Cour d'appel de Montpellier, 19 février 2013, n° 11/08138

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Montpellier, 19 févr. 2013, n° 11/08138
Juridiction : Cour d'appel de Montpellier
Numéro(s) : 11/08138
Décision précédente : Tribunal de commerce de Montpellier, 8 novembre 2011, N° 2009015839

Texte intégral

Grosse + copie

délivrées le

à

COUR D’APPEL DE MONTPELLIER

2° chambre

ARRET DU 19 FEVRIER 2013

Numéro d’inscription au répertoire général : 11/08138

Décision déférée à la Cour : Jugement du 09 NOVEMBRE 2011

TRIBUNAL DE COMMERCE DE MONTPELLIER

N° RG 2009015839

APPELANT :

Monsieur F A

XXX

XXX

représenté par la SCP GILLES ARGELLIES, FABIEN WATREMET, avocats au barreau de MONTPELLIER, avocats postulants

assisté de Me Valérie VERNET SIBEL, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat plaidant

INTIME :

Monsieur D Y

né le XXX

XXX

XXX

représenté par la SCP NAVAL CHRISTIAN/TEXIER MURIEL, avocats au barreau de MONTPELLIER, avocats postulants

assisté de Me Muriel TEXIER, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat plaidant

ORDONNANCE DE CLOTURE DU 27 Décembre 2012

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 17 JANVIER 2013, en audience publique, Monsieur Jean-Luc PROUZAT, conseiller, ayant fait le rapport prescrit par l’article 785 du Code de procédure civile, devant la cour composée de :

Monsieur Daniel BACHASSON, président

Monsieur Jean-Luc PROUZAT, conseiller

Madame Brigitte OLIVE, conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : Madame Sylvie SABATON

ARRET :

— contradictoire

— prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile ;

— signé par Monsieur Daniel BACHASSON, président, et par Madame Sylvie SABATON, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS et PROCEDURE – MOYENS et PRETENTIONS DES PARTIES :

Par acte reçu le 17 juin 2008 en l’étude de Me Bancal, notaire, faisant suite à un acte sous seing privé du 22 mai 2008, F A a vendu à D Y sous la condition suspensive de l’obtention par ce dernier de l’enregistrement de sa déclaration d’exploitation par l’autorité préfectorale, une officine de pharmacie située à Ceilhes et Rocozels (34) connue sous l’enseigne « pharmacie A », moyennant le prix de 262 000 € s’appliquant pour 256 500 € aux éléments incorporels et pour 5500 € aux éléments corporels ; il a également été convenu entre les parties d’une reprise du stock, après inventaire, dans la limite d’une somme de 60 000 €.

Le vendeur a déclaré dans l’acte du 17 juin 2008 les chiffres d’affaires et bénéfices commerciaux suivants :

Chiffres d’affaires :

Période

Montant du chiffre d’affaires HT

Du 1er janvier au 31 décembre 2005

375 361 €

Du 1er janvier au 31 décembre 2006

363 691 €

Du 1er janvier au 30 décembre 2007

362 490 €

Du 1er janvier au 30 mai 2008

95 000 €

Bénéfices commerciaux :

Période

Montant bénéfices commerciaux

Du 1er janvier au 31 décembre 2005

51 953 €

Du 1er janvier au 31 décembre 2006

38 094 €

Du 1er janvier au 31 décembre 2007

53 827 €

Du 1er janvier au 30 mai 2008

15 000 €

L’acte a été réitéré en l’étude de Me Bancal, le 30 septembre 2008, qui constate la réalisation de la condition suspensive ; y sont reprises les énonciations de l’acte du 22 juin 2008 réactualisées en ce qui concerne la période du 1er janvier au 31 août 2008 mentionnant pour cette période et à titre informatif :

— un chiffre d’affaires HT de 207 903 €

— bénéfice commercial de 11 858 €

Invoquant l’inexactitude des énonciations sur les chiffres d’affaires et bénéfices commerciaux portées dans l’acte, M. Y, qui prétendait également n’avoir pas eu connaissance, avant la cession, des livres de comptabilité, a sollicité en référé l’instauration d’une mesure d’expertise.

