Cour d'appel de Lyon, Chambre sociale b, 5 novembre 2021, n° 19/01696

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Lyon, ch. soc. b, 5 nov. 2021, n° 19/01696
Juridiction : Cour d'appel de Lyon
Numéro(s) : 19/01696
Décision précédente : Conseil de prud'hommes de Lyon, 21 février 2019, N° 18/00345
Dispositif : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Sur les parties

Texte intégral

AFFAIRE PRUD’HOMALE

RAPPORTEUR

N° RG 19/01696 – N° Portalis DBVX-V-B7D-MHTH

Société IPD

C/

X

APPEL D’UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de LYON

du 22 Février 2019

RG : 18/00345

COUR D’APPEL DE LYON

CHAMBRE SOCIALE B

ARRÊT DU 05 NOVEMBRE 2021

APPELANTE :

Société IPD

[…]

[…]

[…]

Représentée par Me Jean-Bernard MICHEL de la SELARL ELLIPSE AVOCATS LYON, avocat au barreau de LYON substitué par Me Suzy CAILLAT, avocat au barreau de LYON

INTIMÉ :

D X

né le […] à THOUARS

[…]

[…]

Représenté par Me Camille BOUHELIER, avocat au barreau de LYON

DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 17 Septembre 2021

Présidée par Olivier MOLIN, Conseiller magistrat rapporteur, (sans opposition des parties dûment

avisées) qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré, assisté pendant les débats de E F, Greffier.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

— G H, présidente

— Sophie NOIR, conseiller

— Olivier MOLIN, conseiller

ARRÊT : CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement le 05 Novembre 2021 par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;

Signé par G H, Présidente et par E F, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

********************

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES:

Monsieur X a été embauché par la SAS IPD en qualité de 'chargé Webmarketing’ statut employé – coefficient 355 – position 2.3, en contrat à durée indéterminée, à temps plein sur la base de 39 heures par semaine, à compter du 12 septembre 2016.

Le contrat de travail prévoyait :

— une rémunération fixe brute annuelle de 33.000 ' versée en 12 mensualités de 2.750 ' ;

— une rémunération brute annuelle d’un montant de 2.000 ', versée en fonction des objectifs à réaliser définis par la Direction.

La convention collective applicable au contrat de travail est celle des bureaux techniques, cabinets d’ingénieurs conseils, sociétés de conseils, dite SYNTEC (IDCC : 1486).

Par courrier en date du 6 octobre 2017, Monsieur X a été convoqué à un entretien préalable en vue d’un éventuel licenciement prévu le 17 octobre 2017 et mis à pied à titre conservatoire.

Par lettre recommandée avec demande d’avis de réception en date du 24 octobre 2017, Monsieur X a été licencié pour faute simple, avec dispense d’exécuter son préavis.

Par ailleurs, il a reçu de l’employeur une somme de 1283 ' bruts au titre du solde de sa prime d’objectifs.

Le 8 février 2018, Monsieur X a saisi le conseil de prud’hommes de Lyon pour contester son licenciement et obtenir, suivant le dernier état de ses écritures et à l’audience, des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, ainsi qu’un rappel de prime d’objectifs.

Par jugement du 22 février 2019, le conseil de prud’hommes de Lyon a :

— dit que le licenciement de Monsieur X ne reposait pas sur une faute et était sans cause réelle et sérieuse ;

— condamné la SAS IDP à verser à Monsieur X les sommes suivantes :

. 7.000 ' à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

. 1.200 ' au titre de l’article 700 du Code de procédure civile.

— débouté Monsieur X de ses autres et plus amples demandes ;

— débouté la SAS IDP de ses demandes ;

— condamné la SAS IDP aux dépens de l’instance.

Par déclaration du 7 mars 2019, la SASU IPD a interjeté appel de ce jugement, visant expressément l’ensemble des chefs du jugement relatifs au licenciement et aux demandes accessoires.

