Cour d'appel de Metz, 6ème chambre, 21 décembre 2017, n° 16/04028

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Metz, 6e ch., 21 déc. 2017, n° 16/04028
Juridiction : Cour d'appel de Metz
Numéro(s) : 16/04028
Décision précédente : Tribunal de grande instance, 12 septembre 2016, N° 16/00024
Dispositif : Radie l'affaire pour défaut de diligence des parties

Sur les parties

Texte intégral

COUR D’APPEL

DE METZ

6e Chambre

RG N° : 16/04028 Minute : 17/00360

Jugement Au fond, origine Tribunal de Grande Instance à compétence commerciale de SARREGUEMINES, décision attaquée en date du 13 Septembre 2016, enregistrée sous le n° 16/00024

Monsieur Z-A X

[…]

[…]

Représentant : Me Laurent ZACHAYUS, avocat au barreau de METZ

APPELANT

SAS SUZUKI FRANCE représentée par son représentant légal

[…]

[…]

Représentant : Me Véronique HEINRICH, avocat au barreau de METZ

INTIME

ORDONNANCE DU 21 Décembre 2017

Nous Pauline FLAUSS, Conseiller de la mise en état,

Assistée de Jocelyne ADELAKOUN, Greffier,

Vu le dossier de la procédure susvisée,

Entendu les conseils des parties à l’audience du 16 Novembre 2017

,

Les parties ont été avisées que la décision sera prononcée par sa mise à disposition au greffe, selon les dispositions prévues à l’article 450 alinéa 2 du Code de procédure civile, le 21 Décembre 2017.

EXPOSE DU LITIGE

Par jugement du 13 septembre 2016, la chambre commerciale du tribunal de grande instance de Sarreguemines a notamment condamné M. X, avec exécution provisoire, à payer à la SAS SUZUKI FRANCE les sommes de :

—  159 005,51 euros avec intérêts capitalisables par année entière à compter du 6 février 2015;

—  3000 euros a titre des frais irrépétibles.

Par déclaration au greffe de la cour d’appel de Metz enregistrée le 7 novembre 2016, M. X a formé appel du jugement.

Par conclusions du 10 avril 2017, la SAS SUZUKI FRANCE a saisi le conseiller de la mise en état aux fins de voir radier l’affaire du rôle de la cour pour défaut d’exécution de la décision entreprise et condamner M. X à lui verser la somme de 5000 euros au titre des frais irrépétibles, outre les dépens.

Par dernières conclusions du 18 octobre 2017, la SAS SUZUKI FRANCE sollicite que l’incident soit jugé recevable et a réitère ses demandes initiales pour le surplus.

La SAS SUZUKI FRANCE fait valoir que sous l’empire des dispositions du code de procédure civile antérieures à celle du décret n°2017-891 du 6 mai 2017, applicables au litige, la demande en radiation pour non exécution n’est soumise à aucun délai. En particulier, elle expose que les délais prévus aux articles 908,909 et 910 du code de procédure civile ne s’appliquent qu’aux conclusions au fond ou soulevant un incident de nature à mettre fin à l’instance. Elle rappelle qu’aucune disposition n’impose que le conseiller de la mise en état soit saisi par voie d’assignation.

Sur le bienfondé de sa demande, elle indique que M. X ne s’est pas acquitté du paiement des sommes lui étant dues en exécution du jugement entrepris. Elle affirme ne pas avoir pu se faire payer des sommes par voie d’exécution forcée dès lors que les comptes de M. X présentent un solde insuffisant au paiement de la condamnation et qu’il ne dispose pas de bien immobilier à son nom. Elle prétend néanmoins que M. X a su se constituer un patrimoine conséquent en sa qualité de dirigeant de plusieurs SAS et qu’il a su rendre opaque l’état de son patrimoine en raison de montages capitalistiques complexes. Elle soutient que le seul fait que l’appelant ait organisé son insolvabilité suffit à ordonner la radiation. Elle ajoute que la gestion des SAS AUTO CONTACT et X Y par M. X s’est révélée désastreuse et que ce dernier est soupçonné d’avoir employé des moyens douteux pour retarder la date de cessation des paiements , que la radiation présente un caractère proportionné.

Elle conteste l’impossibilité évoquée par l’appelant à exécuter la décision entreprise dès lors que si M. X perçoit une retraite mensuelle de 1 752,31 euros, il dispose de parts dans diverses sociétés civiles immobilières. Elle relève que divers jugements ayant prononcé la condamnation de M. X ont fait état de l’existence d’un patrimoine compris entre 4 et 5 millions d’euros. Elle ajoute que la somme de 800 000 euros, requis représenterait le montant total des condamnations prononcées à l’encontre de M. X est bien inférieure au montant de son patrimoine.