Par ordonnance du 28 mai 2009, confirmée en appel, le président du tribunal de commerce de Montpellier a ordonné l’expertise sollicitée, confiée à M. Z, expert-comptable, afin notamment de vérifier la sincérité des chiffres dont l’acquéreur a eu connaissance par déclaration dans l’acte de cession, dans la négative, d’en rétablir l’exactitude et d’établir un compte de résultat pour les exercices 2005, 2006 et 2007, ainsi que pour la période du 1er janvier au 31 août 2008.

M. Z a déposé un rapport de ses opérations, le 17 septembre 2010, dans lequel il indique notamment n’avoir pu obtenir de M. A les pièces comptables utiles à l’accomplissement de sa mission, le refus de collaboration de celui-ci rendant ainsi impossible une réponse précise aux questions posées.

Entre-temps, par acte du 29 septembre 2009, M. Y a fait assigner M. A devant le tribunal de commerce de Montpellier en vue d’obtenir, dans le dernier état de ses prétentions, l’octroi de dommages et intérêts en réparation de son préjudice consécutif au dol de son cocontractant ayant, selon lui, artificiellement gonflé les chiffres d’affaires et les résultats de l’officine, dans le but de le tromper sur sa valeur et sa rentabilité.

Par jugement du 9 novembre 2011, la juridiction consulaire a notamment dit qu’il y a eu tromperie de la part de M. A et condamné celui-ci à payer à M. Y, avec exécution provisoire, les sommes de :

-131 000 € (50% de la valeur de l’officine cédée) plus intérêts au taux légal à compter de l’acte introductif d’instance, au titre du préjudice subi constitué par la perte sur investissement,

-50 000 € au titre de la perte de revenus,

-2 000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

M. A a régulièrement relevé appel de ce jugement en vue de sa réformation.

Il a obtenu, par ordonnance du premier président en date du 29 février 2012, l’arrêt de l’exécution provisoire, dont le jugement se trouve assorti.

M. A demande à la cour (conclusions reçues par le RPVA le 19 décembre 2012) de débouter M. Y de l’ensemble de ses demandes et de le condamner reconventionnellement au paiement de la somme de 12 566,68 € assortie des intérêts au taux légal à compter du 26 mars 2009 et de celle de 8 000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ; subsidiairement, il sollicite l’instauration d’un complément d’expertise confiée à M. Z.

Il fait essentiellement valoir que :

— l’expert a constaté qu’il n’y a pas de différence entre les chiffres extraits des bilans et comptes de résultas, tels qu’ils ont été notamment remis à l’administration fiscale au titre des années 2005, 2006 et 2007, avec les indications portées dans l’acte de cession, qui ne comporte donc aucune omission ou inexactitude au regard des articles L. 141-1 à L. 141-3 du code de commerce,

— contrairement à ce qu’il prétend, M. Y a eu connaissance de la comptabilité, le nom de l’expert-comptable étant mentionné en page 9 de l’acte du 22 juin 2008,

— les pratiques commerciales anormales concernant les prix et facturations, qui lui sont imputées, ne sont que des accusations calomnieuses, qu’il s’agisse en particulier de l’encours « clients » de 477 255 € correspondant à de fausses factures, de l’existence de ventes ou de locations factices de matelas ou de lits, de l’absence d’un agrément nécessaire à la vente ou la location de fauteuils roulants, de la surfacturation de produits au nom d’un client (M. C), de pratiques illicites avec le laboratoire d’analyses médicales Walter de Lodève et de rétrocessions anormales sur la vente des produits « Avène »,

— M. Y ne peut prétendre avoir été tenu dans l’ignorance de la situation locative du fonds cédé, alors qu’il a acquis parallèlement, par actes notariés des 22 mai et 31 octobre 2008, les murs de la pharmacie, outre une maison d’habitation et ses dépendances, et que le montant du loyer et des charges locatives ont été normalement comptabilisés,

