Cour d'appel de Montpellier, 20 février 2013, n° 11/08971

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Montpellier, 20 févr. 2013, n° 11/08971
Juridiction : Cour d'appel de Montpellier
Numéro(s) : 11/08971
Décision précédente : Conseil de prud'hommes de Montpellier, 27 novembre 2011

Sur les parties

Texte intégral

XXX

4° chambre sociale

ARRÊT DU 20 Février 2013

Numéro d’inscription au répertoire général : 11/08971

ARRÊT n°

Décision déférée à la Cour : Jugement du 28 NOVEMBRE 2011 CONSEIL DE PRUD’HOMMES – FORMATION PARITAIRE DE MONTPELLIER

N° RG11/00592

APPELANTE :

XXX

prise en la personne de son gérant A Z

XXX

XXX

Représentant : Me Claude BENYOUCEF (avocat au barreau de MONTPELLIER)

INTIMES :

Monsieur G Y

XXX

Représentant : Me Jérôme PASCAL (avocat au barreau de MONTPELLIER)

XXX

XXX

XXX

Représentant : Me BOUSSENA substituant la SELARL CHATEL & ASSOCIES (avocats au barreau de MONTPELLIER)

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 08 JANVIER 2013, en audience publique, devant la Cour composée de :

Monsieur Yves ROLLAND, Président de chambre

Mme C D, Conseillère

Madame E F, Conseillère

qui en ont délibéré

Greffier, lors des débats : Madame Dominique VALLIER

ARRÊT :

— Contradictoire.

— prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du nouveau Code de Procédure civile ;

— signé par Monsieur Yves ROLLAND, Président de chambre, et par Madame Dominique VALLIER, Adjointe administrative principale f.f. de greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

*

* *

EXPOSE DU LITIGE

La société Soreco consultants SARL (la société) a pour activité principale le conseil en management et organisation des entreprises de transport routier.

Elle était démarchée à partir d’avril 2005 par M. G Y se présentant comme 'consultant-formateur vacataire’ à la recherche d’une 'structure d’hébergement’ lui permettant de 'poursuivre son activité dans le domaine de l’insertion’ et de réaliser 'des missions de formation’ pour le compte des institutions chargées de l’emploi (ANPE, région…) dans le cadre de sa propre association dénommée « 2a2p ».

Par message électronique du 29 avril 2005 M. Z, gérant de la société, annonçait à M. Y son accord pour « engager avec vous un processus d’intégration progressive à notre cabinet en tant que formateur/consultant dans le domaine de la gestion des ressources humaines (…) Pour l’heure vous conserverez votre statut de formateur-consultant vacataire. Nous mettons à votre disposition bureau, ordinateur portable et toute notre logistique et moyens dont disposent les consultants du cabinet. Nous réglerons plus en détail tout ce périmètre partenarial dès le début de notre collaboration. Nous investirons donc avec vous sur une durée à déterminer au niveau de la mise à disposition de ces moyens et réseaux dans l’attente de vos premières facturations et de votre contribution progressive au fonctionnement de la structure dès lors que vous serez en mesure de sortir votre propre rémunération …/… ».

C’est ainsi que les parties signaient le 21 juillet 2005 une «convention d’adhésion » d’une durée indéterminée aux termes de laquelle M. Y, «l’adhérent », retenait la société comme « structure d’hébergement salarial » à charge de rechercher des missions et de les exécuter conformément aux instructions données par la société à préciser dans un « contrat de mission » à venir, en contrepartie de l’utilisation des moyens de l’entreprise et du paiement d’honoraires proportionnels « au volume d’activité facturé et encaissé au cours d’une période considérée» desquels seront soustraits les 'frais de gestion administrative’ prélevés par la société ainsi que 'les charges sociales patronales et fiscales en vigueur'.

Le 8 août 2005 la société déposait un dossier d’habilitation auprès de l’ANPE mentionnant parmi «les noms et profils des intervenants accompagnement projet » M. Y «en portage salarial », candidature qui était retenue par décision notifiée le 7 novembre 2005, l’habilitation étant valable jusqu’au 31 décembre 2008.

