Cour d'appel de Montpellier, 2° chambre, 19 décembre 2017, n° 15/08737

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Montpellier, 2° ch., 19 déc. 2017, n° 15/08737
Juridiction : Cour d'appel de Montpellier
Numéro(s) : 15/08737
Décision précédente : Tribunal de commerce de Béziers, 4 octobre 2015, N° 2015001647
Dispositif : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Sur les parties

Texte intégral

Grosse + copie

délivrées le

à

COUR D’APPEL DE MONTPELLIER

2° chambre

ARRET DU 19 DECEMBRE 2017

Numéro d’inscription au répertoire général : 15/08737

Décision déférée à la Cour : Jugement du 05 OCTOBRE 2015

TRIBUNAL DE COMMERCE DE BEZIERS

N° RG 2015001647

APPELANTS :

Monsieur A X

né le […] à […]

de nationalité Française

[…]

4470-418 MAIA (PORTUGAL)

Représenté par Me Anne SEILLIER, avocat au barreau de Béziers, avocat postulant

Assisté de Me VISTE, avocat au barreau de Béziers loco Me SELLIER, avocat plaidant

Madame B Z épouse X

née le […] à STRASBOURG

de nationalité Française

[…]

4470-418 MAIA (PORTUGAL)

Représenté par Me Anne SEILLIER, avocat au barreau de Béziers, avocat postulant

Assisté de Me VISTE, avocat au barreau de Béziers loco Me SELLIER, avocat plaidant

INTIMEE :

SA BNP PARIBAS

[…]

[…]

Représentée par Me Franck DENEL de la SCP DORIAVOCATS, avocat au barreau de Montpellier, avocat postulant

Assisté de Me USANNOZ-JORIS, avocat au barreau de Montpellier, loco Me DENEL, avocat plaidant

ORDONNANCE DE CLOTURE DU 02 Novembre 2017

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 786 et 907 du Code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 22 NOVEMBRE 2017, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Madame Brigitte OLIVE, conseiller, chargé du rapport

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Laure BOURREL, Président de chambre

Madame Brigitte OLIVE, conseiller

Monsieur Bruno BERTRAND, conseiller

Greffier, lors des débats : Madame D E

ARRET :

— Contradictoire

— prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile ;

— signé par Madame Laure BOURREL, Président de chambre, et par Madame D E, greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS et PROCEDURE ' MOYENS et PRETENTIONS DES PARTIES

M. A X, dirigeant et associé, et son épouse B Z, associée de la SARL BBOR, exerçant sous l’enseigne « Happy Baby », ayant pour activité la vente d’articles de puériculture et de vêtements pour enfants et bébés, se sont rendus cautions solidaires par acte sous seing privé du 27 août 2007, du remboursement d’un prêt de 225 000 euros (195 000 €+ 30 000 €) consenti à la société par la SA BNP Paribas (la banque), le même jour, dans la limite de 146 250 euros (50 % de l’encours en l’état d’une garantie Oseo).

La société BBOR ayant été placée en liquidation judiciaire par jugement du tribunal de commerce de Béziers en date du 18 novembre 2009, la banque a déclaré sa créance

entre les mains du mandataire judiciaire qui a été admise à titre privilégié à hauteur de 161 365,30 euros.

La banque a mis en demeure les époux X d’honorer leurs engagements de caution par courriers du 22 décembre 2009. Elle a accepté la proposition d’échelonnement de la dette faite par ces derniers, le 5 mars 2011.

Les époux X ayant diminué le montant des versements mensuels initialement convenus, la banque les a assignés devant le tribunal de commerce de Béziers par acte d’huissier du 4 mars 2015 en paiement de la somme de 93 805 euros (84 979 € + 8 826 €) chacun, augmentée des intérêts contractuels.

Par jugement contradictoire du 5 octobre 2015, assorti de l’exécution provisoire, le tribunal a statué en ces termes :

- dit et juge qu’au vu des éléments fournis par les époux X, la banque n’était pas tenue d’un devoir de mise en garde ;

- dit et juge que l’engagement de caution n’est pas disproportionné ;

- déboute les époux X de l’ensemble de leurs demandes ;

- condamne M. et Mme X à payer chacun à la banque, au titre de leurs engagements de caution de la société BBOR, la somme de 84 979 euros, outre intérêts conventionnels au taux de 4,35 % à compter du 17 février 2015 jusqu’à parfait paiement et celle de 8 826 euros ;

- déboute les époux X de leur demande de dommages et intérêts ;

- condamne les époux X à payer à la banque la somme de 600 euros, sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile outre les dépens de l’instance ;

- rejette toutes autres demandes plus amples ou contraires.

