Cour d'appel de Metz, 9 septembre 2014, n° 14/00723

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Metz, 9 sept. 2014, n° 14/00723
Juridiction : Cour d'appel de Metz
Numéro(s) : 14/00723
Décision précédente : Conseil de prud'hommes de Metz, 24 avril 2014, N° 13/0356

Sur les parties

Texte intégral

Arrêt n° 14/00723

09 Septembre 2014


RG N° 14/01456


Conseil de prud’hommes – Formation de départage de METZ

25 Avril 2014

R 13/0356


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE METZ

CHAMBRE SOCIALE

ARRÊT DU

neuf Septembre deux mille quatorze

APPELANTS :

SAS ASCOMETAL prise en la personne de son représentant légal

XXX

XXX

XXX

Représentée par Me SUNDERLAND substituant Me Grégory CHASTAGNOL, avocat au barreau de PARIS

Maître Z A en qualité d’administrateur judiciaire de la Société ASCOMETAL

XXX

XXX

Représenté par Me SUNDERLAND substituant Me Grégory CHASTAGNOL, avocat au barreau de PARIS

Maître F G en qualité de mandataire juidiciaire de la Société ASCOMETAL

XXX

XXX

Représenté par Me SUNDERLAND substituant Me Grégory CHASTAGNOL, avocat au barreau de PARIS

INTIMÉ :

Monsieur B Y

XXX

XXX

Représenté par Monsieur D E (Délégué syndical ouvrier), régulièrement muni d’un pouvoir

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 10 Juin 2014, en audience publique, devant la cour composée de :

Madame Christine CAPITAINE, Présidente de Chambre

Madame Gisèle METTEN, Conseiller

Monsieur Hervé KORSEC, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : Madame Christiane VAUTRIN, Greffier

ARRÊT :

contradictoire

Prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile ;

Signé par Madame Christine CAPITAINE, Présidente de Chambre, et par Madame Christiane VAUTRIN, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSÉ DU LITIGE

Monsieur B Y a travaillé sur le site de la SAS ASCOMETAL, suivant contrat de travail temporaire du 1er octobre 2005, puis a été embauché à compter du 1er avril 2006, sous contrat à durée indéterminée. Il a été licencié le 24 octobre 2013 pour faute.

Soutenant que son licenciement a été motivé par son état de santé et qu’il présente un caractère discriminatoire justifiant que soit prononcée sa nullité, il a saisi, en référé le Conseil des prud’hommes de Metz, le 3 décembre 2013, afin de le voir :

— Dire que le référé du Conseil de prud’hommes de Metz est compétent pour connaître du litige constituant un trouble manifestement illicite.

— Dire le licenciement discriminatoire et par conséquent le déclarer nul et de nul effet ;

— Ordonner la réintégration de Monsieur Y à l’effectif de la société ASCOMETAL et ce, sous astreinte de 1.000 €/jour.

— Ordonner à la société ASCOMETAL de reconstituer les droits de Monsieur Y au titre des salaires entre le licenciement et la réintégration effective ;

— Condamner la société ASOMETAL à payer :

' 35 € à titre de remboursement du timbre fiscal administratif;

' 1.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

— Condamner la société ASCOMETAL aux entiers dépens d’instance, d’éventuelles significations et d’exécution de l’ordonnance rendue;

— Dire que les indemnités porteront de plein droit intérêts au taux légal.

La défenderesse s’opposait aux prétentions de Monsieur Y et demandait au Conseil des prud’hommes de :

— Se déclarer incompétent pour connaître des demandes de Monsieur Y ;

— Débouter Monsieur Y de l’intégralité de ses demandes ;

— Condamner Monsieur Y à payer à la société ASCOMETAL la somme de 2.500 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’en tous les dépens.

Par ordonnance de départage en référé, rendue le 25 avril 2014, le Conseil des prud’hommes de Metz statuait ainsi qu’il suit :

« - DIT que le licenciement notifié à M. B Y par la SAS ASCOMETAL le 24 octobre 2013 est entaché de nullité ;

— ORDONNE la réintégration de M. B Y dans l’effectif de l’entreprise dans les trente jours de la mise à disposition du présent jugement et ce, sous astreinte de 500 euros par jour de retard à l’expiration de ce délai ;

— SE RESERVE la liquidation de l’astreinte ;

— ORDONNE à la SAS ASCOMETAL de reconstituer les droits de M. B Y pour la période allant de la date d’effet de son licenciement à sa réintégration dans les effectifs de l’entreprise ;

— CONDAMNE la SAS ASCOMETAL aux entiers dépens de l’instance ;

— CONDAMNE la SAS ASCOMETAL à payer 1000 euros à M. B Y au titre de l’article 700 du code de procédure civile. »

Suivant déclaration de son avocat en date du 12 janvier 2014 au greffe de la Cour d’appel, la SAS ASCOMETAL faisait appel de la décision, en présence de Maître Z A en qualité d’administrateur judiciaire et de Maître F G en qualité de mandataire judiciaire.