Dans le contexte de ces relations contractuelles, M. Y signait :

Avec la société appelante un contrat de travail à durée déterminée de 19 jours du 08/08/2005 au 02/09/2005 « en vue d’assurer une permanence téléphonique et d’accueil pendant la période de fermeture du cabinet pour congés payés»;

Le 17 janvier 2006 avec la société appelante un « contrat à durée indéterminée de portage salarial » régi par les dispositions de la convention collective Syntec, précisant les conditions d’exécution et de rémunération de la mission auprès de l’ANPE ;

En sa qualité de président de l’association «2a2p » une « convention de partenariat » avec la société correspondant à la « mise à disposition d’une licence du logiciel développé par les administrateurs de l’association…. Afin d’aider les demandeurs d’emploi à s’insérer dans la vie active par un accompagnement dynamique », convention annulée par M. Y à effet du 31/12/2007 ;

Avec le syndicat CFDT un CDD du 10 avril 2006 au 13 avril 2007 en qualité de « chargé de mission pour le projet Equal »sur les discriminations.

Par courrier à en-tête d’une association « X » daté du 15 mars 2008 auquel il joignait son immatriculation à l’URSSAF en qualité de « travailleur indépendant » , M. Y notifiait à la société :

' Le 21 juillet 2005 nous avons signé une convention d’adhésion dans le cadre d’un portage salarial relatif à l’exécution de missions d’accompagnement pour le compte de l’ANPE.

Venant d’aboutir dans la structuration de mon projet personnel d’installation en tant que consultant indépendant, je vous prie de prendre acte de la rupture de notre convention à 30 jours de la réception du présent courrier.

Je souhaite néanmoins pouvoir continuer à exercer des missions de sous – traitance de conseil pour le compte de votre société à des conditions contractuelles à déterminer d’un commun accord …./….'.

C’est dans ces conditions qu’aux termes d’un « protocole d’accord» du 01/04/2008, d’une durée d’un an renouvelable, les parties convenaient que :

'…. Dans le cadre d’une adjudication, Soreco consultants a obtenu le marché ANPE ayant pour objet la mise en oeuvre, auprès des demandeurs d’emploi de la région Languedoc-Roussillon de prestations de services d’insertion professionnelle. C’est donc pour faire face à son développement croissant que Soreco consultants a décidé de répondre favorablement à l’offre de collaboration émanant de M. G Y, dans le cadre de ces missions notamment.

Par ailleurs M. Y peut être amené à intervenir ponctuellement sur des missions de conseil dans le domaine des ressources humaines.

(…) Cette collaboration s’effectuera de la façon suivante :

— réalisation de missions dans le respect d’un cadre méthodologique défini au préalable, où M. Y sera considéré comme un consultant délégué de Soreco consultants (auxquelles)il consacrera au moins la moitié de son temps.

(…)

— Le chiffre d’affaires de base à nos calculs (de la rémunération), et qui sera réparti équitablement entre les consultants travaillant au sein de la cellule Soreco développement (à ce jour un consultant salarié et F. Y, consultant indépendant) est celui facturé à l’ANPE moins la TVA…./….'.

Le même jour la société et M. Y, agissant cette fois en qualité de représentant du « cabinet X », signaient un « contrat pack développement » prévoyant la fourniture par ce dernier de prestations informatiques moyennant rémunération.

La société établissait alors un courrier déplorant l’absence de l’intimé «depuis le 25 février 2008 », une convocation à un entretien préalable et une lettre de licenciement pour faute grave, tous documents mentionnant des dates compatibles avec leur objet, « reçus en main propre» par M. Y et suivis d’une transaction datée du 28 mars 2008 aux termes de laquelle la société «abandonne la créance qu’elle détient pour un montant de 1500 € pour un achat de matériel qu’elle a effectué au bénéfice de M. Y » moyennant quoi ce dernier « se déclare rempli de ses droits, tant au titre de l’accomplissement de son contrat de travail qu’à celui de sa rupture, et s’interdit toute action à quelque titre que ce soit à l’encontre de la société », le tout bénéficiant «de l’autorité de la chose jugée en dernier ressort. ».

