Cour d'appel de Metz, Chambre sociale section 1, 7 décembre 2022, n° 21/00081

  • Demande d'indemnités ou de salaires·
  • Licenciement·
  • Salarié·
  • Intérimaire·
  • Entreprise·
  • Poste·
  • Employeur·
  • Arrêt de travail·
  • Absence·
  • Opérateur

Chronologie de l’affaire

Commentaire0

Augmentez la visibilité de votre blog juridique : vos commentaires d’arrêts peuvent très simplement apparaitre sur toutes les décisions concernées. 

Sur la décision

Référence :
CA Metz, ch. soc. sect. 1, 7 déc. 2022, n° 21/00081
Juridiction : Cour d'appel de Metz
Numéro(s) : 21/00081
Importance : Inédit
Décision précédente : Conseil de prud'hommes de Forbach, 8 décembre 2020, N° F19/312
Dispositif : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée
Date de dernière mise à jour : 13 décembre 2022
Lire la décision sur le site de la juridiction

Sur les parties

Texte intégral

Arrêt n° 22/00761

07 décembre 2022

— --------------------

N° RG 21/00081 -

N° Portalis DBVS-V-B7F-FNBW

— ------------------------

Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de FORBACH

09 décembre 2020

F 19/312

— ------------------------

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE METZ

Chambre Sociale-Section 1

ARRÊT DU

Sept décembre deux mille vingt deux

APPELANT :

M. [O] [S]

[Adresse 1]

Représenté par Me Sarah SCHIFFERLING-ZINGRAFF, avocat au barreau de SARREGUEMINES

INTIMÉE :

S.A.S. MAHLE BEHR FRANCE HAMBACH prise en la personne de son représentant légal

[Adresse 2]

Représentée par Me Christine SALANAVE, avocat au barreau de METZ, avocat postulant et par Me Laurence GUETTAF-PECHENET, avocat au barreau de METZ, avocat plaidant

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 11 octobre 2022, en audience publique, les parties ne s’y étant pas opposées, devant Mme Véronique LAMBOLEY-CUNEY, Présidente de chambre, chargée d’instruire l’affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Mme Véronique LAMBOLEY-CUNEY, Présidente de chambre

Mme Anne FABERT, Conseillère

M. Benoit DEVIGNOT, Conseiller

Greffier, lors des débats : Mme Catherine MALHERBE

ARRÊT :

Contradictoire

Prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile;

Signé par Mme Véronique LAMBOLEY-CUNEY, Présidente de chambre, et par Mme Catherine MALHERBE, Greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DES FAITS

M. [O] [S] a été engagé en contrat à durée indéterminée par la SAS Mahle Behr France Hambach, à compter du 1er avril 2003, en qualité d’opérateur.

M. [S] était régulièrement placé en arrêt de travail pour maladie.

Il a été convoqué le 5 juin 2019 à un entretien préalable au licenciement fixé le 20 juin 2019.

Par lettre recommandée datée du 27 juin 2019, M. [S] a été licencié pour absences prolongées et répétées perturbant le bon fonctionnement de l’entreprise et nécessitant son remplacement définitif.

Par acte de reprise d’instance enregistré au greffe le 9 octobre 2019, M. [S] a saisi le conseil de prud’hommes de Forbach.

La section industrie du conseil de prud’hommes de Forbach a par jugement contradictoire du 9 décembre 2020 statué ainsi qu’il suit :

''Déclare la demande de M. [S] recevable et partiellement fondée ;

Fixe le salaire mensuel moyen brut de M. [S] à 1 738,55 euros ;

Condamne la SAS Mahle Behr France à verser à M. [S] la somme de 1 738,55 euros bruts à titre de complément d’indemnité de préavis ;

Condamne la SAS Mahle Behr France à verser à M. [S] la somme de 173,85 euros bruts à titre des congés payés sur le complément d’indemnité de préavis ;

Déboute M. [S] de sa demande au titre de la méconnaissance par l’employeur de son obligation d’employabilité du salarié ;

Dit que la rupture du contrat de travail de M. [S] s’analyse en un licenciement pour cause réelle et sérieuse ;

Déboute M. [S] de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement abusif ;

Dit n’y avoir lieu au prononcé d’une condamnation en application de l’article 700 du code de

procédure civile au profit de la partie demanderesse ;

Dit n’y avoir lieu au prononce d’une condamnation en application de l’article 700 du code de procédure civile au profit de la partie défenderesse ;

Condamne M. [S] aux entiers frais et dépens ;

Dit n’y avoir lieu à exécution provisoire hormis celle de droit.''.