Par ordonnance du 27 mai 2014, sur requête de la société ASCOMETAL du 12 mai 2014, soutenant que ses droits sont en péril du fait de la procédure de redressement judiciaire ouverte le 7 mars 2014 et de l’obligation de réintégration sous astreinte ordonnée par le Conseil des prud’hommes, l’affaire était retenue par priorité à l’audience du 10 juin 2014 conformément aux dispositions de l’article 948 du code de procédure civile.

Aux termes des écritures de son avocat présentées en cause d’appel et reprises oralement à l’audience de plaidoirie, la SAS ASCOMETAL demande à la Cour de :

« - DIRE la société ASCOMETAL et les organes de la procédure recevables et bien-fondés dans leurs demandes, fins et conclusions ;

— INFIRMER la décision attaquée dans l’intégralité de ses dispositions ;

— DEBOUTER Monsieur Y de l’intégralité de ses demandes ;

En tout état de cause,

— CONDAMNER Monsieur Y à verser à la société ASCOMETAL la somme de 2.500 € au titre des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile ;

— CONDAMNER Monsieur Y aux entiers dépens de l’instance.».

Au soutien de ses prétentions, la SAS ASCOMETAL rappelle qu’elle a licencié Monsieur B Y au motif qu’il a quitté l’entreprise de manière prématurée, le 4 septembre 2013, sans attendre la relève de poste, sans autorisation et sans avoir prévenu sa hiérarchie, manquant de ce fait aux dispositions de l’accord d’établissement sur l’organisation de la relève de poste faisant interdiction aux salariés de l’entreprise de quitter leur poste de travail avant l’arrivée de la relève, ainsi qu’aux dispositions du règlement intérieur leur faisant interdiction de quitter l’entreprise avant la fin de l’horaire de travail sans autorisation du supérieur hiérarchique.

Elle précise que ce comportement fait suite à divers rappels à l’ordre antérieurs, liés à des insubordinations répétées, un comportement provocant, de nombreuses absences injustifiées et la violation des règles de sécurité, demeurés sans effet.

Elle expose en outre, que contrairement à ce qu’allègue Monsieur B Y pour justifier son abandon de poste, aucune panne n’a été déclarée sur la ligne de production et il n’y a pas eu d’arrêt significatif de celle-ci, ce qui d’ailleurs n’aurait pas plus justifié qu’il quitte son poste avant l’heure prévue.

L’appelante fait valoir que les faits reprochés sont sans aucun rapport avec l’état de santé de l’intimé, observant qu’elle a toujours procédé aux aménagements de poste préconisés par le médecin du travail et s’est efforcée de lui proposer un poste compatible avec son handicap.

A cet égard, elle estime que Monsieur B Y s’est procuré de manière illicite, directement auprès du médecin du travail, les échanges qui ont eu lieu entre ce dernier et l’employeur suite à sa déclaration d’aptitude du 8 janvier 2013 et considère ces pièces comme étant irrecevables ; elle souligne que quoi qu’il en soit, ces échanges s’inscrivent dans le cadre des demandes de précisions habituelles de l’employeur à la suite d’un avis d’aptitude émis par le médecin du travail et qu’en toute hypothèse, l’intimé a continué à bénéficier des aménagements de poste prescrits.

En outre, la SAS ASCOMETAL indique que si elle n’a pas sanctionné Monsieur X de la même façon que Monsieur Y, c’est dans la mesure où le comportement de ce dernier s’inscrit dans une suite de manquements récurrents alors que pour son collègue, intervenant en qualité d’intérimaire au sein de la société ASCOMETAL et ne relevant pas de son pouvoir disciplinaire, il s’agissait d’un fait isolé, ayant toutefois donné lieu à un signalement auprès de la société d’intérim ainsi qu’un engagement de celle-ci de ne pas facturer la prime de fin de poste.