Le 24 décembre 2008, la société dénonçait « notre protocole d’accord de sous-traitance de conseil dans le cadre du marché ANPE » et le 8 janvier 2009 les parties signaient un « protocole d’accord avenant n°1 » stipulant que les parties entendaient « poursuivre la collaboration de sous-traitance de conseil dans un esprit de partenariat et de complémentarité entre les intervenants » tout en adoptant une nouvelle organisation et un nouveau mode de rémunération.

Par courrier du 24 décembre 2010, la société dénonçait 'par mesure conservatoire’ ce protocole d’accord au motif que le marché avec Pôle emploi arrivait à son terme le 30 avril 2011 et en l’absence de 'visibilité’ suffisante sur son éventuelle poursuite.

Par requête reçue au greffe le 14 avril 2011, M. Y saisissait le conseil de prud’hommes de Montpellier.

Celui-ci, par jugement rendu le 28 novembre 2011, jugeait que sa demande de requalification du CDD d’août 2005 était pescrite, faisait droit à ses autres demandes, jugeait que la société avait fait preuve d’un comportement particulièrement déloyal en le payant en dessous des minima conventionnels, en ne respectant pas la procédure de licenciement puis en se rendant coupable de travail dissimulé, jugeait le licenciement du 28 mars 2008 dépourvu de cause réelle et sérieuse et la transaction écran signée le 28 mars 2008 nulle et de nul effet et condamnait la SARL Soreco consultants à lui payer :

A. Sur la période du 17 janvier 2006 au 28 mars 2008 :

12'702,90 € de rappel de salaire 2006 ;

1270,20 € de congés payés afférents ;

15'350,68 € de rappel de salaire 2007 ;

1535,07 euro de congés payés afférents ;

1400 € pour non respect de la procédure de licenciement ;

17'000 €d’indemnité de licenciement abusif ;

8285,52 € d’indemnité de préavis ;

828,55 € de congés payés sur préavis ;

1956,07 euro d’indemnité conventionnelle de licenciement ;

B. Sur la période du 1er avril 2008 au 31 mars 2011 :

15'057,60 € d’indemnité pour travail dissimulé ;

28'764 € de rappel de salaires de juillet 2008 à mars 2011 ;

2876,40 € de congés payés afférents ;

2524,60€ pour non respect de la procédure de licenciement ;

17'000 € de d’indemnité de licenciement sans cause ;

7573 € d’indemnité de préavis ;

757,38 € de congés payés sur préavis ;

2734,98 € d’indemnité conventionnelle de licenciement ;

900 € au titre du défaut d’information sur le DIF ;

900 au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

La juridiction ordonnait en outre « La régularisation de la situation du salarié et des organismes accrédités par la remise des documents sociaux nécessaires ».

Par lettre recommandée reçue au greffe de la cour d’appel le 26 décembre 2011, la société interjetait appel de cette décision.

La société conclut à l’infirmation du jugement déféré en toutes ses dispositions, au débouté de l’intégralité des demandes et à la condamnation de l’intimé à lui payer :

10'000 € de dommages-intérêts pour abus du droit d’ester en justice,

5 000 € en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

Elle fait valoir en substance à l’appui de son argumentaire que :

— La demande de requalification du CDD est irrecevable à titre principal et subsidiairement mal fondée dès lors que le recours au CDD était bien justifié par une cause prévue par la loi à savoir le remplacement d’un salarié ;

— Sur la relation de travail de 2006 à 2008 :

elle s’est faite dans le cadre d’une 'convention de portage salarial’ antérieure à la loi du 25 juin 2008 dont les dispositions ne lui sont pas applicables ;

après avoir recherché les éléments caractérisant un lien de subordination, la cour constatera que M. Y a toujours exercé en qualité de travailleur indépendant et qu’il a en parallèle multiplié les interventions en tant que salarié de diverses sociétés ;

les rémunérations versées étaient conformes au contrat de portage salarial du 17 janvier 2006 et l’intéressé ne démontre pas avoir travaillé à temps complet ;

