salaire et congés payés afférents au titre des périodes d’intersaison ;

— débouter Y X de sa demande en application de l’article 700 du code de procédure civile ;

— condamner Y X à 3 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

En ce sens, elle fait valoir :

— que, par l’arrêt du 9 décembre 2014, la cour d’appel de Grenoble a considéré que « la requalification du contrat de travail de droit à durée indéterminée de droit commun et à temps plein n’entraîne, en ce qui concerne le temps de travail, qu’une présomption simple » et « que le Club des sports de Val d’Isère doit, pour la combattre, établir que pendant la période d’iinter-saison Y X n’était pas tenu de se tenir constamment à sa disposition ». Or, la cour d’appel de Chambéry, par son arrêt du 2 février 2012, « a relevé que Y X ne contestait pas le fait qu’il avait été convenu qu’il serait à la disposition du Club des sports de Val d’Isère pendants les saisons d’hiver ». Dès lors, la cour d’appel de Grenoble estime que «  Monsieur X ne peut, sans contradiction, au vu de la position qu’il a adoptée devant la cour d’appel de Chambéry, venir aujourd’hui soutenir que le Club des sports déployait une activité en intersaison- ce qui n’est pas contesté- et qu’il aurait pu être fait appel à lui en ces occasions de sorte qu’il était contraint de se tenir à sa disposition ». Le Club des Sports rapporte, par ailleurs, la preuve que, durant l’été 2003, Y X a exercé, à temps complet, une activité de professeur de parapente à Chamonix. La cour d’appel en déduit qu’il a « toujours été convenu que Monsieur X ne serait mis à disposition du Club des sports de Val d’Isère que pour la saison d’hiver » et «  qu’ainsi, le Club des Sports de Val d’Isère combat valablement la présomption de travail à temps complet » ;

— que ni la demande de rappel de salaire sur les intersaisons ni la question de l’existence d’un contrat de travail intermittent n’ont été formulées avant l’arrêt de la Cour de cassation du 23 octobre 2013. La référence de l’existence d’un contrat de travail intermittent n’intervient que devant la cour d’appel de Grenoble en 2014.

— que la prestation de service doit être requalifiée en contrat de travail de droit commun. Or, un contrat de travail intermittent n’est pas un contrat de travail de droit commun mais un contrat d’exception.

— que la requalification en contrat de travail à durée indéterminée n’accorde pas un droit automatique à paiement de salaire concernant les périodes non travaillées.

— qu’au regard de la durée du travail du salarié dans le cadre d’une requalification en contrat de travail à durée indéterminée, une présomption simple de travail à temps plein s’applique et peut être renversée lorsque la preuve est apportée que le salarié ne se tenait pas à la disposition permanente de l’employeur. Il convient alors d’appliquer l’article L. 3123-14 du code du travail. Or, le Club des Sports apporte la preuve que M. X n’était pas à sa disposition permanente durant les périodes d’intersaison, c’est-à-dire de mai à novembre de chaque année.

*

Conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, la Cour se réfère, pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, à leurs conclusions écrites précitées, qu’elles ont fait viser par le greffier lors de l’audience de plaidoiries et qu’elles ont à cette occasion expressément maintenues et soutenues oralement en indiquant n’avoir rien à y ajouter ou retrancher.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Il est constant que Y X était moniteur de ski indépendant au sein de l’École du ski français de Val d’Isère et inscrit au régime des travailleurs indépendants. À ce titre, l’ESF l’a mis à la disposition du Club des Sports de Val d’Isère, en qualité de prestataire de services indépendant à compter du 30 novembre 2002 pour la saison d’hiver. Cette prestation de services été facturée par l’Ecole du ski français au Club des Sports. L’opération a ensuite été renouvelée chaque année pour la saison hivernale s’étendant des mois de décembre à avril jusqu’à la saison décembre 2005/avril 2006.

Par arrêt du 15 septembre 2009, aujourd’hui définitif, la cour d’appel de Chambéry a retenu que ce prétendu contrat de prestation de services ne correspondait pas à la réalité et qu’en réalité Y X était lié au Club des sports de Val-d’Isère par un contrat de travail.

Par arrêt du 2 février 2012, lui aussi définitif sur ce point, cette même cour de Chambéry a considéré que ce contrat de travail de Y X était à durée indéterminée et à temps plein et que sa rupture s’analysait en un licenciement irrégulier et abusif, faute d’avoir été notifié par une lettre de licenciement en respectant les dispositions prévues par les articles L 1232 '1 et suivants du code du travail.

C’est dans ce contexte que Y X soutient aujourd’hui que dans la mesure où le contrat de travail initial, requalifié en contrat à durée indéterminée à temps plein, est un contrat intermittent au sens de l’article L 3123 ' 31 du code du travail, l’employeur ne saurait être fondé à lui refuser le paiement des salaires pour les périodes d’intersaison durant lesquels Y X ne travaillait pas pour le club.