— l’inventaire du stock a été réalisée contradictoirement et a fait l’objet d’un dépôt, le 31 octobre 2008, au rang des minutes du notaire,

— le taux de marge en 2008 n’est pas de 12% (il était de 31% en 2007) comme l’indique l’expert, mais de 32,26% puisque le stock a été cédé à prix coûtant avec une marge égale à zéro et qu’il y a donc lieu de déduire sa valeur (35 669 €) pour ne tenir compte que des achats vendus avec marge,

— sa défaillance à l’expertise est insuffisante à établir la preuve du dol allégué, lequel ne peut être présumé,

— son adversaire lui est encore redevable d’une somme de 12 566,68 € correspondant au solde de la valeur du stock, à la taxe professionnelle de 2008 prorata temporis et à deux échéances du contrat de crédit-bail afférent au matériel informatique de la pharmacie.

Formant appel incident, M. Y demande à la cour (conclusions reçues par le RPVA le 21 décembre 2012) de condamner M. A à lui payer les sommes de 262 000 € en réparation de son préjudice constitué par la perte de l’investissement effectué, assortis des intérêts au taux légal à compter de l’acte introductif d’instance, et 135 000 € en réparation du préjudice constitué par la perte de revenus à dater du 1er octobre 2008 ; il sollicite en outre l’allocation de la somme de 8 000 € en remboursement de ses frais irrépétibles.

Il soutient que :

— les mentions des chiffres d’affaires et bénéfices figurant dans l’acte du 1er septembre sont suspectes puisqu’en 2008, pour la période du 1er janvier au 31 août 2008, il est indiqué un chiffre d’affaires (207 903 €) en forte hausse tandis que le bénéfice déclaré (11 858 €) est en baisse par rapport aux exercices précédents,

— la baisse de 13% du chiffre d’affaires au cours de la période de janvier à septembre 2008, comparée à la période de janvier à septembre 2007, ne peut s’expliquer que par l’introduction des facturations sécurisées par le réseau « Sesam-Vitale », laissant moins de possibilités de surfacturation pour M. A,

— il n’a pas eu connaissance des documents comptables, qui n’ont pas été visés par lui en violation des dispositions de l’article L. 141-2 du code de commerce,

— M. Z relève le caractère totalement atypique du taux de marge observé en 2008 (12%) et malgré la soustraction de la valeur du stock à prix coûtant du chiffre d’affaires, la baisse du bénéfice reste inexplicable, étant en outre observé que le taux de marge annoncé par l’expert-comptable de M. A (32,26%) est de 6 points au dessus de la moyenne des pharmacies,

— la prise en gestion de l’officine lui a ainsi permis de constater un certain nombre de pratiques non conformes et non réglementaires susceptibles d’avoir permis un gonflement du chiffre d’affaires et des résultats, comme le fait de solder l’encours « clients » (467 255 €) la veille de la cession afin d’augmenter fictivement le chiffre d’affaires, le caractère fictif de la facturation de ventes et/ou locations de matelas médicaux et de lits et la facturation de la vente ou de la location de fauteuils roulants en l’absence d’agrément de la caisse primaire d’assurance maladie,

— certains comptes « clients » ont donné lieu à des facturations excessives au regard d’une consommation normale de produits pharmaceutiques, comme celui d’un malade (M. C) soigné à la maison de retraite de Ceilhes,

— étaient également centralisées dans l’officine les analyses médicales effectuées par le laboratoire Walter de Lodève pour les habitants du village auprès desquels M. A encaissait, de manière illicite, les factures, dont il reversait le montant au laboratoire après avoir prélevé une rémunération,

— un poste « prestations de services » a été comptabilisé au titre de l’exercice 2008 à hauteur de 54 465 €, totalement inexpliqué,

— en outre, M. A a bénéficié de rétrocessions d’honoraires sur les ventes à d’autres pharmaciens de produits « Avène » et a diffusé des tracts dans la station thermale d’Avène, ce qui est illégal et contraire aux règles déontologiques,

