Cour d'appel de Montpellier, 21 juin 2016, n° 15/00472

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Montpellier, 21 juin 2016, n° 15/00472
Juridiction : Cour d'appel de Montpellier
Numéro(s) : 15/00472
Décision précédente : Tribunal de commerce de Montpellier, 11 novembre 2014, N° 2013021704

Texte intégral

Grosse + copie

délivrées le

à

COUR D’APPEL DE MONTPELLIER

2° chambre

ARRET DU 21 JUIN 2016

Numéro d’inscription au répertoire général : 15/00472

Décision déférée à la Cour : Jugement du 12 NOVEMBRE 2014

TRIBUNAL DE COMMERCE DE MONTPELLIER

N° RG 2013021704

APPELANTE :

SARL FRANCE FINANCE CONSULTANTS 6 Rue Francisque Sarcey

XXX

Représentée par Me Alice DEMAN, avocat au barreau de Montpellier, avocat postulant et plaidant

INTIME :

Monsieur A B X

né le XXX à BEZIERS

de nationalité Française

XXX

XXX

Présent – Assisté de Me Nathalie JOUKOFF, avocat au barreau de Béziers, avocat postulant et plaidant

ORDONNANCE DE CLOTURE DU 28 Avril 2016

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 19 MAI 2016, en audience publique, Madame Y Z ayant fait le rapport prescrit par l’article 785 du Code de procédure civile, devant la cour composée de :

Monsieur Daniel BACHASSON, président

Monsieur Bruno BERTRAND, conseiller

Madame Y Z, conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : Madame Sylvia TORRES

ARRET :

— contradictoire

— prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile ;

— signé par Monsieur Daniel BACHASSON, président, et par Madame Sylvia TORRES, greffier, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PROCÉDURES-MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES.

M. X, exploitant une chaîne de magasins de commerce de chaussures de détail, est client depuis plusieurs années de la société France Finance Consultants (la société FFC), société spécialisée en conseil en placements financiers, gestion de patrimoine.

Courant 2008, il a investi les sommes de 100 000 et 35 000 euros, en acquérant par le biais de la société DOM-TOM défiscalisation (la société DTD) des parts de sociétés en participation (SEP) ayant pour objet de financer l’acquisition, en vue de la location dans les départements d’outre-mer, de matériels photovoltaïques et de biens industriels destinés à la production d’énergie renouvelable, à des entreprises exerçant leurs activités dans des secteurs éligibles aux dispositions de l’article 199 undecies B du code général des impôts.

Cet investissement productif entrait dans le cadre de la loi n° 2003-660 du 21 juillet 2003, dite « loi Girardin », relative à la défiscalisation dans les DOM-TOM, et devait permettre à M. X de bénéficier d’une réduction d’impôt de 218 519 euros.

Courant 2009, M. X a réalisé un investissement identique à hauteur de la somme de 47 784 euros, qui devait lui faire bénéficier d’une réduction fiscale de 79 130 euros.

Le 14 novembre 2011, M. X a reçu de l’administration fiscale une proposition de rectification de son impôt sur le revenu pour l’année 2008 avec fixation d’imposition complémentaire de 205 854 euros (169 426 euros en principal, 19 445 euros en intérêts de retard et 16 143 euros en majoration de retard), puis pour l’année 2009 une imposition rectificative de 137 078 euros (128 223 euros en principal, 8 719 euros d’ intérêts de retard et 136 euros en majoration retard).

Se plaignant de ce que la société FFC ne l’avait pas informé de la condition essentielle pour bénéficier de la réduction d’impôt au titre des investissements effectués, savoir la nécessaire condition de productivité et mise en service des matériels acquis au cours de l’année d’investissement opéré, et de l’absence totale de réalisation des travaux, M. X s’est rapproché de la société FFC.

Le 20 décembre 2011, celle-ci a réalisé une déclaration de sinistre auprès de sa compagnie d’assurance.

Le 10 août 2012, M. X a versé à l’administration fiscale les sommes de 205 854 euros et 137 078 euros.