*********

M. A X et Mme B Z épouse X ont relevé appel du jugement par déclaration parvenue au greffe de la cour de ce siège le 23 novembre 2015.

Dans leurs dernières conclusions transmises au greffe le 17 février 2017, ils concluent à la réformation du jugement demandant à la cour de constater que la banque a manqué à son devoir de mise en garde, de la condamner au paiement de la somme de 187 610,16 euros, à titre de dommages et intérêts, d’ordonner la compensation avec les sommes réclamées et de rejeter les demandes de l’intimée. A titre subsidiaire, ils invoquent à l’appui des mêmes prétentions, l’excessivité de leurs engagements de caution. A titre infiniment subsidiaire, ils se prévalent du non-cumul de ceux-ci, étant solidairement tenus au paiement de la somme de 91 310,67 euros et sollicitent la réduction du taux d’intérêt au taux légal en application de l’article 1244-1 du code civil. En tout état de cause, ils réclament la condamnation de la banque à leur payer la somme de 2 000 euros (soit 1 000 euros chacun), sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Ils soutiennent pour l’essentiel que :

— la banque ne rapporte pas la preuve lui incombant qu’elle a assuré son devoir de mise en garde vis-à-vis de M. A X, gérant de la société BBOR, emprunteur non averti ;

— la banque ne les a pas mis en garde sur les risques de l’opération financée ;

— la banque a commis une faute en sollicitant une garantie manifestement disproportionnée aux revenus et biens de M. X, ce qui fonde également la demande de dommages et intérêts avec compensation entre les créances respectives ;

— leurs engagements de caution ne peuvent pas être cumulés, ce que la banque semble avoir admis puisque dans une lettre du 11 décembre 2013, elle a chiffré leur dette à 91 310,67 euros ;

— leurs revenus actuels sont peu élevés alors qu’ils ont à charge une enfant mineure, ce qui fonde la demande de réduction du taux d’intérêt.

*********

Dans ses dernières conclusions transmises au greffe le 7 mars 2016, la SA BNP Paribas a conclu au rejet des demandes adverses, à la confirmation du jugement sauf à assortir la condamnation au paiement de la somme de 8 826 euros, des intérêts contractuels de 4,25 % à compter du 17 février 2015 et à ordonner la capitalisation de ceux-ci. Elle sollicite la condamnation de chacun des époux X à lui payer la somme de 1 200 euros, au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Elle fait valoir en substance que :

— les époux X sont des cautions averties ;

— Mme X était comptable depuis plusieurs années et gérait une autre société commerciale (HDI) depuis 2004 ;

— M. X était également associé et dirigeant de la SARL Agprocess de 2006 à 2010 ;

— ils étaient également associés et dirigeants d’au moins 5 sociétés civiles immobilières et se sont portés acquéreurs de plusieurs biens immobiliers au travers de ces sociétés ;

— ils sont rompus au monde des affaires et détenaient toutes les informations utiles pour apprécier la portée de leurs engagements de caution ;

— elle n’était redevable d’aucun devoir de mise en garde à l’égard des époux X ;

— de plus, le prêt ne présentait aucun caractère excessif et les époux X sont totalement défaillants dans l’administration de la preuve, sur ce point ;

— en tout état de cause, la fiche remplie par les époux X lors de la souscription des engagements litigieux démontre qu’il n’existait aucune disproportion et qu’il n’y avait aucun risque d’endettement inconsidéré pour ces derniers ;

— il n’est justifié d’aucun préjudice en lien avec une perte de chance inexistante puisque le prêt était indispensable à l’activité de la société BBOR ;

— la sanction de la disproportion ne se résout pas en dommages et intérêts depuis l’entrée en vigueur de la loi du 1er août 2013, ce qui rend sans fondement la demande en ce sens faite par les époux X ;

— les deux cautionnements sont distincts et se cumulent ;

— la demande de taux réduit n’est pas applicable puisqu’aucun report de la dette n’a été sollicité ;

— les époux X ont déjà bénéficié de larges délais de paiement et ne justifient d’aucune possibilité sérieuse de remboursement dans le délai de deux ans imparti par l’article 1244-1 du code civil.

*********

La procédure a été clôturée par ordonnance du magistrat chargé de la mise en état du 2 novembre 2017.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la disproportion

Aux termes de l’article L. 341-4 du code de la consommation, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016, un créancier professionnel ne peut pas se prévaloir d’un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l’engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus, à moins que le patrimoine de cette caution, au moment où celle-ci est appelée, ne lui permette de faire face à son obligation.

Ainsi, la sanction du caractère manifestement disproportionné de l’engagement d’une caution est l’impossibilité pour le créancier professionnel de se prévaloir de cet engagement et ne se résout pas en dommages et intérêts, ce qui rend sans fondement la demande reconventionnelle subsidiaire en dommages et intérêts faite par les époux X, sur le fondement de la disproportion.