— diverses anomalies affectent enfin les éléments cédés, tels le matériel et l’état du stock, et aucun renseignement ne lui a été fourni quant à la situation locative du fonds, objet de la cession,

— il a donc été victime de tromperie de la part de M. A en raison de la dissimulation par gonflement artificiel des chiffres d’affaires et résultats du fonds cédé,

provoquant la surestimation du fonds et de sa rentabilité, de nature à engager la responsabilité de l’intéressé sur le fondement des articles 1116 et suivants du code civil,

— son préjudice est constitué par la perte de l’investissement réalisé, la rentabilité de l’officine étant nulle, et par la perte de revenus liés à l’exploitation, depuis le 1er octobre 2008, de la pharmacie, qu’il a finalement dû fermer le 13 décembre 2012.

C’est en l’état que l’instruction a été clôturée par ordonnance du 27 décembre 2012.

Lors des débats à l’audience, la cour a relevé d’office l’irrecevabilité de la demande de M. A en paiement de la somme de 12 566,68 € présentée pour la première fois devant la cour et recueilli les observations des parties sur le moyen ainsi relevé d’office.

MOTIFS de la DECISION :

Il résulte de l’article 564 du code de procédure civile qu’à peine d’irrecevabilité relevée d’office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n’est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l’intervention d’un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d’un fait.

En première instance, M. A, qui avait comparu, s’est borné, selon les énonciations du jugement, à s’en rapporter sur les demandes adverses (sic) ; sa demande reconventionnelle en paiement de la somme de 12 566,68 € correspondant au solde de la valeur du stock, à la taxe professionnelle de 2008 prorata temporis et à deux échéances du contrat de crédit-bail afférent au matériel informatique de la pharmacie, a donc été présentée pour la première fois devant la cour ; une telle demande n’est pas de nature à faire écarter les prétentions adverses, qui tendent à l’octroi, sur un fondement délictuel, de dommages et intérêts à raison des man’uvres dolosives, dont M. Y s’estime victime, à l’occasion de la vente de l’officine de pharmacie ; elle ne vise pas, non plus, à opposer une compensation aux prétentions de M. Y, puisque M. A conclut au débouté de celles-ci, qu’il estime non fondées.

Il y a lieu en conséquence de déclarer d’office irrecevable la demande reconventionnelle de M. A en paiement de la somme de 12 566,68 €.

***

Le vendeur d’un fonds de commerce, qui donne une indication trompeuse des chiffres d’affaires et des bénéfices commerciaux réalisés précédemment à la vente, au point de déterminer l’acquéreur à conclure, commet un dol au sens de l’article 1116 du code civil ; ce dernier est alors fondé, dans le cadre d’une action en responsabilité délictuelle, à faire réparer le préjudice que lui ont causé les manoeuvres de son cocontractant, par une indemnisation pécuniaire qui peut prendre la forme de la restitution de l’excès de prix qu’il a été conduit à payer ; conformément à l’article 1116 susvisé, le dol ne se présume pas et doit être prouvé.

En l’occurrence, M. Z indique, en page 24 de son rapport d’expertise, que les indications portées dans l’acte de cession du 30 septembre 2008 sont conformes aux chiffres extraits des bilans et comptes de résultats remis par M. A à l’administration fiscale en 2005, 2006 et 2007.

Par ailleurs, les renseignements donnés à titre informatif dans l’acte, relativement à la période du 1er janvier au 31 août 2008, donnent un chiffre d’affaires moyen mensuel en baisse par rapport à 2007 (30 207 € ' 25 987 €) et un bénéfice moyen également en net recul par rapport à l’exercice précédent (4 485 € ' 1 482 €) ; les comptes de l’exercice clos le 30 septembre 2008, dont M. Y n’a eu connaissance qu’après la cession, font, en outre, état d’un chiffre d’affaires de 276 050 € et d’un bénéfice de 14 397 € sur 9 mois, soit, par rapport à l’exercice 2007, un chiffre d’affaires moyen mensuel sensiblement identique (30 672 €) mais un bénéfice moyen mensuel en recul (1 600 €).