Aux termes de ses conclusions reçues au greffe par voie électronique le 7 octobre 2019, la SAS IPD a demandé à la Cour de :

— infirmer le jugement en ce qu’il a jugé le licenciement de Monsieur X sans cause réelle et sérieuse ;

— constater que le licenciement de Monsieur X est justifié ;

— débouter Monsieur X de l’intégralité de ses demandes ;

— condamner Monsieur X à verser à la SASU IPD la somme de 3.000 ' au titre de l’article 700 du Code de procédure civile.

La SAS IPD fait valoir que le comportement du salarié s’est progressivement dégradé au cours de l’année 2017 ; que le 28 juillet 2017, un avertissement lui a ainsi été notifié pour avoir eu une réaction irrespectueuse et d’intimidation à l’encontre de sa hiérarchie en réunion de service, sanction qui n’a pas été contestée par le salarié ; que sur les six collaborateurs qui composent l’équipe commerciale, quatre ont alerté la Direction sur la détérioration de leurs relations de travail causée par les propos et attitudes négatifs de Monsieur X tant à l’égard de son management, qu’il refusait de suivre, que de ses mission au sein de l’open-space ; que ce climat a eu pour effet de démotiver les collaborateurs ; que, par ailleurs, il déléguait constamment des tâches qu’il refusait d’exécuter ; que cette attitude a eu un impact négatif sur les résultats des commerciaux.

Par conséquent, elle estime que le salarié a fait un usage abusif de sa liberté d’expression.

Elle répond à l’argumentation adverse que le salarié ne saurait invoquer une surcharge de travail alors qu’il a été donné suite à sa demande d’embauche d’une personne supplémentaire pour l’épauler dans ses tâches.

Subsidiairement, elle fait valoir que Monsieur X ne justifie pas du préjudice qu’il invoque, compte tenu notamment de son ancienneté, et que le conseil de prud’hommes n’a pas respecté le barème d’indemnisation résultant de l’ordonnance du 22 septembre 2017, répondant à la motivation du premier juge que ce dispositif a été validé par le Conseil constitutionnel et que le droit interne est conforme aux dispositions de l’article 10 de la Convention n°158 de l’Organisation internationale du travail et de l’article 24 de la Charte sociale européenne, en ce qu’il prévoit une indemnisation adéquate.

Aux termes de ses conclusions reçues au greffe par voie électronique le 27 août 2019, Monsieur X demande à la Cour de confirmer le jugement rendu par le conseil de prud’hommes de Lyon le 22 février 2019, en ce qu’il a :

— dit que le licenciement ne reposait pas sur une faute et était sans cause réelle et sérieuse ;

— condamné la SAS IPD à lui verser la somme de 1.200 ' au titre de l’article 700 du Code de procédure civile ;

Il demande à la cour, statuant à nouveau, de :

— condamner la SAS IPD à lui payer la somme de 10.000 ' à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

— condamner la SAS IPD à payer à Monsieur X les sommes suivantes :

. 717 ' bruts à titre de rappel de primes d’objectifs,

. 71,70 ' à titre de rappel de salaires sur rappel de primes d’objectifs (sic).

— condamner la SAS IPD à payer à Monsieur X la somme de 3.000 ' à titre des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile.

Le salarié estime que son licenciement est infondé dans la mesure où l’employeur ne justifie d’aucun manquement matériellement vérifiable, les griefs invoqués dans la lettre de licenciement étant particulièrement vagues ; que dès son embauche il a interpellé la Direction sur les difficultés qu’il rencontrait au quotidien dans son travail (surcharge de travail, tâches ne relevant pas de ses attributions, comportement de sa responsable, commerciaux qui lui donnent des ordres) ; que sa supérieure hiérarchique, proche de la retraite, n’a pas cherché à trouver de solution, exprimant le souhait de le voir quitter les effectifs de l’entreprise ; que lorsque sa nouvelle supérieure hiérarchique est entrée en fonctions, il lui a fait part de ses difficultés ; qu’en représailles, il a été mis à pied le 6 octobre 2017 et licencié le 24 octobre 2017 ; qu’il n’a néanmoins jamais fait de remarques qui n’étaient pas constructives et manqué à son obligation de loyauté.