M. Y a rompu cette relation contractuelle par courrier du 15 mars 2008 et la fausse procédure de licenciement subséquente est sans objet dès lors que cette 'prise d’acte’ entraînait la rupture immédiate du contrat ;

à titre subsidiaire les demandes de ce chef sont irrecevables en l’état de la transaction intervenue et à titre très subsidiaire l’intéressé ne démontre ni l’existence ni le quantum du moindre préjudice ;

— Sur la relation de travail du 01/04/2008 au 31/03/2011:

Les demandes présentées à ce titre sont irrecevables car les relations entre M. Y , travailleur indépendant, et la société ne sont pas de la compétence du conseil de prud’hommes dès lors qu’il n’existe aucun lien de subordination entre eux ;

à titre subsidiaire, il n’y a aucune volonté de sa part de se soustraire volontairement à ses obligations professionnelles et la demande de condamnation pour dissimulation d’emploi salarié doit être rejetée;

sur les rémunérations, M. Y a perçu l’intégralité des honoraires prévus et doit être débouté de l’intégralité de ses demandes de salaire et congé payé afférents et subsidiairement ne démontre l’existence ni d’un préjudice ni du quantum de celui-ci.

M. Y conclut à :

— l’infirmation du jugement déféré sur la requalification du contrat du 8 août 2005, et à la condamnation de la société à lui payer de ce chef :

1077,30 € d’indemnité de requalification,

1077,30 € de dommages-intérêts pour non respect de la procédure de licenciement ;

1077,30 € d’indemnité de préavis conventionnel ;

107,73 € de congés payés afférents ;

1077,30 € de dommages-intérêts pour licenciement sans cause ;

— à la confirmation des condamnations intervenues au titre de la période du 17 janvier 2006 au 28 mars 2008 ;

— à la confirmation de celles intervenues au titre de la période du 1er avril 2008 au 31 mars 2011 sauf en ce qui concerne :

le montant des congés payés pour l’ensemble de la période qu’il convient de fixer à 7382,90 €

les dommages-intérêts pour défaut d’information du droit au DIF omis par le conseil qu’il convient de fixer à 500 € ;

— En tout état de cause que soit ordonné sous astreinte de 100 € par jour de retard la remise des documents sociaux conformes à l’arrêt à intervenir (certificat de travail, l’attestation pôle emploi et bulletins de salaire) ;

— La confirmation de la condamnation à 900 € en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile et la condamnation de la société à lui payer 3500 sur le même fondement en cause d’appel.

Il fait valoir pour l’essentiel à l’appui de ses demandes que :

— En ce qui concerne le CDD, le nom du salarié remplacé n’est pas mentionné dans le contrat ;

— Pendant toute la relation contractuelle il a été la victime d’agissements particulièrement déloyaux de la société appelante qui a systématiquement refusé d’assumer sa qualité d’employeur en mettant en place dans un premier temps un portage salarial illégal puis en se libérant des contraintes du salariat dans le cadre d’une convention de sous-traitance tout aussi illégale après l’avoir licencié dans des conditions scandaleuses ;

— Plus précisément en ce qui concerne la première relation de travail à durée indéterminée du 17/01/2006 au 28 mars 2008 :

Le contrat dit « de portage salarial » est nul et lui est inopposable ;

Dans sa relation avec Soreco consultants il n’a travaillé que pour cet employeur et chez aucun client, condition pourtant requise dans le cadre d’un portage salarial ;

L’employeur a signé un « avenant de contrat à durée indéterminée classique» à son profit ;

Il a été victime d’un comportement stupéfiant de la part de son employeur notamment en ce qu’il a été systématiquement payé en dessous des minima conventionnels et a du participer illicitement aux frais de fonctionnement de l’entreprise ;

l’employeur n’a pas respecté la procédure de licenciement et celui-ci est totalement injustifié et dépourvu de cause ;