Selon les indications données dans l’acte de cession, conformes aux chiffres figurant dans les bilans et comptes de résultat, l’officine de pharmacie exploitée à Ceilhes et Rocozels, village de 300 habitants situé à la limite de l’Hérault et de l’Aveyron, réalisait un chiffre d’affaires compris entre 360 000 € et 375 000 € par an ; reste à vérifier si, comme le prétend M. Y, une partie de ce chiffre d’affaires est « illégitime », celui-ci dénonçant l’existence de pratiques, de la part de son prédécesseur, non conformes et non réglementaires susceptibles d’avoir permis un gonflement artificiel du chiffre d’affaires et, en conséquence, de le tromper dans son appréciation de l’aptitude du fonds à produire le chiffre d’affaires annoncé.

En premier lieu, l’expert relève, en pages 25 et 26 de son rapport, que le taux de marge brute de l’officine (compris entre 25% et 31% de 2004 à 2007) a atteint un taux, totalement atypique, de 12% en 2008, année au cours de laquelle la pharmacie a été cédée, que cette marge, trop faible, pourrait s’expliquer par un stock au 31 décembre 2007 surévalué et que cette surévaluation du stock, susceptible d’avoir été générée au fil du temps, pourrait avoir été faite soit pour compenser un chiffre d’affaires non déclaré, soit pour donner une image comptable de l’officine plus favorable que la réalité.

Cette appréciation est contestée par M. A, qui produit un courrier de son expert-comptable (M. X) en date du 16 février 2012 selon lequel le taux de marge doit être calculé en déduisant des achats consommés (147 003 € + 47 546 €) le prix de la cession du stock au 30 septembre 2008, réalisée à son prix d’achat de 35 669 €, cette déduction du prix de cession du stock étant nécessaire pour connaître le montant des achats vendus avec marge afin de les comparer au montant des ventes de marchandises ; le taux de marge ressort alors à : (194 549 € – 35 669 €) x 100 / 221 585 € = 28%, soit un taux conforme à celui dégagé lors des exercices précédents, quoique en diminution par rapport à celui de 2007 (31%).

Le fait d’inclure la valeur du stock, vendu à son prix d’achat lors de la cession de l’officine, dans les charges d’exploitation (259 729 €) impacte également le résultat d’exploitation au 30 septembre 2008 (16 321 €) et donc, le bénéfice déclaré (14 397 €).

Au nombre des pratiques anormales, qu’il dénonce, M. Y invoque l’existence d’un encours « clients » important, de 467 255 €, soldé informatiquement par M. A la veille de la cession de la pharmacie (le 29 septembre 2008), un tel procédé consistant ainsi à augmenter fictivement le chiffre d’affaires ; aux pages 35 et 36 de son rapport, l’expert indique cependant qu’il n’est pas possible de tirer des documents fournis une telle information, que la somme de 467 255 €, rapportée au chiffre d’affaires de l’officine, n’est pas conforme à l’activité de celle-ci, ni au volume des clients et qu’il n’est pas prouvé que l’éventuel « nettoyage » du compte « clients » la veille de la vente ait eu pour conséquence de gonfler le chiffre d’affaires ; selon M. A, cette liste d’encours, qui remonte à 2002, correspond à des dettes réglées, ayant donné lieu à des encaissements effectifs.

Il critique ensuite les conditions de vente ou de location du matériel médical au profit des pensionnaires de la maison de retraite de Ceilhes, jugeant « suspects » les agissements de M. A auquel il reproche, à mots couverts, l’établissement de fausses factures.