Par acte huissier délivré le 12 novembre 2013, M. X a fait assigner la société FFC devant le tribunal de commerce de Montpellier en paiement, sous le bénéfice de l’exécution provisoire, de la somme de 340 854 euros avec intérêts au taux légal à compter du 14 novembre 2011 et capitalisation des intérêts, correspondant à l’imposition rectifiée au titre de l’année 2008 (205 854 euros) plus la perte des sommes investies à hauteur de 135 000 euros, outre 3 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Par jugement rendu le 12 novembre 2014 (dossier 2013/021704) le tribunal a :

Reconnu à M. X sa qualité de profane,

Dit que FFC a failli à son obligation d’information et de conseil et engagé sa responsabilité contractuelle,

Condamné FFC au paiement de la somme de 205 854 euros avec intérêts au taux légal à compter du 10 août 2012,

Condamné FFC au paiement de la somme de 2 000 euros sur le fondement 700 du code de procédure civile.

Par acte huissier délivré le 12 novembre 2013, M. X a fait assigner la société FFC devant le tribunal de commerce de Montpellier, en paiement, sous le bénéfice de l’exécution provisoire, de la somme de 184 862 euros avec intérêts au taux légal à compter du 14 novembre 2011 et capitalisation des intérêts, correspondant à l’imposition rectifiée au titre de l’année 2009 (137 078 euros) plus la perte des sommes investies à hauteur de 47 784 euros, outre 3 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Par jugement rendu le 12 novembre 2014 (dossier 2013/020556) le tribunal a :

Reconnu à M. X sa qualité de profane,

Dit que FFC a failli à son obligation d’information et de conseil et engagé sa responsabilité contractuelle,

Condamné FFC au paiement de la somme de 137 078 euros avec intérêts au taux légal à compter du 10 août 2012, et capitalisation,

Condamné FFC au paiement de la somme de 2 000 euros sur le fondement 700 du code de procédure civile.

Ces deux jugements ont fait l’objet le 16 janvier 2015, de deux décisions de rectification d’erreur matérielle (dossiers n° 2014/019485 et 2014/019488).

*******

Par déclaration du 19 janvier 2015, la société FFC a régulièrement interjeté appel du jugement du 12 novembre 2014 correspondant au dossier 2013/021704.

Ce dossier a été enrôlé au greffe sous le n°15/0472.

Par déclaration du 19 janvier 2015, la société FFC a régulièrement interjeté appel du jugement du 12 novembre 2014 correspondant au dossier 2013/020556.

Ce dossier a été enrôlé au greffe sous le n°15/0473.

Par ordonnance du 29 janvier 2015, les procédures enregistrées sous les numéros 15/0472 et 15/0473 ont été jointes sous le seul n° 15/0472.

Par déclaration reçue au greffe le 20 avril 2015, la société FFC a régulièrement interjeté appel des deux jugements rendus le 7 janvier 2015 correspondant aux dossiers 2014/019485 et 2014/019488.

Ces dossiers ont été enrôlés sous les n°15/3015 et 15/3020.

Par ordonnance du 30 avril 2015, les procédures enregistrées sous les numéros n°15/3015 et 15/3020 ont été jointes à la procédure enregistrée sous le n° 15/0472.

*******

Dans ses dernières conclusions reçues au greffe le 28 octobre 2015, la société FFC demande à la cour de réformer les jugements rendus le 12 novembre 2014 en toutes leurs dispositions et de :

Dire que M. X était averti dans la souscription de ce type de montage,

Dire que le redressement fiscal porte sur des éléments factuels,

Dire que la société DTD est la seule responsable,

Dire qu’elle n’est tenue qu’à une obligation de moyens et a rempli son obligation de conseil et d’information au jour de la souscription de l’investissement,

Dire que M. X avait, au regard des documents signés, parfaitement connaissance des risques fiscaux pouvant résulter des absences de mise en service des investissements productifs avant la fin de l’année de production,

Dire que le préjudice allégué est hypothétique, le dossier étant pendant devant le tribunal administratif de Montpellier,

Dire que sa responsabilité ne peut être recherchée qu’après une décision défavorable du juge fiscal,

À titre subsidiaire, surseoir à statuer le temps de la procédure fiscale,

À titre infiniment subsidiaire, dire que le préjudice ne saurait être supérieur à 54 000 euros pour l’année 2008 et 19 113,60 euros pour l’année 2009.