Il répond à l’argumentation adverse que l’employeur ne saurait invoquer l’avertissement du 28 juillet 2017, qu’il n’a pas contesté car il ignorait qu’il en avait la possibilité ; que les agissements qui lui sont reprochés à ce titre ne sauraient être considérés comme fautifs ; que par ailleurs, les attestations produites par l’employeur démontrent en réalité la difficulté des salariés à s’adapter à l’environnement de travail open-space ; qu’en outre, il ne peut lui être reproché de ne pas avoir effectué des relances clients, qui ne relevaient pas de ses attributions ; qu’en tout état de cause, il a bien effectué les relances comptables conformément aux process applicables au sein de la société.

S’agissant des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, il soutient que le dispositions de l’article L. 1235-3, qui limitent les indemnités pouvant être allouées en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse ne permettent pas de prendre en compte l’intégralité du préjudice qu’il a subi et doivent être écartées au profit des dispositions de l’article 10 de la Convention n°158 de l’Organisation internationale du travail et de l’article 24 de la Charte sociale européenne.

Par ailleurs, Monsieur X estime être en droit de percevoir l’intégralité de la prime annuelle d’objectifs, d’un montant maximal de 2000 ', faisant valoir que l’employeur ne démontre pas qu’il n’aurait pas rempli ses objectifs pour l’année 2017, objectifs qui ne lui ont été remis que le 12 juillet 2017, et sollicite l’infirmation du jugement sur ce point.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 22 juin 2021 et l’affaire fixée pour plaidoirie au 17 septembre 2021.

MOTIFS

Sur le rappel de prime d’objectifs

En application des dispositions de l’article 1315 du code civil dans sa rédaction antérieure à l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, il appartient à l’employeur de justifier des faits générateurs de commissions et du calcul de la part variable de la rémunération convenue.

Par ailleurs, lorsque la part variable de la rémunération dépend de la réalisation d’objectifs fixés unilatéralement par l’employeur, cette part doit être intégralement versée au salarié si l’employeur n’a ni précisé les objectifs à réaliser ni fixé les conditions de calcul vérifiables de cette rémunération (Cass. Soc., 24 sept. 2013, n° 12-17.921).

En l’espèce, le contrat de travail prévoit une prime brute annuelle de 2000 ' versée en fonction des objectifs à réaliser définis par la direction sur la période correspondant à l’exercice civil du 1er janvier au 31 décembre.

Le contrat précise : «Pour la période du 12 septembre 2016 au 31 décembre 2016 inclus, la prime brute annuelle précitée sera proratisée. Elle ne sera versée au salarié que si ce dernier justifie d’une présence permanente sur toute la période.

Cette prime brute annuelle tient compte de l’impact des congés payés et elle rémunère une productivité globale annuelle (')

Force est de constater que l’employeur ne conclut pas en appel sur le rappel de prime d’objectifs.

Il est néanmoins constant que l’employeur a versé la somme de 1283 ' bruts lors de la rupture du contrat de travail au titre de la prime d’objectifs de l’exercice 2017.

Dès lors, le conseil de prud’hommes ne pouvait juger que cette prime n’était pas due si le salarié ne justifiait pas d’une présence permanente sur toute la période.

En effet, il ressort à la fois des termes du contrat et de l’intention exprimée par l’employeur que la prime annuelle était due au prorata de la présence du salarié dans l’entreprise pendant la période considérée.

Par ailleurs, l’employeur est tenu de porter les objectifs à la connaissance du salarié en début d’exercice.

En l’occurrence, la société IPD ne justifie pas d’une telle communication avant le début de la période considérée, soit le 1er janvier 2017.

Par conséquent, en l’absence d’objectifs fixés, le salarié avait droit au paiement de la prime annuelle au prorata de sa présence dans l’entreprise, du 1er janvier 2017 jusqu’au terme du délai de préavis le 24 novembre 2017, soit, après déduction de la somme de 1283 ' déjà versée, un rappel de prime de 514,26 ' bruts, outre 51,42 ' bruts au titre des congés payés afférents.