A cet égard, il est établi que treize matelas et sur-matelas ont été vendus par celui-ci en 2008, les 8 janvier (1), 7 février (5), 31 mars (3), 30 juin (2), 30 août (1) et 29 septembre 2008 (1) pour un montant cumulé de 3 900 € ; pour justifier des achats effectués, M. A a produit une facture Cerp du 18 février 2008 et un bordereau de livraison Ami Santé du 5 mars 2008 pour, au total, quatre matelas ; ainsi, il ne démontre pas avoir acheté en 2008 neuf des treize matelas et sur-matelas, qu’il a revendus, et son affirmation selon laquelle trois matelas se trouvaient en stock au 31 décembre 2007 ne repose sur aucun élément probant, étant observé que les ventes faites aux pensionnaires de la maison de retraite, l’ont été sur prescriptions médicales.

S’agissant des lits médicalisés, M. Y se contente d’affirmer que M. A ne possédait que trois lits auprès de la société Pharmat, alors qu’il avait déclaré être propriétaire de quatre lits ; aucun document probant ne corrobore cette affirmation, alors que l’acte sous seing privé du 22 mai 2008 mentionne, dans le matériel de l’officine, quatre lits médicalisés avec barrières et potences (actuellement en location).

Il est aussi prétendu que des locations de fauteuils roulants ont été facturées de 2005 à 2008 par M. A à hauteur de 15 342,49 €, alors que celui-ci ne disposait pas d’un agrément de la caisse primaire d’assurance maladie ; les dispositions des articles

D. 4364-13 et suivants du code de la santé publique, dont se prévaut M. Y, ne sont toutefois applicables qu’aux prothésistes et orthésistes pour l’appareillage de personnes handicapées ; ainsi, rien ne permet d’affirmer qu’un agrément était nécessaire pour la location par M. A de véhicules pour handicapés physiques, d’autant que les pièces produites établissent que la prise en charge de ce type de prestations a toujours été faite, sans difficulté, par la CPAM de l’Hérault.

L’affirmation de M. Y quant à l’absence de fauteuils roulants, notamment à la maison de retraite de Ceilhes, est contredite par l’attestation d’une employée de cet établissement (J K) indiquant que les fauteuils roulants y sont stockés, à côté de la chaudière.

Sur l’existence de comptes « clients » anormaux, l’intéressé cite, à titre d’exemple, le cas d’un patient (M. C), dont il prétend que les facturations en pansements et produits équivalents ont été excessives au regard d’une consommation normale ; il souligne ainsi que sur une période de seize mois, de mai 2007 à septembre 2008, le total des factures s’est élevé à 14 042,92 €, alors que d’octobre 2008 à janvier 2010, soit sur une même période de seize mois, le total des facturations n’a été que de 8 628,23 € seulement ; pour autant, les pansements (médiset, mépilex ') et pommades (nérisome ') fournis à ce patient, hébergé à la maison de retraite de Ceilhes, résultent de prescriptions médicales ; le médecin traitant (le docteur B), atteste aussi que l’état de santé très altéré de celui-ci, présentant des escarres fessières et totalement incontinent, nécessitait plusieurs pansements par jour.

M. Y estime, par ailleurs, illicite la pratique consistant pour son prédécesseur à encaisser les factures d’analyses médicales effectuées par le laboratoire Walter de Lodève avant d’en reverser le montant à ce laboratoire diminué d’une « marge fixée selon son bon vouloir » ; il n’est pas cependant établi en quoi le fait pour M. A d’encaisser les factures d’analyses pour le compte du laboratoire serait illicite, comme le fait de percevoir à cette occasion une commission ; M. Y lui-même reconnaît que ces encaissements se faisaient sur un compte « parallèle », hors la comptabilité de la pharmacie, ce dont il résulte que ces encaissements étaient sans incidence sur le chiffre d’affaires.