Elle soutient que :

— le redressement fiscal a pour source l’absence de branchement à ERDF des investissements, dont seule la société DTD est responsable,

— depuis 2006, M. X a recours à ce type d’investissement dont il connaît parfaitement les tenants et les aboutissants,

— son devoir d’information porte sur les caractéristiques du produit offert et son devoir de conseil sur l’opportunité du choix du produit proposé,

— il ne lui appartient pas, en sa qualité de gestionnaire, de dresser au jour de la souscription une liste de tous les événements aléatoires susceptibles de remettre en cause l’opération,

— en tout état de cause le dossier de présentation indique que l’opération est soumise au régime fiscal de l’article 199-B undecies du code général des impôts qui prévoit l’ensemble des conditions pour ouvrir droit à réduction d’impôt, dont le raccordement à ERDF avant la fin de l’année de souscription,

— M. X avait bien pris connaissance de ce que la société DTD ne garantissait pas sa participation dans telle ou telle SEP et qu’elle ne placerait les capitaux qu’au fur et à mesure de la collecte dans les dossiers,

— il ressort de l’avenant n° 1 à la convention d’exploitation et de l’attestation de LYNX industrie que M. X avait connaissance de la condition de l’obtention de la réduction d’impôt,

— le préjudice ne peut être supérieur à la perte de chance de choisir de faire ou de ne pas faire l’ investissement préconisé.

Dans ses dernières conclusions reçues au greffe le 28 décembre 2015, M. X demande à la cour de confirmer les jugements rendus le 12 novembre 2014 en toutes leurs dispositions et de condamner la société FFC à lui verser la somme de 4 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens dont distraction pour ceux d’appel au profit de Me Joukoff.

Il fait valoir que :

— il ne pouvait sans l’intermédiaire de la société FFC réaliser les investissements souscrits auprès de la société DTD,

— il n’est pas démontré que les investissements qu’il a réalisés antérieurement ( achat de véhicules utilitaires) étaient similaires, et en tout état de cause cela ne lui conférerait pas la qualité d’investisseur averti,

— la société FFC a failli à son obligation d’information, qui est une obligation de résultat, en n’attirant pas son attention sur la notion d’investissement productif,

— elle ne s’est pas renseignée sur la réalisation des travaux par sa mandante,

— il n’est pas justifié que la plaquette « principe du Girardin solaire » ait été portée à sa connaissance,

— l’attestation de garantie ne comporte aucune mise en garde particulière,

— l’avenant n°1 à la convention d’exploitation, qui n’est pas précontractuel, fait référence à la livraison du matériel et non à la notion d’investissement productif,

— le défaut d’information est directement à l’origine du redressement subi et donc du préjudice subi,

— le tribunal administratif n’a pas été saisi,

— son préjudice est donc égal aux redressements définitifs.

*******

La procédure a été clôturée par ordonnance du 28 avril 2016.

MOTIFS :

M. X, lorsqu’il a investi les sommes de 100 000 euros (le 22 février 2008), 35 000 euros (le 10 octobre 2008) et 47 784 euros (le 28 février 2009), a daté et signé quatre documents qui lui ont été remis par la société FFC, savoir : le dossier de présentation, le mandat de recherche confié à la société DTD, l’engagement de libération d’apport et la convention d’exploitation en commun.

Il est indiqué dans les dossiers de présentation remis à M. X que la société DTD, qui bénéficie d’une importante expérience en matière d’investissement productif relevant de la loi du 21 juillet 2003, propose à un certain nombre d’investisseurs de se réunir dans le cadre de SEP ayant pour objet la mise en commun des moyens nécessaires pour l’acquisition et la location dans les départements d’outre-mer de tout investissement productif neuf à des entreprises exerçant leurs activités dans des secteurs éligibles aux dispositions de l’article 199 undecies B, que chaque investisseur devenu associé des SEP pourra bénéficier, au titre de l’impôt sur le revenu de l’année au cours de laquelle les SEP acquièrent un bien productif neuf, d’une réduction d’impôt égale à 60 % du montant de l’investissement réalisé dans le secteur de la production d’énergie renouvelable en vue de sa revente à EDF et que l’octroi de cette réduction est subordonné à ce que les biens acquis soient donnés en location pendant une durée continue de cinq ans et que 50 % de la réduction d’impôt obtenue soient rétrocédés à l’entreprise locataire sous forme de réduction de loyer ou, le cas échéant, une minoration du prix de cession.