La transaction intervenue ne contient pas de concession en sa faveur et est nulle ;

il a été réengagé dès le lendemain de son licenciement par la même société en faux statut libéral ;

— Plus précisément en ce qui concerne la seconde relation de travail du 01/04/2008 au 31/03/2011 :

Alors qu’il travaillait prétendument à titre libéral il a en réalité été sous la subordination manifeste de Soreco consultants dans des conditions identiques à celles du précédent contrat de travail ;

Il ne travaillait que pour la société dans des conditions frauduleuses puisqu’il n’était pas déclaré comme salarié dans l’entreprise, ce qui constitue une dissimulation d’emploi salarié ;

La relation contractuelle doit être requalifiée en contrat de travail à durée indéterminée et à temps plein ;

La fin de cette relation de travail est intervenue le 31 mars 2011 à l’initiative de la société , sans respect de la procédure de licenciement et sans cause.

L’institution nationale publique Pôle emploi intervient volontairement à l’instance en sollicitant la condamnation de la société à lui payer « une somme représentant six mois d’allocations-chômage » sur le fondement l’article L 1235-4 du code du travail.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des prétentions respectives des parties, la cour se réfère au jugement du conseil de prud’hommes et aux conclusions écrites auxquelles elles se sont expressément rapportées lors des débats.

MOTIFS DE LA DÉCISION.

Sur la requalification du contrat du 5 août 2005.

La société appelante a expressément reconnu lors des débats devant la cour que la prescription n’était pas acquise et que la demande était recevable.

D’évidence ce contrat de 19 jours ne comporte ni le nom ni la qualification du salarié remplacé, ce qui justifie sa requalification en contrat à durée indéterminée, lequel a été rompu sans respect de la procédure de licenciement.

M. Y est donc en droit de prétendre de ce chef à la condamnation de la société à lui payer :

Une indemnité de requalification égale au minimum à un mois de salaire brut soit 1077,30 € ;

1077,30 € d’indemnité de préavis conventionnel outre 107,73 € de congés payés afférents ;

En l’absence de justification du moindre préjudice et en regard de l’évolution des relations entre les parties par la suite, 500 € de dommages-intérêts en réparation du préjudice causé à la fois par le non-respect de la procédure de licenciement et l’absence de motif de rupture, sur le fondement des dispositions de l’article L 1235-5 du code du travail.

Sur les autres relations contractuelles entre les parties.

L’existence d’un contrat de travail ne dépend ni de la volonté exprimée par les parties ni de la dénomination qu’elles ont donnée à leur convention mais des conditions de fait dans lesquelles est exercée l’activité.

Il y a contrat de travail lorsqu’une personne s’engage à travailler pour le compte et sous la subordination d’une autre, moyennant rémunération.

Le lien de subordination est caractérisé par l’exécution d’un travail sous l’autorité d’un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d’en contrôler l’exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné.

Le pouvoir de direction et de contrôle de l’employeur s’apprécie selon la nature de la profession exercée.

Quelle que soit la façon dont M. Y se présente aujourd’hui, la cour ne peut faire abstraction dans l’ analyse des relations contractuelles entre les parties de leurs échanges de correspondance notamment sous forme électronique dès avril 2005, qui font ressortir son projet de créer à terme son propre cabinet de consultant dans le domaine des ressources humaines et, dans l’attente, sa recherche d’une « structure d’hébergement» lui permettant d’ « adosser » ses propres activités en direction des institutions chargées de l’emploi comme l’ANPE.

L’association «2a2p » en 2005 puis le « Cabinet X (Accompagnement formation audit conseil) » en 2008 ont été les structures développés à cette fin par M. Y, parallèlement à ses relations professionnelles avec la société.