Le jugement est infirmé de ce chef

Sur la validité du licenciement

Aux termes de l’article L. 1235-1 du Code du travail le juge a pour mission d’apprécier la régularité de la procédure de licenciement et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l’employeur.

La lettre de licenciement fixe les limites du litige. La cause du licenciement doit être objective et reposer sur des faits matériellement vérifiables. Les faits doivent être établis et constituer la véritable cause de licenciement. Enfin, les faits invoqués doivent être suffisamment pertinents pour justifier le licenciement.

Il appartient au juge du fond, qui n’est pas lié par la qualification donnée au licenciement, de vérifier la réalité des faits invoqués et reprochés au salarié et de les qualifier puis de décider s’ils constituent une cause réelle et sérieuse au sens de l’article L1232-1 du Code du travail à la date du licenciement, l’employeur devant fournir au juge les éléments permettant à celui-ci de constater les caractères réel et sérieux du licenciement.

En l’espèce, la lettre de licenciement du 24 octobre 2017 est motivée dans les termes suivants :

«Le 28 juillet dernier, nous vous avons remis un avertissement pour avoir eu une réaction irrespectueuse et d’intimidation à l’encontre de votre hiérarchie en réunion de service devant l’ensemble de vos collègues.

Malgré cet avertissement, sur les 6 collaborateurs qui composent l’équipe commerciale, quatre nous ont alertés sur la détérioration de leur relation de travail causée par vos propos et attitudes négatifs qui persistent. Elles nous précisent ne plus supporter ces tensions dans l’open-space et s’interroger sur leur avenir au sein de la société si les tensions ne s’apaisent pas.

Ainsi, les faits suivants nous ont été remontés :

- Vous continuez à critiquer votre management, l’organisation du service et de la société devant tous en open-space voire critiquer les clients ; ces critiques ont lieu y compris lorsque les commerciales sont en ligne avec leurs clients ;

- Vous vous plaignez devant toute l’équipe sur les missions que vous devez effectuer en précisant que ce n’est à vous de le faire ;

- Remarques déplacées et décourageantes à l’encontre des commerciales comme leur rappeler qu’elles n’ont pas atteint leur objectif et leur demander de s’activer.

Du fait de votre attitude, les commerciales ont du mal à se concentrer, sont démotivées par ce climat de travail négatif et délétère, ce qui se ressent dans leurs résultats commerciaux. Elles nous ont fait part devoir effectuer des tâches que vous refusez d’exécuter.

En outre, vous continuez à ne pas respecter les directives de votre manager au point qu’elle nous indique ne plus communiquer avec vous et craindre vos réactions.

Ainsi :

- vous continuez à ne communiquer que par mail, ce qui tend les relations de travail et a pour conséquence de ralentir l’activité ;

- vous refusez de corriger des contenus sur notre site arguant du fait de reprendre les communiqués des clients ;

- vous continuez à refuser d’appeler les clients pour les relances comptables préférant envoyer des mails secs de menace de contentieux ;

- vous réagissez de manière excessive à chacune des directives de votre manager en disant que vous n’avez pas le temps ou que cela ne fait pas partie de vos missions.

Enfin, nous déplorons votre attitude irrespectueuse à l’encontre d’une de vos collègues qui est à quelques mois de la retraite et qui fournit tous les efforts pour la passation de ses dossiers et passage d’expérience.

En conséquence, nous ne pouvons que constater que vous continuez à :

- être générateur de tensions dans les relations de travail avec vos collègues et votre hiérarchie ;

- faire des remarques déplacées sur leurs missions et responsabilités allant jusqu’à dénigrer leur travail ;

- critiquer l’organisation du service, la stratégie commerciale déployée voire les clients, détériorer ainsi l’ambiance de travail de l’équipe.

Compte tenu de ces éléments, nous vous notifions votre licenciement pour faute simple.

La date de première présentation de cette lettre fixera le point de départ de votre préavis d’un mois au terme duquel votre contrat de travail sera définitivement rompu. Nous vous précisons cependant que nous vous dispensons de l’exécution de ce préavis.