Il dénonce aussi la mise en place par M. A d’un système de revente ou rétrocession à d’autres pharmaciens du sud de la France de produits de la gamme Avène (des laboratoires dermatologiques d’Avène) lui permettant de bénéficier de remises, outre un intéressement de 3% en fin d’année sur la totalité des achats ; néanmoins, il n’est pas prouvé en quoi la revente à d’autres pharmaciens de produits de parapharmacie (cosmétiques, produits solaires ') constituerait une pratique illicite ; quant à la diffusion de tracts publicitaires faisant référence à des prix « discount » sur les produits de la gamme Avène, M. A indique, dans un courrier adressé le 11 décembre 2007 au conseil régional de l’ordre des pharmaciens (saisi d’une plainte qu’il avait déposée à l’encontre des pharmaciens du Bousquet d’Orb ayant créé à Avène un magasin de parapharmacie), avoir supprimé cette mention, sur la réclamation de ses confrères ; en toute hypothèse, aucun élément n’est fourni permettant de mesurer l’incidence de cette publicité illicite sur le chiffre d’affaires de la pharmacie.

La centralisation des télétransmissions adressées en 2008 par M. A fait, en outre, apparaître, selon M. Y, une discordance entre les sommes réclamées aux caisses et celles réclamées aux mutuelles complémentaires ; il en déduit que son vendeur surfacturait certaines prestations et que l’introduction, en janvier 2008, d’un système de facturation sécurisée par le réseau « Sesam-Vitale » a mis fin à cette pratique ; cet événement serait à l’origine de la baisse de 13% du chiffre d’affaires observée de janvier à septembre 2008 (259 481 € TTC) par rapport à la période de janvier à septembre 2007 (296 505 € TTC).

Cette accusation de surfacturation ne repose toutefois sur aucun élément et les pièces (n° 4 et 5), produites par M. Y à l’appui de son affirmation d’une baisse du chiffre d’affaires en 2008, apparaissent inexploitables ; il a été indiqué plus haut que le chiffre d’affaires moyen mensuel de la période janvier ' septembre 2008 (30 672 € HT) était identique au chiffre d’affaires moyen mensuel réalisé en 2007 (30 207 € HT).

Enfin, il est soutenu que le poste « prestations de services », comptabilisé en produits d’exploitation au titre de l’exercice 2008, à hauteur de 54 465 €, est totalement inexpliqué et sert en réalité à masquer un chiffre d’affaires illicite ; sur ce point, M. A, qui n’a fourni à l’expert aucune explication, ni justification, se borne à affirmer, en page 9 de ses conclusions d’appel, que ces prestations de services ne sont pas factices et correspondent à la location ou sous-location de lits, à la location de fauteuils roulants et aux prestations versées par le laboratoire Mylan, génériqueur ; se fondant sur l’historique des ventes, M. Y répond que le montant des prestations facturées en 2008, liées à la location de matériel médical (fauteuils roulants, aspirateur Trachéol, oxygène, lits, soulève-malade) et aux honoraires du laboratoire Mylan, s’élève à 16 554 € seulement.

Force est donc de constater qu’une partie du chiffre d’affaires réalisée en 2008, hors vente de produits et matériel médical, reste inexpliquée à hauteur d’environ 38 000 € ; il convient également de relever que le poste « prestations de services » correspond à prés de 20% du chiffre d’affaires de la pharmacie pour la période de janvier à septembre 2008, alors qu’il représentait entre 7% et 11% du chiffre d’affaires en 2005 (42 005 €), 2006 (34 480 €) et 2007 (28 670 €).

En revanche, M. Y ne peut prétendre que l’indication erronée, dans la liste du matériel vendu évalué forfaitairement 5 500 €, d’un ordinateur et d’une imprimante, alors que ce matériel faisait l’objet d’un contrat de crédit-bail en cours conclu avec une société Cegelease, a été déterminante de sa décision de se porter acquéreur de l’officine ; il est d’ailleurs stipulé, dans l’acte de cession, qu’il s’engage à reprendre et exécuter, à compter du jour de son entrée en jouissance, tous les contrats liés et nécessaires à l’exploitation de l’officine de pharmacie ; il ne peut davantage se plaindre de prétendues anomalies dans le stock vendu, puisqu’il a été convenu dans l’acte de l’établissement d’un inventaire contradictoire par un inventoriste professionnel indépendant, choisi par les parties d’un commun accord et rémunéré par elles à concurrence de moitié chacune, étant observé que l’inventaire de cession, réalisé dans ces conditions, a été déposé, le 31 octobre 2008, en l’étude de Me Bancal, notaire.

