Cour d'appel de Montpellier, 27 janvier 2010, n° 09/01186

  • Fourniture·
  • Gaz naturel·
  • Livraison·
  • Responsabilité contractuelle·
  • Abonnement·
  • Preuve·
  • Réseau·
  • Consommation·
  • Contrat de vente·
  • Tva

Chronologie de l’affaire

Commentaire0

Augmentez la visibilité de votre blog juridique : vos commentaires d’arrêts peuvent très simplement apparaitre sur toutes les décisions concernées. 

Sur la décision

Référence :
CA Montpellier, 27 janv. 2010, n° 09/01186
Juridiction : Cour d'appel de Montpellier
Numéro(s) : 09/01186
Décision précédente : Tribunal de grande instance de Perpignan, 21 janvier 2009

Texte intégral

COUR D’APPEL DE MONTPELLIER

1° Chambre Section D

ARRET DU 27 JANVIER 2010

Numéro d’inscription au répertoire général : 09/01186

Décision déférée à la Cour : Jugement du 22 JANVIER 2009

TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE PERPIGNAN

N° RG 07/04354

APPELANTE :

EARL DU NEGOUBOUS, immatriculée au RCS de PERPIGNAN sous le n° 439 888 074, prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié ès qualité au siège social

XXX

XXX

représentée par la SCP CAPDEVILA – VEDEL-SALLES, avoués à la Cour

assistée de Me VIAL, avocat au barreau de PERPIGNAN

INTIMEE :

SA X SUEZ venant aux droits et obligations GAZ DE FRANCE

XXX

XXX

représentée par la SCP ARGELLIES – WATREMET, avoués à la Cour

assistée de Me BIDAL-MALAGOLA, avocat au barreau de MONTPELLIER

ORDONNANCE DE CLOTURE DU 11 Décembre 2009

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 16 DECEMBRE 2009, en audience publique, Monsieur Claude CLAVEL Conseiller, ayant fait le rapport prescrit par l’article 785 du Code de Procédure Civile, devant la Cour composée de :

Monsieur Mathieu MAURI, Président

Monsieur Georges TORREGROSA, Conseiller

Monsieur Claude CLAVEL, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : Mme Y Z

ARRET :

— CONTRADICTOIRE

— prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de Procédure Civile ;

— signé par Monsieur Mathieu MAURI, Président, et par Madame Myriam RUBINI, Greffier, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PROCÉDURE

Le 31 mars 2003, X proposait à l’EURL du Negoubous, entreprise agricole de production de tomates en serres, sise à Alenya (Pyrénées Orientales), de réaliser les travaux de raccordement de son exploitation agricole à l’alimentation en gaz. Selon la proposition, signée le 10 avril 2003, X s’engageait à maintenir son offre jusqu’au 31 mai 2003, l’EURL du Negoubous en contrepartie s’engageant à souscrire un contrat de fourniture pour une durée de 3 ans, contrat susceptible d’être prorogé tacitement tous les ans.

Au regard de ce contrat X, devenue la SA X Suez, débutait la livraison de gaz naturel en novembre 2004.

X Suez assignait l’EURL du Negoubous devant le TGI de Perpignan le 2 octobre 2007.

Selon X Suez la dette de l’EURL du Negoubous s’élevait à 808 481,74 € au titre des consommations relevées. Malgré les propositions d’étalement de sa dette, l’EURL du Negoubous ne s’était pas exécutée.

Dans ses dernières conclusions X Suez demandait au tribunal de :

— constater l’engagement contractuel des parties,

— dire et juger que l’EURL du Negoubous n’avait pas respecté son obligation telle que résultant de son engagement,

— condamner l’EURL du Negoubous à lui payer 815 768,74 € en principal,

— subsidiairement dire l’EURL du Negoubous avait bénéficié d’un enrichissement résultant du profit retiré gratuitement de la livraison de gaz effectuée, et la condamner à lui payer la même somme de 815 768,74 €,

et ce avec exécution provisoire.

Elle fondait son action sur les articles 1108, 1134 à 1155 et 1347 du code civil, et L 110-3 du code de commerce.