Elle conteste que d’autres salariés se soient rendus coupables le même jour des mêmes faits sans être sanctionnés et observe que l’erreur de date dans la lettre de licenciement qui mentionne les faits comme ayant été commis le 8 septembre 2013, alors qu’ils ont eu lieu le 4 septembre 2013, ne justifie pas la remise en cause du bien-fondé du licenciement, s’agissant d’une simple erreur matérielle insusceptible d’être créatrice de droit.

Elle fait valoir qu’elle n’a jamais eu connaissance de la décision de reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé du 14 octobre 2013 que Monsieur B Y ne lui a pas transmises et qui aurait, selon lui justifié son licenciement le 24 octobre suivant, observant que la lettre de convocation à l’entretien préalable date du 16 septembre 2013.

Elle estime que l’invocation d’une discrimination qui n’est pas démontrée, se heurte à une contestation sérieuse et ne saurait relever de la compétence du juge des référés alors que pour sa part, elle justifie du bien-fondé du licenciement, l’appréciation de ce dernier échappant à la compétence du juge des référés, qui se limite aux situations d’évidence.

* * *

Par conclusions de son mandataire, présentées en cause d’appel et reprises oralement à l’audience de plaidoirie, Monsieur B Y demande à la Cour :

— XXX, de radier l’affaire du rôle si l’appelant ne justifie pas avoir exécuté la décision frappée d’appel.

A DEFAUT,

— de confirmer l’ordonnance de référé du Conseil de prud’hommes de Metz du 25 avril 2014 en toutes ses dispositions ;

— de compléter la décision attaquée en ordonnant à la société ASCOMETAL à payer la somme de 9 .467,55 € bruts à titre de rappel de salaire, congés payés inclus.

A DEFAUT, à titre subsidiaire,

— de condamner la société ASCOMETAL à payer 1.893,51 € bruts au titre du troisième mois de préavis, congés payés y afférent inclus, en application de l’article L.5213-9 du code du travail.

XXX

— condamner la société ASCOMETAL à payer 2.500 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel outre 35 € à titre de remboursement du timbre fiscal administratif payé en première instance.

— de débouter la société ASCOMETAL de toutes ses demandes, fins et conclusions ;

— de condamner la société ASCOMETAL aux entiers dépens d’instances, d’éventuelle signification et d’exécution de l’arrêt rendu.

— et dire que les indemnités porteront de plein droit intérêts légaux.

A l’appui de ses prétentions, Monsieur B Y fait valoir que suite à l’ordonnance attaquée il a été réintégré dans les effectifs de la société ASCOMETAL mais n’a pas vu ses droits reconstitués.

Il estime la décision déférée légitime, en l’absence de réalité des griefs invoqués dans la lettre de licenciement et soutient que ce dernier est directement lié à la nécessité d’aménagement de son poste au regard de la maladie dont il est affecté, engendrant des troubles des membres inférieurs et des pertes d’équilibre et ayant donné lieu à son classement dans la catégorie des travailleurs handicapés.

Il précise qu’il est contraint à une hospitalisation mensuelle engendrant des arrêts de travail, qu’il doit bénéficier d’un poste aménagé, le médecin du travail ayant exclu les travaux en hauteur, la station debout et la marche prolongée, mais qu’en définitive, son poste n’a nullement été aménagé dans la mesure où il continue de piloter, du sol, un pont roulant à l’aide d’une télécommande, d’arrimer les charges déplacées et de suivre les déplacements du pont sur de courtes distances, mais de façon constante.

Il soutient que le 4 septembre 2013, la ligne à laquelle il était affecté, a été mise à l’arrêt à 13 h 05 et précise avoir quitté son poste 35 minutes plus tard alors que la production n’avait toujours pas redémarré en ayant pris soin, préalablement, de remplir le cahier de bord de l’installation et d’envoyer le dernier fardeau à 13h36 ; il précise que non seulement il a croisé la relève en allant vers le vestiaire, mais que dans les vestiaires se trouvaient également d’autres salariés ayant écourté leur temps de présence sur le poste, compte tenu de l’arrêt de la ligne et que par la suite il a quitté les lieux avec Monsieur X qui l’a ramené à son domicile, à l’heure normale de sortie, en utilisant son badge devant le portier.