Par déclaration transmise par voie électronique le 12 janvier 2021, M. [S] a régulièrement interjeté appel du jugement qui lui a été notifié le 24 décembre 2021 au vu de l’émargement de l’accusé de réception postal.

Par ses conclusions récapitulatives datées du 26 mars 2021, notifiées par voie électronique le même jour, M. [S] demande à la cour :

''Confirmer le jugement rendu le conseil de prud’hommes de Forbach le 09 décembre 2020 en ce qu’il a condamné la SAS Mahle Behr France Hambach à lui verser une somme de 1 738,55 euros brut au titre du rappel d’indemnité de préavis et 173,85 euros brut au titre des congés payés y afférent,

L’Infirmer pour le surplus,

Et, statuant à nouveau,

Condamner la SAS Mahle Behr France Hambach à lui verser une somme de 10 000 euros à titre de dommages-intérêts pour méconnaissance par l’employeur de son obligation d’employabilité du salarié,

Déclarer que son licenciement est nul ou, à défaut, dépourvu de cause réelle et sérieuse,

Condamner la SAS Mahle Behr France Hambach à lui verser une somme de 41 800 euros à titre de dommages-intérêts,

Condamner la SAS Mahle Behr France Hambach à lui verser une somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile de première instance et 3 000 euros à hauteur de cour,

Fixer le salaire mensuel moyen à la somme de 1 738,55 euros brut,

Condamner l’intimée en tous les frais et dépens, d’instance et d’appel''.

Au soutien de son appel, M. [S] fait valoir que l’employeur lui reproche insidieusement d’avoir cumulé des arrêts maladie à répétition alors qu’ils auraient pu être évités s’il avait mis en place des mesures simples. Il expose qu’il s’est rapproché de ses supérieurs pour obtenir une pause de 15 minutes toutes les 3 heures ou pour passer en équipe VSD, ce qui lui a été refusé.

Il soutient que le courrier de licenciement a été antidaté au 27 juin 2019, et n’a été envoyé par l’employeur que le 1er juillet 2019 alors qu’il n’était plus en arrêt de travail depuis le 28 juin 2019.

De plus, il souligne qu’il n’a pas été licencié pour absence désorganisant le bon fonctionnement de l’entreprise mais pour absence désorganisant temporairement le bon fonctionnement de l’îlot de production dans lequel il travaillait, et que l’employeur ne pourra justifier de la nécessité de pourvoir au remplacement définitif du salarié.

Il estime qu’il n’occupait pas un poste à responsabilités telles qu’il ne pouvait pas ou pouvait difficilement être remplacé.

Il expose qu’il était remplacé par des intérimaires et était « interchangeable » avec d’autres opérateurs.

Il assure qu’il y avait toujours des opérateurs ''en trop'', et que l’employeur avait depuis bien longtemps organisé la production sans tenir compte de lui.

Il soutient son licenciement est nul en ce qu’il a été prononcé pour cause de maladie puisque l’employeur ne justifie pas de la désorganisation de l’entreprise, à défaut, dépourvu de cause réelle et sérieuse.

Il ajoute qu’il n’a bénéficié d’aucune action de formation, ni pour s’adapter à son poste de travail, ni pour occuper un emploi quelconque dans l’entreprise et que l’employeur n’a donc pas respecté son obligation d’adaptation du salarié à son poste de travail et de veille au maintien de ses capacités à occuper un emploi.

Il fait valoir qu’il était reconnu travailleur handicapé depuis le 2 janvier 2018 mais il n’a été payé que pendant les 2 mois de préavis prévus par la loi.