La charge de la preuve de la disproportion manifeste, au jour de la souscription de l’engagement, incombe à la caution.

Les époux X ont remis à la banque une fiche de renseignements sur leur situation financière et patrimoniale le 17 mars 2007.

Ils ont déclaré que :

— ils étaient mariés sous le régime de la communauté,

— M. X percevait des revenus annuels de 32 400 euros et Mme X des revenus annuels de 27 333 euros,

— ils étaient propriétaires d’un bien immobilier dont ils ont estimé la valeur nette à 297 500 euros (312 500 € -15 000 € [crédit restant dû]),

— ils détenaient 50 % des parts sociales de la SCI MLJ, propriétaire d’un immeuble dont la valeur nette a été évaluée à 50 325 euros ainsi que 33 % des parts sociales de la SCI Z, propriétaire d’un bien immobilier d’une valeur nette de 279 490 euros,

— leurs comptes-courants d’associés au sein de la société BBOR enregistraient un crédit de 149 000 euros.

En l’état de telles déclarations nullement contredites par les époux X, les engagements de caution souscrits en août 2007 et limités à 146 250 euros, ne sont pas manifestement disproportionnés à leurs revenus et biens.

Sur le devoir de mise en garde

Il est de principe que la banque n’est redevable envers la caution, eût-elle été avertie ou non, d’un devoir de mise en garde que si celle-ci démontre qu’à la date de l’engagement, le concours n’était pas adapté à ses capacités financières ou qu’il existait un risque d’endettement né de l’octroi du prêt.

Eu égard aux motifs ci-dessus développés, il n’existait aucune inadéquation entre le montant des engagements de caution et les capacités financières et patrimoniales des époux X.

Ces derniers qui se bornent à énoncer des positions jurisprudentielles ne fournissent aucun élément sur la prétendue excessivité du prêt consenti à la société BBOR, garanti par leurs cautionnements.

Faute pour les appelants de démontrer l’existence d’un risque d’endettement excessif né de l’octroi du prêt à la société BBOR, la banque n’était tenue d’aucun devoir de mise en garde envers eux, et ce, sans qu’il soit besoin d’apprécier leur qualité de cautions averties ou profanes. En toute hypothèse, c’est à juste titre que le premier juge a considéré que les époux X n’étaient pas profanes dans le monde des affaires au regard de leurs parcours professionnels et qu’ils avaient ainsi acquis une expérience leur permettant d’appréhender aisément les risques de l’opération financée par la banque.

Leur demande d’indemnisation et de compensation des créances réciproques sera rejetée.

Sur la créance de la banque

Conformément aux dispositions de l’article 2302 du code civil et dans la mesure où les actes litigieux visent « chaque caution » engagée à hauteur de 146 250 euros, la banque se trouve garantie à hauteur du cumul des deux plafonds cautionnés, dans la limite de 50 % des soldes de prêts restant dus admis au passif de la

liquidation judiciaire de la société BBOR et augmentés des intérêts au taux contractuel à compter du décompte du 17 février 2015.

Les époux X seront donc condamnés chacun à payer à la banque les sommes retenues par le premier juge, sauf à ajouter les intérêts au taux de 4,25% l’an produits par la somme de 8 826 euros.

Le jugement sera confirmé.

Il sera fait application de l’article 1154 ancien du code civil.

Sur les autres demandes

Les appelants ont bénéficié du fait de la longueur de la procédure de larges délais de paiement et ne justifient d’aucun plan d’apurement de leurs dettes en adéquation avec les dispositions de l’article 1244-1 ancien du code civil.

Leur demande de délais de paiement et de réduction du taux d’intérêt sera rejetée.

Succombant en leur appel, ils seront condamnés chacun à payer à la banque la somme de 1 200 euros, sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, verront leurs propres demandes, de ce chef, rejetées et supporteront solidairement la charge des dépens d’appel.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement et contradictoirement,

Confirme le jugement entrepris sauf à condamner chacun des époux X-Z à payer à la SA BNP Paribas, les intérêts au taux de 4,25 % produits par la somme de 8 826 euros, à compter du 17 février 2015 ;

Y ajoutant ;

Ordonne la capitalisation des intérêts dus pour une année entière ;

Condamne M. X et Mme Z épouse X à payer chacun à la SA BNP Paribas, la somme de 1 200 euros, sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

Déboute les époux X de leurs demandes fondées sur l’article 700 du code de procédure civile ;

Rejette toutes autres demandes ;

Condamne solidairement les époux X-Z aux dépens d’appel.

LE GREFFIER LE PRESIDENT

B.O

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