Il indique d’ailleurs que lors de l’entretien préalable du 25 septembre 2013, au regard de ses explications, la directrice des ressources humaines qui l’a reçu, a indiqué que pour cette fois elle en resterait sur un plan pédagogique, mais qu’en cas de récidive, il s’exposait à des sanctions plus lourdes, alors qu’en définitive, il s’est vu notifier son licenciement par lettre du 24 octobre 2013.

Il expose qu’il a pu récupérer son dossier médical de façon légitime, lequel démontre que l’employeur entendait remettre en cause l’adaptation de son poste de travail prescrite par le médecin du travail, à laquelle l’employeur en toute hypothèse n’a pas satisfait.

Il estime que le grief invoqué dans la lettre de licenciement est dépourvu de tout caractère réel, observant que l’employeur vise des faits du 8 septembre 2013, soit un dimanche au cours duquel il ne travaillait pas et qu’à considérer qu’il s’agisse d’une erreur matérielle et que l’employeur entendait viser des faits du 4 septembre, il conteste avoir quitté l’entreprise tout en reconnaissant avoir quitté son poste de travail en restant au sein de l’établissement ; il rappelle que le 4 septembre 2013, la ligne était à l’arrêt depuis 40 minutes et ne pouvait être remise en route au plus tôt que par l’équipe du poste suivant, en sorte que la majorité des salariés sont partis plus tôt, lui seul ayant fait l’objet d’une sanction.

Il estime en définitive que l’employeur a entendu s’affranchir de l’obligation d’aménager son poste de travail en tirant prétexte d’un fait anodin pour se débarrasser de lui au regard de ses contraintes médicales, alors qu’il est salarié handicapé et a une ancienneté de 7 ans et que dans le même temps, l’employeur renouvelait le contrat de Monsieur X, salarié intérimaire, alors qu’ils ont eu tous deux le même comportement, comme d’autres d’ailleurs.

Il considère que l’explication ne peut résider dans l’existence de sanctions antérieures alors que depuis plus de deux ans il n’a pas fait l’objet de la moindre remarque, hormis une mise en demeure de justifier une absence à laquelle il a régulièrement déféré.

Il estime en conséquence la discrimination manifeste, considère son licenciement nul, le juge des référés étant alors compétent pour faire cesser un trouble manifestement illicite et ordonner sa réintégration et le paiement de ses salaires au titre de la période au cours de laquelle il a été privé d’emploi.

A titre très subsidiaire et si la Cour estimait le juge des référés incompétent, il sollicite que lui soit attribué un mois de préavis complémentaire compte tenu de son statut de travailleur handicapé par application des dispositions de l’article L.5213-9 du code du travail.

Conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, la Cour renvoie, pour un plus ample exposé des moyens des parties, aux conclusions déposées le 9 mai 2014 pour la SAS ASCOMETAL et le 10 juin 2014 pour Monsieur B Y, présentées en cause d’appel et reprises oralement à l’audience de plaidoirie.

SUR CE, LA COUR

A titre liminaire, il convient de relever qu’à l’audience du 10 juin 2014, Monsieur B Y a expressément renoncé à sa demande de radiation liée à l’inexécution partielle de la décision rendue en première ressort.

Par ailleurs, il n’y a pas lieu d’écarter des débats les courriels échangés entre le médecin du travail et l’employeur, dès lors que ce dernier ne justifie pas des dispositions légales sur lesquelles il fonde sa prétention.

1. Sur la demande de réintégration

Aux termes de l’article R. 1455-6 du code du travail, la formation de référé peut toujours, même en présence d’une contestation sérieuse, prescrire les mesures conservatoires ou de remise en état qui s’imposent pour prévenir un dommage imminent ou pour faire cesser un trouble manifestement illicite.

En outre, conformément aux termes de l’article L.1132-1, aucune personne ne peut être écartée d’une procédure de recrutement ou de l’accès à un stage ou à une période de formation en entreprise, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l’objet d’une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, notamment en matière de rémunération, de formation, de reclassement, d’affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat, en raison de son origine, de son sexe, de ses moeurs, de son orientation sexuelle, de son âge, de sa situation de famille, de ses caractéristiques génétiques, de son appartenance ou de sa non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation ou une race, de ses opinions politiques, de ses activités syndicales ou mutualistes, de ses convictions religieuses, de son apparence physique, de son patronyme ou en raison de son état de santé ou de son handicap.