Par ses conclusions datées du 22 juin 2021, la SAS Mahle Behr France Hambach demande à la cour :

''Confirmer le jugement rendu par le conseil de prud’hommes de Forbach en ce qu’il a débouté M. [S] de ses demandes liées au bien-fondé de son licenciement, à la formation professionnelle et à l’article 700 du code de procédure civile ;

En conséquence, et statuant à nouveau,

Considérer que le licenciement prononcé à l’encontre de M. [S] repose bien sur une cause réelle et sérieuse ;

Constater qu’aucun manquement de l’employeur à son obligation de formation ne peut être caractérisé ;

Considérer qu’il n’y a pas lieu d’octroyer de quelconques dommages et intérêts au salarié ;

Débouter M. [S] de l’intégralité de ses demandes.

En tout état de cause,

Condamner M. [S] au paiement d’une somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

Condamner M. [S] aux entiers frais et dépens''.

La SAS Mahle Behr France Hambach réplique que M. [S] a toujours été déclaré apte à son poste d’opérateur, sans réserves ni propositions d’aménagement du poste.

Elle soutient que sur une période de 8 années et 6 mois, M. [S] a été absent 2053 jours, soit plus de 5 ans et demi, et que ses nombreuses absences ont fortement perturbé le fonctionnement de son îlot de travail et de l’entreprise.

Elle assure que, pour que la production puisse se poursuivre, un poste ne peut pas être laissé vacant et que la désorganisation et les perturbations du fonctionnement de l’îlot de production avaient pour effet de perturber in 'ne le bon fonctionnement de l’entreprise.

Elle rappelle que la plupart des certificats d’arrêt de travail du salarié étaient établis pour des durées allant de 2 à 7 jours, de sorte que les absences de M. [S] étaient imprévisibles.

Elle soutient que les tâches du poste d’opérateur occupé par M. [S] ne peuvent pas être assimilées et maîtrisées par un intérimaire en une heure ni même en une journée, et qu’il a été définitivement remplacé par l’embauche à durée indéterminée de M. [B].

Elle précise que la décision de licencier le salarié a été prise à la date mentionnée sur la lettre de licenciement, soit le 27 juin 2019, et qu’à cette date M. [S] était encore en arrêt de travail pour maladie. Elle ajoute qu’au moment du prononcé du licenciement, elle pouvait légitimement penser que d’autres arrêts de travail et prolongations seraient présentés par M. [S] eu égard aux très nombreuses prolongations d’arrêt antérieures.

Elle soutient à titre subsidiaire qu’il convient de fixer les dommages et intérêts compris dans une « fourchette » allant de 3 mois de salaire à 10 mois de salaire au maximum puisqu’en déduisant les périodes d’arrêt de travail, le salarié a cumulé une ancienneté de 10 ans et 5 mois.

Elle assure que si M. [S] n’a pas pu suivre de formations supplémentaires entre 2011 et 2019, c’est uniquement parce que l’intéressé était placé en arrêt de travail pour maladie près de 70 % du temps entre 2011 et juin 2019.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 1er juin 2022.

En application de l’article 455 du code de procédure civile, la cour se réfère, pour un plus ample exposé des prétentions et des moyens des parties, à leurs dernières conclusions susvisées.

MOTIFS

Sur le bien-fondé du licenciement

La lettre de licenciement en date du 27 juin 2019, qui fixe les termes du litige, fonde le motif de la rupture sur les « absences prolongée et répétées qui perturbent le bon fonctionnement de l’entreprise » et sur la nécessité de procéder au « remplacement définitif » de M. [S].

Selon l’article L. 1132-1 du code du travail, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l’objet d’une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, en raison de son état de santé, de sa perte d’autonomie ou de son handicap. Le licenciement opéré en violation de l’article L. 1132-1 du code du travail est nul et emporte pour le salarié un droit à réintégration.

L’article L. 1132-1 du code du travail ne s’oppose pas au licenciement motivé, non par l’état de santé du salarié, mais par la situation objective de l’entreprise dont le fonctionnement est perturbé par l’absence prolongée ou les absences répétées du salarié.

Le salarié ne peut toutefois être licencié que si les perturbations entraînent la nécessité pour l’employeur de procéder à son remplacement définitif par l’engagement d’un autre salarié.

Il appartient à l’employeur d’établir à la fois la perturbation de l’entreprise engendrée par le prolongement de l’absence du salarié ou ses absences répétées, et la nécessité de son remplacement définitif.

Pour apprécier la désorganisation de l’entreprise, le juge tient notamment compte du nombre et de la durée des absences, de la taille de l’entreprise, de la nature des fonctions exercées par le salarié, de la spécificité du poste de travail etc.