Le dossier de présentation énonce les avantages liés à la constitution de SEP, occulte à l’égard des tiers, l’identité des associés n’étant révélée qu’à l’administration fiscale ; décrivant ensuite le schéma fiscal et financier de l’opération, il précise que le gérant des SEP (la société DTD), par le réemploi des fonds apportés, complété par un crédit bancaire ou un crédit fournisseur, fera l’acquisition des matériels auprès de Lynx Industries, lesquels feront ensuite l’objet de contrats de location longue durée dans les DOM-TOM au bénéfice d’entreprises éligibles au dispositif de la loi Girardin, que chaque SEP ne pourra porter que sur des projets ayant une même date de démarrage, concernant un ou plusieurs matériels loués à un ou plusieurs locataires et que le montant des acquisitions réalisées par chaque SEP ne pourra dépasser une somme de 300 000 euros HT ; enfin, concernant le fonctionnement des SEP, il énonce que Lynx Industries facture le gérant de chaque SEP, acquérant les matériels en son nom et pour le compte des associés, encaisse une partie du montant de l’investissement et, soit consent un crédit fournisseur, soit se charge de négocier pour son compte un crédit bancaire, Lynx Industries s’engageant à accepter la délégation parfaite de paiement opérée entre le gérant de la SEP concernée et les locataires, sans exiger de clause de garantie du gérant de la SEP et/ou de ses associés en cas de défaillance des locataires.

Telle qu’elle est présentée, la sécurité juridique de l’opération résulte donc, essentiellement, de la constitution de SEP regroupant les investisseurs, inconnues des tiers à l’exception de l’administration fiscale, et de l’existence d’une délégation de paiement des loyers consentie au profit de Lynx Industries, de nature à entraîner l’extinction de l’obligation du gérant des SEP et de priver le fournisseur de tout recours contre le gérant des SEP et/ou ses associés ; la convention d’exploitation en commun, qui précise les missions de la société DTD, dispose dans son avenant n° 1 que l’objectif de DTD, avec les produits industriels qu’elle monte en SEP, est le risque zéro pour les investisseurs en défiscalisation et qu’elle est liée par une convention avec un courtier industriel, Lynx Industries, qui a fait une étude préalable des besoins des exploitants et assure le portage financier des matériels avant de les revendre aux SEP.

Il est mentionné, dans le dossier de présentation, que ce montage industriel a été étudié, corrigé et validé par le cabinet d’avocats fiscalistes « Acta Antilles » et que ce cabinet, dirigé par Me Alain Scheinkmann, ancien inspecteur des impôts et conseiller juridique, a émis une note de couverture juridique qui est à la disposition des conseillers en gestion de patrimoine qui commercialisent le montage financier en SEP, créé par Dom-Tom Défiscalisation SARL.

A cet égard, il est produit aux débats la note de couverture juridique rédigée le 12 mars 2007 par le cabinet d’avocats fiscalistes « Acta Antilles », qui confirme la faisabilité de l’opération de défiscalisation montée par la société DTD et l’absence de risque pour les investisseurs dans la mesure où le fournisseur, Lynx Industries, fait un crédit fournisseur à DTD pour le solde à financer, que pour couvrir son risque de crédit fournisseur, Lynx Industries, encaisse les loyers de l’exploitant par délégation parfaite sans recours des tiers, que pour éviter le risque potentiel des exploitants fragiles ('), Lynx Industries crée elle-même les sociétés d’exploitation de droit français dans les Antilles, dont elle a le contrôle à 100%, et qu’ainsi, elle peut garantir la pérennité de l’investissement pendant 5 ans et donc, le risque industriel et fiscal.