En outre, nous vous informons que la période de mise à pied à titre conservatoire vous sera rémunérée. (…)»

Il est ainsi reproché au salarié :

— de critiquer et de ne pas respecter sa hiérarchie ;

— de se plaindre de ses missions ;

— des remarques déplacées et décourageantes ;

— le non-respect des consignes données par ses responsables.

Pour établir la réalité des griefs invoqués dans la lettre de licenciement, la société IPD produit aux débats de nombreux échanges de mails entre salariés de l’entreprise.

L’ensemble des reproches faits à Monsieur X sont synthétisés dans un message électronique transmis le 9 octobre 2017 par Madame Y, directrice commerciale et supérieure hiérarchique directe de Monsieur X, à sa hiérarchie.

Il est également produit un message électronique adressé le 4 octobre 2017 par Madame Z, commerciale au sein de la société, à sa supérieure, Madame Y, dans lequel Madame Z se plaint du comportement de D (X) et de A qui ne cessent d’échanger de manière négative sur la société, font des remarques sur le travail des commerciales, Monsieur X leur ayant notamment dit «il faut se bouger, vous n’avez pas rempli vos objectifs».

L’autre commerciale du service dans lequel travaillait Monsieur X, Madame B, a également adressé un message électronique le 2 octobre 2017 à sa hiérarchie pour lui faire part de ses inquiétudes quant à l’atteinte de ses objectifs en raison de la mauvaise ambiance au sein du service et des difficultés à se concentrer dues à l’attitude de Monsieur X, à l’origine d’altercations, de revendications, celui-ci refusant par ailleurs de faire des appels de

courtoisie aux clients et faisant preuve d’une mauvaise volonté dans l’accomplissement de ses tâches.

Dans un message électronique qui n’est pas daté, Madame C, nouvelle directrice commerciale après le départ en retraite de Madame Y, se plaint également auprès de sa hiérarchie du comportement de Monsieur X, qui se montre récalcitrant, de mauvaise volonté, critiquant toujours de manière négative, ayant des sautes d’humeur et refusant de se plier à sa hiérarchie.

Pour illustrer ces critiques, il est produit plusieurs échanges de mails essentiellement entre Monsieur X et Madame Y.

Ces échanges font ressortir l’existence d’une mauvaise ambiance de travail en raison principalement d’une mésentente entre Monsieur X et Madame Y.

Il est notamment reproché au salarié une rigidité dans la relation avec les clients, Monsieur X effectuant des relances par mail avec menace d’envoi au contentieux sans les contacter téléphoniquement au préalable, ce que lui a fait remarquer Madame Y à plusieurs reprises sans qu’il ne modifie sa façon d’agir, rigidité confirmée par de nombreux messages adressés aux clients.

Monsieur X pouvait également faire preuve d’ironie :

— dans un message du 12 juillet 2017 adressé aux deux commerciales, Madame Z et Madame B, avec en copie la directrice commerciale, Monsieur X réagit à un message rappelant le process relation client, pour se plaindre, de manière ironique, de l’ajout de tâches ne relevant pas de ses fonctions : «Vous me voyez tellement heureux que le manager ait compris mon appel et me donne la possibilité d’avoir plus de tâches pour occuper mon temps libre (car je commençais à m’ennuyer sérieusement). Au moins comme ça, je n’aurai plus de Webmarketing à faire. Enjoy la life et surtout le management. Bon sinon, comme de toute façon ni vous ni moi n’avons vraiment le choix et encore moins notre mot à dire, je ne peux que valider tout cela (et avec le sourire') et ce nouveau mode de fonctionnement qui fait de vous des vendeuses en call-center et non plus des commerciales (pour moi, je ne sais même plus vraiment ce que je fais')» ;

— à un message de Madame C du 15 septembre 2017 lui demandant de corriger une faute sur une annonce, reprise sur le site de la société, d’un événement organisé par la chambre de commerce et d’industrie, Monsieur X répond : «Merci je vais avertir la CCi qu’il y a une faute sur leur e-mailing».

