Cour d'appel de Lyon, Chambre sociale d ps, 17 octobre 2023, n° 21/05239

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Lyon, ch. soc. d ps, 17 oct. 2023, n° 21/05239
Juridiction : Cour d'appel de Lyon
Numéro(s) : 21/05239
Importance : Inédit
Décision précédente : Tribunal judiciaire de Lyon, 16 mai 2021, N° 17/01243
Dispositif : Autre
Date de dernière mise à jour : 1 novembre 2023
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Sur les parties

Texte intégral

AFFAIRE DU CONTENTIEUX DE LA PROTECTION SOCIALE

RAPPORTEUR

R.G : N° RG 21/05239 – N° Portalis DBVX-V-B7F-NWJ5

CPAM DU RHONE

C/

[D]

APPEL D’UNE DÉCISION DU :

Pole social du TJ de LYON

du 17 Mai 2021

RG : 17/01243

AU NOM DU PEUPLE FRAN’AIS

COUR D’APPEL DE LYON

CHAMBRE SOCIALE D

PROTECTION SOCIALE

ARRÊT DU 17 OCTOBRE 2023

APPELANTE :

CPAM DU RHONE

Service contentieux général

[Localité 3]

représenté par Me Cédric PUTANIER de la SELARL CEDRIC PUTANIER AVOCATS, avocat au barreau de LYON

INTIMEE :

[E] [D]

[Adresse 1]

[Localité 2] (RHÔNE)

représentée par Me Christophe OHMER de la SELARL PBO AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de LYON

DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 19 Septembre 2023

Présidée par Delphine LAVERGNE-PILLOT, Présidente de chambre, magistrat rapporteur, (sans opposition des parties dûment avisées) qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré, assistée pendant les débats de Anais MAYOUD,

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :

— Delphine LAVERGNE-PILLOT, présidente

— Vincent CASTELLI, conseiller

— Nabila BOUCHENTOUF, conseillère

ARRÊT : CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement le 17 Octobre 2023 par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;

Signé par Delphine LAVERGNE-PILLOT, Magistrate, et par Anais MAYOUD, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

********************

FAITS CONSTANTS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Mme [D] (l’assurée) a été engagée en qualité de secrétaire administrative par le comité d’entreprise de la caisse primaire d’assurance maladie du Rhône (l’employeur) à compter du 13 novembre 2007.

L’employeur a établi une déclaration d’accident du travail survenu le 27 octobre 2016 au préjudice de Mme [D] dans les circonstances suivantes : « choc psychologique », déclaration assortie de réserves et accompagnée d’un certificat médical établi par le docteur [V], médecin généraliste, le 28 octobre 2016 faisant état d’un « syndrome dépressif réactionnel à des problèmes professionnels d’après la patiente (harcèlement ') » .

Le 1er février 2017, la caisse primaire d’assurance maladie (la CPAM) a notifié un refus de prise en charge l’accident au titre de la législation professionnelle.

Le 23 février 2017, Mme [D] a saisi la commission de recours amiable qui, par décision du 6 avril 2017, a rejeté sa demande.

Le 31 mai 2017, elle a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale, devenu tribunal judiciaire, en contestation de la décision de rejet de la commission de recours amiable.

Par jugement contradictoire du 17 mai 2021, le tribunal :

— déclare recevable le recours de Mme [D] en reconnaissance du caractère professionnel de l’accident du 27 octobre 2016,

— dit que Mme [D] a été victime d’un accident du travail le 27 octobre 2016 et que les lésions psychologiques constatées par certificat médical initial du 28 octobre 2016 doivent être prises en charge au titre de la législation professionnelle,

— renvoie Mme [D] devant la CPAM pour la liquidation de ses droits,

— ordonne d’office l’exécution provisoire de la décision,

— condamne la CPAM à payer à Mme [D] la somme de 1 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux dépens de l’instance exposés à compter du 1er janvier 2019.

Le 16 juin 2021, la CPAM a relevé appel de ce jugement.

Dans le dernier état de ses conclusions notifiées par voie électronique le 11 février 2023 et reprises oralement sans ajout ni retrait au cours des débats, elle demande à la cour de :

— déclarer son appel recevable,

— infirmer le jugement,

Statuant à nouveau,

— confirmer la décision de refus de prise en charge du 1er février 2017,

— confirmer la décision de rejet rendue par la commission de recours amiable du 5 avril 2017.

Dans le dernier état de ses conclusions notifiées par voie électronique le 4 août 2023 et reprises oralement sans ajout ni retrait au cours des débats, Mme [D] demande à la cour de :

— confirmer le jugement en ce qu’il a déclaré recevable le recours en reconnaissance du caractère professionnel de l’accident du 27 octobre 2016 et jugé que les lésions psychologiques doivent être prise en charge au titre de la législation professionnelle,

— débouter la caisse de ses fins et conclusions,

En conséquence,

— déclarer recevable son recours en reconnaissance du caractère professionnel de l’accident du 27 octobre 2016,

— dire et juger qu’elle a été victime d’un accident du travail le 27 octobre 2016 et que les lésions psychologiques constatées par certificat médical initial du 28 octobre 2016 doivent être prise en charge au titre de la législation professionnelle,

Ajoutant au jugement,

— condamner la caisse à lui payer une somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, outre les dépens de l’instance exposés.