La désorganisation du fonctionnement normal doit être constatée, de façon objective, au niveau de l’entreprise, et non pas d’un service, d’un établissement ou d’une agence. Toutefois, la désorganisation d’un service essentiel au fonctionnement de l’entreprise peut objectivement perturber le fonctionnement normal de l’entreprise.

De plus, pour être valable, le remplacement définitif doit intervenir soit avant le licenciement et à une date proche de celui-ci, soit après, dans un délai raisonnable apprécié par rapport à la date du licenciement et non à celle de la fin du préavis.

Un licenciement qui ne répond pas aux exigences susvisées doit être considéré comme dépourvu de cause réelle et sérieuse.

En l’espèce, M. [S], qui occupait le poste d’opérateur de production, a été placé en arrêt de travail pendant 2053 jours entre 2011 et 2019, soit 5 ans et demi d’absences cumulées sur une période de 8 ans et demi et 352 certificats médicaux. Ainsi, la répétition des absences du salarié est bien avérée.

La SAS Mahle Behr France produit l’attestation de M. [H] [K], responsable de production, qui rapporte que « M. [S] a été le cas le plus complexe à gérer de toute ma carrière. En effet, compte tenu de ses innombrables absences et arrêts de travail de courte durée (le plus souvent 3 à 5 jours) au cours des dernières années, ma ligne de production se trouvait hebdomadairement totalement désorganisée, soit parce qu’elle se retrouvait en sous-effectif, soit en sur-effectif lorsque M. [S] réapparaissait de façon inopinée ».

M. [K] explique d’ailleurs lui-même que « Toute absence nécessite d’être remplacée par des effectifs intérimaires qu’il convient dans un premier temps de former pendant plusieurs jours voire semaines afin qu’ils soient pleinement opérationnels. La production est naturellement ralentie durant cette phase de formation. Lorsque l’absence d’un salarié n’est pas prévue, le recours à l’intérimaire se fait dans l’urgence, d’où une perte de productivité encore plus importante puisque les effectifs se trouvent amputés d’un salarié le temps de trouver l’intérimaire qui puisse pourvoir le poste ».

Messieurs [I] [C] et [U] [F], salariés de la SAS Mahle Behr France Hambach, confirment dans leur attestation que l’employeur procédait toujours au remplacement de M. [S].

Il résulte des éléments du débat que les absences répétées de M. [S], même de courte durée, avaient pour effet de désorganiser la ligne de production à laquelle il était rattaché, puisque son poste était indispensable pour le bon fonctionnement de la chaîne de fabrication, et que ces absences avaient donc objectivement un impact sur l’ensemble de la production qui dépend du fonctionnement de chaque îlot de production, ce qui a contraint l’employeur à faire appel, souvent dans l’urgence compte tenu de la brièveté de certains arrêts de travail, à des personnels d’autres services ou à recourir à des embauches de salariés intérimaires.

Dès lors, la cour retient que le licenciement de M. [S] n’est pas motivé par l’état de santé de ce dernier mais bien par les perturbations que ses arrêts maladie discontinus ont engendrées au sein de l’entreprise, dès lors qu’il a fallu pourvoir à son remplacement à chaque absence, de sorte qu’aucune nullité du licenciement ne saurait alors être retenue de ce chef.

Le jugement entrepris sera confirmé en ce qu’il a débouté le salarié de sa demande tendant à prononcer la nullité de son licenciement et de sa demande de dommages et intérêts à ce titre.

M. [S] ne démontre pas que ses absences pour cause de maladie sont en lien avec des manquements de la SAS Mahle Behr France Hambach, étant donné qu’il ne justifie d’aucune recommandation médicale ayant préconisé un aménagement de son poste tel qu’un travail le week-end ou davantage de temps de pause qui s’imposait à l’employeur.

Par ailleurs, les premiers juges ont à juste titre rappelé que la réalité et le sérieux du motif de licenciement doivent s’apprécier le jour où l’employeur en prend la décision, soit en l’occurrence le 27 juin 2019. Le licenciement de M. [S] a bien été prononcé pendant qu’il était encore en arrêt de travail au regard de son certificat médical du 20 au 28 juin 2019, sans que la seule prise en charge différée de la lettre de licenciement par le service de La Poste ne soit de nature à démontrer que la société a antidaté cette lettre en l’absence de tout autre élément en ce sens.