Par ailleurs il ressort sans contestation possible des pièces communiquées que M. Y, en même temps que l’activité en litige déployée en relation avec la société appelante :

a travaillé comme salarié en CDD pour Orange France Telecom à Paris entre septembre et décembre 2005 ;

a travaillé comme salarié en CDD à mi-temps pour l’ Union régionale CFDT LR en tant que « chef de projet » du 11/04/2006 au 13/04/2007 moyennant une rémunération mensuelle brute de 1400,88 € sur 13 mois ;

participait personnellement du 13 mars au 7 mai 2008 à temps plein en qualité de « tuteur » à un cycle de formation intitulé « plate-forme cadres » organisé par « CRP consulting », la convention de stage étant signé au nom de l’association «2a2p » ;

se positionnait comme « consultant GPEC » dans un courriel du 23 décembre 2009 (pièce n° 46 appelant) ;

assurait en 2008 et 2009 la promotion et la commercialisation auprès de divers organismes de formation du système informatique développé par son association « X conseil » correspondant à un «système de gestion des dossiers ANPE » ( n° 47 et 50 appelant) ;

bénéficiait le 23 avril 2009 d’une « lettre de mission » de Soreco consultants à l’en-tête «X » pour assurer 2 jours de formation « sur du logiciel Creadev » rémunérés 1000 € HT (pièce n° 52 appelant) ;

adhérait personnellement début 2009 à l’association « compagnie des formateurs» dont l’adhésion n’est ouverte qu’aux formateurs indépendants;

créait en avril 2010 le « club des auto-entrepreneurs de l’Hérault- CLUBAE34 » dont il devenait le président-fondateur.

Sur la période du 18 janvier 2006 au 28 mars 2008.

La qualification de la relation contractuelle.

Le portage salarial se caractérise par une relation triangulaire entre une société de portage, une personne, le porté, et une entreprise cliente :

Le porté est celui qui est à l’origine de la prestation qu’il aura à effectuer pour le compte de l’entreprise cliente : c’est lui qui se charge de la prospection des clients, de la négociation de la prestation et de son prix, puis de la fourniture de cette prestation à l’entreprise cliente. Il a nécessairement le statut de cadre et dispose d’un niveau d’expertise et de qualification tel qu’il s’accompagne nécessairement d’une autonomie dans la négociation de la prestation avec le client et dans l’exécution de cette prestation. Le choix de l’entreprise de portage salarial appartient au salarié porté.

Un contrat de prestation de services est conclu entre le client et la société de portage laquelle encaisse les honoraires versés par le client puis reverse au professionnel une rémunération sous forme de salaire, après retenu des frais de gestion et de la totalité des cotisations sociales (part patronale et salariale).

Seules peuvent pratiquer le portage salarial les entreprises dédiées exclusivement à cette activité, à défaut de quoi il s’agit d’un prêt de main-d’oeuvre illicite.

Cette forme d’emploi a été validée par les dispositions de l’article L 1251-64 du code du travail applicable à compter du 27 juin 2008, date d’entrée en vigueur de la loi 2008-596 du 25 juin 2008, les conventions antérieures restant soumises au droit commun .

La commune intention des parties était d’inscrire le contrat de travail à durée indéterminée du 17 janvier 2006 dans le cadre plus général de la convention d’adhésion du 21 juillet 2005 définissant les conditions dans lesquelles M. Y d’une part bénéficiait d’un «hébergement» chez la société, d’autre part devait rechercher des «missions » justifiant l’établissement de contrats de mission entre les parties précisant les moyens et conditions de rémunération affectés à leur réalisation.

Pour autant l’appréciation concrète des relations entre les parties démontre que non seulement le « contrat à durée indéterminée » du 17 janvier 2006 est bien explicitement un contrat de travail salarié soumis aux dispositions de la convention collective Syntec mais au surplus que c’est la société qui a candidaté auprès de l’ANPE et remporté le marché dont l’exécution constituait l’essentiel de l’activité de M. Y en son sein.

Elle ne peut donc prétendre inscrire cette relation dans le cadre d’un «portage salarial », les conditions d’un tel portage n’étant pas remplies.