En application de l’article 455 du code de procédure civile, la cour se réfère, pour un plus ample exposé des prétentions et des moyens des parties, à leurs dernières conclusions sus-visées.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Il sera liminairement relevé que le jugement n’est pas remis en cause en ce qu’il déclare recevable le recours de Mme [D].

SUR LE CARACTERE IMPLICITE DE LA PRISE EN CHARGE DE L’ACCIDENT

Mme [D] soutient que la CPAM ne lui a pas notifié le recours à un délai d’instruction supplémentaire dans le délai légal, à savoir à compter du 8 novembre 2016, date à laquelle la caisse était selon elle en possession des éléments nécessaires. Elle conclut à l’existence d’une décision implicite de prise en charge de l’accident au titre de la législation sur les risques professionnels.

La CPAM conteste l’existence d’une décision implicite de prise en charge et expose qu’elle a régulièrement notifié à Mme [D] le recours à un délai d’instruction supplémentaire dans le délai légal, à savoir à compter du 24 novembre 2016.

Aux termes de l’article R. 441-11 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction issue du décret n° 2009-938 du 29 juillet 2009, en cas de réserves motivées de la part de l’employeur ou si elle l’estime nécessaire, la caisse primaire d’assurance maladie envoie avant décision à l’employeur et à la victime d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle un questionnaire portant sur les circonstances ou la cause de l’accident ou de la maladie ou procède à une enquête auprès des intéressés.

Selon l’article R. 441-14, alinéa 1, du même code, dans sa rédaction issue de ce décret, la caisse doit informer la victime ou ses ayants droit et l’employeur avant l’expiration du délai prévu au premier alinéa de l’article R. 441-10 par lettre recommandée avec demande d’avis de réception, lorsqu’il y a nécessité d’examen ou d’enquête complémentaire.

Il résulte de la combinaison de ces textes que, lorsque la décision de la caisse de prolonger le délai pour statuer sur le caractère professionnel de l’accident ou de la maladie ne résulte pas de la nécessité de l’envoi d’un questionnaire ou de la réalisation d’une enquête, la caisse est seulement tenue d’informer les parties en temps utile du report de sa décision et de les informer, une fois l’examen de la déclaration achevé, de la faculté pour elles de consulter le dossier.

La CPAM dispose d’un délai de 30 jours à compter de la date à laquelle elle a reçu la déclaration d’accident du travail et le certificat médical initial pour statuer sur le caractère professionnel de l’accident.

Toutefois, lorsqu’il y a nécessité d’examen ou d’enquête complémentaire, elle doit en informer la victime ou ses ayants droit et l’employeur avant l’expiration du délai précité par lettre recommandée avec accusé de réception.

A l’expiration d’un nouveau délai délai qui ne peut excéder deux mois pour un accident du travail à compter de la date de cette notification et en l’absence de décision de la caisse, le caractère professionnel de l’accident est reconnu implicitement.

Ici, il est patent qu’une déclaration d’accident du travail survenu le 27 octobre 2016 au préjudice de Mme [D] a été établi et que, l’employeur ayant émis des réserves, la CPAM a diligenté une mesure d’instruction. Un rapport d’enquête administrative a été établi le 12 décembre 2016.

Le certificat médical initial est daté du 28 octobre 2016 et la déclaration d’accident du travail a été établie le 6 novembre 2016. Or, comme le relève à juste titre le premier juge, la CPAM n’a reçu la déclaration d’accident du travail que le 24 novembre 2016 de sorte que ce n’est qu’à compter de cette date, et non pas du 8 novembre 2016, qu’a commencé à courir le délai réglementaire d’instruction. Il s’ensuit que la notification de la mise en 'uvre du délai complémentaire d’instruction du 9 décembre 2016 est bien intervenue dans le délai réglementaire tel qu’il résulte de la combinaison des articles R. 441-10 et R. 441-14 du code de la sécurité sociale.

Il convient donc de confirmer le jugement en ce qu’il rejette la demande de reconnaissance implicite du caractère professionnel de l’accident du 27 novembre 2016.

SUR LE CARACTÈRE PROFESSIONNEL DE L’ACCIDENT DECLARE

La CPAM conteste le caractère professionnel de l’accident déclaré au préjudice de Mme [D] au motif que le syndrome dépressif réactionnel visé par le certificat médical initial résulte d’un ensemble d’événements s’inscrivant dans la durée, depuis 2012, non précisément datés. Elle considère qu’il n’en ressort aucun fait accidentel au sens de l’article L. 411-1 du code de la sécurité sociale.