En revanche, si les perturbations engendrées par l’absence de M. [S] au sein de la SAS Mahle Behr France Hambach sont établies, il ne ressort pas des pièces fournies que le remplacement définitif du salarié était nécessaire.

En effet, M. [I] [C] relate que « à l’époque où M. [S] était dans l’entreprise on avait beaucoup d’intérimaires qui étaient polyvalents. Lorsque M. [S] était absent il n’y avait aucun problème pour le remplacer, son remplacement se faisait dans l’heure à chaque début de poste les responsables de production s’informent entre eux, s’il y a du personnel en trop. Et le transfert se faisait rapidement. Il faut savoir qu’il y avait toujours du personnel intérimaire ou salariés de la boite disponible parce qu’il y a toujours des imprévus ».

Le témoignage de M. [U] [F] vient corroborer l’attestation de M. [C] en ce qu’il rapporte que « sur notre îlot de travail, lorsqu’il manquait un opérateur, nous recevions rapidement quelqu’un pour le remplacer, un intérimaire ou une personne embauchée par l’entreprise qui était en trop (') selon le produit fabriqué, il y a du personnel en trop. Ces personnes en trop sont soit renvoyées chez eux, soit envoyés en renfort sur un autre îlot ou en dernier recours sur un îlot qui s’appelle zone collecteur où il y a toujours des machines de libres pour accueilli les personnes ».

Aussi, le remplacement de M. [S] à titre temporaire était de toute évidence possible, que ce soit par une répartition des tâches en interne ou par une embauche externe dans le cadre d’une mission d’intérim, au vu d’une part de la nature des tâches qui incombaient au salarié, qui n’exigeaient pas de compétences particulières dans un secteur d’activité complexe et qui n’exigeaient pas de formation longue, et d’autre part de la taille de l’entreprise comprenant d’après M. [C] environ 500 salariés d’autant qu’il résulte de l’attestation de ce dernier que les salariés de l’entreprise et les intérimaires, auxquels l’employeur avait l’habitude de faire appel, étaient polyvalents et pouvaient aisément remplacer M. [S] sans suivre de formation.

De surcroît, la SAS Mahle Behr France Hambach n’a pas procédé au remplacement de M. [S] dans un délai raisonnable après son licenciement puisqu’elle a recruté M. [Y] [B] le 24 octobre 2019, soit dans un délai de près de 4 mois après la notification du licenciement.

En conséquence, il convient de retenir que le licenciement de M. [S] est dépourvu de cause réelle et sérieuse, et il sera fait droit aux demandes du salarié à ce titre. Le jugement entrepris sera infirmé sur ce point en ce sens.

Sur les dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

L’article L.1235-3 du code du travail, dans sa version en vigueur depuis le 1er avril 2018, dispose que si le licenciement d’un salarié survient pour une cause qui n’est pas réelle et sérieuse, en cas de refus de la réintégration du salarié dans l’entreprise, le juge octroie au salarié une indemnité à la charge de l’employeur, dont le montant est compris entre les montants minimaux et maximaux fixés par cet article, en fonction de l’ancienneté du salarié dans l’entreprise et du nombre de salariés employés habituellement dans cette entreprise.

M. [S] comptait lors de son licenciement plus de 16 ans d’ancienneté, périodes de suspension du contrat de travail pour maladie incluses, dans une entreprise qui employait habituellement au moins 11 salariés, de sorte que le salarié relève du régime d’indemnisation de l’article L.1235-3 alinéa 2 du code du travail dans sa rédaction applicable à la cause qui prévoit une indemnité minimale de 3 mois de salaire et une indemnité maximale de 13,5 mois de salaire.

Compte tenu de l’âge du salarié lors de la rupture de son contrat de travail (40 ans), de son ancienneté (16 ans) et du montant de son salaire mensuel (1 738,55 euros bruts), et alors qu’il justifie de la perception d’allocations chômage jusqu’en février 2021, il convient d’allouer à M. [S] la somme de 17 000 euros à titre de dommages et intérêts destinés à réparer le préjudice subi du fait du licenciement sans cause réelle et sérieuse, infirmant le jugement entrepris sur ce chef.