Il s’en suit que les conditions dans lesquelles M. Y a travaillé moyennant rémunération au sein de la société, dans le cadre d’un service organisé par celle-ci, s’analyse en un contrat de travail à durée indéterminée de droit commun, sans qu’il y ait lieu de retenir l’utilisation abusive que prétend faire le salarié du document intitulé « requalification d’une convention de portage en CDI» portant la date du 17 janvier 2006 qui n’a manifestement rien à voir avec un avenant au contrat de travail signé le même jour.

L’horaire de travail.

En cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies il appartient au salarié d’étayer sa demande par la production d’éléments suffisamment précis pour permettre à l’employeur de répondre en fournissant ses propres éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié au regard notamment des dispositions des articles D. 3171-2 et D. 3171-8 du dit code.

Il résulte des dispositions de l’article L 3123-14 du code du travail que le contrat à temps partiel doit mentionner, outre la durée hebdomadaire ou mensuelle prévue, la répartition de la durée du travail entre les jours de la semaine ou les semaines du mois et l’absence d’écrit conforme fait présumer que l’emploi est à temps complet.

Cette présomption est une présomption simple qui permet à l’employeur de rapporter la preuve d’une part de la durée convenue, d’autre part que le salarié n’était pas placé dans l’impossibilité de prévoir à quel rythme il devait travailler et n’était pas tenu de se tenir en permanence à sa disposition.

L’employeur rapporte la preuve que l’intéressé bénéficiait de la plus grande liberté horaire et de la plus large autonomie dans l’exécution de son contrat de travail, comme le démontrent les prestations exécutées en parallèle au profit d’autres organisations ou entreprises.

Pour autant les premiers juges ont exactement relevé que le salarié avait été rémunéré d’une part sur une base inférieure au minimum conventionnel prévu pour la classification «2.2, coefficient 130 » par la convention collective Syntec visée au contrat de travail, d’autre part à temps partiel sans que le contrat de travail ne précise la durée exacte du travail convenue et sa répartition dans la semaine ou le mois.

Ils en ont exactement déduit que M. Y était en droit de percevoir, sur la base d’une rémunération à temps complet :

12'702,90 € de rappel de salaires 2006 outre 1270,20 € de congés payés afférents ;

15'350,68 € de rappel de salaires 2007 outre 1535,07 € de congés payés afférents.

Le jugement déféré doit donc être confirmé sur ce point, le seul fait que l’employeur rapporte la preuve que l’intéressé a travaillé du 11/04/2006 au 13/04/2007 pour la CFDT ne suffisant pas à établir la durée du travail convenue entre les parties au contrat de travail.

La rupture.

La « convention d’adhésion » du 21 juillet 2005 conclue « dans le cadre d’un portage salarial relatif à l’exécution de mission d’accompagnement pour le compte de l’ANPE » étant le contrat cadre dans lequel s’inscrit le « contrat à durée indéterminée » du 17 janvier 2006, la lettre du 15 mars 2008 par laquelle M. Y indique « je vous prie de prendre acte de la rupture de notre convention à 30 jours de la réception du présent courrier » est bien une prise d’acte de rupture du contrat de travail rendant sans objet la prétendue procédure de licenciement subséquente.

Non seulement cette « prise d’acte » ne mentionne aucun grief à l’encontre de l’employeur mais elle invoque comme seul motif de rupture le « projet personnel d’installation en tant que consultant indépendant » de son auteur et le souhait manifesté par celui-ci de « pouvoir continuer à exercer des missions de sous-traitance de conseil pour le compte de votre société à des conditions contractuelles à déterminer d’un commun accord », précisions sans aucun intérêt si ce courrier ne visait que la convention d’adhésion et non l’ensemble des relations contractuelles entre les parties.

Il est du reste remarquable que l’intimé réclame trois mois de préavis à compter du 1er avril 2008 tout en formulant une demande de rappel de salaires pour la même période.

M. Y s’abstient de prouver et même d’alléguer que ce document a été écrit sous la contrainte ou sous la pression de son cocontractant.