L’article L.1134-1 du même code dispose qu’en cas de litige relatif à l’application du texte précédent, le salarié concerné présente des éléments de fait laissant supposer l’existence d’une discrimination directe ou indirecte et il incombe à la partie défenderesse, au vu de ces éléments, de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination, le juge formant sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles.

Enfin, l’article L.1132-4 dispose que toute disposition ou tout acte pris à l’égard d’un salarié en méconnaissance de ces dispositions est nul.

Monsieur B Y soutient que son licenciement, intervenu pour discrimination au regard de son état de santé et de son handicap, est entaché de nullité et produit au soutien de sa demande de réintégration :

— des certificats médicaux justifiant qu’il souffre d’une maladie dont les premiers symptômes sont apparus en 2008 et qui a évolué vers un mode chronique en 2011, entraînant un handicap qualifié d’important, lié notamment à des neuropathies affectant ses membres supérieurs et inférieurs ;

— une fiche médicale du 25 juillet 2013 déclarant l’intimé apte avec restrictions, excluant le travail en hauteur, la station debout prolongée et la marche prolongée ;

— une notification de la décision de la maison départementale des handicapés de Moselle lui reconnaissant la qualité de travailleur handicapé le 29 avril 2010 et une décision de même nature, sur nouvelle demande, du 14 octobre 2013 ;

— une attestation de Monsieur X indiquant qu’il a quitté son poste de travail avec l’intimé le 4 septembre 2013 à 13h 40, alors que la ligne de production était à l’arrêt, pour aller se changer au vestiaire où se trouvaient déjà d’autres ouvriers de la ligne, qui se changeaient ;

— une attestation du salarié ayant assisté l’intimé au cours de l’entretien préalable au licenciement du 25 septembre 2013, de laquelle il résulte que Monsieur Y a reconnu être parti, avec d’autres salariés, cinq minutes avant l’heure prévue compte tenu de ce que la ligne, sur laquelle il était affecté, était à l’arrêt depuis un certain temps, après avoir indiqué cet élément sur la feuille de relevé prévue à cet effet et que le directeur des ressources humaines a indiqué à l’issue de l’entretien qu’elle en resterait sur un plan pédagogique, avertissant Monsieur Y que ce type de manquements ne serait plus toléré ;

— la lettre de licenciement pour faute, pour avoir le 8 septembre, quitté l’entreprise avant la fin de l’horaire de travail, sans attendre la relève de poste, sans autorisation, ni même prévenir sa hiérarchie ;

— des échanges de courriels entre l’employeur et le médecin du travail aux termes desquels l’employeur, faisant valoir l’impossibilité d’adapter le poste de travail de Monsieur Y conformément à l’avis d’aptitude avec restrictions, sollicitait qu’une nouvelle visite soit organisée pour que le médecin du travail puisse se prononcer sur « l’aptitude ou l’inaptitude à tenir pleinement les champs d’activités pour lesquelles il est validé et ceux auxquels il devra accéder pour tenir son poste d’agent de ligne de parachèvement ».

Pour justifier du bien-fondé du licenciement et de l’absence de toute discrimination, l’employeur verse aux débats diverses notes portant sur des rappels à l’ordre adressé à Monsieur Y en 2007 pour des propos insultants tenus à l’égard de son supérieur hiérarchique, pour avoir utilisé son téléphone portable ou lu des revues pendant son poste de travail, en 2008 pour non-respect des règles de sécurité, pour une absence injustifiée, pour endormissement ou l’envoi de SMS pendant son temps de travail ou encore un avertissement pour non-respect du port des équipements de protection individuelle, incivilités et non-respect du matériel en 2011, et une absence injustifiée en 2013.

Conformément aux dispositions légales précitées, même en présence d’une contestation sérieuse, le juge des référés doit vérifier si le licenciement disciplinaire constitue un trouble manifestement illicite qu’il lui appartient de faire cesser.