La cour relève toutefois qu’il résulte des pièces versées aux débats que dès l’origine en décembre 2002, la commune intention des parties a en réalité été, sous l’habillage factice d’un contrat de mise à disposition par l’ESF d’un prestataire de services entrepreneur individuel, de conclure chaque année entre Y X et le club des sports de Val-d’Isère un contrat de travail à durée déterminée, saisonnier pour la période de décembre à avril correspondant à la durée de la saison hivernale, pour qu’il dispense dans le cadre de cette structure des cours et des entraînements de ski.

C’est dans cette logique que s’inscrit la requalification de cette relation de travail en un contrat à durée indéterminée à temps plein, dans la mesure où aucun de ces contrats à durée déterminée n’a été conclu par écrit dans les formes et conditions prévues par les articles L 1242'1 et suivants du code du travail, et en particulier de l’article L 1242'12.

Le contrat à durée indéterminée à temps plein ainsi issu de la requalification du contrat à durée déterminée initial de décembre 2002 oblige l’employeur à lui payer son salaire y compris durant les périodes d’intersaison puisqu’il est présumé avoir travaillé pour lui ou avoir été en permanence à sa disposition.

Toutefois, et à la différence d’une requalification d’un contrat intermittent irrégulier, cette requalification d’un contrat à durée déterminée ne prive pas l’employeur de la possibilité de refuser le paiement des salaires durant ces périodes d’intersaison, à la condition toutefois qu’il rapporte la preuve de ce que Y X ne se tenait pas alors en permanence à sa disposition.

La disposition permanente d’un salarié à l’égard de son employeur s’entend de l’obligation pour le salarié de se conformer aux directives de l’employeur sans pouvoir se consacrer librement à des occupations personnelles ou à une autre activité professionnelle.

Il ressort des éléments de fait, notamment de la nature même des fonctions de Y X et du lieu d’exercice, qu’il était convenu qu’il ne serait à la disposition du Club des Sports de Val d’Isère que pendant les saisons d’hiver, ce que l’intéressé ne conteste pas.

À ce sujet, le Club des sports de Val-d’Isère rapporte ici incontestablement la preuve de l’exercice par Y X du 1er juin au 15 septembre 2003 d’une activité à temps complet en tant que professeur de parapente à Chamonix, dans le cadre d’une activité de prestations indépendantes de service pour le compte de la société SUMMIT gérée par B C. Sur sommation interpellative qui lui a été délivrée le 12 septembre 2014 par huissier, celle-ci a précisé que durant cette période, Y X ne pouvait pas exercer une autre activité. (Pièce 7 de l’employeur). Le club des sports de Val-d’Isère ne saurait donc être tenu de régler à Y X son salaire afférent à cette période.

Par contre, la cour ne peut que constater que le Club des sports de Val-d’Isère ne rapporte en l’état aucunement la preuve de ce que Y X ne se tenait pas en permanence à sa disposition

durant le reste des intersaisons, entre janvier 2003 et la rupture de son contrat de travail en mars 2006.

Le salarié est donc fondé à réclamer à son employeur le paiement des salaires pour la totalité des périodes d’intersaison, sauf à déduire de celle de 2003 la période précitée du 1er juin au 15 septembre.

Il n’est aujourd’hui pas contesté par les parties que le salaire mensuel brut dû par le Club des sports de Val-d’Isère à Y X était de 4800 €, base sur laquelle la cour d’appel de Grenoble a notamment calculé son indemnité de préavis.

Dès lors, cet employeur lui reste aujourd’hui redevable des salaires afférents aux périodes de mai à novembre des années 2003, 2004 et 2005, soit 21 mois, dont il convient de déduire 3,5 mois au titre de l’activité de moniteur de parapente de l’été 2003.

Par conséquent, le Club des Sports de Val d’Isère sera condamné à verser à Y X à titre de rappel de salaires pour ces 17,5 mois la somme de 84 000 euros bruts, outre 8 400 euros bruts au titre des congés payés afférents.

Partie perdante, l’association Club des sports de Val-d’Isère supportera les dépens de première instance et d’appel.

Vu les données du litige, il ne paraît pas inéquitable de laisser à chacune des parties la charge des frais de procédure et honoraires non compris dans les dépens qu’elles ont exposés pour la présente instance et qui n’ont pas déjà fait l’objet de l’allocation d’une indemnité par application de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

La Cour,

CONDAMNE l’association CLUB DES SPORTS DE VAL D’ISÈRE à verser à Y X la somme de 84 000 euros bruts à titre de rappel de salaires, outre 8 400 euros bruts au titre des congés payés y afférents,

CONDAMNE l’association CLUB DES SPORTS DE VAL D’ISÈRE à supporter la charge des entiers dépens,

DIT n’y avoir lieu à l’application de l’article 700 du code de procédure civile.

Le Greffier Le Président

D E F G

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Textes cités dans la décision

  1. Code de procédure civile
  2. Code du travail
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Cour d'appel de Lyon, Chambre sociale b, 15 décembre 2017, n° 16/05103