Par ailleurs, elle soutient que le fait que M. X aurait à vendre un bien immobilier pour exécuter la condamnation en paiement n’est pas en soi de nature à constituer une conséquence manifestement excessive. Elle souligne que M. X ne justifie nullement des actifs qu’il détient ou de la situation de précarité dans laquelle il se trouverait.

Elle conclut que la radiation de l’affaire pour non exécution est proportionnée à l’objectif de protection du créancier sans que celle-ci ne méconnaisse le droit d’appel.

Par dernières conclusions du 20 septembre 2017, M. X demande au conseiller de la mise en état de débouter la SAS SUZUKI FRANCE de ses demandes et de condamner cette dernière à lui verser la somme de 5000 euros au titre des frais irrépétibles, outre les dépens.

M. X soutient que la demande de radiation est irrecevable pour ne pas avoir été déposée dans un délai de deux mois suivant la déclaration d’appel. Il ajoute que l’appel est également irrecevable faute pour la SAS SUZUKI FRANCE d’avoir saisi le conseiller de la mise en état par voie d’assignation.

En tout état de cause, M. X rappelle que la radiation d’une affaire pour non exécution du jugement de première instance n’est qu’une faculté pour le conseiller de la mise en état. Il indique qu’il lui est impossible d’exécuter la décision et que cette impossibilité est démontrée par les tentatives d’exécution forcées infructueuses de saisie son compte bancaire.

Il précise que les parts sociales qu’il possède dans la SCI AMPERE ont déjà été saisies. Il indique avoir été poursuivi par les créanciers des sociétés qu’il gérait, en qualité de caution des engagements financiers de ces dernières. Au total, il chiffre à 800 000 euros le montant total des condamnations en paiement prononcées à son encontre.

Il conteste toute volonté d’organiser son insolvabilité et indique percevoir une retraite mensuelle de 1752,31€.

Il ajoute que l’exécution de la décision entreprise aurait des conséquences manifestement excessives en cas de vente précipitée de biens immobiliers. Il fait valoir qu’il serait privé de son droit d’appel alors que le jugement entrepris a été rendu en méconnaissance du principe du contradictoire et qu’il a fait valoir des moyens sérieux aux termes de ses conclusions justificatives d’appel. A ce titre, il souligne la fraude commise par la SAS SUZUKI FRANCE à lui avoir fait souscrire un engagement disproportionné par rapport à ses facultés contributives.

MOTIFS DE LA DECISION

A titre liminaire, le conseiller de la mise en état constate que, dans le dispositif des dernières conclusions de M. X, aucune demande tendant à déclarer la demande irrecevable n’est formée. Il n’a donc pas lieu d’examiner les moyens afférents à l’irrecevabilité de la demande de radiation, lesquels ne viennent au soutien d’aucune demande du défendeur à l’incident dont serait saisi le conseiller de la mise en état.

L’article 526 du code de procédure civile dispose que « Lorsque l’exécution provisoire est de droit ou a été ordonnée, le premier président ou, dès qu’il est saisi, le conseiller de la mise en état peut, en cas d’appel, décider à la demande de l’intimé et après avoir recueilli les observations des parties, la radiation du rôle de l’affaire lorsque l’appelant ne justifie pas avoir exécuté la décision frappée d’appel (') , à moins qu’il lui apparaisse que l’exécution serait de nature à entraîner des conséquences manifestement excessives ou que l’appelant est dans l’impossibilité d’exécuter la décision ».

Par ailleurs, si la sanction résultant de l’article 526 du code de procédure civile peut être de nature à porter atteinte au droit d’accès à un tribunal au sens de l’article 6§1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et libertés fondamentales, l’application de cette sanction n’est pas de nature à encourir de manière systématique le grief d’inconventionnalité invoqué. Il appartient ainsi au juge auquel il est sollicité l’application de la sanction de s’assurer de la proportionnalité des limites imposées à l’exercice du droit d’accès à la cour d’appel au regard des buts légitimes poursuivis par l’obligation d’exécution d’une décision, à savoir notamment, d’assurer la protection du créancier, d’éviter les appels dilatoires et d’assurer la bonne administration de la justice en désengorgeant les tribunaux.

En l’espèce, M. X ne conteste pas l’inexécution des condamnations en paiement des sommes dûes à la SAS SUZUKI FRANCE en application du jugement entrepris, assorti de l’exécution provisoire.

Par ailleurs, la production par M. X de trois avis d’opération afférents à des virements bancaires de la Caisse d’assurance retraite et des caisses d’assurances complémentaires sur le compte de M. X pour un montant total de 1752,31 euros en avril et mai 2015 (pièces 8 à 10 X) n’établissent pas que les pensions de retraite constituent les seules ressources de M. X.

Le fait que les mesures d’exécution initiées par la SAS SUZUKI FRANCE sur les rémunérations et certaines parts sociales de M. X (pièces 6 à 8 SUZUKI) se soient révélées infructueuses n’implique pas en soi l’absence de ressources de M. X.