Il doit produire en conséquence les effets d’une démission.

Il y a lieu en conséquence, infirmant sur ce point le jugement déféré, de rejeter toutes les demandes liées à la rupture du contrat de travail à la suite d’un prétendu licenciement pour faute grave le 28 mars 2008.

Sur la période du 1er avril 2008 au 31 mars 2011.

Contrairement au « contrat à durée indéterminée » de janvier 2006, le «protocole d’accord » du 1er avril 2008 et son « avenant n°1 » du 1er janvier 2009 ne font aucune allusion ni à la convention collective, ni au portage salarial, ni au salariat, et insiste sur la qualité de « professionnel indépendant » de M. Y justifiant par ailleurs de son inscription en cette qualité auprès des organismes compétents.

Il a déjà été indiqué que M. Y jouissait de la plus grande autonomie dans l’exécution de son activité.

Sans autrement s’expliquer sur la cohérence entre son propos et son courrier de prise d’acte du 15 mars 2008, il se contente d’arguer de la poursuite de cette activité aux conditions antérieures sans justifier qu’il était soumis à un horaire de travail individuel ou collectif, que son travail était contrôlé par la société, qu’il était soumis au règlement intérieur en vigueur dans l’entreprise et que sa rémunération avait d’autres bases de calcul que son chiffre d’affaires, calculé dans les conditions prévues au protocole.

Par ailleurs il résulte des développements qui précèdent que pendant cette période l’intéressé développait son activité de travailleur indépendant, qu’il était membre de la « compagnie des formateurs » indépendants et qu’il était président-fondateur du club des auto-entrepreneurs, autant d’activités exclusives du salariat.

Force est donc de constater qu’en l’absence d’une part d’écrit faisant présumer un contrat de travail et d’autre part de lien de subordination, les parties n’étaient pas liées par un contrat de travail pendant cette période.

Il y a lieu en conséquence, infirmant en cela le jugement déféré, de rejeter les demandes en rappel de salaires présentés de ce chef ainsi que les demandes en dommages-intérêts au titre de la rupture d’un contrat de travail inexistant.

Sur l’intervention de Pôle emploi.

En l’absence de condamnation de l’employeur sur le fondement de l’article L.1235-3 du code du travail, il n’y a pas lieu à application des dispositions de l’article L.1235-4 et la demande de Pôle emploi doit être rejetée.

PAR CES MOTIFS

La cour ;

Confirme le jugement rendu par la section encadrement du conseil de prud’hommes de Montpellier le 28 novembre 2011 sur les rappels de salaires et de congés payés afférents à la période du 17/01/2006 au 28/03/2008 ;

Enjoint à l’employeur de délivrer un bulletin de salaire récapitulatif pour l’ensemble de la période ;

Infirme pour le surplus le jugement déféré et, statuant à nouveau ;

Dit la demande en requalification du contrat à durée déterminée du 5 août 2005 recevable et fondée ;

Condamne la société Soreco consultants SARL prise en la personne de son représentant légal en exercice à payer à M. Y, outre les intérêts au taux légal à compter du 23 août 2011, date de la première demande en justice :

1077,30 € d’indemnité de requalification ;

1077,30 € d’indemnité de préavis conventionnel outre 107,73 € de congés payés afférents, en brut ;

500 € de dommages-intérêts en réparation du préjudice causé à la fois par le non-respect de la procédure de licenciement et l’absence de motif de rupture ;

Rejette toutes les demandes liées à un prétendu licenciement pour faute grave par lettre du 28 mars 2008 ;

Rejette toutes les demandes fondées sur l’exécution d’un contrat de travail pendant la période du 1er avril 2008 au 31 mars 2011 et à sa rupture;

Y ajoutant ;

Rejette la demande de Pôle emploi ;

Condamne la société appelante aux dépens d’appel et à payer à l’intimé 1500 € en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT.

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Cour d'appel de Montpellier, 20 février 2013, n° 11/08971