Sur l’indemnité compensatrice de préavis

En application des dispositions de l’article L. 1234-1 du code du travail, le préavis légal est d’une durée de deux mois pour le salarié comptant au moins deux années d’ancienneté.

Aux termes de l’article L. 5213-9 du code du travail, en cas de licenciement, le salarié reconnu travailleur handicapé a le droit au doublement de son préavis dans la limite de 3 mois.

En l’espèce, il n’est pas discuté que le statut de travailleur handicapé a été reconnu à M. [S] le 2 janvier 2018, de sorte que le jugement entrepris sera confirmé en ce qu’il lui a alloué la somme réclamée de 1 738,55 euros bruts à titre de complément d’indemnité compensatrice de préavis, correspondant au troisième mois non payé par la SAS Mahle Behr France Hambach, ainsi que 173,85 euros bruts de congés payés y afférents.

Sur le défaut d’employabilité

L’article L. 6321-1 du code du travail dispose : « L’employeur assure l’adaptation des salariés à leur poste de travail. Il veille au maintien de leur capacité à occuper un emploi, au regard notamment de l’évolution des emplois, des technologies et des organisations. Il peut proposer des formations qui participent au développement des compétences, y compris numériques, ainsi qu’à la lutte contre l’illettrisme, notamment des actions d’évaluation et de formation permettant l’accès au socle de connaissances et de compétences défini par décret.

Les actions de formation mises en 'uvre à ces fins sont prévues, le cas échéant, par le plan de développement des compétences mentionné au 1° de l’article L. 6312-1. Elles peuvent permettre d’obtenir une partie identifiée de certification professionnelle, classée au sein du répertoire national des certifications professionnelles et visant à l’acquisition d’un bloc de compétences ».

En l’espèce, la SAS Mahle Behr France Hambach démontre que M. [S] a bénéficié de 15 formations de février 2013 à mai 2016, et justifie de l’ensemble des formations organisées par l’entreprise de juin 2016 à juin 2019 que M. [S] n’a pas pu suivre du fait de ses nombreuses absences.

Au regard de ces éléments, aucun manquement de la SAS Mahle Behr France Hambach à son obligation d’adapter le salarié à son poste de travail et de veiller à sa capacité à occuper un emploi n’est établi.

En tout état de cause, M. [S] ne justifie d’aucun préjudice dans la mesure où il n’établit pas un quelconque lien entre un défaut d’employabilité et la difficulté éprouvée à retrouver un emploi.

Le jugement sera confirmé en ce qu’il a rejeté la demande de dommages et intérêts pour défaut d’employabilité.

Sur l’article 700 du code de procédure civile et les dépens

Les dispositions du jugement entrepris relatives aux dépens et à l’article 700 du code de procédure civile seront infirmées.

La SAS Mahle Behr France Hambach qui succombe sera condamnée aux dépens de première instance et d’appel.

Conformément aux prescriptions de l’article 700 du code de procédure civile, la SAS Mahle Behr France Hambach sera condamnée à verser à M. [O] [S] la somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par ce dernier en première instance et en appel.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant par arrêt contradictoire, en dernier ressort, après en avoir délibéré conformément à la loi,

Confirme le jugement entrepris sauf en ce qu’il a dit que le licenciement de M. [O] [S] était fondé sur une cause réelle et sérieuse, en ce qu’il a débouté M. [O] [S] de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, et s’agissant des dispositions relatives à l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens.

Statuant à nouveau dans cette limite,

Dit que le licenciement de M. [O] [S] est dépourvu de cause réelle et sérieuse.

Condamne la SAS Mahle Behr France Hambach à payer à M. [O] [S] les sommes suivantes :

—  17 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

—  2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Condamne la SAS Mahle Behr France Hambach aux dépens de première instance et d’appel.

La Greffière, La Présidente,

Extraits similaires
highlight
Extraits similaires
Extraits les plus copiés
Extraits similaires

Textes cités dans la décision

  1. Code de procédure civile
  2. Code du travail
Inscrivez-vous gratuitement pour imprimer votre décision
Cour d'appel de Metz, Chambre sociale section 1, 7 décembre 2022, n° 21/00081