Elle soutenait que le contrat conclu était un contrat de vente de gaz naturel, ayant pour objet la fourniture de gaz, dont la vente et la créance du fournisseur sont certaines lorsque la livraison d’énergie était enregistrée sur le compte de l’abonné. S’agissant d’un acte commercial, car nécessaire à l’exploitation, exécuté par une entreprise de nature commerciale par sa nature et son objet et sollicité par l’EURL du Negoubous qui avait la qualité de commerçant (inscrite au RCS), la preuve pouvait être rapportée par tout moyen. La preuve littérale du contrat ne pouvait être exigée en raison d’un commencement de preuve par écrit, en l’espèce la proposition commerciale écrite. Le contrat de vente étant un contrat consensuel et il avait été valablement formé en raison de l’accord des parties. La signature du devis de mars 2003 et l’envoi d’un chèque le 10 avril 2003 de 911,65 €, correspondant au montant des travaux de raccordement au réseau, avaient engendré une obligation de négocier, sanctionnée par la mise en oeuvre de la responsabilité contractuelle. Le silence de l’EURL du Negoubous quant à la livraison de gaz valait acceptation de sa part de cette situation, qui lui avait permis de réaliser son activité à coût réduit. Le défaut de paiement de la prestation engageait la responsabilité contractuelle de l’EURL du Negoubous laquelle avait été de mauvaise foi en lui laissant croire qu’elle était en mesure de régler le montant de sa dette. Subsidiairement elle fait valoir qu’elle a livré une prestation sans contrepartie financière, le patrimoine de l’EURL du Negoubous s’étant enrichi grâce à la fourniture de gaz.

L’EURL du Negoubous conclut au rejet des prétentions de GFD Suez demandant au tribunal de :

— constater l’absence de contrat de fourniture de gaz la liant à X Suez,

— déclarer irrecevable l’action de in rem verso,

— subsidiairement de constater l’absence d’enrichissement.

Elle réplique que X Suez ne pouvait rapporter la preuve d’un contrat écrit, alors que ce mode de preuve était imposé par l’article 1341 du code civil. La proposition signée le 10 avril ne pouvait constituer un contrat de fourniture de gaz naturel car ne portant que sur des travaux de raccordement. Il appartenait à X Suez de lui soumettre un contrat de fourniture de gaz avant de procéder à la mise en service de l’installation et de lui transmettre le cahier des charges afin de l’informer des clauses particulières du contrat de fourniture de gaz. La proposition ne pouvait valoir commencement de preuve par écrit d’un accord sur la chose et sur le prix, car ne portant que sur le raccordement. Il y était précisé que l’EURL du Negoubous devait souscrire un contrat de fourniture de gaz sur trois ans avant la mise en service de l’installation. Son silence ne pouvait valoir à lui seul acceptation de l’offre de contrat d’autant que l’EURL du Negoubous ignorait la situation jusqu’en mai 2007 ne recevant pas de facture de gaz. L’action en enrichissement sans cause ne pouvait être intentée par X Suez pour suppléer son impossibilité à rapporter la preuve d’un contrat. En toute hypothèse son patrimoine ne s’était pas enrichi au regard de ses bilans déficitaires. Elle ignorait l’ampleur de sa consommation dont elle contestait l’évaluation, n’ayant rien reçu en raison de la négligence de X Suez pendant deux ans et demi, les sommes réclamées n’étant pas étayées.

Par le jugement dont appel le tribunal :

'jugeait que l’EURL du Negoubous avait engagé sa responsabilité contractuelle,

'la condamnait à payer à X Suez 578 975, 40 € à titre de dommages intérêts,

'disait n’y avoir lieu à exécution provisoire.

PRÉTENTIONS DES PARTIES

Devant la Cour l’EURL du Negoubous demande l’infirmation du jugement. Elle reprend ses prétentions et argumentations de première instance sauf à contester le montant retenu par le tribunal, critiquable selon elle car calculé avec un montant de TVA de 19,5% alors que pour partie la TVA applicable est celle de 5, 5%.

X Suez conclut à la confirmation du jugement en ce qu’il avait dit que l’EURL du Negoubous avait engagé sa responsabilité et n’avait pas respecté son obligation née de son engagement. Elle maintient sa demande de condamnation à hauteur de 815 768,74 €. Elle reprend également son argumentation., y compris sur sa demande subsidiaire visant l’enrichissement sans cause. Elle critique la décision sur l’évaluation de son préjudice. Elle met en avant la consommation réelle constatée.

MOTIFS

Sur la nature de l’éventuel contrat liant les parties

Il n’est plus discuté que la fourniture de gaz naturel est un contrat de vente et non un contrat de service. En tant que de besoin la Cour fera sienne la motivation du tribunal.

Sur l’existence d’un contrat de vente de gaz naturel

Sur la nécessité d’ une preuve par écrit

Nul ne conteste aujourd’hui que l’EARL du Negoubous, bien qu’inscrite au registre du commerce est une société civile, en application des dispositions du code rural. Pour ce qui la concerne un contrat de fourniture de gaz naturel a un caractère civil. C’est donc encore justement que le tribunal a dit que la règle dérogatoire de liberté de la preuve entre commerçants ne pouvait être appliquée à l’EURL du Negoubous.