Il ne peut, non plus, soutenir qu’il ignorait la situation locative de l’immeuble servant à l’exploitation de l’officine alors, d’une part, qu’il a acquis l’ensemble des locaux d’exploitation comprenant des locaux accessoires à usage d’habitation par acte notarié du 30 septembre 2008 et, d’autre part, que les loyers et charges locatives afférents aux locaux, loués par M. A à ses parents en vertu d’un bail commercial en date du 1er septembre 1988, ont été comptabilisés, dans le poste « autres charges externes », les loyers au compte 613000, les charges locatives au compte 614000 ; au surplus, le prix de cession de l’officine a été déterminé en fonction d’un pourcentage (75%) du chiffre d’affaires, ainsi que le relève l’expert en page 28 de son rapport, en sorte que l’ignorance, dans laquelle M. Y aurait été tenu, du prix du bail et des charges, n’a pu, en toute hypothèse, avoir eu d’incidence sur sa décision d’acquérir.

Il résulte de ce qui précède que si M. A n’a pas été en mesure de justifier de l’achat, en 2008, de neuf des treize matelas et sur-matelas vendus aux pensionnaires de la maison de retraite de Ceilhes, il ne peut, pour autant, en être déduit l’établissement de fausses factures, correspondant pour 2700 € (300 € x 9) à un chiffre d’affaires illicite, s’agissant de ventes effectuées, toutes, sur prescriptions médicales ; par contre, la partie, inexpliquée, du chiffre d’affaires réalisée en 2008, hors vente de produits et matériel médical, peut être regardée comme caractérisant une indication trompeuse, dont l’incidence '38 000 € environ’ représente 13% du chiffre d’affaires total de l’exercice (276 050 €) ; néanmoins, M. Y ne justifie pas du préjudice en découlant, puisque, ne produisant pas ses bilans et comptes de résultats pour les exercices postérieurs au 1er octobre 2008, date de son entrée en jouissance de l’officine, il ne prouve pas avoir subi une baisse, effective et durable, de chiffre d’affaires, établissant ainsi que l’officine n’était pas apte à générer, dans des conditions normales d’exploitation, le chiffre d’affaires annoncé dans l’acte de vente, compris entre 360 000 € et 375 000 € par an.

Il se contente d’indiquer avoir été contraint de cesser totalement son activité et de procéder à la fermeture de la pharmacie le 13 décembre 2012, après avoir sollicité, en vain, auprès de l’agence régionale de santé du Languedoc-Roussillon l’autorisation de transférer l’officine au Bousquet d’Orb ; M. Y ne peut dès lors qu’être débouté de sa demande en paiement de dommages et intérêts compensatoires de la perte de son investissement et de la perte de revenus, fondée sur le dol de son cocontractant ; le jugement entrepris doit, en conséquence, être infirmé en toutes ses dispositions.

Au regard de la solution apportée au règlement du litige, M. Y doit être condamné aux dépens de première instance et d’appel, sans qu’il y ait lieu de faire application, au profit de M. A, des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS :

La cour,

Déclare d’office irrecevable la demande reconventionnelle de M. A en paiement de la somme de 12 566,68 €,

Au fond, infirme en toutes ses dispositions le jugement du tribunal de commerce de Montpellier en date du 9 novembre 2011,

Statuant à nouveau,

Déboute D Y de sa demande en paiement de dommages et intérêts formée à l’encontre de F A,

Le condamne aux dépens de première instance et d’appel, les dépens d’appel étant recouvrés conformément à l’article 699 du code de procédure civile,

Rejette la demande de M. A tendant à l’application des dispositions de l’article 700 du même code.

LE GREFFIER LE PR''SIDENT

JLP

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Cour d'appel de Montpellier, 19 février 2013, n° 11/08138