Enfin, dans un message du 5 septembre 2017, Madame C, en réponse à un message électronique de Monsieur X dans lequel ce dernier réagissait au débriefing d’une réunion ayant eu lieu la veille, lui demandait d’arrêter d’envoyer des mails circulaires à l’ensemble de l’équipe et de lui adresser directement ses remarques.

Ces éléments suffisent à établir la réalité du manque de respect et de l’insubordination donc pas fait preuve le salarié, en particulier à l’égard de sa hiérarchie.

Le fait que Monsieur X ait accompli des tâches de relances auprès des clients, qui ne relevaient pas directement des ses fonctions de 'chargé Webmarketing', tâches qu’il n’avait manifestement pas envie d’accomplir, ne saurait justifier le ton employé à l’égard de sa hiérarchie, ce d’autant qu’il ne démontre pas, contrairement à ce qu’il fait conclure, qu’il se serait régulièrement adressé à sa hiérarchie pour se plaindre de ses attributions, notamment dans son entretien d’évaluation 2016.

Le licenciement fait suite à un avertissement adressé au salarié le 28 juillet 2017 pour avoir, lors

d’une réunion du 20 juillet, interpellé la directrice commerciale devant l’ensemble de l’équipe sur ses objectifs et sur des sujets d’organisation qui n’étaient pas à l’ordre du jour, avoir critiqué les choix stratégiques de la direction et adopté une attitude irrespectueuse à l’égard de ses supérieurs hiérarchiques, devant ses collègues, ainsi que, sous un accès de colère, s’être levé de sa chaise et avoir haussé le ton.

Monsieur X n’a jamais contesté cette décision, qui lui a été remise en main propre le 28 juillet 2017, au cours de la relation de travail, et n’en a pas sollicité l’annulation dans le cadre de la procédure judiciaire.

Dès lors, il convient de tenir compte de cette sanction disciplinaire et de relever que le salarié a réitéré son comportement irrespectueux à l’égard de sa hiérarchie, caractérisant une insubordination suffisamment grave pour justifier la rupture du contrat de travail.

Par conséquent, le jugement est infirmé en ce qu’il a dit que le licenciement était sans cause réelle et sérieuse et condamné l’employeur à des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Sur la remise des documents rectifiés

La décision rendue justifie que soit ordonné à l’employeur de remettre un bulletin de salaire, un certificat de travail conforme aux dispositions de l’article L. 1234-19 du code du travail, ainsi qu’une attestation Pôle Emploi rectifiés.

Sur les demandes accessoires

Le premier juge a exactement statué sur le sort des dépens et de l’article 700, dont il a fait une équitable application.

En revanche, chacune des parties succombant partiellement à l’instance d’appel, il y a lieu de dire qu’elles conserveront à leur charge leurs propres dépens d’appel et de ne pas faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile au titre des frais d’appel.

PAR CES MOTIFS,

La Cour,

Confirme le jugement déféré en ce qu’il a condamné la société IPD à verser à Monsieur D X la somme de 1200 ' au titre de l’article 700 du code de procédure et l’a condamnée aux dépens.

Infirme le jugement pour le surplus.

Statuant à nouveau des chefs du jugement infirmés et y ajoutant :

Condamne la SARL IPD à verser à Monsieur D X les sommes de 514,26 ' bruts à titre de rappel de prime sur objectifs de l’année 2017, outre 51,42 ' bruts au titre des congés payés afférents.

Déboute Monsieur D X du surplus de ses demandes à ce titre.

Dit que le licenciement du 24 octobre 2017 a une cause réelle et sérieuse.

Déboute en conséquence Monsieur D X de sa demande de dommages-intérêts pour

licenciement sans cause réelle sérieuse.

Condamne la SARL IPD à remettre à Monsieur D X un bulletin de salaire, un certificat de travail conforme aux dispositions de l’article L. 1234-19 du code du travail, ainsi qu’une attestation Pôle Emploi rectifiés, dans les 15 jours de la notification du présent arrêt.

Déboute les deux parties de leurs demandes en application de l’article 700 du code de procédure civile au titre des frais d’appel.

Dit que chacune des parties supportera la charge de ses propres dépens d’appel.

Le Greffier La Présidente

E F G H

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