Sur le commencement de preuve par écrit

Le tribunal a pertinemment relevé que :

— dans la proposition commerciale écrite, et signée par l’EURL du Negoubous le 10 avril 2003, l’intimée s’engageait à souscrire un contrat de fourniture de trois ans en contrepartie du raccordement au réseau, extension et branchement, par pose de 300 mètres de canalisation nouvelle afin d’étendre et de renforcer le réseau existant et de raccorder le poste de détente comptage au réseau X. Cette proposition prévoyait en outre que la mise en service pourrait être réalisée douze semaines après réception de l’accord, et que pour signifier cet accord devait être retourné un exemplaire de la proposition signé, et le devis accompagné du paiement, ce qu’a fait l’EURL du Negoubous,

— cette proposition stipulait explicitement qu’en contrepartie l’EURL du Negoubous s’engageait à souscrire un contrat de fourniture avec X,

— la simulation tarifaire annexée à la proposition, précisait le coût de la livraison de gaz de manière détaillée (abonnement, tarif été et hiver, réduction de tranche…)

— il est patent que le raccordement au réseau de X n’a aucun intérêt, pour ne pas dire aucun sens, en l’absence de fourniture de gaz,

les éléments qui précèdent constituant un commencement de preuve par écrit.

Sur les éléments complémentaires

Le tribunal a pris en considération :

— le règlement des travaux d’extension, de réalisation de branchement et de raccordement par l’EURL du Negoubous (ou plus exactement la part lui incombant, soit 911,65 €), un montant de 35 369,01 € ayant par ailleurs été pris en charge par X, ce paiement par X ne pouvant se justifier que dans la mesure où il existait un engagement du client de contracter avec elle pour la fourniture de gaz,

— le silence de l’EURL du Negoubous sur la livraison du gaz pendant plusieurs années, cette dernière ne pouvant soutenir sans mauvaise foi ne pas s’être rendue compte que du gaz lui avait été livré…

C’est encore justement que le tribunal a ajouté que l’absence de remise de cahier des charges par X ne faisait pas obstacle à l’existence d’un contrat, la vente étant parfaite dés qu’il y a accord sur la chose et sur le prix. Comme indiqué précédemment la proposition commerciale était suffisamment précise.

Sur la responsabilité contractuelle de l’EURL du Negoubous

Le défaut de paiement n’est pas contesté. L’EURL du Negoubous a en conséquence manqué à son obligation, sa responsabilité contractuelle étant engagée.

Sur le montant de la réparation

La Cour fera également sienne la motivation du premier juge en ce qu’il s’est basé sur la consommation prévisionnelle de gaz telle qu’estimé dans la proposition commerciale. En effet du fait de la négligence de X, qui n’a adressé les factures qu’en mai 2007, plus de deux ans après les livraisons, l’EURL du Negoubous ne pouvait être en mesure de contrôler sa consommation.

Le montant hors taxe du a été justement arrêté à 176 034 (montant annuel estimé) :12 X 33 mois (novembre 2004-juillet 2007) = 484 093,50 €.

Il n’y a cependant pas lieu de calculer la TVA sur la base du seul taux de 19,6%. En effet une partie des factures (le coût de l’abonnement) relève de la TVA à 5,5%.

Selon les factures produites par X le montant des abonnements s’établit pour les 33 mois à 16 682, 89 €.

Le décompte des sommes dues par l’EURL du Negoubous doit en conséquence être arrêté ainsi qu’il suit :

— au titre des abonnements 16 682, 89 X 1, 055 = 17 600,45 €,

— au titre de la consommation : 467 410,61 (484 093,50 – 16 682,89) X 1,196 = 559 023,08.

soit un total de 576 623,53 € (17 600,45 + 559 023,08).

Les intérêts au taux légal seront dus à compter de la date de l’assignation, soit le 2 octobre 2007 comme précisé par le tribunal.

Sur les frais irrépétibles

L’équité ne commande pas qu’il soit fait application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

LA COUR, statuant publiquement, contradictoirement,

AU FOND :

Confirme le jugement sauf en sa disposition ayant trait au montant de la réparation due par l’EURL du Negoubous et statuant à nouveau de ce seul chef,

Condamne l’EURL du Negoubous à payer à la SA X Suez la somme de 576 623,53 € outre les intérêts au taux légal à compter du 2 octobre 2007.

Dit n’y avoir lieu à application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

Condamne l’EURL du Negoubous aux dépens et autorise les avoués de la cause à faire application des dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

LE GREFFIER, LE PRESIDENT,

CC/MR

Extraits similaires
highlight
Extraits similaires
Extraits les plus copiés
Extraits similaires
Extraits similaires à la sélection
Inscrivez-vous gratuitement pour imprimer votre décision
Cour d'appel de Montpellier, 27 janvier 2010, n° 09/01186