En l’espèce, il y a lieu de relever :

— qu’au mois de mars 2013, sur demande expresse de l’employeur qui considérait qu’il ne pouvait aménager le poste de travail de Monsieur Y, ce dernier a fait l’objet d’une nouvelle visite le 25 juillet 2013, à l’issue de laquelle le médecin du travail a maintenu l’avis d’aptitude de Monsieur Y à son emploi avec restrictions ;

— que si son état de santé a nécessité une adaptation de son poste de travail dès le mois de mars 2011, l’intimé soutient, sans que l’employeur rapporte la preuve contraire, qu’il n’y a pas procédé ;

— que la procédure de licenciement a été mise en 'uvre dès le mois de septembre suivant l’avis d’aptitude du 25 juillet 2013 ;

— que si les faits invoqués au soutien du licenciement paraissent réels, sous réserve de l’appréciation des conséquences de la mention d’une date erronée et que l’appréciation de leur caractère sérieux ne saurait ressortir de la compétence du juge des référés, il convient de relever que l’attestation établie par Monsieur X laisse apparaître que plusieurs salariés, dont le témoin lui-même, certes sous contrat de mission intérimaire, se sont rendus coupables des mêmes faits sans qu’ils ne soient sanctionnés ;

— qu’au surplus, à l’issue de l’entretien préalable, le directeur des ressources humaines avait pris position pour un simple rappel à l’ordre ;

— qu’en définitive la proximité dans le temps entre le maintien par le médecin du travail de son avis d’aptitude de Monsieur Y à son poste avec restrictions et le fait qu’il ait été le seul salarié sanctionné, qui plus est par la rupture du contrat de travail apparemment contre l’avis du directeur des ressources humaines, alors que d’autres salariés, pour les mêmes faits n’ont pas été inquiétés, laisse suffisamment apparaître que les restrictions posées par le médecin du travail ont constitué le motif réel du licenciement, lequel encourt en conséquence la nullité.

2. Sur la demande de réintégration et de provision

Le caractère discriminatoire du licenciement prononcé à raison de l’état de santé et du handicap de Monsieur B Y résultant de ce qui précède, il appartient à la Cour de faire cesser le trouble manifestement illicite que constitue la sanction et il convient en conséquence de suspendre, en référé, les effets du licenciement prononcé le 24 octobre 2013 par application des dispositions de l’article R.1455-6 du code du travail mais d’infirmer toutefois la décision des premiers juges en tant qu’il a été prononcé la nullité du licenciement de Monsieur Y, décision qui excède la compétence du juge des référés.

Par ailleurs, en application des dispositions de l’article R.1455-7 du même code, dans le cas où l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable, la formation de référé peut accorder une provision au créancier ou ordonner l’exécution de l’obligation, même s’il s’agit d’une obligation de faire.

Il y a lieu en conséquence de confirmer la décision entreprise en temps qu’elle a condamné l’employeur à rétablir Monsieur B Y dans ses droits et de fixer la créance de ce chef de l’intimé, à titre provisionnel, à la somme de 9.467,55 € bruts au titre des salaires dus pour la période du 24 décembre 2014 date à laquelle le contrat de travail de l’intimé a pris fin dans les conditions précédemment exposées et le 26 mai 2014, date à laquelle il a été réintégré en exécution de l’ordonnance de référé entreprise .

3. Sur les dépens et l’application de l’article 700 du Code de procédure civile

Il apparaîtrait inéquitable de laisser à la charge de Monsieur B Y les frais irrépétibles non compris dans les dépens et la SAS ASCOMETAL sera condamné à lui payer la somme de 1.200 € au titre de l’article 700 du Code de procédure civile, le coût du timbre fiscal étant compris dans les dépens.

La SAS ASCOMETAL qui succombe sera condamnée aux dépens et sa demande fondée sur l’article 700 du Code de Procédure Civile sera rejetée.

PAR CES MOTIFS

La cour, après en avoir délibéré conformément à la loi,

Infirme l’ordonnance de référé du 25 avril 2014 rendue en départage par Conseil des prud’hommes de Metz sauf en ce qu’elle a :

— ordonné la réintégration de Monsieur B Y,

— condamné la SAS ASCOMETAL à payer à Monsieur B Y la somme de 1.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens ;

Statuant à nouveau dans cette limite et y ajoutant,

Suspens les effets du licenciement prononcé le 24 octobre 2013 à l’encontre de Monsieur B Y ;

Fixe la créance de ce chef de l’intimé, à titre provisionnel, à la somme de 9.467,55 € bruts au titre des salaires dus pour la période du 24 décembre 2014 ;

Condamne la SAS ASCOMETAL à payer à Monsieur B Y la somme de1.200 € au titre de l’article 700 du Code de procédure civile ;

Déboute la SAS ASCOMETAL de sa demande fondée sur l’article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la SAS ASCOMETAL aux dépens.

Le Greffier, La Présidente,

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  2. Code du travail
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