Dans le cadre de ses obligations en tant que conseil en gestion de patrimoine, la société France Finance Consultants se devait d’informer M. X sur les divers aspects économiques, financiers et juridiques de l’opération envisagée, de lui en décrire les avantages et les inconvénients eu égard à sa situation patrimoniale et au but poursuivi et de lui donner un avis complet et documenté, lui permettant de prendre, en toute connaissance de cause, une décision de gestion conforme à ses intérêts.

Contrairement à ce que soutient la société France Finance Consultants, M. X ne peut être considéré comme un client averti à l’égard duquel sa responsabilité éventuelle serait atténuée, au seul motif que celui-ci avait déjà réalisé ce type d’investissement, car d’une part sa profession d’exploitant d’une chaîne de magasins de commerce de chaussures de détail ne lui permettait pas d’appréhender tous les aspects de l’investissement proposé par la société DTD, et d’autre part les investissements réalisés précédemment par M. X en 2006 et 2007 se rapportaient à l’achat de véhicules utilitaires dont chacun connaît la notion, et qui est totalement différent de la nécessaire mise en productivité du matériel photovoltaïque et de la notion d’investissement productif.

La documentation remise à M. X, lors de la souscription de son investissement, ne présente que les avantages de l’opération de défiscalisation montée par la société DTD, n’envisageant la perte de l’avantage fiscal consenti aux investisseurs qu’en cas de défaillance des exploitants de centrales photovoltaïques, risque cependant couvert par la garantie de remboursement souscrite par Lynx Industries ; le risque de redressement fiscal lié à un investissement tardif après le 31 décembre de l’année en cours ou à un défaut de justification des investissements réalisés n’est envisagé que dans le document intitulée « principe du Girardin solaire », document que M. X conteste formellement avoir reçu et dont la société FFC ne démontre pas la remise effective.

La remise en cause par l’administration fiscale de la réduction d’impôt, dont a bénéficié M. X au titre des investissements réalisés en Martinique en 2008 et 2009, tient au fait que la société DTD n’a pas justifié la validité des informations portées sur les attestations délivrées aux investisseurs ; dans la proposition de rectification, notifiée le 14 novembre 2011, à celui-ci, l’administration relève qu’en 2008, la valeur déclarée en douane des matériels photovoltaïques à destination de Lynx Industries Caraïbes, société créée le 2 janvier 2008, n’avait été que de

465 718 euros, alors que 221 SEP avaient été constituées et que la société Lynx Industries Caraïbes avait facturé à chaque SEP 298 000 euros , soit un investissement égal à la somme de 298 000 x 221 = 65 858 000 euros ; pour l’année 2009, la valeur déclarée n’a été que de 98 745 + 122 227 = 220 972 euros alors que 258 SEP avaient été constituées, soit un investissement total de l’ordre de 298 000 x 258= 76 884 000 euros.

Il a ainsi été retenu une disproportion entre les fonds collectés et les matériels importés et l’absence d’investissements capables de fonctionner de manière autonome, puisqu’en 2008, seules trois demandes d’autorisation préalables de travaux avaient été faites en mairie entre le 22 octobre et le 31 décembre, qu’aucune déclaration d’achèvement, ni certificat de conformité délivré par l’organisme agréé consuel, n’avait été présenté par la société DTD, et qu’aucune demande de raccordement au réseau Erdf n’avait été faite, et qu’en ce qui concerne l’année 2009, 11 demandes d’autorisation préalables avaient été adressées aux mairies entre le 19 août et le 19 décembre, mais aucune déclaration d’achèvement, ni certificat de conformité délivré par l’organisme agréé consuel, n’avait été présenté par la société DTD, et qu’aucune demande de raccordement au réseau Erdf n’avait été faite.

La perte de l’avantage fiscal est due, non à la nature de l’investissement envisagé, consistant en l’installation de centrales photovoltaïques en Martinique, ou au montage juridique de l’opération de défiscalisation, mais au défaut de réalisation effective des centrales et à leur mise en service au cours des années 2008 et 2009, caractérisant l’absence d’un investissement productif neuf au sens de l’article 199 undecies B du code général des impôts.