Mme [D] réplique que le courriel de la [4] du 27 octobre 2016 adressé à l’ensemble du personnel de la caisse et faisant état de sa propre situation salariale caractérise l’événement accidentel soudain survenu aux temps et lieu du travail et que ces faits sont corroborés par le témoignage objectif de Mme [M]. Elle excipe du choc psychologique qui en est résulté pour elle et en déduit qu’elle doit bénéficier de la présomption d’imputabilité. Elle ajoute que la caisse échoue à rapporter la preuve contraire.

Il résulte de l’article L. 411-1 du code de la sécurité sociale que constitue un accident du travail un événement ou une série d’événements survenus à des dates certaines par le fait ou à l’occasion du travail, dont il est résulté une lésion corporelle.

En application de ce texte, l’accident qui s’est produit au temps et au lieu du travail est présumé être un accident du travail.

Celui qui déclare avoir été victime d’un accident du travail doit établir autrement que par ses simples affirmations les circonstances exactes de l’accident et son caractère professionnel. Il lui appartient dès lors de rapporter la preuve de la réalité de la lésion ainsi que sa survenance au lieu et au temps du travail, c’est-à-dire celui au cours duquel le salarié se trouve soumis au contrôle et à l’autorité du chef d’entreprise.

Il revient ensuite à l’employeur qui entend contester cette présomption légale d’imputabilité de prouver l’existence d’une cause totalement étrangère au travail.

La qualification d’accident du travail peut être retenue en cas de lésion psychologique, notamment si celle-ci est imputable à un événement ou à une série d’événements survenus à des dates certaines.

En l’espèce, il convient d’adopter les motifs exacts et pertinents du premier juge qui retient le caractère professionnel de l’accident litigieux. Il sera simplement précisé que la matérialité des faits est établie par le témoignage de Mme [M] que Mme [D] a contacté immédiatement après qu’elle ait pris connaissance du courriel litigieux. De plus, la réception du mail de la [4] du 27 octobre 2016 adressé à l’ensemble du personnel de la caisse et faisant clairement état de la situation salariale personnelle de Mme [D] constitue un fait précis et soudain survenu au temps et au lieu du travail. Il constitue le fait générateur de l’état de choc psychologique dont a été victime la salariée et le syndrome dépressif réactionnel constaté médicalement est la conséquence de ce choc psychologique, peu important le fait que des « problèmes professionnels » aient préexisté à cet événement, précis et daté.

Par ailleurs, les constatations médicales sont intervenues dès le lendemain des faits invoqués. Le certificat médical initial est cohérent avec les circonstances de l’accident décrites ainsi qu’avec le siège et la nature des lésions déclarées (choc psychologique).

Enfin, il sera rappelé qu’il n’est pas nécessaire de prouver l’existence de conditions anormales dans la remise du mail dont s’agit pour caractériser un accident du travail.

Il est ainsi établi que le 27 octobre 2016, il s’est produit un événement soudain (réception d’un mail) dont il est résulté une brutale altération des facultés mentales de Mme [D] constatée dès le lendemain des faits déclarés, étant de surcroît constant que l’aggravation, due entièrement à un accident du travail, d’un état pathologique antérieur n’occasionnant auparavant aucune incapacité, doit être indemnisée en sa totalité au titre de l’accident du travail.

La présomption d’imputabilité trouve donc à s’appliquer à Mme [D] et la CPAM ne rapporte pas la preuve contraire.

En conséquence, le jugement sera confirmé en ce qu’il retient le caractère professionnel de l’accident et dit qu’il doit être pris en charge au titre de la législation sur les risques professionnels.

SUR LES DEMANDES ACCESSOIRES

La décision attaquée sera confirmée en ses dispositions relatives à l’article 700 du code de procédure civile mais infirmée en celles relatives aux dépens.

L’abrogation, au 1er janvier 2019, de l’article R. 144-10 du code de la sécurité sociale a mis fin à la gratuité de la procédure en matière de sécurité sociale. Pour autant, pour les procédures introduites avant le 1er janvier 2019, le principe de gratuité demeure. En l’espèce, la procédure ayant été introduite le 31 mai 2017, il n’y a pas lieu de statuer sur les dépens de première instance.

La CPAM, qui succombe, supportera les dépens d’appel et une indemnité au visa de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS :

La cour,

Confirme le jugement en ses dispositions soumises à la cour, sauf en celles relatives aux dépens,

Statuant à nouveau dans cette limite et y ajoutant,

Dit n’y avoir lieu à condamnation aux dépens de première instance,

Condamne la caisse primaire d’assurance maladie du Rhône aux dépens d’appel,

Vu l’article 700 du code de procédure civile, condamne la caisse primaire d’assurance maladie du Rhône à payer complémentairement en cause d’appel à Mme [D] la somme de 1 500 euros.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE

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