Les avis d’impôts sur le revenu de M. et Mme X au titre des années 2013 à 2015 font respectivement état de revenus déclarés par M. X de 24 845 euros, 21 768 euros et 21 772 euros (pièces 14 à 16 X). Il convient de souligner que ces avis déclaratifs sont anciens et ne permettent pas de renseigner utilement la situation financière actuelle de M. X. Par ailleurs, les deux derniers avis mentionnent l’existence d’un déficit foncier de 10 700 euros, supposant que les époux X soient, directement ou indirectement, en possession d’un patrimoine immobilier.

A ce titre, sans que ces faits relevés par la SAS SUZUKI FRANCE ne soient contestés par M. X, il convient de souligner que différents jugements versés aux débats font état de ce qu’en 2011, lors du cautionnement de différents prêts, M. X a indiqué aux banques disposer d’un patrimoine immobilier ou de parts de SCI pour une valeur d’environ 5 millions d’euros et pour l’essentiel non hypothéqué (4,4 millions d’euros) (pièces 2 et 3 X). La SAS SUZUKI FRANCE verse aux débats les statuts et l’inscription au registre du commerce et des sociétés de diverses SCI dans lesquelles M. X est détenteur de parts: la SCI AMPERE (créée en 2006 avec un capital social de 304 898, 03€ – pièce 9 SUZUKI), la SCI X, (créée en 1987 avec un capital social de 100 000FF – pièce 10 SUZUKI), la SCI de SERREINSMING (créée en 1984 avec un capital social de 100 000FF – pièce 11 SUZUKI), la SCI CEMAT (créée en 2000 avec un capital social de 4000FF – pièce 12a SUZUKI), la SCI SYLVIA (créée en 2004 avec un capital social de 1000€ – pièce 14a SUZUKI). Compte tenu de ces éléments, il est indubitable que M. X dispose d’un patrimoine.

Sans qu’il existe d’éléments suffisants pour estimer que M. X ait organisé son insolvabilité, force est de constater que M. X est totalement taisant sur l’existence, les caractéristiques et l’évolution du patrimoine dont il dispose.

En outre, si M. X expose qu’il n’est pas en mesure de s’acquitter de l’ensemble des condamnations prononcées à son encontre, lesquelles représentent en capital une somme d’environ 640 000 euros (pièces 1 à 4 X), il ne justifie nullement s’être en tout ou partie acquitté du montant de l’une ou l’autre de ces condamnations. L’argument est ainsi sans portée.

De plus, M. X soutient que la vente d’une partie de son patrimoine immobilier pour s’acquitter de la condamnation prononcée en première instance aurait des conséquences manifestement disproportionnées. Cependant, M. X n’apportant pas d’éléments sur la composition de son patrimoine, il existe une incertitude quant au fait qu’il serait constitué de parts sociales ou de la propriété directe de biens immobiliers ou autres. De plus, la vente d’un bien, immobilier ou mobilier, aux fins de s’acquitter du montant d’une condamnation en justice n’est pas, en soi, de nature à emporter des conséquences manifestement disproportionnées. De surcroit, le montant de la condamnation à acquitter (162 005,05 euros en capital) au regard du patrimoine invoqué en 2011 devant les organismes prêteurs (4,4 millions d’euros) apparaît modeste et, en l’état des éléments transmis par l’appelant, insusceptibles d’entrainer des conséquences manifestement disproportionnées.

Enfin, il n’appartient pas au conseiller de la mise en état, saisi en application de l’article 526 précité de juger de la pertinence des moyens développés au soutien de l’appel. De surcroit, le moyen tiré de ce que ceux-ci présenteraient un caractère sérieux ne permet pas d’apprécier l’existence de conséquences manifestement excessives nées de l’exécution de la décision entreprise.

En conséquence de ce qui précède, M. X ne démontrant ni qu’il est dans l’impossibilité d’excuter la condamnation, ni que cette exécution aurait des conséquences manifestement excessives, il y a lieu d’ordonner la radiation de l’affaire.

M. X, succombant, l’équité commande de le condamner à verser à la SAS SUZUKI FRANCE la somme de 1000€ au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

Il y a lieu en outre de condamner M. X à supporter la charge des dépens de l’incident.

PAR CES MOTIFS

Nous, Pauline FLAUSS, conseiller de la mise en état statuant publiquement,

Ordonnons la radiation du rôle de l’affaire ;

Disons que celle-ci sera réinscrite au rôle que sur justification de l’exécution de la décision entreprise;

Condamnons M. X à verser à la SAS SUZUKI FRANCE la somme de 1000€ au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile;

Condamnons M. X aux dépens.

Le Greffier Le Conseiller de la mise en état

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