La société France Finance Consultants, qui avait vocation à renseigner son client sur l’ensemble des aspects économiques, financiers et juridiques de l’opération et notamment sur les risques encourus en cas de non-réalisation de l’investissement productif neuf relevant de la loi « Girardin industrielle », ne justifie avoir entrepris, tant courant 2008 que 2009, aucune démarche auprès de la société DTD visant à vérifier le démarrage effectif en Martinique de la campagne d’investissements menés par Lynx Industries Caraïbes ; si elle l’avait fait, elle se serait nécessairement aperçue, alors que Lynx Industries Caraïbes avait été créée début janvier 2008, que d’une part pour l’année 2008, tant au 22 février qu’au 10 octobre, aucune demande préalable d’autorisation administrative de travaux, n’avait été faite, et que sur toute l’année aucune demande de raccordement au réseau Erdf, n’avait été déposée relativement à des centrales photovoltaïques effectivement installées et mises en service, et que d’autre part pour l’année 2009, aucune demande préalable d’autorisation administrative de travaux, n’avait été faite au 28 février, et que sur toute l’année aucune demande de raccordement au réseau Erdf, n’avait été déposée, ce qui était de nature à faire douter de la fiabilité du partenaire industriel pour mener à bien l’opération envisagée sur les deux années, dans des conditions permettant à l’investisseur de bénéficier de l’avantage fiscal escompté.

La société France Finance Consultants a donc non seulement proposé en février 2008, puis maintenu sa proposition en octobre 2008 et en février 2009, sur une opération de défiscalisation sans s’être préalablement renseignée sur la fiabilité du projet d’installation de centrales photovoltaïques en Martinique conduit par le groupe Lynx Industries, alors qu’existaient à cette date des éléments permettant de douter de l’aptitude de celui-ci à mener à bien les travaux sur le terrain.

Si le montage de l’opération était en lui-même sûr d’un point de vue juridique et fiscal, la fiabilité du partenaire industriel de la société DTD était, en revanche, douteuse lors de la souscription de l’investissement, ce que la société France Finance Consultants, qui se targue, sur son site Internet, d’être un conseiller indépendant, diplômé, compétent et responsable et de travailler avec des partenaires solides, aurait dû découvrir pour mieux conseiller sa cliente.

Le préjudice de M. X consécutif au manquement de la société France Finance Consultants à son obligation de conseil, relativement au risque de non-réalisation de l’investissement, correspond à la perte de chance de renoncer à un investissement hasardeux, et il sera donc évalué à la somme de 100 000 + 35 000 + 47 784 = 182 784 euros, somme versée lors de la souscription de l’opération, augmentée des intérêts de retards et majorations de retards payés au Trésor public à l’issue de la procédure de vérification par M. X soit, 19 445 + 16 143 + 8 719 + 136 = 44 443 euros.

La responsabilité de la société France Finance Consultants pour manquement à son obligation de conseil doit ainsi être retenue sur le fondement de l’article 1147 du code civil et celle-ci doit être condamnée à payer à M. X la somme de 227 227 euros à titre de dommages et intérêts compensatoires de son préjudice, somme qui portera intérêts au taux légal à compter du présent arrêt avec application des dispositions de l’article 1154 du code civil.

Le jugement entrepris doit en conséquence être infirmé dans toutes ses dispositions.

Au regard de la solution apportée au règlement du litige, la société France Finance Consultants doit être condamnée aux dépens de première instance et d’appel, ainsi qu’à payer à M. X la somme de 3 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

La cour,

Infirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions et statuant à nouveau,

Condamne la société France Finance Consultants à payer à M. X la somme de 227 227 euros à titre de dommages et intérêts, avec intérêts au taux légal à compter du prononcé du présent arrêt et application de l’article 1154 du code civil,

Condamne la société France Finance Consultants aux dépens de première instance et d’appel, ainsi qu’à payer à M. X la somme de 3 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

Dit que les dépens d’appel seront recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du même code.

LE GREFFIER LE PR''SIDENT

F. F.

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